Une table pour deux. [FT Derek Hale]

Du monde. Plein de monde. Presque trop.

Pinte à la main, nourriture dans l'autre, elle cherche une place libre dans le pub. Elle est venue ici pour passer un moment calme, loin de la maison et de ceux qui y vivent. Amance a de toute façon refusé de la suivre, prétextant quelques copies à corriger et une soirée avec son homme. Wesley n'est pas d'humeur à rire, il est resté dans la phase des pleurs qui suivent une rupture. Parfois la nuit, Andy va le rejoindre dans sa chambre pour se caler sous ses draps et le consoler quand le libraire se réveille en sursaut. Elle l'entend parler dans son sommeil, son état ne s'arrange pas, bien au contraire il semblerait que tout cela ne fasse que s'empirer au fil du temps. Elle ne sait pas ce qui s'est passé entre son ami et l'enflure qui lui servait de petit copain, le blond garde un mutisme quasi religieux à ce sujet. Ce qui ne rend que plus étrange cette situation. Elle a cherché des marques de coups sur le corps de son ami, mais il semblerait que le type qui l'a blessé se soit contenté d'attaquer le cœur du blond. Et puis il y a Vicky. Gamine étrange, dont le comportement ne va pas en s'arrangeant. Ce weekend elle est absente, et s'est contentée d'un mensonge éhonté pour expliquer son départ pour Dieu seul sait où.

Alessandro n'est pas plus présent en ce moment. Il semble en action constante, le nez et l'esprit plongés dans des histoires dont la puma ne veut rien savoir. Elle ne s'inquiète pas, certaine que son homme sait ce qu'il fait, peu encline à en savoir plus sur les choses qui l'occupent lorsque le rideau de fer du Pink Print se baisse. Une visite au Fight Club l'a vaccinée sur ce point. La curiosité n'est pas toujours une bonne chose. Dans ce cas précis Andy sait qu'elle n'aimerait pas ce qu'elle pourrait découvrir, donc elle se contente de fermer les yeux sur ce que son loup fabrique.

Une fois sa note réglée, elle laisse son regard fouiller les lieux. Pour finalement se diriger vers la place libre la plus proche. Table pour deux personnes, donc l'actuel unique occupant est un homme brun aux larges épaules. La pinte et le grignotage de la blonde atterrissent sur la table, elle pose son derrière sur la chaise sans chercher à être discrète. L'homme lève les yeux vers elle et Andy a immédiatement envie de fuir cet endroit.

Monsieur Tampons, l'abruti du rayon pizza. Trou d'uc Hale. Un feulement s'échappe de la bouche de la puma. C'est sorti tout seul. L'endroit est suffisamment bruyant pour que ce genre de sottises passe inaperçu. Le regard du loup se pose sur elle, il ne semble pas être dans son assiette, si tant est que ce mec sache sourire. Elle ne fait aucun cas de ses yeux qui la fixent, avant de se baisser. Elle croise les jambes, puis attrape sa pinte avant de siffler une longue gorgée de sa bière brune. Il n'y en a pas de la comme ça à la maison. Mais elle sait qu'Amance l'adore.

La puma dégaine son portable, une bouchée de chips couvertes de fromage en cours de mastication. Elle prend en photo son verre, et l'envoie à son amie.

"Ma Sylvie voici ce que tu loupes."

Son portable vibre peu de temps après. Message de sa colocataire qui n'a pas perdu de temps pour lui répondre. Un mot que la puma ne comprend pas, du français. Certainement un nom d'oiseau peu charmant qui lui est destiné.

En face d'elle le louloup n'a pas ouvert la bouche sauf pour un soupir de lassitude loin d'être discret quand le téléphone de la blonde s'est mit à vibrer. Classe. Ce type est sûrement célibataire. Andy ne connait personne qui accepterait de se farcir un mec à l'expression faciale aussi agréable que celle d'une porte de prison. L'odeur qu'il dégage est navrante. Puissante par cette essence lupine dure à ignorer pour qui sait la reconnaître. Déprimante aussi. Sous le tissu blanc de sa blouse légère, Andy sent ses poils qui se hérissent.

D'une main décidée, elle pousse la barquette de nourriture dans la direction du loup. Il n'est sans doute pas méchant, mais la tristesse lorsqu'elle est trop grande peut engendrer de sacrés dégâts. La voix de la puma résonne, claque dans les airs alors qu'elle lâche quelques mots, un sourire chaleureux et voulu réconfortant agrafé sur le visage.

-Mange. On va mieux quand on a le ventre plein.

Elle est surprise quand le type lui sourit. Elle avait fait ça pour être polie, un peu gênée de devoir squatter une table déjà prise. Surtout avec cette première rencontre désastreuse. C'est bref, mais cela suffit à illuminer le visage du loup. Il gagne en sympathie, et Andy lui rend son sourire. Franc qui lui dévore une partie du visage. Après un bref remerciement, le silence refait son apparition. Autour d'eux ça vit, s'exprime avec plus ou moins d’enthousiasme. Ils doivent être la table la plus calme du pub, mais ils sont aussi sûrement les seuls à avoir du se mettre ensemble alors qu'il ne se connaissent pas.

Le loup prend son portable, Andy siffle une nouvelle gorgée de sa bière. Avantage de surnaturel non négligeable, l'alcool ne lui fait rien. Si on oublie les effets de la bière sur sa vessie. De temps en temps elle se sert, grignote par habitude. Laissant rarement à son organisme le temps nécessaire pour que celui-ci crie famine. Une serveuse passe près d'eux, le brun passe commande et c'est en baissant les yeux vers sa pinte déjà presque vide que la puma se dit qu'elle aurait pu également demander une nouvelle bière. De temps en temps son regard glisse sur son compagnon d'un soir. Il n'a pas l'air d'être le gars le plus causant qui soit. Elle engagerait bien la conversation, mais c'est prendre le risque de déverser sa diarrhée verbale sur ce monsieur Hale. Rien qu'en voyant la tête de sœur sourire de l'autre, Andy sait que cette idée est loin d'être bonne. Elle est presque surprise quand il se décide à ouvrir la bouche. Ajoutant un prénom et une profession aux informations que la puma détient déjà.

Conseiller financier. Le pauvre, même son job à l'air chiant comme les pierres. C'est pire que la fac de droit qui pourtant n'a rien de fun. Elle sourit quand il parle de sa nature lupine qui était bien dure à ignorer. Son odeur est puissante. Bien plus que celle d'Alessandro. Se rapprochant plus de celle du copain d'Amance. Son sourire grandit un peu plus alors qu'il lui parle de sa nature à elle. Alex avait été surpris quand elle lui en avait parlé, ne connaissant visiblement pas cette forme particulière de garou. Elle n'en a d'ailleurs pas croisé dans cette ville qui semble être le lieu de regroupement pour surnaturel en tout genre le plus prisé du coin.

Se penchant au dessus de la table, ignorant les nachos qui lui font de l’œil, elle répond à la question sur le ton de la confidence.

-Puma. Enfin nagual. Moins courant que les louloups dans les parages. Non mais franchement on vous paie pour vous faire venir dans cette ville ?

Elle rit un peu, c'est plus nerveux qu'autre chose. La bouche de Derek se coince dans une chose qui pourrait presque ressembler à un sourire, mais ce n'est pas naturel. Lèvres pincées, elle se reprend et tente de se présenter comme il se doit. En évitant les blagues pas drôles, s'épargnant un nouveau bide par la même occasion.

-Andy Turing. Je suis prof de yoga dans un dojo de la ville, et je bosse au journal. Quand je ne fonce pas dans les gens avec mon chariot.

Autant dédramatiser cette première rencontre désastreuse. Elle pourrait lui reprocher cette histoire d'avalanche au rayon hygiène féminine, mais s'abstient. Sur le coup elle lui en a voulu, s'est imaginée lui faire avaler des tampons jusqu'à ce que mort par étouffement s'en suive. Avant de se souvenir qu'elle prône la non-violence. La plupart du temps.

Avec Derek ils se fixent dans le blanc des yeux, visiblement sujet tout deux à un même dilemme : Comment relancer la conversation une fois le stade des présentations d'usage passé. Le regard de la blonde se fait plus morose alors qu'elle fixe le fond de bière brune qui repose dans son verre. Un soupir à fendre l'âme plus tard, elle ose. Se révélant plus en quête d'une oreille attentive qu'elle ne l'aurait cru.

-Tout seul dans un bar blindé de monde. Chez toi aussi c'est Déprimland ?

Entre la tête de Derek et cette solitude alors qu'autour de lui les gens s'amusent, c'est une déduction bien simpliste mais sans doute vraie qui vient d'échapper à la puma.

Il répond à sa question en lui renvoyant. Pas cool du tout. Lèvres scellées, elle ne moufte pas. Elle est prête à se livrer elle aussi, mais uniquement si les efforts sont faits des deux côtés. Gérer la discussion seule ce n'est pas drôle et franchement pourquoi livrer ses états d'âmes à une personne qui ne veut pas faire l’effort d'ouvrir la bouche pour lâcher plus de quelques mots. Elle baisse les yeux, fixe son verre presque vide, un léger sourire qui disparaît bien vite quand Derek se livre.

Elle note cette histoire d'aimant à surnaturel dans un coin de sa caboche. L'information la plus troublante reste ce départ. Dur de savoir si c'est définitif, si la personne partie est décédée ou bien si cette dernière s'est contentée d'aller voir ailleurs pour savoir si l'herbe y était plus verte. L'image de son frère traverse son esprit, sa propre fuite s'ajoutant au fil de ses pensées devenues soudainement bien plus sinistres. Elle sait qu'elle a fait du mal à ses parents en disparaissant à son tour. Ils ont perdu leurs enfants dans un délai si court, mais elle était incapable de rester à Phoenix.

Elle soupire, fixe le loup quand il termine, se dévoile un peu plus.

-On me dit chieuse de première. Faut pas écouter les gens. Ils ont souvent tord. Et c'est prendre le risque de se coller soi-même dans la case qu'ils nous ont attribuée.

Moue aux lèvres, elle attrape son verre, le vide d'une traite, passe une main sur sa bouche pour y essuyer la mousse qui vient de s'y déposer. Son regard fouille les environs, cherche une serveuse, puis elle agite la main quand elle trouve enfin. Derek se passe une main sur le front, semble se demander avec quelle cinglée il est en train de passer sa soirée. La spontanéité de la puma peut faire sourire comme énerver. Quand la serveuse approche, la blonde lui colle son verre vide dans les mains avant d'ajouter.

-La même et une pour monsieur s'il vous plaît.

L'employée de bar les fixe tout les deux, son visage rappelant une autre soirée à Andy. C'est ici qu'Alex l'a emmenée après leur rencard. Rencard qui s'était terminé sur un fond d'amitié, les amourettes d'adolescents trop timides pour se dévoiler laissant place à une nouvelle relation. Yeux plissés, Andy fixe la serveuse avant d'ouvrir la bouche pour se justifier.

-C'est pas mon mec. Juste un ami. Comme la dernière fois. Mais pas le même.

La compréhension se fait dans le regard de la serveuse, elle fixe à présent Derek d'un nouvel œil. Celui de la femelle avec le feu au cul. Andy tousse, gênée. Bye la godiche. Et coucou les confidences. Elle baisse sa voix, murmure la suite. 

-Je suis désolée pour ta meute. J'ai perdu mon frère récemment. Même si les pumas ne vivent pas en meute dans le sens véritable du terme, le cercle familial peut y ressembler. Je suis partie sans donner d'adresse à mes parents pour ne pas avoir à cumuler leur deuil et le mien. J'ai pour ainsi dire tout laissé, changé de vie de A à Z. Si je me plante je ne pourrais en vouloir à personne d'autre que moi. Et mes colocataires sont sympas, mais en ce moment on vit au milieu des kleenex.

Wesley et sa rupture. Amance et son Willou qui s'aiment comme des fous. Vicky ses mensonges et son abonnement au magazine de la NRA. La puma est arrivée à saturation, proche du pétage de câble dans les règles. Pour parfaire cette situation, Alessandro qui bosse beaucoup, dans le bar ou bien le nez dans ses affaires à la légalité douteuse. Un passage au fight club a suffit à la blonde, même si elle a très envie de passer un bon moment avec son homme elle ne veut pas s'infliger ça à nouveau. Et puis chez son loup ce n'est pas mieux, cette odeur dans les draps, qui persiste dans tout l'appartement, cela la rend parano. Lorsqu'il lui a parlé de relation sérieuse, il allait de soi pour la puma que cela signifiait aussi une certaine exclusivité. Mais il semblerait qu'elle soit la seule à penser de cette façon. Alors elle rumine, et préfère dormir dans les bras de l'italien quand c'est lui qui passe à la colocation. Pour ne pas être tentée de se lancer dans une discussion qui pourrait finir en dispute, voir bien pire.

-Enfin bref. T'es ma meilleure option. Alors grognon ou pas je te prend comme compagnon de beuverie ce soir.

Le sourire qui orne le visage de la blonde est léger, mais sincère. Une chose de moins en moins courante ces derniers temps.

La serveuse revient, avec les consommations et son sourire de godiche en prime. Andy soupire, constate que le manque de réaction de la part du loup n'a pas réussi à décourager la jeune femme. Derek semble se rendre compte qu'il est reluqué comme un morceau de viande sur l'étal de la luxure, attrape la main de la blonde qui ne perd pas de temps à comprendre la manœuvre et son intérêt. L'employée du bar tilte elle aussi, pose les commandes sur la table avant de partir sans demander son reste. Un simple sourire lui suffit pour faire comprendre au brun qu'il n'y a pas de soucis avec son geste. La puma lève sa chope, trinque avec sa nouvelle connaissance avant de plonger dans le liquide sombre à la mousse épaisse et amère.

Elle se passe la langue sur les lèvres pour nettoyer les traces de son forfait, une oreille attentive face au drame que Derek lui dépeint. Une abomination qui a vu périr une famille presque entière. Le cœur serré, la jeune femme encaisse la nouvelle, se dit que finalement le sourire de Derek ne doit pas être une chose habituelle pour ceux qui le côtoient. Elle se force à conserver le sien, en toute occasion. Souvent il se révèle faux, dissimule un mal être qui ne s'apaise jamais vraiment. Le vide laissé par son frère, celui qui est venu au monde quelques minutes après elle seulement. Celui qui aurait dû être son meilleur ami, dont elle s'est éloignée petit à petit. Pour conserver des regrets, ce sentiment de culpabilité qui bouffe les souvenirs heureux qu'elle a partagé avec lui. Elle n'ose imaginer la douleur que la perte peut provoquer quand elle est étendue à une famille complète, refuse d'imaginer quelle personne elle serait si elle avait perdu les siens.

Incapable de jouer la carte de l'hypocrisie, de parler de compréhension alors qu'il lui est impossible de se mettre à la place de Derek, elle reste muette. Son sourire se fane. Des chasseurs. Cela sonne comme les sornettes que sa mère a tenté de leur faire entrer dans le crâne à elle et Taylor. Des histoires de personnes suffisamment folles et haineuses pour tuer leur prochain avec pour seule mobile la différence.

Son esprit s'égare. Elle se redresse pour répondre à la question du loup.

-Cartel mexicain.

Les sourcils du brun tentent une ascension sur son front. Un nouveau membre au club des propriétaires de sourcils mobiles. La puma, Alex, Amance. Le petit groupe se fait plus grand qu'elle ne l'aurait cru. Face à l'incompréhension, elle continue, explique.

-Il a fait pas mal de conneries. Qui sont devenues de plus en plus grosses. J'ai failli y passer en voulant coller ses tueurs devant la loi et ne dois ma survie qu'à mon petit ami. Je suis trop têtue pour mon bien.

Elle l'est toujours. Veut toujours sa vengeance, donner des réponses à ses parents. Pousser les meurtriers de son frère en prison, ou au cimetière si cela était nécessaire. Mais la leçon à suffit à calmer ses ardeurs pour l'instant. Ces gens la pensent morte, elle a donc le temps de formenter une nouvelle attaque. En se protégeant mieux cette fois. La mort de Jeff est sans doute arrivée dans les oreilles de certains. Un flic véreux, peut être même en lien avec la mort de Taylor. Elle se passe une main sur le front qui termine sa course dans ses longs cheveux blonds. Un soupir de plus et elle fixe le loup, des questions plein les yeux.

-Les chasseurs. Crois moi si tu veux, mais il y a cinq minutes je pensais que ce n'était rien de plus qu'une histoire pour faire flipper les enfants. Un truc raconté par ma mère pour éviter que moi et mon frère sortions nos crocs au jardin d'enfant à la moindre contrariété. Et là tu es en train de me dire que ces tarés existent vraiment ? Dans cette ville par exemple. Il y en a qui traînent à l’affût pour brûler des maisons et tuer des innocents ?

Elle commence à angoisser alors qu'elle monologue, son rythme cardiaque s'emballe, son débit de paroles se fait plus vif, presque incompréhensible. Sa main se serre, griffes qui commencent à se dévoiler alors qu'elle pense aux gens avec qui elle vit. Des humains qu'elle met peut être en danger rien qu'en les côtoyant. Shin, Alex. Des personnes auprès desquelles elle se sent bien. Suffisamment pour agir de façon naturelle, ronronner sans vraiment s'en rendre compte, se faire câline comme seule une féline peut le faire. Elle a déjà entendu Wesley la comparer à un gros tigre pataud. Elle ferme les yeux, terrorisée alors qu'elle commence à perdre le contrôle, chose trop rare pour qu'elle sache réellement se maîtriser.

-Je... Je vis...Je bosse avec des humains... Mon homme. Il est comme toi. Est ce que ces gens vont s'en prendre à eux ?

Sa voix tremble. Elle serre les poings pour camoufler sa manucure devenue primaire. Autour d'eux c'est bondé de monde, ce n'est pas le moment.

Elle doit lutter contre son instinct pour ne pas dégager violemment la main de Derek quand cette dernière se pose sur la sienne. Il ne veut rien d'elle, juste l'aider et rien de plus. Elle tente d'inspirer plus sereinement, de faire sien ce sentiment de quiétude qui s'échappe du brun. De faire naviguer ces mots qu'il prononce jusqu'à sa propre cervelle. Quand elle se décide à ouvrir les yeux à nouveau, elle devine à travers ceux de Derek qu'ils ont conservé leur humanité. Ses lèvres se fendent d'un sourire timide pour répondre à celui que lui offre le brun.

C'est un tremblement nerveux qui secoue ses épaules quand il lui propose de lui donner son numéro de téléphone. Andy opine du chef, ne sachant même pas a qui parler de cette découverte. Ses colocataires se retrouvent hors jeu immédiatement au vu de leur ignorance, ou connaissance trop faible du monde surnaturel. Ce serait s'infliger un moment douloureux en devant leur déballer toute la vérité à son sujet, prendre le risque de les effrayer pour finalement les voir s'éloigner d'elle. Alex pourrait être une option mais il a déjà du mal à digérer le fait qu'elle soit en couple avec l'italien. Son ancien crush du lycée a été plus que surpris par ce revirement dans les sentiments de la blonde envers le loup avant de se mettre à bouder. Elle se dit que dans la tête du scientifique, elle est peut être passée du côté de leur ancien ennemi commun. En proie à un lavage de cerveau ou un truc du même genre. Alors que c'est le cœur de la puma qui la fait s'accrocher de cette façon à l'italien.

Alessandro c'est autre chose, il a assez de soucis à gérer de son côté sans qu'elle ne prenne la peine d'en rajouter. Quand elle y réfléchit la blonde se dit que ce dernier est certainement au courant pour l'existence des chasseurs. Sans être moqueur il serait capable de noter encore une fois la naïveté sans borne de la puma. Facile à vexer elle n'ose imaginer les contrariétés que cela pourrait créer chez elle. Deux caractères forts. Des non-dits bien gardés au fond de l'esprit de la blonde au sujet de la fidélité probablement défaillante de celui qu'elle aime. Une situation explosive pourrait vite faire son apparition, et elle n'est pas prête à prendre le risque de se disputer avec lui. Elle a peur qu'il parte, qu'il s'éloigne d'elle.  Comme après la montagne et cette cabane. Comme après ce qui s'est passé dans sa chambre alors que la lune éclairait le ciel de sa rondeur, donnant tout contrôle à un loup sauvage. Loin de l'image d'homme civilisé que dégage Alessandro en temps normal.

Derek lui demande comment s’appelle son homme, en lien direct sans le vouloir avec les songes de la jeune femme. La réponse quitte la bouche d'Andy, aussi fluide que de l'eau.

-Alessandro Amaro. Il est pas super en phase avec son propre loup, donc je pense pas qu'il soit vraiment connu pour ça.

Andy soulage sa bière d'une gorgée, puis une autre. Elle ravale le rot qui monte dans sa gorge, faisant naître des gargouillements à travers celle-ci. Sa langue glisse sur ses lèvres, elle soupire avant de finalement dégager sa main de celle de Derek. Ce n'est pas que cette situation est dérangeante, mais elle a besoin de sa seconde main pour aller piocher dans la nourriture, enfouissant de larges morceaux de nachos couverts de fromage dans sa bouche continuellement affamée.

-Donc il vit plus comme un humain.

Il tue même comme un humain d'après ce qu'elle a vu. Les attributs lupins de son homme sont en général dissimulés à la face du monde. Il semble même prendre grand soin de se les cacher à lui même. L'animal et l'homme ne forment pas une seule entité comme c'est le cas pour la blonde et tout les surnaturels qui avaient croisé sa route avant qu'elle ne fasse la rencontre de l'italien. Elle redresse la tête, glisse un de ses doigts barbouillé de fromage entre ses lèvres, prête à passer au suivant quand elle se fige en voyant l'expression presque surprise de Derek.

Elle pousse un peu plus sur ses sens primaires, plus sensibles qu'à l'accoutumée malgré l'action du brun, sur le qui-vive malgré elle. La surprise se confirme.

-Tu as l'air de le connaître. J'ai peut être parlé trop vite en fait. Il tient un bar en ville, mais je ne voulais pas aller le déranger ce soir.

Elle voulait aussi éviter que cette soirée se termine par une nuit dans l'appartement de son homme. Endroit où règne en maître dans le moindre recoin l'odeur de l'autre. Femme ou très jeune homme à la fragrance en manque de virilité, elle ne le sait même pas. Tout comme elle ne sait pas qui était dans le vie de l'italien en premier. Peut-être est-ce elle qui est tombée amoureuse de l'homme d'une autre personne sans le savoir. Son sourire se fane un peu, même si elle fait de son mieux pour ne pas laisser son humeur morose se faire une place dans la discussion qu'elle est en train d'avoir avec Derek. Ces foutues bestioles sont comme elle, dotées d'un odorat trop puissant et d'une capacité à décrypter les émotions qui peut déjouer toute tentative de dissimulation. Toutefois elle ose espérer que Derek trouvera juste de ne pas souligner son brusque changement d'humeur.

Le sourire de la puma se fige quand elle comprend que si Alessandro n'est pas un inconnu dans l'esprit de Derek, ce n'est pas pour de bonnes raisons. Loin de là. À croire que la réputation de l'italien le précède partout où il va. La mention des forces de l'ordre fait frissonner la jeune femme qui n'ose pas penser à ce qui se passerai si l’italien devait se faire attraper, preuves à l'appui.  Prison, pire peut être. Sûrement même. Andy est certaine qu'on ne laisse pas des gens du milieu se faire attraper sans s'assurer qu'ils ne diront rien sur leurs activités. Le risque est trop grand. Ses cours de droit encore fraîchement imprimés dans sa mémoire lui prouvent bien que cela ne finit jamais bien. Des affaires qui tournent mal. Des prisonniers qui finissent égorgés entre deux couloirs. Des gardiens qui ne mouftent pas. La pression mise par les fédéraux. Le visage de la blonde se vide de son sang alors qu'elle imagine le pire. Perdre son homme à cause de ce milieu qu'on ne peut laisser de côté une fois qu'on l'a embrassé.

Elle tente de reprendre contenance, son état n'allant pas en s'améliorant. Elle soulage sa pinte de quelques gorgées de bière amère, remercie mentalement Derek qui visiblement a comprit sans mal qu'il touchait un sujet sensible. Et essaie à présent de faire dévier la conversation sur un sujet plus léger. Enfin façon de parler. Andy soupire alors que le loup parle de ce Chad et de son mec qu'Alessandro a aidé à sauver. Elle est prête à parier que l'italien avait quelque chose à gagner là dedans. Même s'il a sauvé la puma, la sortant du mieux qu'il le pouvait des ennuis dans lesquels elle s'était elle même fourrée en voulant venger son frère, elle sait qu'il n'est pas non plus l'archétype du preux chevalier.

Son regard fuit son vis à vis quand il souligne le côté protecteur d'Alessandro. Ça elle en est bien consciente. Elle rougit, confirme ce fait sans mal tout en gardant ses lèvres closes. Pour la possessivité et la jalousie par contre c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Mais il est hors de question que la puma ne s'exprime à voix haute à ce sujet. Cela ne rendrait les choses que plus vraies, impossibles à ignorer. Et elle ne connait pas assez Derek pour se confier à lui à propos du sujet épineux qu'est la infidélité présumée de l'italien. Soudainement la puma se sent de moins en moins à l'aise. Regrette ses barres de chocolat et sa couette qu'elle a décidé de quitter ce soir pour ne pas déprimer seule dans son coin. Voir des gens pour aller mieux. Ne pas entendre Amance qui déblatère sur son couple parfait, son petit ami parfait... Mais ce soir la discussion prend une pente glissante. Andy se rue sur la porte de sortie qu'offre Derek à ce moment sérieux. Elle fixe le brun, surprise par la proposition de celui qui s'est, il y a peu de temps encore, décrit comme grognon. Enfin sur celui que les gens voient de cette façon.

La puma a de plus en plus de doutes à ce sujet. Un sourire éclaire le visage de la jeune femme alors qu'elle finit par laisser son propre rire la surprendre.

-Selon l'avis général je chante faux moi aussi. Quand j'étais cheerleader au lycée, on me demandait de ne pas scander trop fort pour éviter de déranger le reste de l'équipe.

Derek la fixe, sourcils haussés alors qu'il était sur le point de plonger dans sa pinte. Leurs regards se croisent, la blonde le met au défi de se moquer. Il soupire et finit par prendre une gorgée de sa bière. C'est à cet instant que la jeune femme se décide à lancer une nouvelle pique.

-Derek. Toi et ton sourire auriez fait un tabac avec une paire de pompons. J'ai toujours les miens si la reconversion t'intéresse.

Le loup s'étouffe avec sa bière. Nouveau sursaut d'hilarité chez la jeune femme bien décidée à tromper sa déprime par tout les moyens.

[...]

La musique résonne dans le karaoké. Des chanteurs plus ou moins talentueux se succèdent. La puma fouille dans son téléphone portable, cherche LA chanson qui fera plaisir à Derek. Ou en tout cas celle qui va rendre leur auditoire fou. Le loup se penche vers la blonde, tente de voir ce qu'elle a commencé à noter sur son bout de papier. Andy plaque une main dessus.

-Copie pas.

Les sourcils froncés, Derek retourne à sa tâche. Se fige, puis après un regard en direction de la blonde se met à écrire. Ça y est. Elle craint le pire.

-Rassure moi tu connais tes classiques ?

Le loup se redresse, tout deux ils se fixent. Puis Andy brandit son bout de papier sous le nez du brun de façon à ce qu'il puisse lire ce qu'elle a prévu pour eux deux.

-On va être les reines de la danse.

[...]

Andy fait des bulles dans son mojito. Le loup semble attendre son heure comme un condamné attend qu'on le mène au pilori. Pourtant il se redresse sans mal quand on appelle leurs deux noms et que la blonde lui attrape la main pour l'emmener avec elle en direction des micros sous les applaudissements des innocents qui ne savent pas encore ce qui les attend.

Dos au public, en train de reprendre la pose exacte à quelques détails près du clip, ils se lancent tout les deux sur cette chanson qu'on ne peut qualifier que de classique. La puma chante aussi faux que prévu, faisant de son mieux, même si sa voix trop aiguë lui ruine les tympans et certainement ceux du loup présent à côté d'elle. La surprise, c'est Derek qui malgré ce qu'il avait affirmé dans le bar précédent, se débrouille bien. Soit il s'est montré trop modeste, soit cette déclaration sur ses talents de chanteur inexistants n'était qu'un vil mensonge.

La puma sourit, massacre ABBA avec entrain alors que le loup tente quant à lui de sauver les meubles. Cela créé un drôle de mélange, mais n'altère en rien le sourire de la blonde. Le brun sourit également, il avait clairement besoin de se détendre lui aussi ce soir. Malgré leurs déprimes respectives, ils sont en train de réussir à se tirer vers le haut l'un l'autre. Quand entre deux rires, il parviennent à terminer leur chanson, la fin sublimée par une catastrophe auditive due à la puma qui prend garde à bien tenir la note, ils saluent sous les applaudissements du public.

Derek garde le micro en main, parle de classique à la puma. Les sourcils de la blonde font une ascension sur son front. Elle n'est pas prête pour un deuxième morceau du même genre, mais la mine apeurée du loup quand elle lui avait montré son choix, lui fait penser qu'ils partent sur un tout autre style musical.

Quelques notes ne suffisent pas à la puma pour reconnaître la chanson suivante. Derek commence seul, doucement, sa voix grave souffle les mots qui vont avec la mélodie qui se fait entendre dans le karaoké, un poil hésitant. Sourire aux lèvres, Andy se joint à lui elle aussi, quand à la fin du premier couplet elle est certaine d'avoir reconnu ce tube d'un groupe dont elle a pourtant oublié le nom. Elle tente de donner à sa voix une douceur qu'elle ne se connait pas lorsqu'il s'agit de chanter. Presque timide, de peur de chanter trop fort, trop faux pour ruiner ce que le loup fait près d'elle.

Lorsque à la fin de la chanson choisie par Derek, ils saluent sous une salve de nouveaux applaudissements, Andy rougit un peu malgré elle. Quand il descendent de la scène, leurs micros rendus en attente de chanteurs en herbe, elle serre Derek contre elle. Se hisse sur la pointe des pieds, colle ses lèvres contre son oreille. Le loup n'avait visiblement pas vu cette proximité impromptue arriver, se tend un peu alors que la minette trop tactile murmure à son oreille.

-Nia nia nia, je ne sais pas chanter... Mais bien sûr.

Elle pose ses lèvres sur la joue mal rasée de Derek, puis s'en éloigne un sourire moins éblouissant que d'habitude affiché sur le visage, mais sans doute bien plus sincère que ceux qu'elle offre à ceux qui la côtoient au quotidien en ce moment.

-Merci pour ce soir. J'avais besoin d'un ami et je ne le savais même pas en sortant de chez moi. Et je n'aurais jamais cru que ce serait l'abruti du rayon pizza qui jouerait ce rôle. Donc merci. Vraiment.

À vrai dire, à part Alex elle n'a pas grand monde à qui confier ses états d'âmes sans filtre dans cette ville. Ses colocataires sont adorables, mais entre un Wesley au plus bas, et une Amance au plus haut elle se sent mal à l'aise. Elle n'est pas assez proche de Vicky pour lui parler de ce qui la tracasse. Et ne veut pas percevoir des regards de pitié de la part des gens avec qui elle vit. Derek est parvenu à lui ramener un peu de baume au cœur le temps de quelques bières et chansons. Sans un mot de plus, la puma retourne à leur table, attrape son verre et le soulage d'une longue gorgée, faisant descendre le niveau de la mer mojito à grande vitesse.

[...]

Derek a tenu à la raccompagner chez elle, pas si loin du prince charmant en fin de compte le loup qui se dit grincheux par nature. Cela rassure Andy, même si elle s'est empressée de souligner l'inutilité de ce geste. Mais elle n'a pas envie de dormir chez Alessandro ce soir, pas envie de l'aimer dans cette pièce qui respire la trahison. L'autre y est peut être en plus, en train de coller son odeur sur l'italien, dans les draps et la salle de bain. La puma n'est pas prête pour ça, n'a pas envie de se miner un moral fraîchement revenu. Demain peut être. Faire passer l'homme qu'elle aime après son bien être, juste le temps d'une soirée. Devenir égoïste pour ne pas finir cinglée.

Ils sont au niveau de l'allée située devant la grande maison qui est devenue avec le temps et au fil des arrivants, la maison du bonheur, à quelques exceptions près. Andy lève les yeux vers Derek, sourit, alors qu'elle tend une de ses guibolles vers le haut pour retirer le premier de ses escarpins. C'est bientôt le tour du second, la puma vient de perdre une dizaine de centimètres en quelques secondes. Cela fait rire le loup qui la charrie sur sa petite taille, la blonde le menace d'une de ses chaussures.

-Tout ce qui est petit est gentil. Alors une dernière bière avant de partir ça te tente ? Je dois avoir quelques brunes qui restent dans le fond du bac à légumes.
-Non y en a plus. Faut que tu retournes aux courses 'Dy.

Andy sursaute quand la voix de Wesley retenti, elle tourne la tête vers le blond. Le garçon sérieux commence de plus en plus à se laisser aller. Aucune amélioration dans son cas depuis sa rupture. Il sent le bouc, traîne en calbut dès qu'il rentre à la maison. Une larve en moins réactive. La puma soupire, puis fait de rapides présentations.

-Derek, je te présente Wes. Un de mes colocs. Wes, c'est...
-J'ai pas besoin que tu me présentes un remplaçant à Tobias.

Nouveau soupir, Derek tente de faire comprendre que non, il ne vient remplacer personne. Andy se mord la langue pour ne pas recadrer le blond. Le libraire se met à geindre et la voix de la professeure de yoga se fait entendre, claquant dans les airs. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. 

-Derek est gentil, ne l'ennuie pas. Va donc chialer tout seul sur le départ de ton vieux con !  

Elle vient de rentrer au bercail et c'est déjà le retour des ennuis. Andy commence à regretter de ne pas être allée chez Alessandro pour finir ce qui était partit pour être une bonne soirée. Au regard désolé de Derek elle sait que cette bière ne sera pas bue ce soir. Le loup a déjà des ennuis et si elle peut éviter de lui mettre les siens dans les pattes, ce ne serait pas plus mal. La porte de la maison se referme sur le vendeur de livres qui vient de gagner en vocabulaire. La puma préfère voir le comportement de Wesley comme étant quelque chose de positif. Au moins il bouge, et vient de se trouver un nouveau but dans la vie. Grogner après la blonde.

-C'est un garçon très gentil normalement. Un garçon très gentil qui met des pantalons, en ce moment c'est juste un peu spécial.