Brumes du futur : Kitsune Meute & Clan : Turner's familly Âge du personnage : 250 ans
Alias : Le renard des marées Humeur : Calme Messages : 197 Réputation : 61 Localisation : Beacon Hills
Sujet: La curiosité est la perdition des fauves Mar 30 Juin 2020 - 17:57
La Curiosité des Fauves
Lorsque le grand horizon lui manquait trop, que l’appel du large se faisait trop fort, Tama’Rangi s’était quittait le centre-ville achalandé de Beacon Hills pour passer la nuit à l’extérieur. Dormir à la belle étoile était l’une de ces petites joies simples qui avaient le mérite de garder un homme vivant dans son âme. Rêvasser au gré des flots, les yeux voguant entre la lune et les ténèbres au gré des caprices de ses paupières, transcendait ce bonheur en quelque chose de divin pour le géant des îles, qui replongeait ainsi en adolescence. Bien qu’il ne soit pas de nature mélancolique, le renard savait parfois se laisser bercer par d’émouvants souvenirs et leurs propriétés curatives.
C’était aussi l’un des meilleurs moyens, seul en mer, loin des bruits artificiels du continent, qu’il parvenait le mieux à réfléchir et régler les rares soucis qui pouvaient se poser sur le sillon de la vie, nonchalante dérive, du mélanésien. Il parvenait également à échapper à l’air stagnant et aride des périodes de sécheresse, qui rendait le coeur de la bourgade étouffant et invivable pour sa personne. Paradoxalement, Tama était un être de bonheurs simples, facile à vivre, et qui savait s’adapter à presque tout, mais lorsque l’on tombait dans les rares créneaux qui l’insupportaient, il devenait agité, impardonnable et animé d’une fougue vindicative. Aussi valait-il mieux qu’il s’éloigne de ces conditions terribles par lui-même pour se recentrer et retrouver ce qu’il aimait; ce qu’il était.
Ce soir-là, le renard des marées débarqua de l’autobus avec pour seul bagage un bien maigre sac sur le dos. D’un regard à la ronde, il estima l’état des lieux, trouva quelles maisons de plages étaient encore éveillées, lesquelles étaient endormies et lesquelles étaient vacantes. D’un pas sûr et furtif, sa crinière attachée sur sa nuque, il envahit l’une des propriétés, dont il contourna la demeure, et se dirigea directement vers la plage, qu’il longea à la recherche de la perle de sa soirée. Il y en avait toujours une. Aujourd’hui ne ferait pas exception.
L’océanien trouva effectivement son bonheur. L’un de ces quais flottant, amarré à une structure fixe qu’il pourrait aisément détacher. Peut-être avait-il déjà emprunté cette embarcation de fortune, il n’en avait pas la moindre idée : ce n’était pas le genre d’information qui vaille la peine d’encombrer l’intérieur de son crâne crâne. Deux luxueuses habitations plus loin, Tama dénicha un kayak de mer, qu’il ignora car il trouvait la pagaie double trop encombrante. Cinq minutes plus tard, il revenait au quai avec une pagaie empruntée dans la main.
Alors qu’il était occupé à détacher le ponton de la partie fixe du quai, la rame sagement posée à plat à ses côtés, le micronésien releva la tête. Une silhouette s’approchait sous le clair de lune. D’un geste leste, il se glissa au bout du quai et se laissa couler, complètement habillé, dans l’eau en un silence imparfait. Quelques ondes trahirent son geste fluide. Le kitsune plongea directement en apnée, dans la poursuite de son mouvement précédent. Sa toque comme une bouée au-dessus de son crâne, il aplatit son long corps sur le fond de mer sablonneux et entreprit de poursuivre sa besogne par en-dessous. Les chances jouaient en sa faveur : on ne risquait pas de l’avoir vu, et même si, on ne risquait pas de lui accorder d’importance. C’est du moins la certitude qu’il avait, jusqu’à ce que le plancher au-dessus de lui ne grince sous le poids de ce qui ne pouvait être qu’un adulte.
Tama n’avait qu’à retenir son souffle en attendant que l’intrus ne reparte. Le pire, c’était qu’il avait presque terminé de détacher le ponton; si ce curieux s’était présenté deux minutes plus tard, le radeau aurait déjà été hors de vue.
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Mar 7 Juil 2020 - 15:03
"Nashki oti chazak, nashki ad sheyich'av, vehashemesh lo tishk'a At achat veyechidah, ahuvati hamufla'ah, va'ani ohev otach..."
Les mains dans les poches d'un jean délavé jusqu'à la blancheur, aux genoux troués, les jambes effilochées agitées par la brise marine autour de ses chevilles nues, un coyote étranger venait profiter de la caresse du sable sous ses pieds. Il avait à la bouche une chanson qui venait de bien plus loin que lui, cueillie dans une scène de film qui ne lui sortait pas de la tête depuis quelques jours. Il regardait les étoiles et il s'impatientait de les voir passer si lentement au-dessus de sa tête. Une habitude à prendre. Un serment à respecter. Quand l'odeur de l'océan lui avait frappé les sens, il ne s'était pas senti tranquille jusqu'à se retrouver face à cette grande plaine scintillante, et maintenant, il avait l'impression d'être au bord du monde. A perte de vue, devant lui, il n'y avait que de l'ombre et des étoiles. C'était à en avoir le vertige, lui que la gravité n'attachait pas très solidement au sol.
Il se pencha et ramassa une poignée de sable, la froissa entre ses doigts et sourit. Dans un élan soudain, il jeta la poignée d'or en direction de toutes les autres étoiles, celles qui ne bougeaient pas au ciel et celles qui dansaient sur les flots. Son rire se transforma en fou rire et les larmes lui montèrent aux yeux. Il aurait voulu avoir quelque chose à boire, mais il était trop distrait pour avoir apporté le nécessaire, et puis, il fallait qu'il montre l'exemple. Mais ses nerfs lui jouaient des tours et il n'aimait pas ça. Dans une des maisons voisines, un gros chien aboya et il prit la fuite, par habitude. Cette région était très peuplée, et certaines propriétés étaient très surveillées. Caméras, milice, tout le bordel. Il allait devoir travailler dur pour être chez lui dans le coin.
Impossible de dormir. Ça n'aurait pas été une mauvaise idée, si il voulait impressionner ses illustres et présentables voisins, pourtant... Se coucher tôt, se lever tôt, et travailler dur, en effet. Dommage qu'il ait cette chanson dans la tête et ces bouleversements infinis qui lui donne l'impression de vivre la vie d'un inconnu, costume trop petit ou trop grand, selon les points de vue. Une distraction, vite ! Il commençait déjà à développer une conscience. Sa marche l'avait conduit jusqu'à un arbre, à cette frontière entre sable et terre où poussent encore quelques plantes aux feuilles salées, et il espionnait un autre promeneur nocturne. Il allait peut-être assister à un petit cambriolage ? Loin de lui l'idée d'alerter les autorités concernées. Il était lui-même affilié à un gang de la ville, après tout.
Mais ! C'est qu'il était en train de voler un morceau de ponton, ce brave garnement échevelé. Un sentiment de fraternité amusée s'éleva dans l'esprit du coyote, qui se dirigea immédiatement dans sa direction. Et plouf ! Disparu, le poisson. Bah, tant pis. Il fallait bien que Scipion succombe à l'appel des sirènes un jour. Malgré son goût de la vague, il n'était pas très bon nageur, au sens olympique de la chose. Sa poitrine mince ne lui permettait pas des apnées remarquables, disons qu'il n'avait pas précisément la discipline mentale nécessaire pour contrôler tout ce qu'il aurait fallu. En bref, il nageait de bon coeur mais buvait facilement la tasse. Au lieu de chercher à suivre la sirène dans son domaine, il vint se percher sur son bout de bois flottant, s'y assit et balança ses pieds dans l'eau, tel un hameçon.
Ça tanguait beaucoup, ce truc. Il y avait du courant, et l'horizon l'appelait. Voyons, comment pouvait-on bricoler ça pour achever de détacher les amarres... En se penchant au long du bord, il finit par repérer le dernier chicot branlant qui retenait l'appareillage, et avec un sourire malicieux, il le décrocha sans hésiter. Bon. Maintenant il allait être emporté au large et finir sur une île déserte. C'était pour rire, il ne pensait pas que ce soit possible. Plutôt être récupéré aux petites heures de l'aube, qui se levait très tôt en cette saison – citoyenne respectable elle aussi – par une navette de police l'accusant de vol de plancher. Ce serait rigolo. Il aimait avoir des ennuis, et ensuite... s'en faire consoler ? Ah, ça ne marcherait pas toujours. Il abusait un peu.
Plutôt que de ricaner à voix haute comme un fou furieux, il reprit sa petite chanson en s'étalant sur le radeau improvisé, en étoile de mer, les yeux perdus dans le firmament qui avait l'air de tanguer lui aussi. Ah, un peu de chaos familier, ça faisait du bien.
Tama'Rangi Marama
Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 240 ans
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Dim 12 Juil 2020 - 1:03
La Curiosité des Fauves
Deux pieds nus vinrent narguer le kitsune-Umi dans son domaine. L’intrus semblait décidé à s’installer ici pour y rester. Certes, le géant des îles pourrait suivre le fond sablonneux de la berge et émerger au prochain quai privé, pour reprendre ses opérations en paix, mais il avait jeté son dévolu sur celui-ci. Il patienterait donc le temps qu’il fallait, quitte à agiter son élément pour faire fuir le curieux. À sa surprise, Tama vit les mains de l’intrusion farfouiller sur les câbles d’amarrage, non pas pour tester leur fiabilité, mais pour les lester, un air mélancolique berçant les flots qui le déformaient inévitablement. Avec malice, le polynésien attendit que le ponton soit libéré de ses entrave pour le lâcher de sa main principale et pivoter son corps. Atteignant le doux plancher de l’océan, il le tapa, pour se propulser vers le large, synonyme de liberté. Lorsque l’envergure de ses bras ne suffit plus, il se mit en position debout pour courir sous le radeau, emmenant son passager clandestin vers un destin impérieux.
Ne touchant plus le fond, le renard des marées jugea que la côte n’avait plus aucune chance de voir leur minuscule embarcation. C’était le temps de se hisser sur la plateforme et de rencontrer cette curieuse personne qui s’était volontairement laisser embarquée dans ce voyage à la rencontre de l’horizon. De la seule puissance de ses bras, il fit tanguer la plateforme d’un angle qui sembla mettre à mal son passager puis, d’un geste leste qui contrastait avec le poids qu’il avait appliqué sur le radeau, il monta à bord, cul premier.
Sous la lueur ambrée de la gibbeuse, Tama essorait ses cheveux moutarde en observant cet homme maigrelet, aussi barbouillé d’encre et dépenaillé que lui-même. Si le gabarit émacié de l’étranger ne lui importait guère, les deux autres qualités vinrent immédiatement gagner l’assentiment du mélanésien. Reconnaissant d’instinct un esprit complice, il ne s’empêcha pas pour autant de lui lancer d’un ton défiant, ses pupilles reflétant malicieusement ce ciel qui lui était si cher.
« Je ne me souviens pas avoir lancé des invitations. J’espère que tu n’as pas le mal de mer. »
D’un geste impérieux de la paume, il imposa à l’homme étendu sur son radeau de lui laisser de la place, qu’il ne comptait pas même récupérer pour lui-même. Laisser ses mollets nus batifoler dans l’eau salée lui importait davantage que de montrer qui était le maître à bord. De toute manière, il n’avait pas besoin d’une timonerie pour être capitaine de ce radeau. Du menton, il désigna ensuite ce que les néophytes nommaient rame, et annonça de sa voix exotique, aux accents de varech et de palmiers :
« Comme tu es là, tu pourras pagayer pour rentrer. »
Tama sourit en bâillant. Si l’intrus, désormais érigé au statut de complice, ne savait pas faire, il pourrait toujours lui apprendre. Ce n’était pas comme s’il était possible que trop de gens n'aiment voguer. Le rivage enfin comme une farandole de lointaines lucioles, Tama s’étira longuement avant de retirer sa chemise.
« J’espère que tu n’as pas oublié l’ancre, parce que je comptais dormir sans partir à la dérive. »
Le vieux short décoloré rejoignit bientôt, en boule, la chemise mal assortie sur les sandales du géant pour lui servir d’oreiller. Ce n’était pas idéal, vu leur état humide malgré leur sommaire essorage, toutefois il avait connu pire. Mieux, également, cependant ce n’était pas la peine d’y songer. Les pouces à l’intérieur de la ceinture de ses sous-vêtements, le maori d’adoption mit son geste sur pause, supposant qu’il était plus poli de laisser à ce moment un choix à son moussaillon surprise. Ce n’était certainement rien qu’il n’avait déjà vu et pourtant cela mettait des hommes mal à l’aise malgré tout. Comme si la nudité était forcément érotique ou sexuelle.
« Je préfère dormir au sec : c’est plus confortable. Si cela te dérange, la côte est encore à distance de nage. »
Le sous-entendu était clair : Tama s’était jeté à l’eau à cause de cet intrus, c’était à lui de quitter le navire si la situation lui déplaisait. Pour un nageur hors-pair tel que Tama, ce n’était presque rien. Pour un nageur inexpérimenté, ce serait une autre histoire. Même un nageur amateur ne révélerait pas ce défi sans mal. Ce n’était toutefois pas le problème du polynésien, mais du passager clandestin. Sitôt qu’il eut considéré que son pâle équivalent devrait avoir eu suffisamment de temps pour prendre une décision, Tama’Rangi retira le dernier support entravant sa plus complète liberté et le mis à l’écart, dans l’espoir que le vent marin l’assèche sans s’en emparer malicieusement.
Les genoux de nouveau fléchis à angle droit par-dessus bord, le fils du ciel cala sa tignasse ocre sur son oreiller de fortune, les bras ouverts et les mains au faîte de sa personne. Il se laissa bercer par les vagues, les yeux perdus sur la voûte céleste en attendant que ses paupières ne tombent d’elles-même tel un rideau sur la valse nocturne des étoiles, ignorant complètement ce matelot imprévu qui partageait pourtant son petit esquif.
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Dim 12 Juil 2020 - 16:49
Flotte, flotte, flotte. Le radeau suivait un courant inconnu, dans une direction irraisonnée, peut-être plusieurs différentes directions. Scipion se laisse entraîner, amusé par la comparaison inévitable avec son trajet de vie. Une feuille morte posée sur les vagues. On la regarde s'éloigner, on ne sait pas où elle va, on s'étonne juste de ne pas la voir couler. Mais elle poursuit son petit bonhomme de chemin. Aucun gros poisson ne vient la gober... C'est ce qu'il se disait, pour se rassurer, jusqu'à ce qu'un clapotement au coin du radeau n'attire son regard.
Ce n'était pas un cauchemar. Quelque chose émergeait. Quelque chose qui aurait pu être un très gros poisson, mais qui, d'abord, eut surtout l'air d'une méduse géante et incroyablement solide. La lueur de la lune s'accrochait aux bouclettes torsadées, il roula sur le côté pour trébucher en arrière et se tenir à distance, et un visage apparut ensuite, à son tour caressé par les rayons argentés. Un relief humide, brillant et lisse comme un masque. Deux grands yeux fixés sur lui et ce qui ressemblait à un sourire. Bon. C'était une blague ? Scipion eut un rire nerveux. Ça, ou il allait devoir vendre chèrement sa peau de coyote avec uniquement un couteau papillon pour se défendre. Les épaules apparurent, puis les bras, et il calcula qu'il n'avait que très peu de chances.
C'est en entendant la voix du nouveau venu qu'il se dit, dans un élan de soulagement prématuré mais nécessaire à ses nerfs, qu'il n'avait rien à craindre. Pas dans l'absolu. Bon, les planches appartenaient donc au monsieur ? C'était à lui, la grosse maison sur la plage ? Enregistré. Et il n'était pas en colère. Une blague, ça lui convenait, c'était une vengeance acceptable pour son invasion.
"J'aime pas le mot pagaie," rit-il en montrant la RAME. "L'objet, ça va. Me tape pas, je serai sage, promis."
Il ne détaillait pas, mais il laissait son accent parler pour lui, en réponse à celui que déployait la méduse humaine. Les sports de canoë-kayak étaient tout un mode de vie dans les eaux troubles de sa région de naissance, et s'il n'avait jamais possédé le matériel adéquat, on le lui avait prêté, loué, confié pour un défi, et autres modes de découverte moins recommandables, plus proches de son aventure de ce soir. Il n'était pas doué mais il se débrouillait, un peu comme dans tous les autres domaines de sa vie.
Sur ces mots, la promenade débuta. C'était dit, nul besoin de négocier davantage. Roulé en boule à la façon des gargouilles, les orteils sur le rebord de bois, les mains accrochées de part et d'autre comme des griffes afin de stabiliser la posture, Scipion resta instinctivement prêt à plonger pendant quelques minutes, puis se détendit mais conserva la même position. Il devait rester alerte puisque l'autre voulait dormir. Jusqu'à maintenant, ils dérivaient au ralenti au long de la côte, tant que ça durait ils étaient tranquilles, mais si les lumières s'éloignaient trop vite ou trop loin, il réveillerait ...l'autre. S'il avait dû le surnommer, il aurait opté pour Cyanea, la Crinière de Lion. Moins venimeux, par chance. Ces créatures-là sont plus vivables hors de l'eau, de façon générale.
Ah, on se mettait à poil, direct ! Le sourire de Scipion s'accentua, et il pivota pour abandonner son observation des environs, afin de se concentrer sur la Cyanea. "Les gens qui dorment au sec ne me dérangent pas, j'ai l'esprit ouvert," rigola-t-il en se passant la main dans les cheveux. Lui-même n'était pas encore mouillé, pour une sortie en mer c'était scandaleux. Il fallait y remédier. En suivant du regard les actions de la Cyanea, il se déshabilla à son tour.
"En boule comme ça, ça ne va jamais sécher. Manque le soleil."
Il était fier de montrer ses tatouages, pour le peu que la lumière des cieux et les paupières baissées de l'autre voyageur en révélaient, et il préférait nager sans ses effets, personnellement. Mais il comprenait maintenant que le plongeon de son camarade avait été une stratégie d'urgence, en le voyant débarquer. Le pauvre ! Il espérait qu'il ne lui avait pas fait peur. Le jean maltraité par les accrocs de la vie s'enroula à son tour, enveloppé du t-shirt noir délavé en guise de taie, et de son slogan à moitié lisible, qui n'avait jamais été très spirituel en premier lieu. Et son sous-vêtement – noir et délavé : assorti au t-shirt, mais sans slogan, sa fantaisie avait des limites – alla rejoindre son congénère de tissu. Voilà, la chambre était rangée, il ne manquait plus que les tiroirs.
"Tiens, ceux-là sont secs. Meilleur oreiller. Etale les tiens à côté," déclara-t-il en se composant la voix de la raison, un accent qu'il ne pouvait jamais conserver très longtemps, en tendant le nouveau ballot de tissu. Son odeur l'imprégnait sans doute ; et il peinait à discerner celle de l'autre homme, mêlée à celle de l'océan. D'ailleurs, va décrire une odeur, sérieux. Ses parents appelaient celle des loups "boisée", au sens des grands bois noirs et profonds où les arbres craquent dans le vent, et où une attaque est possible d'une seconde à l'autre. Les chasseurs attrapaient celle du cuir et du silex qu'on frappe, mais elle disparaissait dans leurs autres habitudes humaines. Leur odeur à eux, famille Thalberg, était davantage pierreuse et sableuse, épines qui s'accrochent dans la course, poussière et pluie d'orage. Moins... froide. Et ainsi de suite. C'était plutôt un petit poème à chaque fois, l'évocation d'une ambiance, que la description d'une sensation.
"Scipion, et je suis un anti-vampire, je m'incruste où je ne suis pas invité."
Il attendait un éclat de rire. Mais la culture pop entourant ces êtres nobles ne pouvait pas être un objet de blagues de connaisseurs pour tout le monde... Il faillit expliquer sa blague, puis se souvint à temps que sa religion lui interdisait ce genre de blasphème.
"Parce que... les vampires... non rien."
Mieux valait sans doute se remettre à chantonner. Ou poser des questions. Mais il y en avait trop qui se bousculaient, pour le moment : difficile de choisir. Sur la belle maison au bord de l'eau, sur l'histoire des tatouages d'en face, sur les difficultés que pouvait poser la police dans les environs... est-ce que la Cyanea avait vu ses affiches en ville, est-ce qu'il avait des raisons d'avoir peur en voyant quelqu'un se balader devant chez lui, et ainsi de suite.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Sam 18 Juil 2020 - 17:15
La Curiosité des Fauves
Le marin d’eau douce donnait une opinion sur quelque chose qui n’en méritait pas. Quel genre d’apprenti-moussaillon confondait la pagaie et la rame : où était la dame de nage? Lorsque la crainte lui dit demander clémence, Tama ne répondit que par un rire gras, sans répondre directement à la supplication. Il n’était pas dans la nature du renard de taper, ou d’user de violence en général, mais l’admettre pourrait lui faire perdre l’avantage face au pirate. Et puis, si il en venait à lui porter un coup, l’autre risquait de s’effriter comme une vieille coque rouillée.
Le passager clandestin ne sembla pas chigner lorsque le géant des îles transforma ses vêtements en oreiller. Tama se contenta de sourire avec espièglerie en voyant son naufragé de fortune l’imiter, dévoilant les traits d’encre qui parcouraient sa peau diaphane, et que ses vêtement ne suffisaient pas, de toute manière, à dissimuler. Il était certain que ces injections sous-cutanées offraient un contraste bien plus saisissant sur sa peau d’albâtre que sur celle de l’austronésien. D’une étrange manière, ils pouvaient rappeler des frères issu d’une cosmogonie oubliée. Tous deux bariolés, mais autrement diamétralement opposés tant par leurs pigmentations que par leurs silhouettes. S’il avait été davantage intéressé par la philosophie ou les religion, il aurait pu voir en cela un concept universel, populairement connu désormais sous la symbolique taoïste du taijitu.
Alors que Tama retournait à sa contemplation des milliers de témoins célestes, le corsaire s’empressa de faire un second oreiller et le renard des marées ne manqua pas d’afficher sa surprise lorsqu’il le lui tendit. Tama en avait déjà un qui, si ce n’était pas suffisant de dormir la tête sur une surface molle et surélevée, avait le mérite de rafraîchir sa nuque. L’océanien décida de ne pas réagir immédiatement. Il cligna longuement des yeux, à la manière d’un chat, et reporta son attention sur la voûte étoilée alors que Scipion se présentait. Le maori d’adoption se contenta d’un sourire amusé malgré la fatigue et cessa finalement son observation stellaire pour reporter son attention sur celui qui n’avait pas terminé sa pensée.
« … Ça n’existe pas.» conclut-il pour lui.
Et c’était la vérité, du moins le croyait-il. Le demi-dieu n’avait jamais croisé de telles créatures, ni quiconque qui en eut véritablement rencontré. Peut-être était-ce tout simplement des créatures aussi subtiles et discrètes que les légendes le suggérait. Après tout, les loups-garous autant que les kitsunes étaient preuves que les légendes empruntaient parfois à la réalité.
« Tama. » se présenta le mélanésien en s’appuyant sur un coude pour faire face au gondolier. Sans hésitation, il lui tendit la main, comme les colons européens aimaient tant le faire, avant de donner une nouvelle instruction au flibustier. Bien que le clapotis de la pale qui allait et venait sous la surface de l’eau lui était agréable, quelque chose dans la façon dont ce pirate - qui avait abordé sa barge - continuait d’orienter leur embarcation le titillait. Du menton, il désigna les taquets d’amarrage alors qu’il reprenait d’un ton vaguement las.
« Pose la pagaie contre les bollards et repose-toi aussi. T’auras besoin de toute ton énergie pour rentrer.»
Tama’Rangi se releva en position assise, les mollets baignant toujours dans l’océan, et s’étira en bâillant longuement. Ils étaient toujours à quelque distance de la ligne pélagique, dans la sûreté des petits courants côtiers. Et même s’ils devaient se réveiller au large, Tama saurait manœuvrer leur retour, en usant de ses connaissances et, si vraiment c’était nécessaire, de ses affinités océaniques. Il rendit son baluchon au pirate d’eau douce : qu’il s’en serve lui-même pour dormir.
« Le soleil se lèvera demain comme à chaque jour. Mes hardes* peuvent attendre pour sécher. »
Le soleil matinal était puissant, et les vents du rivage rivalisaient de vitalité à ces heures crépusculaires, également. Le navigateur bicentenaire observa le renégat un moment, curieux de savoir ce qui avait bien pu l’emmener dans cette région huppée. Avait-il planifié également de voler une embarcation ou s’était-il retrouvé à accompagner Tama sans que cela ne soit son dessein?
Plutôt que de s’allonger à nouveau, le polynésien poursuivit son observation, le vent du large s'emmêlant à sa crinière et chatouillant sa toison. Son clandestin l’intriguait de plus en plus et il se montrait de plus en plus désireux de trouver le fin mot de cette histoire. S’ils préféraient finalement passer la nuit blanche à discuter, rien n’empêcherait le Triton du pacifique d’étendre à ce moment ses vêtements pour qu’ils sèchent à l’air halin.
*:
Au sens vieilli/acadien de "Habits" davantage que de "vêtements usagés ou en mauvais état".
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Dim 19 Juil 2020 - 13:25
Mais si les vampires n'existent pas, alors... Oh mon Dieu ! Intérieurement, Scipion s'amusa à s'imaginer que toute sa vie n'ait été que mensonge. Ça le faisait rire. Il n'avait donc jamais été un coyote-garou, ni lui ni les siens, et tout n'avait été qu'un long délire auquel ses proches s'étaient prêtés avec indulgence, pour ménager sa sensibilité d'artiste. Et cet instinct qu'il éprouvait en ce moment, qui l'entraînait vers la lune, ce n'était qu'une illusion.
En voyant son camarade cligner des yeux au ralenti, il en avait fait de même, et cela lui avait donné l'impression claire d'une communication animale, au-delà des discours ; mais il ne fallait pas oublier que l'être humain aussi était un animal, et qu'on observait fréquemment de grands primates, libres de leurs faits et gestes en pleine jungle, qui s'emparaient de chatons sauvages pour les choyer à leur manière légèrement brutale. Cette communication se serait faite entre humains et autres créatures, dans tous les cas. Les humains étaient simplement des clowns, adeptes du mimétisme chamanique. Etait-ce pour cela que leur forme générale abritait les germes d'autres animaux, qui se dévoilaient à la clarté des astres ? Ou était-ce le rapport inverse ? Bon, ça devenait trop prise de tête, là. "Michael George Hartley, vous êtes un philosophe."
Allongé parallèlement à son interlocuteur échevelé, Scipion se demanda si la carrure entraînait un certain calme naturel, et si c'était un phénomène physique ou psychologique. Il avait souvent vu les gens impressionnants se conduire avec un calme olympien. Parce qu'ils n'avaient pas besoin de hausser la voix pour être écoutés ? Parce qu'ils craignaient de cogner leurs grandes épaules dans le mobilier en s'agitant ? Ou parce que leurs articulations ne supportaient pas un sautillement permanent ? Son esprit recommençait à battre la campagne ; lui-même avait du mal avec le calme. Il était venu sur cette plage pour méditer tranquillement, et maintenant qu'il y était, ... "Je vais nager un peu."
D'un plongeon de loutre sous cocaïne, il disparut tout à coup. Il avait besoin d'expérimenter tactilement. L'océan, de nuit, ça ressemblait à quoi ? Ce n'était pas froid, déjà, c'était bien agréable. Et c'était aussi absolument opaque. En quelques secondes dans ce vide oppressant et silencieux, il se sentit devenir fou. Ses nerfs trop imaginatifs lui figuraient toutes sortes de frôlements abyssaux plus ou moins menaçants. Il remonta sur le radeau en s'ébrouant, à peine défoulé par sa petite exploration, totalement agité par ce qu'il avait cru sentir glisser contre sa peau. Si encore les créatures avaient été phosphorescentes ; il aurait pu les suivre des yeux, les voir venir ou leur donner la chasse... Ah, il n'y avait probablement rien. Et la seule chose phosphorescente ici était son regard, allumé de deux flammes de cette teinte ambrée de whisky que l'on voyait au quotidien étinceler dans ses prunelles. Pas aussi claire qu'elle aurait pu l'être, avec des lentilles de contact comme on en vend lors de Halloween, mais pas aussi pâle que la lune.
"C'est fait !" annonça-t-il joyeusement. De petites gouttes tombaient de la pointe de ses cheveux et s'écrasaient sur le bois. Il les tordit en arrière, au-dessus de la surface noire et luisante : retournez donc à votre grand ensemble, petits éléments fugitifs.
Il se recoucha, se roula en boule sur le côté, passa la main sur son bras humide comme pour se réchauffer, et tâcha de trouver le sommeil. Bercés comme deux improbables jumeaux dans leur couffin de bois, qui sait de quoi ils rêveraient, et où ils se réveilleraient. Un moment de confusion emporta le coyote dans un rêve tout aussi échevelé que sa vie quotidienne. Une immense main de pierre se refermait sur lui. Pour l'écraser ? Pour le transporter quelque part ? Pour l'emprisonner ? Il essayait d'avoir peur de cette troisième possibilité, et malgré tous ses efforts, il n'y arrivait pas. Et puis, il y avait une musique étrange au-delà des doigts minéraux qui le séparaient du paysage, comme une cage volcanique. De la musique et de la lumière. C'était son campement, son spectacle. Il voulait y retourner, mais il ne pouvait pas. C'était sa voix, qui bonimentait là-bas en déclenchant les effets de lumière pour faire sursauter le public... Un écho, un souvenir. Il ne voulait pas être juste un souvenir, pourtant. La main de pierre était-elle un tombeau ? Et puis, elle se referma et il se retrouva dans les ténèbres, les flasques et sourdes ténèbres marines, pleines de filaments semi-matériels et d'encombrements hypnotiques.
Ce n'est pas vrai, songea-t-il consciemment, ce n'est pas comme ça. Dans un effort de lucidité, il se tourna de nouveau pour mieux percevoir la présence proche, rassurante comme l'aurait été une lampe de chevet. Son sommeil s'apaisa légèrement ; mais il avait physiquement changé. Son sourire dévoilait des canines proéminentes. Vampire ou pas vampire ? Il ne semblait pas avide de sang en tout cas, son expression dans le sommeil avait presque quelque chose d'angélique. Qui sait à quoi il rêvait à présent, mais une chose était sûre, le cauchemar était passé.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Jeu 30 Juil 2020 - 2:00
La Curiosité des Fauves
Si il n’avait pas eu à dénicher un souvenir presque une fois et demie plus vieux que son interlocuteur, et si il ne s’était pas assoupi au milieu de la projection, peut-être Tama aurait-il pu reconnaître Lawrence d’Arabie, qu’il avait été traîné de force à visionner un demi siècle plus tôt. Les cinémas n’étaient pas sa tasse de thé, et pour quelqu’un d’aussi oisif que le renard, il y avait quelque chose d’absurde et paradoxal à la fois qu’il puisse trouver le septième art trop passif pour lui. Maître de la paresse derrière seulement la caste féline, il déplorait l’inaction des salles de cinéma. C’en était pareil de la télévision, fallait-il dire. Peut-être le problème n’était pas dans la sédentarité, mais dans l’impression qu’il avait d’avoir quelqu’un qui réfléchissait à sa place.
« Je ne connais pas ton ami. »
Aveu inutile, couplé à un regard en coin, les yeux comme des fentes vers celui qui l’avait potentiellement rebaptisé. On ne rebaptisait pas un esprit libre. Et ce Scipion respirait une liberté sans équivoque. C’était plus probablement un surnom, donc, qu’un baptême.
"Je vais nager un peu."
Soit. Le géant des îles n’eut pas le temps de fermer les yeux que de rares gouttelettes l’aspergèrent. Sa bouche s’étira en un sourire au firmament, éternel complice de son existence. Sentant le ponton chavirer sous le poids-plume qui remontait déjà à son bord, Tama’Rangi ouvrit de nouveau ses paupières, et étira une main secourable, qui ne fut pas nécessaire. Cette fois, ce fut une myriade de paillettes d’eau qui vinrent parsemer le corps de l’océanien, comme des taches de rousseur sur un écossais, alors que la longue chevelure fouettait l’air pour se décharger de l’excès d’eau qui s’y était accrochée. Il essora ensuite à son tour la tignasse qui lui abritait le crâne, avec l’effort supplémentaire de ne pas mouiller leur embarcation davantage.
« Quand tu dis un peu, c’est vraiment un peu. » railla l’austronésien alors que son prisonnier volontaire semblait enfin se décider à dormir. Tant pis si Scipion allait imbiber d’eau son propre oreiller : ce n’était pas le problème du navigateur, que les vagues berçaient doucement vers le sommeil. Sommeil léger, car il n’avait pas l’habitude d’une présence aussi près de lui et que, malgré ses dires, il préférait ne perdre aucun homme en mer.
C’est donc sans surprise que l’agitation du passager clandestin réveilla Tama. Il dormirait donc peu. Ce n’était pas plus grave. Le ciel était clair, la nuit était belle et la lune aussi généreuse que l’on pouvait le désirer. La réflexion à la surface du satellite procurait suffisamment de clarté pour reconnaître les crêtes argentées des remous. Le moussaillon s’était retourné vers Tama qui, toujours le dos sur les planches, senti la main posée sur son bras se crisper, les ongles creusant des sillons sur sa peau. Les sillons de plus en plus profonds, alors que le phanère s’y incrustait, creusant dans la chair sans encore en percer l’épiderme. Surpris, sans être encore alarmé, le géant des îles bascula la tête sur le côté, pour observer celui qui s’agrippait ainsi à lui. Le marin d’eaux intérieures faisait certainement un cauchemar.
Quelques mots intraduisibles, comme le sont la plupart des bons jurons, s’échappèrent des lèvres du maori, beaucoup plus fluidement que son anglais, lorsqu’il remarqua les canines proéminentes qui dépassaient des mâchoires de son naufrageur. C’était bien sa veine, parmi tous les potentiels casse-noix, d’avoir repêché un loup-garou. Lui qui n’en connaissait aucun, et qui avait défié les interdits familiaux entre autre poussé par sa curiosité de croiser ces humains métamorphes qui cherchaient naturellement les embrouilles avec ceux de son sang, voilà qu’il était comblé. Et cette lune tantôt bienveillante, qui le narguait désormais, avait bien entendu choisi cette nuit entre toutes pour que leurs chemins se croisent.
Tama’Rangi retira délicatement la main qui s’était éprise de lui, libérant son bras des griffes de son passager avant qu’il ne lui prenne l’envie de verser le sang. D’un rapide effleurement du pouce, il vérifia qu’il ne saignait pas, et crut entendre un gémissement chez son voisin de couche. Heureusement, il semblait mieux se maîtriser que ces adolescents nouvellement mordus, dans ces histoires populaires.
Contre son instinct, qui le vilipendait en mille dialectes, l’austronésien crut plus prudent de rassurer l’homme-loup et passa donc son bras, celui qui ressentait toujours les vestiges endoloris de la main cramponnée contre lui, sous la nuque de Scipion, et glissa son avant-bras contre le haut de ses côtes, comme si il venait d’être rejoint dans la nuit par un enfant de presque sa taille, et maigre comme la famine, qui avait fait un mauvais rêve.
Tama continuait de fixer les étoiles sans parvenir désormais à retrouver le sommeil qui lui avait été ravi. Ce n’était pas la proximité du garnement, ou leur tenue d’Adam, qui troublait le renard des marées, mais la crainte qu’en s’assoupissant, il ne fasse un geste brusque. Que ce mouvement ne réveille le loup-garou en sursaut. Que le loup-garou ainsi réveillé par surprise ne panique et ne trouve rien de mieux à faire que de s’en prendre à la jugulaire de son gardien. N’entendait-on pas fréquemment ce genre d’histoires sordides à la radio ou dans la presse, d’un chien soudainement devenu enragé et qui s’était attaqué férocement à un humain pourtant affectueux envers lui.
Ce ne fut pas l’assoupissement du géant des îles qui brusqua la nuit de son compagnon de dérive, mais un coup donné à la coque de leur vaisseau, qui résonna d’un coup sonore. Ils avaient frappé quelque chose, mais ils étaient loin de tout écueil. C’était donc qu’on les avait frappé. Un second coup arriva, faisant trembler l’embarcation entière. Là où des esprits superstitieux auraient songé au kraken, Tama se leva plutôt pour vérifier s’il ne verrait pas l’aileron caractéristique de l’une de ces rares espèces de requins qui avaient appris à faire chavirer leur proie, lorsque l’océan leur faisait vache maigre. Au troisième coup, Tama perdit l’équilibre et manqua de passer par-dessus bord. Au moins, il parvint à voir quel était donc leur agresseur, et il éclata de rire. La truffe hideuse et allongée sortit la première de l’eau, pour laisser place ensuite à la tête du mammifère marin.
« C’est qu’un éléphant de mer! » informa-t-il le passager. Ils devraient probablement le laisser tranquille. Si la bête agissait ainsi, ils la dérangeaient probablement sur son territoire, ou quelque chose du genre. Alors qu’il faisait signe au loup-garou de récupérer la pagaie, il jugea qu’il n’avait rien à perdre de les éloigner du nageur avec un petit coup de main. Il pourrait toujours dire qu’ils avaient simplement été chanceux de tomber sur un courant opportun.
« On va pagayer à tour de rôle. Toi d’abord, et je te guiderai pour être certain qu’on s’en éloigne. »
Il y avait beaucoup plus d’amusement que d’inquiétude dans la voix du mélanésien. Ce qui devrait être rassurant, n’est-ce pas?
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Dim 2 Aoû 2020 - 18:43
Scipion dormait donc, du sommeil du juste, ou quasiment ; quand un choc le tira de sa torpeur. Automatiquement, il rangea ses dents et calma la lueur dans son regard. Il y avait assez de lune pour qu'il se perde dans la lecture d'un petit tatouage qu'il portait à cet effet, et le souvenir qui s'y attachait. Il espéra vaguement que son camarade de virée n'ait pas remarqué ces petits détails, puis la situation lui fit oublier cette crainte.
En réalisant à quoi ils avaient affaire, il se dressa d'un bond et faillit tomber à la renverse de l'autre côté du radeau. Il était abasourdi. A peine réveillé, aussi, ce qui n'aide pas. Il avait toujours le réveil lent, sauf en situation de danger imminent. Et ça, ce n'était pas un danger, pas vrai ? En tout cas, son guide ne semblait pas le moins du monde inquiet. Il décida de se calquer sur son attitude, et de profiter du spectacle.
"J'en ai jamais vu ! Il est immense ! Regarde ses yeux !"
De gros yeux globuleux, cerclés d'un blanc ensanglanté, à vrai dire, et qui semblaient un peu morts. Scipion ne le savait pas, mais cette créature avait coutume de plonger à des kilomètres sous la surface, loin de toute source de lumière, pour trouver sa nourriture. Scipion avait commencé à pagayer mais le coeur n'y était pas. Il n'avait qu'une envie, observer davantage cette créature gigantesque qui recherchait l'interaction avec eux. C'était un peu brutal, certes, mais ça le passionnait. Il se demandait déjà si un tel mufle pouvait émettre des cris, et si oui, lesquels. Sûrement rien de mélodieux. Il avait envie de rire à l'avance.
"Il est magnifique ! On peut rester près de lui un moment ? Je voudrais l'observer. Les animaux marins, c'est trop beau, ça flotte juste dans l'espace, toi évidemment tu t'en fiches ! Tu as l'habitude !"
Le mirounga n'était pas enchanté. Leur proximité devait menacer quelque chose à quoi il était attaché. Un rocher habité par sa petite famille, peut-être ? Scipion se dressa sur la pointe des pieds, en essayant d'apercevoir aux environs ce genre d'habitat, mais rien. Tout semblait calme. Au-dessous de la surface, nul doute que les pieuvres faisaient la fête, et que leurs prédateurs s'en donnaient à coeur joie. Mais de leur pauvre point de vue, ils n'avaient pas accès à tout ça.
"Pourquoi il nous pousse ? Tu crois qu'il essaie de nous dire quelque chose ?"
Entraîné dans l'enthousiasme de la scène, il essaya de tendre la main vers la bestiole qui souffla dans sa direction d'un air menaçant. Mais c'est qu'il avait des défenses, cet éléphant ! Scipion regarda briller ses petites dents aigues à la lumière de la lune, et à nouveau, montra les siennes, dans une réponse animale involontaire. Il tenta de détourner l'attention, ou de détendre l'atmosphère, par une petite plaisanterie – qui, dans son esprit, était peut-être sérieuse sur le moment, qui sait.
"Faudrait les croiser avec des morses, si on voulait créer de vrais éléphants de mer. Et encore, il manquerait toujours les oreilles."
La réaction du marin serait un test. Scipion venait de l'élire au rang d'ambassadeur de Beacon Hills. Avec un peu de chance, c'était un repaire de hippies qui le trouveraient cool avec ses grimaces, ou une bande d'indifférents blasés, comme ces gens dans le métro de New York... de préférence, pas des geeks acharnés du scalpel, ou des bigots prêts à brandir des croix en feu. Ou des chasseurs. Ou des loups décidés à défendre leur territoire. Mais ça, il valait mieux ne pas y penser : ça portait malheur.
En tout cas, il montrait maintenant ses yeux dorés, et attendait le verdict, en surveillant l'ours aquatique auquel il serait peut-être jeté, en cas de réaction négative de son public du moment.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Lun 24 Aoû 2020 - 16:01
La Curiosité des Fauves
Une larme trop rassurant, peut-être. Le passager clandestin du pirate jouait de curiosité et semblait décidé à faire amis avec le mirounga. La pagaie allait manifestement gésir encore un moment sur le plancher du ponton, le marin d’eau douce trop occupé à chercher l’intelligence dans le regard éteint de l’immense créature. Le courant cessa aussi rapidement qu’il avait débuté, comme par magie, alors que l’homme frêle interrogeait, la voix semblable à celle d’un enfant devant un magasin de bonbons. Le renard des marées savait bien que la demande n’était que rhétorique. Il se contenta donc de hocher du menton, pour éviter de créer de la confusion, et se résigna, en observant les alentours, à la recherche d’autres museaux qui pourraient se pointer hors de l’eau. Des femelles ou des juvéniles, si c’était le temps de la reproduction. Par contre, il rectifia l’a priori de son passager.
«Il n’y a pas de tels mastodontes, d’où je viens.»
À moins qu’il ait voulu dire que Tama avait l’habitude de flotter dans l’espace? Avait-il deviner qu’ils étaient tous deux surnaturels et s’était-il trompé sur la nature du kitsune? De mémoire de mélanésien, jamais personne n’avait simplement flotté dans les airs. Ni même sous l’eau, pour être honnête. Le maori trichait certes, s’aidant de ses affinités mystiques pour se propulser, mais cela ne voulait pas dire qu’il ne mettait aucun effort physique. On n’avait pas un corps comme le sien à se laisser porter par les flots...
Alors que le Scipion s’agitait et se relevait sur le bout des orteils pour sonder l’horizon, Tama observait à distance plus rapprochée les tourments de l’eau qui venaient se briser contre leur esquif. Il sondait les couches salines qui glissaient l’une sur l’autre, à la recherche de quelque danger invisible au-dessus des vagues éclatantes de la clarté de la lune.
«Soit il veut qu’on parte, soit il aimerait nous jeter à l’eau. Pour… jouer avec nous, je suppose.»
Un peu comme un chat qui jouerait avec une souris, probablement.
«Si tu tombes à l’eau, je n’ai qu’un conseil pour toi : Fais confiance à la mer, elle te portera*»
Le matelot ne l’écoutait déjà plus en apparence, et jouait à grimacer en face de la bête sauvage. Où donc était passée l’instinct de survie, au cours de la courte existence du maori? La bestiole devait faire vingt fois leurs poids. Peut-être vingt-cinq dans le cas de l’adulescent qui s’émerveillait devant la dentition du prédateur marin. Et voilà que, en bon homme blanc, il voulait jouer les savants fous et les éleveurs. L’image évoquée n’en empêcha pourtant pas un éclat de trahir son amusement.
«Avec de telles oreilles, soient elles flotteraient comme des anémones, soit elles vrombiraient à en brouiller les sonars, dès qu’ils plongeraient.»
Il était difficile d’y imaginer un avantage évolutif, compte tenu du coût énergétique d’une telle perte d’hydrodynamisme. Bon, Tama ne réfléchissait pas en ces termes, précisément, mais son instinct en était tout de même venu à une conclusion similaire, alors qu’il tournait la tête vers le rigolo qui s’était incrusté à son bord.
Le renard se demanda d’abord à quoi il jouait, de frimer de la sorte avec ses yeux. Peut-être le géant des îles s’était-il réellement vendu. Ou alors il avait affaires à un loup inconscient. La dernière option envisageable : que le pauvre homme n’ait même pas connaissance de l’éclat nouvellement activé de son regard.
«Sympa, les contacts! Comment tu fais pour qu’ils changent de couleur?»
Voilà qui lui laisserait une porte de sortie si, vraiment, il s’agissait d’un accident. Si, au contraire, c’était une menace, Tama n’aurait pas besoin de pagaie ni même de violence physique pour le jeter à la mer. C’était en présumant, toutefois, que le garou était bien plus agressif qu’il ne le laissait paraître. Malgré tout l’encre qui lui coulait sous l’épiderme, malgré le style un peu grunge des vêtements qu’il avait abandonnés, il paraissait plutôt inoffensif. Tama sourit en se demandant de quoi il aurait l’air, la peau dénudée et vierge de cette mosaïque, les cheveux courts et proprets, des lunettes au bout du nez et un polo sur le dos.
«Qu’est-ce qui t’a emmené ici, ce soir?» demanda-t-il enfin. La question lui brûlait les lèvres depuis qu’il l’avait embarqué dans son aventure qui était pourtant destinée à n’être qu’une nuit tranquille. La brûlure n’avait qu’augmenté à force d’interactions avec l’intriguant lupin, jusqu’à ne plus être tolérable.
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Ven 28 Aoû 2020 - 14:16
C'était fantastique d'imaginer les bêtes flotter de ci de là dans les airs au-dessus d'eux. Scipion se laissa entraîner par ce spectacle imaginaire et se recoucha sur le radeau, regardant les chimères évoluer entre son imagination et les étoiles, lâchant la proie pour l'ombre. Il rêvait encore quand il entendit le commentaire sur d'éventuelles lentilles de contact, et ferma immédiatement les yeux en reprenant au maximum le contrôle de ses émotions. Ses bras se croisèrent, et le bout de ses doigts frôla l'un de ses tatouages.
"J'avais besoin d'errer et de réfléchir. J'avais besoin de me dire que, même si je m'installe ici, je peux encore errer."
Un petit sourire apparut sur ses lèvres. C'était une façon très vague et distante de raconter son histoire récente. A vrai dire, il avait envie de la raconter. Il était un homme de spectacle, il en mourait d'envie. Ces émotions à fleur de peau qui brillaient dans ses yeux quand il ne se surveillait pas étaient toute un petit univers vibrant, qui se débattait dans ses veines sous la cravache de l'adrénaline. Il ne pouvait pas tenir en place parce qu'il avait la fièvre, mais il était fermement convaincu que cette fièvre était bonne pour sa santé.
"Je suis amoureux. Je pensais que ça n'était pas mon style, mais voilà. Je débarque ici, je rencontre quelqu'un, et ça y est, le coup de foudre : je lâche tout et je change de vie. C'est un coup de poker mais je crois que si je ne l'avais pas fait, je me serais détesté. Et quand on est solitaire, détester la seule personne qu'on fréquente, c'est quand même pas génial pour la santé mentale, tu vois ? Faut pouvoir se tenir de petites conversations sans se traiter de tous les noms. Bref ! C'est un peu ça qui me tracasse en même temps. Rester sage et vivre comme tout le monde, je ne sais pas faire. J'espère que je ne serai pas le mauvais élève du groupe, dans cette discipline. Que mes pieds ne vont pas me démanger. Ah ! Je me tais, sinon je vais parler jusqu'au matin."
Ceci étant fait, il rouvrit un oeil sous sa main qui les avait couverts, comme s'il bronzait sur la plage et se protégeait du soleil. Il semblait seulement maintenant se souvenir du petit compliment étrange qu'on lui avait adressé, et qui pouvait tout à fait être un rappel d'un autre garou pour qu'il reprenne le contrôle. Le code voulait qu'il le rassure sur sa capacité à improviser en cas de bêtise. Est-ce qu'ils avaient recours à une surveillance interne pour policer ce genre de chose, ici ? Pas envie de se retrouver avec une amende. Mais pas envie de faire le craintif non plus. Un humain aurait réagi avec décontraction à une pareille question, probablement.
"Pour les lentilles, je suis pas ingénieur... je préfère me dire que c'est magique."
Quand il se redressa sur son coude pour l'interroger en rafale, ses yeux avaient repris leur opacité générale ; toujours couleur de whisky, mais l'ambre ne brûlait plus d'un feu intérieur phosphorescent sur lequel se détaillait la pupille, comme une petite planète noire. C'étaient des yeux parfaitement humains, qui ne s'illuminaient que du reflet des astres, et de l'intérêt qu'il portait aux réponses réclamées.
"Tu vis dans le coin ? Il y a quoi à faire, par ici ? C'est animé ? J'ai déjà vu que c'était une ville étudiante, c'est sympa ça, la jeunesse, les initiatives, les spectacles..."
Il avait vu quelques autres établissements, mais mieux valait sans doute ne pas parler ici du Pink Print et de ses activités. Ni de ses activités, il gardait cet exposé-là pour le plat de résistance. Une invitation mystérieuse serait même préférable à une description enflammée – qui, au milieu des autres, ne serait pas forcément prise très au sérieux.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Ven 11 Sep 2020 - 20:33
La Curiosité des Fauves
« Je comprend très bien », avait-il convenu avec sincérité. « On ne sait jamais quand une halte de quelques jours, quelques mois au plus, devient quelques décennies. »
Personne ne pourrait croire qu’il parlait par expérience. Il faisait forcément dans l’exagération, vu son apparente jeunesse. Et la vérité n’était pas si lointaine. S’il s’était installé longtemps à des endroits où il avait d’abord cru n’être que de passage, il n’avait jamais pu rester aussi longtemps qu’il venait de le prétendre, au risque de voir son entourage remarquer le secret de sa jeunesse apparemment éternelle. Avant même que Tama n’interroge l’autre nomade sur ce qui l’avait mené à Beacon Hills, et ce qui risquait de l’y retenir, celui-ci se lança. Le maori abandonna sa pagaie sur le sol du ponton alors que la silhouette du mirounga les abandonnait en fondant dans les ténèbres. Il s’étendit sur son flanc pour faire face au conteur, une expression amusée sur les lèvres. C’était la plus vieille histoire du monde, et le renard ne pouvait que lui souhaiter qu’elle soit moins dramatique que celle de Roméo et Juliette. Bien que, si elle était trop fade, il faudrait bien que quelqu’un aille y ajouter une pincée d’épices en tous genres, pour bien la rendre trépidante. C’était le genre de tâche qui lui conviendrait bien.
La personne qui narrait ainsi sa vie, sa situation amoureuse, son être, semblait avoir plusieurs points en commun avec Tama’Rangi. Que ce soit leur caractère réfractaire à rester en place, ou leur solitude assumée. Il hochait la tête et y allait de courtes réponses pour ponctuer l’histoire de marques d’intérêts, le sourire croissant sur son visage. Le visage des gens devenait toujours tendre et mignon lorsqu’ils parlaient de leur amour. C’était ainsi que l’on pouvait distinguer cette émotion de celle, plus générique, qui s’activa brièvement au niveau du bas ventre du garou pour disparaître dès que la mention de l’être cher fut passée. Le renard observait toujours la bouche qui dévalait ses paroles, sous les yeux bouchés, avec un amusement qui lui était commun. Observer les gens se révélait souvent divertissant.
« Il paraît que l’amour transforme les gens », répondit-il avec une pointe de sagesse dans le sourire. Ce n’est pas que lui-même le saurait, ou pourrait témoigner en toute connaissance de cause, mais il avait côtoyé et vu suffisamment de gens pour conclure que l’adage n’était pas sans fondement. « De ce que j’ai observé, le secret d’une relation pérenne est dans l’équité et l’authenticité. Tu ne peux pas être le seul à faire des compromis, et ces compromis ne doivent pas te dénaturer. On devrait pouvoir avoir droit de se balader lorsque les pieds nous démangent. Si on peut alors être accompagné, tant mieux pour soi.»
Tama profita de l’intermède pour basculer sur le dos. Il ne savait pas si le répit lui était offert par la réflexion du moussaillon, ou par son sommeil. Les paupières de plus en plus lourdes, il observait des étoiles au tracé de plus en plus flou, la vue engourdie par la nuit qui venait lui imposer le sommeil. Il ne réalisa pas les mouvements de son partenaire de navigation et sursauta à son affirmation soudaine.
« Je préfère aussi. » sourit-il en récupérant de sa surprise.
C’était au tour du corsaire d’eau douce de se tourner, perpendiculaire à leur embarcation, pour observer le capitaine du navire. Tama se contenta de lui envoyer un regard en coin avant de refermer sa paupière entrouverte.
« Je vis un peu partout. Ce soir, je vis sur la mer. J’habite un petit appartement en sous-sol, au centre-ville, comme c’est probablement ce que tu veux savoir. J’y passe souvent pour dormir, parfois aussi pour manger. J’aime me balader, observer les gens, les rencontrer ou les aider. Je fais du bénévolat aussi. Là, je vis. »
Le géant des marées fit une petite pause. Qu’y avait-il à faire à Beacon Hills… Tant, mais si peu de prononçable sous la pleine lune sans risquer de la voir frémir.
« Il y a plusieurs parcs nationaux pas très loin. Aussi, il y a un lac méconnu, au milieu de la forêt, si tu aimes autant le plein air que moi. Le centre-ville est animé, il y a toutes sortes de gens, c’est facile d’y faire des rencontres. Les spectacles… les moins chers sont sur le campus, il me semble. Il y a souvent des affiches un peu partout. Si t’es plutôt du type bars, je pense que le Pink Print est celui qui a la meilleure réputation. Il y a le Jungle, aussi, qui est une boîte de nuit.»
Tama se tut un instant. Le temps d’entrouvrir les yeux pour vérifier leur position par rapport aux étoiles célestes et aux lucarnes à l’horizon. D’un bâillement, il corrigea la trajectoire du courant marin qui les portait et referma les yeux, non sans relancer celui qui parlait de la jeunesse comme s’il était un Kaumātua.
« Pourquoi tu parles comme si tu n’étais plus jeune? Tu dois pas être bien plus vieux que certains étudiants! »
D’une main, il alla happer à tatillon son coussin humide, et le plaça sous son crâne, ou il joignit ses doigts ensemble. Il savait bien que certains faisaient parfois bien plus jeune que leur âge, mais le passager clandestin ne pouvait pas non plus avoir un demi-siècle de vécu.
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Invité Invité
Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Mer 16 Sep 2020 - 12:37
Oh non ! L'animal avait renoncé à les suivre. Il devait en avoir déjà marre de leurs histoires à l'eau de rose. Ce n'est pas très romantique, un éléphant de mer. Scipion le chercha des yeux autour d'eux, en se demandant combien d'autres créatures irréelles dansaient un ballet invisible dans le précipice d'eau noire sur lequel ils flottaient. Mais il écoutait tout de même, et hochait la tête de temps en temps ; il sourit de nouveau à la mention du Pink Print. C'était un joli nom. Et puis, dans l'ensemble cet endroit avait l'air sympathique, peut-être parce qu'il lui était présenté par quelqu'un d'altruiste.
"Aider les gens". C'était une drôle de vocation. Mais ça n'avait pas l'air si ridicule après une vie passée à se heurter à des inconnus, et à se mêler de leurs affaires. Scipion n'aurait jamais rencontré personne s'il était passé imperturbable, le regard fixé sur l'horizon comme ces nomades romantiques des contes écrits par des sédentaires. Non, il fallait discuter du climat avec le paysan appuyé sur sa barrière, aider la petite vieille à traverser la route, l'étudiante à traîner ses valises, l'équipe municipale à transporter les bancs de la kermesse. Il n'aurait même pas appelé ça aider les gens. C'était une partie intégrante du dialogue. Ces stupides grandes mains fines aux doigts en ailes d'oiseaux qui avaient besoin de se poser partout.
Quel âge pouvait avoir le navigateur ? Scipion l'observa quelques secondes, plongé dans une perplexité soudaine. Oh, et puis ça ne changeait rien, il n'avait pas peur des vampires. - Cela dit, il ne serait pas allé les chatouiller sous le menton, non plus. Il y avait des limites. - Son humeur narquoise revint aussitôt et il affirma sans hésiter :
"Non, je suis vieux. J'ai plusieurs vies dans la mienne."
Sa main passa sur son coeur, comme on efface une démangeaison ou une courbature, ses doigts allongés un instant au long de l'aile de cet aigle ridicule qui s'envolait au travers de son torse, portant la banderole : refuse to lose. Au loin sur l'eau, les reflets de la ville brillaient et s'étiraient comme pour tenter de les capturer. Mais ils échappaient, toujours dérivant, toujours inaccessibles. Il y avait une grande poésie dans ce moment, mis à part le fait qu'ils étaient aussi deux clochards qui tapent la discute sur un bout de bois. Une poésie qui aurait sans doute pu plaire à son cinéphile préféré. De toute façon, maintenant, il avait envie de tout partager avec lui. C'est juste qu'il n'avait pas encore réfléchi que ce pourrait être agréable pour eux deux.
"C'est pas bête ce que tu dis, faudra que je l'emmène en voyage. J'y avais pas vraiment pensé. Tu vois, c'est quelqu'un qui aime être au calme dans sa petite vie, enfin j'ai l'impression... mais il m'aime bien alors, qui sait ? Il a sûrement d'autres facettes qui ressemblent davantage à..."
D'un geste général, il indiqua les environs clapotants, l'immensité du ciel illuminé d'astres, et leur étrange paire aux étranges discours. Puis il se tut. Son voisin de radeau n'était pas effarouché par ses yeux brillants, il l'avait même rappelé à plus de discrétion comme l'aurait fait quelqu'un de sa famille ; mais il ne fallait peut-être pas pousser trop loin. De révélation en révélations, on finissait par toucher certaines limites, fatalement. Scipion perdit son sourire et rentra un peu la tête dans les épaules, avec un air de coyote battu.
"Oui, enfin, c'est un monsieur, pardon, j'aurais dû préciser peut-être."
Bah, est-ce qu'il avait honte ? En fait non. Est-ce qu'il était prêt à se bagarrer pour défendre ses positions sur ce point épineux ? En fait, oui. D'ailleurs il ne ressentait aucun attrait pour la bagarre chez son interlocuteur, du moins, pas une bagarre réellement hostile. Au pire du pire, il aurait droit à un couplet bienveillant pour le convaincre de se trouver une jolie petite femme, et ça ne serait pas la première fois que la dite mamie avec qui il traversait la route lui servait ce discours. Il avait croisé un shérif qui avait tenté de le convaincre d'arrêter les tatouages, aussi, que ça donnait prise au démon ; mais avec cette nouvelle connaissance, quelque chose lui disait que ça ne risquait pas d'arriver.
"Je l'oublie. C'est plus que ça. Je sais, c'est cliché mais c'est vrai. Oh et puis, j'ai jamais prétendu être le grand poète de cette génération, je peux bien dire des conneries... C'est sans limites, c'est comme l'océan. Ya pas de trucs qui bloquent ou qui manquent, ou qui pourraient être un peu plus parfaits, ou différents. C'est exactement comme ça doit être, et en même temps ça bouge sans arrêt, ouais, comme l'océan. Et ça fait très peur, et j'en vois juste un voile sombre sous lequel je pourrais découvrir n'importe quoi. Et si je ne le soulève pas, je ne serai plus vraiment vivant. Tu vois ce que je veux dire, c'est pas juste un monsieur."
Quand Scipion se tut, il s'aperçut qu'un souffle de vent soulevait ses cheveux, et il se demanda sérieusement si même l'océan en question n'était pas en train de lui dire, dans son langage : ta gueule, petit con, tu ne sais même pas de quoi tu parles, tu fais juste du tapage pour te rassurer parmi les ombres de la nuit... un message qu'il avait dû adresser à bien des êtres à deux pattes, ou autres, d'ailleurs, depuis la nuit des temps.
Tama'Rangi Marama
Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 240 ans
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Dim 27 Sep 2020 - 19:07
La Curiosité des Fauves
Tama s’était contenté de sourire pour lui-même lorsque son clandestin lui avait affirmé être vieux, et avoir vécu plusieurs vies. Il ne s’imaginait probablement pas ce que cela pouvait être, ce que ce cela pouvait impliquer d’avoir réellement vécu plusieurs vies, mais la figure de style était commune et l’image parlait suffisamment d’elle-même pour être communément acceptée, et l’Océanien l’acceptait également ainsi.
Tama écoutait le loup-garou lui parler de celui qui faisait chavirer son coeur. Mentionna que l’idée de voyager ensemble n’était pas bête. Nouveau sourire du renard, qui se dit que l’éducation et l’intelligence n’étaient pas toujours corrélés, puis l’autre sembla embarrassé d’admettre qu’il s’était amouraché d’un homme. Épargné par les affaires du coeur – autant que de la couche – malgré sa longévité, Tama n’y comprenait pas vraiment quoi que ce soit. Il ne savait pas comment l’on se ressentait quand ces fameux papillons voletaient dans son estomac, ni comment on avait l’esprit obnubilé par un seul être et, honnêtement, il ne voyait pas comment cet être devait correspondre à un genre particulier. Pour lui, c’était simplement une caractéristique avec laquelle les gens naissaient : certains naissaient hommes, d’autres femmes. Comme on naissait avec les cheveux droits ou crépus, jaunes ou noirs, etc. D’un geste vague, Tama avait confirmé qu’il n’accordait pas vraiment d’importance à ce qui traînait dans l’entrejambe des gens, ou à l’orientation sexuelle de ceux-ci. Pas plus qu’il ne s’en faisait à cette idée que le terme monsieur sous-entendait également que Scipion s’était épris d’une personne plus âgée.
D’un œil paresseux, il observait les mains volubiles de son matelot, qui caressaient quelques encrages avant de s’envoler en soubresauts dans ses explications, et ses métaphores filées. Tama aimait bien lorsque l’on comparait quelque chose à l’océan, surtout si c’était dépeint avec justesse comme c’était présentement le cas.
« Beaucoup de gens préfèrent rester dans les sentiers battus. Ils y trouvent un réconfort dans ce qu’ils connaissent. C’est l’instinct de survie qui nourrit la peur de l’inconnu. Quelques personnes trouvent davantage de réconfort dans l’aventure, et l’inconnu. Cela ne veut pas dire que l’un comme l’autre ne peut apprendre à apprécier ce qui lui est moins naturel. J’ai connu beaucoup de gens qui se sont épanouis en acceptant de faire des entorses à leurs routines, et quelques-uns lorsqu’ils ont décidé de se poser et d’adopter une vie plus structurée. L’important c’est de trouver l’équilibre, comme la ligne d’horizon, là où la mer et le ciel s’étrennent. »
Une ligne invisible qui séparaient deux nuances de noir et en brouillait la limite pour qu’elles semblent être dans la poursuite l’une de l’autre.
« Si ce monsieur n’était juste un monsieur, je ne pense pas que tu trouverais autant de choses à en dire », taquina le kitsune en étendant ses mains sous son crâne pour raffermir son oreiller de fortune. Il s’ensuivit un long bâillement, et le maori s’étira de tout son long en tournant sur le côté, face au parleur. Son bras s’étendit mollement au-delà de la tête du métamorphe, et Tama reposa sa tempe dans le creux entre son épaule et son biceps, son autre main se posant sur son coude. Ses jambes se dispersèrent également contre le sol râpeux du ponton alors qu’il bâillait de nouveau.
« Si tu veux continuer de discuter, ça me fera plaisir, mais tu m’excuseras si je m’endors. On pourra toujours reprendre la conversation à notre réveil. »
Le géant des marées s’étira le cou pour replacer son crâne plus confortablement et sourit à son co-aventurier. Ce n’était pas tous les jours qu’on rencontrait quelqu’un qui était prêt à se laisser dériver sur la mer et à discuter de philosophie avec soi.
« Et donc, qu’est-ce qui te plaît le plus chez monsieur…? ».
L'essentiel est invisible pour les yeux ; On ne voit bien qu'avec le coeur
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Mar 6 Oct 2020 - 13:09
"Dors si tu veux, je vais te bercer en parlant. Je peux en parler jusqu'à demain matin sans m'arrêter !"
Ce n'était pas une menace en l'air, et pour le prouver, Scipion commença aussitôt à se confier, en prenant cependant garde à ne rien révéler de trop personnel au sujet du monsieur concerné. Il n'en savait pas encore tellement à son sujet, mais il avait deviné quelques détails, par intuition ou par expérience. Il n'avait pas vraiment besoin de les aborder. Le portrait des points plaisants dépassait largement les considérations de pedigree, de niveau de vie ou de perspectives de carrière.
"Il est calme. Mais vraiment, calme. J'adore les gens qui ne haussent pas la voix, surtout les hommes, mais tout le monde en fait. Je sais pas, c'est digne et ça donne plus de poids aux moments où ils montent au micro, pour les choses vraiment importantes. C'est un peu compliqué à expliquer. Y a tellement de types qui pensent que le charisme, c'est faire du bruit et emmerder le monde. Alors les gens... délicats, enfin, sensibles aux stimulations sensorielles excessives, ça me rassure. J'ai une très bonne oreille," ajouta-t-il en souriant. "J'ai pas besoin qu'on crie."
Cette conversation lui donnait cependant envie de s'agiter, comme pour contredire les centres d'intérêt dont il parlait. Il avait en fait envie de questionner en retour. Ce ne serait pas poli, le sujet n'avait pas été abordé du tout par son interlocuteur. Plus tard, peut-être, à moins qu'il lui donne d'abord quelques indices en guise d'invitation.
"Mais à l'intérieur, c'est un volcan. Tu sais, ce genre de personne qui se maîtrise complètement, comme les militaires dans les vieux films ? Ces personnages de huis clos que tu es forcé de prendre au sérieux, parce qu'ils gardent leur sang-froid en pleine crise. Mais ses yeux sont brillants de plein de choses qui le tourmentent et le brûlent, et il n'est pas... coincé, tu sais, pas vraiment, il est plein de fantaisie mais ça s'exprime tout en mesure. Il a ses bonnes manières bien à lui et il s'y accroche comme une vieille anglaise outrée, c'est trop marrant. C'est pas des conneries de traditions qu'il respecte pour se faire bien voir des voisins, il n'en a rien à foutre. Si je te dis que c'est un punk en tweed, ça te parle ?"
L'image avait quelque chose de comique. Il éclata de rire, et se promit de réaliser une poupée à cette image pour l'offrir à Tobias, un jour où ce serait approprié. A Noël, par exemple. Il faudrait voir si il comprendrait. Peut-être en utilisant pour base sa poupée de Lord Byron, et en la redécorant de petits hommages discrets ? Ça ne ressemblerait plus à rien, mais tant pis. Ce serait une blague de toute façon.
"J'avais jamais rencontré quelqu'un comme ça. Jamais. J'ai vu tellement de gens que je me suis mis à organiser des catégories dans ma tête, mais lui, y a qu'une seule catégorie qui lui colle : les oiseaux rares. Je sais pas, c'est une expérience bizarre que la vie a faite. Réussie ou ratée, ça dépend des domaines, mais c'est une pièce de collection et je le veux. Il est fait pour moi. J'aurai jamais de regrets, je m'ennuierai jamais, je le sais. Je l'ai su au bout de quelques heures. Ouais, on a regardé un long film ensemble. Et puis, il a l'air d'avoir besoin de compagnie. Je pense que même si... enfin, je suis pas la compagnie appropriée pour tout le monde, je me rends bien compte, mais peut-être que je peux lui faire du bien. J'en ai vraiment envie, en tout cas, alors je peux toujours essayer. J'ai peur d'en faire trop, surtout. Imagine, il me prend pour un cinglé et il me demande gentiment de le laisser tranquille. Ce serait horrible. Je ne veux même pas y penser."
A cet instant seulement lui vint à l'esprit une notion qu'il avait négligée : celle du physique. Il ferait peut-être bien d'aborder un peu la beauté, sinon son camarade allait penser que c'était une attraction purement platonique. Ça aurait pu l'être, mais Scipion n'était pas comme ça. Ce ne serait pas honnête de laisser planer cette illusion. Quitte à tisser une amitié à base de confidences, autant que cette base soit solide.
"Et j'adore son style. Il a une façon de bouger qui est très... Tu as déjà vu un tigre ? C'est beau et calme et en même temps tu sais que tu ne dois pas faire de conneries. Et tu ressens ce potentiel qui pourrait exploser tout à coup, et tu ne peux pas en calculer les limites à l'avance. Peut-être que ça n'a pas de limites. C'est fascinant. Bon, j'ai un côté qui aime jouer avec le feu, c'est peut-être ça qui me parle. Je suis une vilaine fille qui traîne avec les bad boys," conclut-il en minaudant. Puis il regarda si l'autre homme s'était déjà endormi. Ce n'était pas facile, dans cette ombre, de distinguer si son regard filtrait encore à travers ses cils, ou si sa respiration indiquait que le sommeil était arrivé.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Sam 17 Oct 2020 - 18:32
La Curiosité des Fauves
Ça avait été un échec. Tama avait tendu une perche qui n’avait pas été saisie, et il n’avait donc pas su cueillir le nom de ce cher et tendre amoureux qui enflammait le coeur de ce zoomorphe qu’il avait à son bord. Scipion n’avait pas menti, et se lançait sur un monologue que le renard suivait de son mieux. Le kitsune se contenta de commenter succinctement qu’il n’éprouvait aucune difficulté à croire que le garou avait une bonne ouïe, et se permit de sourire pour lui-même lorsqu’il entendit affirmer qu’il était inutile d’élever inutilement la voix. C’était une opinion que partageait généralement polynésien. Lui dont la voix lente et basse semblait presque destinée à bercer les oreilles auxquelles il s’adressait, il devait être franchement contrarié pour lever le ton. Glissant vers le sommeil, Tama se demanda si un lien existait entre ce mot et le verbe tonner, ou même avec le tonnerre. Il s’étira une paupière close en réprimant un bâillement, et tenta de se concentrer de nouveau sur les pensées qui fusaient dans l’air comme des torpilles visant ses méninges.
Tama n’avait jamais été cinéphile, mais il trouvait toujours comique d’entendre des mentions de choses qui lui avaient été contemporaines, affublé de termes désignant leur ancienneté ou leur désuétude. Il hocha la tête, ayant effectivement déjà vu ce genre de pellicules, alors qu’elles étaient déroulées pour la dixième fois, peut-être, dans un cinéma d’Auckland. Un théâtre, comme l’on disait encore. L’océanien arqua un sourcil et entrouvrit l’oeil sous-jacent à la mention de la vieille britannique, pour laisser ensuite deux ou trois éclats de rire, dissimulés sous ceux du garou, percer la nuit à l’image du punk en tweed. Il n’était pas certain de quelle définition du punk il devait suivre. Celle originale, issue d’un mouvement de revendication, ou celle devenue mainstream et qui n’était plus qu’un phénomène de mode. Dans tous les cas, une vieille dame, de petit gabarit, à lunettes en demi-lune devant un regard brûlant, avec une coupe mohawk à bigoudis et plusieurs anneaux dans le nez autant que les oreilles, buvant un thé au-dessus d’une soucoupe à motifs fleuris, un châle de dentelle par-dessus un gilet de tweed clouté. Probablement un napperon de dentelle sous la soucoupe. Et des traits masculins, pour terminer le tout. Voilà qui était définitivement une image marquante!
« Ça tient surtout du rituel, alors. » résuma-t-il avec ce qu’il croyait être un à propos indéniable.
L’imagination du polynésien ensommeillé vint ajouter des plumes exotiques, de paon, de kakariki et de ménure, vinrent se planter sur un chapeau sans bord, posé de côté sur la tête de cet homme imaginaire sans traits particuliers. Tama’Rangi voulut énoncer que personne n’appartenait à autrui, mais son élocution ne laissa passer quelques marmonnements mâchouillés à travers ses lèvres pâteuses.
« Il serait bien fou. » commenta Tama, par automatisme, en entendant Scipion craindre de passer pour un cinglé. Grouillant au sol pour se replacer de manière un peu plus confortable, il ne pouvait s’empêcher pour autant de penser que, de ses observations de la nature humaine, tout le monde n’avait pas le même rythme dans les relations interpersonnelles. Il le savait : lui-même était particulièrement lent. Si lent, en fait, que la plupart des gens passaient pour des poisson-voiliers en comparaison. C’en était même mystérieux, la façon dont il s’était lié à la petite famille des Turner. À croire que c’était une volonté du destin, ou un truc du genre.
Les mots de Scipion faisaient de moins en moins de sens, à force que Tama se contorsionnait d’une manière quasiment féline, pour se retrouver dans une position improbable, les flancs faisant face à la direction opposée à celle de son visage, un coude couvrant la moitié supérieure de celui-ci comme si une quelconque lumière éblouissait le géant. Il se tendit soudainement, les épaules et les hanches de nouveau enlignées ensemble, sur le sol rugueux, alors qu’il grommelait sa réponse, des vibrisses et une gueule puissante apparaissant sur l’image mentale de la mémé… du pépé?
« Moui. Aurais préféré pas. »
Quelques mots suivirent dans un vieux dialecte mélanésien, incompréhensibles, alors que les mots se faisaient de moins en moins clair dans son esprit. Il réalisait à peine que c’était à présent le narrateur qui s’identifiait au genre opposé, à croire que la fluidité à ce niveau était un concept qu’il avait complètement accepté. Il lui fallut bien quelques dizaines de secondes avant de réaliser que le silence s’était installé de nouveau. Qu’en était-il de la promesse de le bercer de mots et de monologuer toute la nuit? Une poignée d’instants plus tard, le maori grogna pour signifier qu’il attendait la suite.
︵‿︵‿︵‿︵‿︵‿
Tama bâilla en s’étirant, les yeux toujours clos. Un instant plus tard, il sursauta en heurtant quelque chose de chaud et mou – du moins, en comparaison à la structure sur laquelle il était étendu – et se retrouva immédiatement assis sur sa barge, à regarder le corps nu qui dormait à ses côtés, sous les étoiles. Il lui fallut cligner des yeux à quelques reprises pour se rappeler de son passager clandestin.
L’encre laissait doucement sa place à une couleur marine dans le firmament, les étoiles perdant en intensité alors que le petit matin approchait doucement. Il serait temps de rentrer. Une courte observation des constellations permit au géant de s’orienter, et il se dégomma sommairement les yeux avant de se laisser couler dans l’eau sans perturber les ondes qui allaient et venaient. Voilà qui le réveillerait réellement. Le renard des marées se laissa flotter quelques minutes, en silence auprès du ponton où le souffle lent de son matelot semblait répondre à celui de l’océan, puis il remonta à bord et se saisit de la pagaie, pour donner le change davantage que par nécessité. La mer les emmenait déjà dans la bonne direction, guidée par l’affinité du kitsune-umi avec celle-ci. La pagaie permettait surtout de s’occuper les mains et la tête, et ajoutait un caractère plus habituel à cette forme de navigation qui sinon serait trop fluide.
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Lun 26 Oct 2020 - 9:46
Scipion parla longtemps, longtemps. Il avait trop à dire. Chaque détail observé sur le corps aimé ou sur la surface visible de sa personnalité singulière, tous deux couverts d'oripeaux dont le choix aussi en disait long, était support à une envolée lyrique. Il parlait à voix basse, conteur qui laisse mourir le feu et s'assoupir les têtes du campement, et finissait par tenir un tête-à-tête secret avec une étoile bien particulière, la sienne, comme une prière. Il parlait avec le soulagement profond de celui qui ne sera pas jugé, et il en concevait une affection grandissante pour l'endormir à ses côtés. Quelqu'un qui savait apprécier le déploiement de la voix comme toute autre performance sportive ou artistique. La langue, après tout, est un muscle, et la gorge un instrument, à vent ou à cordes, selon comment on souhaite le considérer.
Il ne prononça pas de nom. Il ne savait pas s'il y était autorisé.
Il s'interrompit un temps pour flâner dans un sommeil léger, conscient de reposer sur une plate-forme en mouvement au-dessus d'un gouffre, et réduite par la présence d'un camarade au corps conséquent ; puis il se ranima parfaitement reposé, replongea en silence pour une baignade curieuse autour de l'embarcation, et assista à ce merveilleux phénomène des premiers rayons encore invisibles qui traversent les eaux avant de surplomber les terres, donnant à la profondeur opaque un délicat début de transparence verdâtre. C'était à la fois superbe et terrifiant, et il ne savait plus s'il rêvait ou non. Il ne réveilla pas son ami pour autant ; celui-ci avait sans doute déjà vu cela cent fois. Il remonta sur le radeau et se recoucha, mais le sommeil ne se rétablissait pas complètement ; il se laissa aller à une semi-inconscience, pour continuer à observer, d'un point de vue plus sécurisé, ce qui l'entourait à présent.
Sa bouche avait le goût du sel, ses cheveux s'amassaient en paquets sur ses épaules, son menton avait ce contact rêche que personne ne remarquait mais qu'il n'aimait guère. Le mouvement de la petite plate-forme de bois s'accentuait un peu avec la marée. Les vêtements déposés ça et là étaient secs, pour son plus grand étonnement. Au loin, un oiseau lui rendait son regard perçant et doré, avec l'étonnement de croiser un miroir inattendu dans un endroit désert.
L'homme immobile approchait de ce moment du sommeil où les yeux de la conscience s'ouvrent déjà, mais les paupières physiques restent résolument scellées. Il n'était pas du tout inquiet de sa présence, bien qu'il ait capté son regard flamboyant, tout à l'heure, lorsque les émotions l'avaient emporté au-delà de ses précautions habituelles, et que la lune sauvage avait cherché à s'incarner en lui. Scipion ne s'en voulait pas vraiment pour cet enfantillage. Certes, ça n'était pas de bon augure pour la sauvegarde de sa réputation dans ce nouveau territoire ; se trahir dès son arrivée, ça commençait bien. Mais quelque chose lui disait que ses secrets auraient été autant en sécurité, voire davantage, entre les mains de son confrère tatoué qu'entre les siennes propres.
C'était un drôle de personnage, à l'observer au petit matin naissant. La lueur rasante qui commençait à flotter sur les flots, et transformait graduellement la teinte de tout le vide alentour, aérien et liquide, faisait reluire les dessins qui marbraient sa peau. Scipion étendit le bras pour comparer leurs styles. Lui, il avait l'air de ce qui se produit quand on défroisse le contenu d'une corbeille à papier, mais pas n'importe laquelle ; celle d'une école de dessin où l'on parle beaucoup de comic books. Il s'en rendait compte quand il se tenait à côté d'un autre adepte de l'encre sous-cutané. A l'instant où il se faisait cette réflexion amusée, il referma les yeux ; ressentir les mouvements du bateau et de l'équipage était une autre façon d'étudier, plus instinctive. L'autre homme émergea et s'enquit de l'heure qu'il était, à la façon de ceux qui savent lire un paysage. Le sommeil et le réveil s'étaient tant entremêlés au cours de cette nuit que le tri n'était pas évident.
Oui, il était temps de rentrer. Scipion resta encore un peu assoupi durant quelques minutes. Puis il fit un effort en marmonnant, se leva et posa la main en visière, pour chercher à reconnaître la côte. Où étaient-ils maintenant ? S'il s'était livré seul à cette petite promenade, il aurait été complètement perdu ! L'âge était relatif à l'activité. Dans cette situation précise, il était un enfant.
"Si tu nous ramènes à notre point de départ, je t'offre le petit déjeuner," lança-t-il crânement, par quoi il entendait qu'il partagerait son petit déjeuner prévu avec lui, non pas qu'il lui payerait pour deux dans le premier établissement venu. Après s'être payé le cinéma, financièrement il était parfaitement rincé. A ce propos, il entreprit d'essorer soigneusement ses cheveux sur le bord du radeau, avant de repasser ses vêtements. Il se remit à chantonner, puis ajouta tout à coup :
"Merci pour la conversation. J'ai beaucoup réfléchi à voix haute, ça m'a permis de mettre certaines choses au point," ajouta-t-il en tournant son t-shirt en tous sens pour tenter d'en retrouver l'avant et l'arrière. Par "conversation" il entendait aussi ce monologue rêveur auquel il s'était livré, bien après que le marin se soit laissé happer par les tentacules soyeux de Morphée. Mais il pouvait tout à fait le remercier pour cela. La plupart des rencontres impromptues lui auraient demandé de se taire, ou l'auraient simplement considéré d'un œil critique, qui serait revenu au même. "Je crois que j'en avais besoin."
Plus de créatures des abysses tournant autour de leur embarcation. Plus de mystères phosphorescents venus hanter les eaux noires. La scène redevenait paradisiaque. Dans un élan d'affection, le coyote se rapprocha de son pilote et passa les bras autour de son cou, pour appuyer la tête sur son épaule et refermer les yeux. Sa respiration lente trahissait qu'il aurait pu se rendormir ainsi.
"Et toi, tu as fait de beaux rêves ?"
Les yeux brillants dans les ténèbres étaient un rêve, bien sûr.
Tama'Rangi Marama
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Sujet: Re: La curiosité est la perdition des fauves Sam 31 Oct 2020 - 14:52
La Curiosité des Fauves
Par-dessus son épaule, Tama offrit un sourire au regard étincelant à son passager.
« Es-tu certain de vouloir me faire une telle promesse? J’ai bon appétit. »
La navigation était paisible, ce qui n’avait rien de surprenant, et le chant faible du loup-garou s’intégrait parfaitement à cet atmosphère un peu mystique et sereine que leur offrait cette aventure. Sans porter attention aux étapes de la toilette de Scipion, Tama observait paresseusement les cieux pour soutirer les secrets de leurs positions. Il notait mentalement l’endroit où le soleil était apparu, comme une borne fixe dont il pourrait se servir pour retrouver ensuite le nord. Il devrait garder un œil constant sur la flamme céleste, pour s’en approprier le parcours, s’il ne voulait pas trop dévier de la trajectoire si évidente sous les étoiles.
Le marin d’eau douce cessa de scander ses vers pour remercier le géant des îles. Surpris, le renard interrompit son geste, la pagaie toujours à mi-chemin dans son plongeon, et tourna le buste pour observer ce drôle de clandestin. Tama répondit d’une formule plus que convenue, qui trahissait son apprentissage tardif de la langue.
« Il n’y a pas de quoi. Je suis heureux si cela t’a aidé. »
L’autre homme semblait se débattre avec ses vêtements, cherchant dans quel sens les remettre sur son corps de papyrus et Tama ne put se retenir de transférer son poids sur sa jambe droite, un sourire malicieux aux lèvres. Le ponton s’enfonça dans l’eau, bien plus qu’il ne l’aurait dû, avant de redevenir droit, la mer reprenant son aspect ondé comme si rien ne venait de la perturber.
« Lame de fond. Je suis désolé, je n’avais pas vu la vague. » mentit-il sans vergogne, beaucoup trop amusé d’avoir donné un défi supplémentaire au garou. S’ils étaient tous comme Scipion, Tama ne voyait pas de raison de les considérer comme des ennemis naturels. L’homme semblait doux et bonace, bon vivant et agréable. Toutefois, le nomade lui-même se définissait comme quelqu’un de non-conventionnel.
« Oui. »
Tama dormait toujours bien. C’était l’avantage d’avoir plusieurs décennies de pratique. Sa nonchalance naturelle lui permettait d’évacuer facilement les tracas et, pour le reste, il maîtrisait sa respiration, ce que certains rapprochaient aujourd’hui à de la méditation. Les yeux gourmands du jeune homme à son bord l’invitèrent à poursuivre.
« J’ai rêvé à ma mère. Elle me racontait des histoires pour enfant, qui prenaient vie autour de moi. Des esprits revenus sur terre, des monstres marins, et toutes sortes d’autres choses. »
La pagaie quitta l’eau, déferlant une pluie de diamants dans l’arc de sa trajectoire alors qu’elle se dressait à l’horizontale, pointant les formes cubiques qui commençaient à poindre de nouveau à l’horizon, en contre-jour du lever de soleil et des monts derrière. Il était encore trop tôt pour distinguer les manoirs, si similaires les uns par rapport aux autres, mais tout aussi uniques, pourtant il était sans équivoque qu’ils toucheraient la terre ferme aujourd’hui.
« Tu ne t’es pas trop ennuyé de la terre ferme? » s’enquit le maori en réorientant leur navire de fortune, à la recherche de la baraque à laquelle ils avaient emprunté le quai flottant pour s’en faire une embarcation de fortune.