Need to entrust me [ PV Willem]

« - Vous êtes des tarés, des putains de mutants. »

L’ami de Maxine avait très mal réagit face à notre nature de loups garous à Maxine et moi. Notre tentative d’approche auprès de celui que la jeune femme surnomme zombi boy c’était soldée par un cuisant échec. D’autant plus blessant que les mots du jeune homme avaient été forts et violents. Même si je suis blindé contre ce genre de réaction, il n’est jamais agréable de se faire traiter de mutants ou de monstre. Maxine avait encaissé l’échec de la tentative de faire ouvrir les yeux de son ami sur sa nouvelle nature en plus de se prendre un méchant rejet de sa part.

Mon amie est blessée et meurtrie. Elle venait en amie avec de louables intentions et elle vient de se fracasser à un mur d’incompréhension et de rejet aveugle. Elle tente de faire bonne figure mais est prête à fondre en larme. Doucement je l’entoure de mes bras et lui colle le museau au creux de mon épaule afin qu’elle puisse laisser échapper cette eau de tristesse avec pudeur et retenue.

Nous restons un moment ainsi, peut-être avec le secret espoir que Nikolaï revienne, disant qu’il est désolé et que c’est un malentendu. Mais point de tatoueur qui revient au bercail. Je doute qu’il soit allé bien loin et qu’il doit attendre, camouflé dans un coin, que nous quittons sa boutique. Je tends la veste à Maxine, puis range le lieu en mettant à la poubelle ce qui doit y aller. Sans un mot nous sortons. J’accompagne Maxine jusqu’au prochain carrefour où je la laisse. Elle a refusé que je la raccompagne jusqu’à chez elle, souhaitant rester seule.

Je comprends ses raisons et m’en vais de mon côté non sans lui avoir fait promettre de nous revoir très vite.

- N’hésite pas à m’appeler Maxine. Et cela quelle que soit l’heure.

(…)

Je me suis retenu toute la semaine d’aller voir Maxine pour m’assurer qu’elle allait bien. Je lui ai envoyé quelques texto  un peu futiles qui ne demandaient pas vraiment de réponse. C’était un simple geste pour qu’elle soit assurée de ma présence et de mon affection. C’est avec soulagement que je lis son message une semaine après l’incident. Elle souhaite que nous nous voyions. Je lui réponds qu’elle peut passer à la maison quand elle le souhaite.

J’apprécie la douceur de la jeune femme et même si elle affirme ne pas être une louve très stable, elle est une de ces rares personnes qui pensent aux autres avant de songer à elle-même. Elle pourrait servir d’exemple à Tobias. La maison retentit à nouveau de vie avec l’arrivée de Kada’an et de James. Toutes les soirées sont loin d’être paisibles, mais ce n’est pas grave. L’important est ce sentiment que j’éprouve à nouveau, celui de la meute, celui du clan et de la famille. Nous avons chacun notre caractère, mais aussi beaucoup à nous apporter les uns les autres. Je vois déjà un changement chez mon cousin. Au début il avait pris l’arrivée de deux nouveaux bêtas comme une invasion. Mais maintenant je le vois communiquer de plus en plus avec Kada’an. Ils sont du même âge, et peu à peu il la voit comme une sœur. Il m’est arrivé de sourire quand je le surprends au lycée sur un geste protecteur envers la jeune rouquine. L’esprit de meute, c’est peut-être ça la solution qui peut sauver Tobias d’une dérive qui ne peut que mal terminer. Beacon Hills attire les êtres surnaturels autant que leur pire ennemis, les chasseurs.

(…)

Quand j’ouvre la porte pour laisser entrer Maxine, celle-ci me prend en flagrant délit de goinfrerie avec la bouche pleine et un morceau de brioche bien entamé dans la main.

- Ché Madiche qui a cuichiné. Chétte toi dechu car dans chinc minutes y en n’aura pluche !

Regard en soucoupe, moue amusée qui frôle l’hilarité. Les joues de la louve se gonflent avant qu’elle n’éclate de rire. J’avale rapidement ce que je mâchouille et tente de prendre la contenance d’un alpha respectable et sérieux... Sans grand succès je ne le crains.

- Je disais que si tu aimes la brioche, c’est maintenant ou jamais. Tobias en a raflé déjà un quart, Keanus et James une moitié, et moi... Bref c’était censé être pour le dîner de ce soir… Cela serait ridicule de laisser le bout qui reste. De toutes façon Mady va râler, ainsi que Kada’an. Donc autant ne pas faire les bêtises à moitié.

J’ai conduit Maxine à la salle à manger et subtilise in extrémis l’assiette où se trouve le morceau rescapé de la voracité de Tobias qui était revenu se servir.

- Mange, ça va te remplumer !

Dans mon élan, je lui colle le morceau presque dans le nez. Maxine commence à me connaitre et sait que dans cette maison, nous ne faisons pas de chichis. Tobias salue la louve avant de remonter dans sa chambre. Cette amabilité de sa part est si inhabituelle que j’en écarquille les yeux. Sept ans que je m’évertue à le rendre sociable et il suffit de cohabiter avec deux écossais bruyants et inviter une jolie louve pour que mon idiot de cousin devient potable socialement. Si je n’avais pas peur d’effrayer Maxine et de la faire fuir, je l’inviterai à loger chez nous immédiatement.

Depuis l’arrivée de James et Kada’an un nouveau schéma de vie s’impose à moi. J’ai toujours eu l’habitude de vivre entouré d’une grande troupe. Et même si cela braille beaucoup à la maison, j’aime cette ambiance et cette vie. De plus cela donne toute son utilité à mon rang d’alpha. Je n’ai pas la prétention d’être un chef de meute exemplaire, toutefois je pense que je ne m’en sors pas trop mal.

- Des nouvelles de Nikolaï ?

Visiblement non. Le sourire de Maxine s’efface. Je m’en veux d’avoir mis ce sujet sur le tapis. Je me retrouve un peu penaud. Le comble pour le médiateur que je suis, je ne sais pas comment aborder la louve avec la proposition qui a germé dans mon esprit depuis ce malheureux tatouage.

- Au fait, ton tatouage est toujours là ?

- Au fait, ton tatouage est toujours là ?
- Oui, il ne s’est pas envolé mais… j’imagine que tu ne parles pas vraiment du tatouage n’est-ce pas ?
- Arg ! Me voilà démasqué !

Je fais à Maxine une grimace dont j’ai le secret et avec laquelle je suis certain de lui soutirer un sourire. La jeune louve est facile à distraire. J’en profite donc pour alléger le poids invisible qui pèse sur ses épaules.

- Non tu as raison Sherlock. Je te propose d’aller en discuter en allant marcher un peu, loin des oreilles indiscrètes.

J’ai un peu élevé la voix, car je sais que mon cousin est à l’écoute même s’il est dans sa chambre. L’arrivée de James et Kada’an a été bénéfique sur Tobias. Le fils de Mady s’ouvre enfin à autre chose que son nombril. La rouquine ne se laisse pas marcher sur les pieds, mais elle a su apprivoiser le rebelle qu’est le plus jeune des Shepherd. La solution était simple, celle d’une meute. Le clan est une force. J’avais pensé à tort que rester dans un noyau familial restreint allait apaiser Tobias. J’avais tort. C’est au contraire, le nombre de la meute et des heurts inévitables entre nous qui vont pousser mon cousin à se faire une place et se construire enfin. C’est ce constat qui a fait germer cette proposition que je souhaite faire à Maxine.

Toutefois, je ne souhaite pas paraitre présomptueux en lui proposant de rejoindre ma meute. Je ne suis pas à la recherche de puissance, mais d’une famille, d’amitié et d’entraide. Les loups ne sont pas faits pour vivre seuls.

J’ai tout de suite apprécié le contact que j’ai eu avec Maxine. Elle a un caractère paisible que j’aime bien et un cœur qui déborde de gentillesse. Alors que nous progressons sur le sentier qui conduit à la forêt toute proche, je cherche mes mots pour lui présenter mon idée sans qu’elle se sente agressée ou qu’elle me trouve trop intrusif.

Ce qui est plaisant chez Maxine, c’est qu’elle me laisse le temps de trouver mes mots. Moins impétueuse que la flamboyante Kada’an ou l’intempestif James, Maxine  contrairement aux autres agités de la meute est apaisante. Sa présence parmi nous conférerait à la meute un bel équilibre entre les tempéraments de chacun.

- Maxi’, je crois que tu peux m’aider.

La louve me regarde un peu étonnée. Elle ne devait pas s’attendre à une telle entrée en matière.

- La meute s’est récemment agrandie de deux écossais. Kada’an est encore au lycée mais elle travaille dans un bar le soir et James… ben je lui ai sauvé la vie en le mordant. Il était agonisant suite à l’attaque de chasseurs qui avaient tué son épouse qui était une louve.

Je raconte en gros comment je me suis trouvé contraint à un choix cornélien. Laisser mourir James en humain ou tenter le tout pour le tout et le mordre sans son consentement. J’explique que James ne m’en a point voulu et qu’avec lui la meute est plutôt animée le soir avec les histoires qu’il nous raconte. Je perçois un trouble dans le regard de Maxine. Repense-t-elle à son ancienne meute ?

- Je… J’avais craint que l’arrivée de deux nouveaux bêtas ne déstabilise Tobias, mais il s’avère que c’est tout l’inverse. Il y a bien sûre eu quelque sorties de crocs au départ, mais mon cousin passe de plus en plus de temps avec nous au lieu de s’enfermer dans sa chambre comme avant.

Je me tais, car au détour du chemin deux personnes font irruption. Un père et son jeune fils. Le gamin semble décidé à courir après les papillons au grand dam de son paternel, car le marmot ne regarde pas où il met les pieds. L’enfant finit par nous foncer dessus.

(…)

L’interruption terminée et de nouveau hors de portée d’oreilles indiscrètes, je poursuis. Maxine m’écoute et me répond brièvement.

- J’avais eu peur qu’agrandir la meute allait déstabiliser Tobias mais c’est l’inverse qui se produit. Mes années d’errance depuis le massacre des miens, m’ont fait oublier le bienfait qu’apporte une meute étoffée de bêtas.

Je dis à Maxine que je ne me vois pas pour le moment avec une meute de l’importance de celle qu’a été la mienne dans mon enfance, mais je lui fais comprendre que j’ai décidé de prendre mon rang d’alpha à cœur et que…

- Maxi’… je serai vraiment enchanté que tu nous rejoignes. Mady t’adore. Mon frère t’apprécie beaucoup et si Kada’an est le grain de folie qui bouge Tobias de sa piaule, tu serais notre rayon apaisant. Je ne doute pas que tu arrives à t’entendre avec les deux écossais. Ils sont aussi remuants qu’adorables.

En disant cela je me suis arrêté. Je fais un sourire penaud. Je ne suis pas en train de la demander en mariage, notre relation n’a pas ce sens-là, mais c’est le moment est tout aussi solennel. Je ne souhaite pas qu’elle accepte pour ne pas me faire de peine, elle en serait capable ! J’aimerai qu’elle vienne sous mon aile protectrice par envie et joie.

Je sens que Maxine est bien quand elle vient à la maison. Je suppose qu’elle y trouve le cocon dont elle a besoin. Nous sommes une meute, mais aussi une famille. Les Shepherd ont toujours été des gens de nature pacifique. Je suis issu d’une longue lignée de loups stables. Sans le cruel événement qui a décimé les miens, Tobias serait en paix avec lui-même et non cet adolescent révolté. Nous nous sommes égarés à fuir pendant sept années, pour finalement peut-être trouver notre salut dans cette ville.

Reconstruire la meute. Être à nouveau entouré. Pouvoir compter les uns sur les autres. Dormir tranquillement et sereinement. Voilà ce que représente notre maison.

Mais il ne suffit pas de le dire pour cela se fasse. Kada’an et James sont loin d’être des êtres tranquilles, mais ils ont tous deux un bon fond et sont de joyeux compagnons. Nous devons nous apprivoiser et arriver à réajuster notre place les uns par rapport aux autres. Des conflits, il y en aura toujours, toutefois je souhaite les régler de la façon la plus paisible possible. Mais comme lors de la première lunaison de James, je sortirai les crocs et m’imposerai si c’est l’ultime moyen pour que personne ne soit blessé ou ne commette l’irréparable. Je n’aime pas m’imposer par la force, ce n’est pas dans ma nature. Pourtant j’ai souvent dû y faire recourt avec mon cousin qui, dans ses pires périodes, se plait à me pousser à bout. J’espère que ma proposition d’intégrer notre meute lui plaise et qu’elle ne voit pas cela comme une ingérence dans sa vie. Je la sais discrète.

-  Ta proposition me va droit au cœur Will.

Je suis heureux de l’entendre dire cela. C’est sincère, les battements de son cœur l’affirment.

- Mais avant de te donner ma réponse, il faut que tu saches ce que j'ai vécu…

Je n’osais espérer mieux. Depuis notre rencontre fortuite un soir non loin du campus, j’ai bien deviné que derrière ses airs craintifs et réservés se cachait un lourd passé. Je n’ai pas le pouvoir d’effacer son passé, seulement de l’accompagner dans un futur plus serein.

- Je t’écoute Maxine.
- Il y a de ça plusieurs mois maintenant, l'ancien alpha de ma cousine est venu à Beacon-Hills pour la retrouver. Cet alpha, Ryan, tenait absolument à forcer ma cousine à épouser son fils.
- En voilà des manières que je n’approuve pas !
- Malheureusement il ne l'a pas trouvée mais… il m'a trouvée moi.
- …

L’émotion de la jeune femme est palpable. Je reste silencieux. J’aimerais passer mon bras sur ses épaules, toutefois j’ai peur que je n’empire son trouble. Personne n’est fier de verser ses larmes devant témoin. Je tente donc de me faire présent, mais pas trop. Mes qualités de médiateur m’aident à être de bonne écoute.

- Il m'a emmenée dans une sorte de vieil hangar abandonné et il m'a torturée. Au début ce n'était que des coups. Mais comme je ne disais rien, il a commencé à me griffer et à me mordre. Et un jour, il a appliqué un liquide sur la plaie, depuis ce jour, j'ai la cicatrice…
- C’est de la cruauté gratuite ! Ce Ryan est une mauvaise personne.

Se replonger dans ce drame personnel, ravive la douleur du souvenir. Maxine baisse la tête. Ses yeux ne peuvent plus contenir sa souffrance morale. Car si ses blessures sont guéries malgré la cicatrice résiduelle, son âme n’a pas oublié ses souffrances physiques et psychologiques. Je ne sais quoi dire, alors cette fois, je m’approche et l’entoure de mes bras pour qu’elle prenne appuis sur moi.

- Quand ma cousine et l'agent O'Conner m'ont retrouvé, j'ai essayé d'en parler avec mon alpha, Cahir, mais il a disparu à ce moment-là. Je me suis retrouvé seule.  

Décidément, elle n’a pas eu de chance avec les alphas qu’elle a croisés. Un alpha qui disparait ce n’est pas anormal. Ce rang est convoité et pour être bien placé pour le savoir, nous sommes souvent la cible de loups en quête de puissance.

- Je n'avais personne à qui parler. Du coup, je me suis refermé sur moi-même, ne faisant confiance à personne.
- Cela me semble une réaction normale et prévisible. Je comprends mieux tes réticences initiales. Ta louve s’est trop souvent sentie trahie ou mise en danger. Il est difficile de se laisser approcher  après cela.
- Il n'y a qu'avec toi que j'arrive à me confier et à me sentir en sécurité…
- Tu m’en vois flatté !
- Alors, si tu me promets de ne pas m'abandonner alors, oui j'accepte avec grand plaisir ta proposition d'intégrer ta meute.
- Maxi, je ne propose jamais quelque chose que je ne suis pas capable de tenir. C’est dans mon caractère. J’en ai parlé avec Mady et Keanus. Leur réaction a été immédiate, ils t’apprécient beaucoup. Tu leurs rappelles même une de nos cousines qui était douce comme toi. De plus cela comble la disproportion homme / femme de la meute. Cela peut paraitre idiot, mais c’est ce genre de détails qui fait l’harmonie d’une meute. En te prenant sous ma patte, je ne cherche pas augmenter ma puissance, même si dans les faits la force d’un alpha est liée à la composition de sa meute, non, ce que je cherche c’est construire une famille, même si nous n’avons pas de liens de sang.

Je sers Maxine contre moi, son nez plein de morve vient se loger sur mon torse.

- Je ferai attention à toi comme si tu étais ma petite sœur. On retourne à la maison ? Tu manges avec nous bien sûr !

Je prends un peu d’avance afin de ne pas la voir se moucher et lui laisser le temps de reprendre contenance. Même si nous partageons presque tout dans une meute, il faut savoir aussi préserver la pudeur et l’intimité de chacun.

Alors que nous sommes sur le chemin du retour, je sifflote un bon vieux rock. Je n’ai pas encore abordé la question du logement. Je la laisse s’intégrer à la meute, puis lui proposerai de venir loger avec nous si elle le souhaite.