Le taciturne et l'optimiste PV Andy

Elle fixe le trousseau de clés que vient de fourrer son ami dans sa main. Elle hausse un sourcil ne comprenant pas ce qui vient de se passer pour que le blond en arrive à accepter de prêter ce tas de boue qu'il nomme voiture. La chose qui a prit possession du blond geint, puis gratte une partie de son anatomie qu'il devrait éviter de tripoter en public. Et ce même à travers un caleçon. Cette image du libraire n'a rien a voir avec ce qu'elle croyait connaître de son ami.

Non le gentil blond, blagueur et un brin râleur est devenu... Une loque. Le cheveu terne, l’œil mort, des cernes longues comme le Mississipi. Il aggripe sa main, coince un rouleau de papier entre les doigts de la blonde avant de la serrer contre lui. Andy opine du chef avant de déposer un baiser sur le front de son ami.

Alors qu'au volant de l'épave roulante, elle le voit rentrer dans la maison, bien emmitouflé dans son plaid Tigrou, elle se dit qu'elle a eu raison de lui rendre ce service.

[...]

Elle n'a eu besoin que de très peu de temps pour comprendre qu'elle venait de se faire avoir comme une bleue. En rappelant Wesley pour qu'il vérifie leur stock de papier toilette, elle a entendu le son de la console derrière lui et les aboiements joyeux de Jared qui semble bien s'amuser lui aussi. Il lui avait parlé de faire la sieste et au final il se contente de végéter devant la télé.

Chariot et rancune traînés derrière elle, elle progresse à travers le magasin, cochant les uns après les autres les articles une fois qu'ils ont atterrit dans le caddie. Par habitude, elle commence en faisant une base stable tout au fond avec trois packs de bières, pour ensuite entasser les reste des objets, les plus gros pour finir par les plus petits. Si cela semble logique pendant que l'on fait les courses, on finit par se rendre compte de la catastrophe au moment de passer en caisse.

Elle cale les boites de céréales bourrées de colorants chimiques entre les bidons de jus d'orange, avant d'entrer dans le rayon surgelés. Au programme : Frites, Nuggets, Fausse viande, Glaces et pizza. Une quinzaine de pizzas prises au hasard passent de ses mains à l'intérieur de son caddie, et elle part en quête des huit litres de crème glacée qui sont sur sa liste. Elle commence a en avoir marre, et cela empire quand un obstacle se met sur son chemin alors qu'elle est en train de se laisser traîner par son chariot. Elle se redresse, fronce les sourcils en tentant de comprendre ce que ce type lui veut. Et surtout pourquoi ? Après tout c'est lui qui n'a pas su se décaler à temps.

Sa mauvaise foi se gonfle face à la réaction de l'abruti qui semble s’agiter tout seul. Brassant beaucoup d'air pour pas grand chose. Son nez se fronce de mépris, une de ses narines prenant un pli douteux quand lui parvient cette fragrance qui n'est pas celle d'un humain. Non, un loup. Un de plus dans cette foutue ville. A croire qu'on leur file de l'argent pour qu'ils viennent s'installer dans le coin. Elle ouvre la bouche, prête à laisser son courroux moralisateur s'abattre sur l'imprudent qui lui fait face. Mais elle n'en a pas le temps, et la vision de son caddie envoyé au loin par ce sac à puce la rend muette. En tout cas un bref instant. Elle se rue vers le chariot et les courses qu'il contient. La liste commence à arriver à sa fin, hors de question qu'elle se mange double corvée à cause d'un impatient. Son bras s'agite bizarrement en s'abattant sur la poignée en plastique de l'objet alors qu'elle commence à vociférer.

-Vous aviez vraiment besoin de faire ça ? Vous ne pouviez pas demander gentiment ? Être aimable, et peut être même sourire un peu.  Non mais franchement on vous a élevé dans un zoo ou quoi ?

Elle se redresse sur toute la hauteur de son petit mètre 63, joliment agrémenté d'un petit bonus de 8 centimètres. Son regard mécontent rivé sur le loup laisse bien comprendre qu'elle attend des excuses. Sauf que le type face à elle ne semble pas particulièrement motivé par l'idée d'en faire. Elle finit par prendre une dernière inspiration, passe à côté de l'homme en poussant son chariot. Un petit sourire apparaît sur son visage quand elle entend le grognement de douleur étouffé du malotru. Elle se passe la langue sur les lèvres avant de rétorquer.

-Désolée. Vous étiez planté là où je voulais aller.

Elle en ferait presque un petit saut de joie quand cette petite vengeance vient réchauffer son estime d'elle même. Mais décide de ne pas s'attarder sur ce sentiment, se contentant de conserver un léger éclat de fierté dans le regard avant de s'échapper en direction des glaces et par la suite au rayon hygiène intime.

Pluie de capotes sur Caddieland. Amance vient de lui envoyer un message un poil paniqué pour lui dire de ne pas oublier d'en racheter.  Prudence est mère de sûreté et même si le stock présent à la coloc ne touche pas encore à sa fin, il vaut mieux assurer ses arrières en cas de pénurie. L'arrêt suivant est lié très intimement au premier, l'oubli de préservatif pouvant rendre l'usage d'un tampon inutile. Andy compte les gouttes, choisit en fonction des préférences de chacune. Dans quelques jours les rivières pourpres font leur grand débarquement dans la maison. Les filles vivant ensemble se calent en général sur le même rythme, et elles ne font pas exception à cette règle. C'est Wesley qui va être content.

Trois pour le prix d'une.

Oh une promotion. Trois pour le prix de deux cette fois.

Elle met trois boites, avant d'en ajouter trois autres. Du stock pour chez Alessandro en cas de besoin, et Sylvie va peut être avoir la même idée. Elle redresse la tête en entendant un bruit suspect, pour finalement reporter son attention sur les protections périodiques et les serviettes ultra absorbantes pour la nuit. Main serrée sur le paquet le moins cher, prête à prendre le risque d'avoir une mauvaise surprise, elle fronce le nez. L'odeur du corniaud flotte toujours autour d'elle. Un soupir lui échappe. Et des bouteilles de savon pour hygiène intime lui tombent dessus.

Elle jure, s'accroche au rayon, mais le fléau de n'arrête pas. Des boites de tampons s'ajoutent au déluge, sa coordination mal fichue la fait glisser sur un flacon déjà tombé au sol et elle part le rejoindre.

Ceux qui disent que les chats retombent toujours sur leurs pattes ne sont que de vils menteurs. Ou bien cela fait des générations qu'on ment sur les origines félines de sa famille. Ses fesses heurtent le sol, elle lâche une flopée de jurons tous plus originaux les uns que les autres. Une de ses mains masse son popotin douloureux, elle redresse la tête quand on se penche près d'elle pour s'enquérir de son état. L'homme semble plus proche de la fin que du début de sa vie la fixe, un air inquiet collé au sourcils. La puma se prépare à attraper cette main qu'il devrait lui tendre pour l'aider à se redresser.

Mais pas de mains. Non. Uniquement un regard qui se baisse. La puma suit celui de l'homme avant de rougir quand elle aperçoit ses cuisses, son collant filé et sa robe qui est remontée pendant sa chute. Elle tape sur la main du malotru, se retenant de ne pas frapper autre chose pour ne pas faire de scandale dans un lieu public avant de se redresser vivement, repoussant le quinquagénaire. Ce dernier cogne dans le rayon qui vient d'être soulagé d'une partie de son contenu. Andy ferme les yeux de dépit quand elle entend de nouveaux objets chuter, avant d'attraper son chariot pour fuir cet endroit. Abandonnant sa dignité et son sourire au passage.

[...]

Le panneau lumineux indiquant l'ouverture de la caisse lui fait signe, l'informant de la fin proche de son calvaire.

Elle s'est offert un passage au rayon presse pour compenser sa mésaventure, ajoutant quelques magazines au contenu de son chariot : Cosmo, Vogue, Winnie et le torchon édité par la NRA pour Vicky. Elle l'a surprise en train de feuilleter ce truc la dernière fois qu'elles sont allées au centre commercial ensemble pour manger une glace. Sans la juger elle l'a observée, rajoutant ce fait à la liste des bizarreries qui vont avec l'adolescente.

Nez plongé dans les pages mode, elle fait du sur place, attend son tour comme l'adulte responsable et raisonnable qu'elle est. Enfin c'est surtout pour se retenir d'aller frapper l'abruti de sac à puce pas loin devant elle qu'elle se force à garder le regard rivé sur les pages en papier glacé montrant des filles trop maigres dans des vêtements trop chers.  

Le loup sait qu'elle n'est pas loin de lui. Leurs regards se sont croisés. Le sourire mesquin de ce type lui confirmant que c'était lui qui se trouvait derrière le sale coup dont elle a été la victime. Un feulement en sourdine à son attention a été le seul signe d'intérêt qu'elle lui a montré. Se retenant de faire plus pour montrer son mécontentement, elle a décidé de finalement l'ignorer.

Les clients défilent, et elle commence à mettre ses achats en devenir sur le tapis de la caisse, plaignant mentalement la personne avant elle. Biscuits aux fibres, All bran et confiture de pruneaux. La tuyauterie doit être bouchée. Avantage de la nature de tout surnaturel normalement constitué :  un organisme suffisamment sympathique pour leur éviter ce genre de désagrément.

Un pot de glace dans la main, elle fige son geste quand la caissière s'adresse au client qui est présentement en train de régler le contenu de son chariot.

-Passez une bonne journée Monsieur Hale.

Hale.
Hale.
Hale...

Elle fait rouler ce nom entre ses neurones, cherchant où elle a bien pu l'entendre auparavant. Le loup s'en va avant qu'elle n'ait pu retrouver cette information. La file avance.