Des habits monastiques l'on ne devrait rien conclure

Des habits monastiques l'on ne devrait rien conclure Ŧ Evelyn Lair

« Allons, Mimi, nous y sommes presque. »

Je claque de la langue pour encourager ma fidèle jument. J’ai cru entrevoir les faîtes de constructions à travers les arbres qui s’imposent entre ma destination et moi-même. Je sais que la journée a été longue pour ma monture. Je n’ai pas l’habitude de traverser un village sans m’y arrêter pour la laisser se reposer. Toutefois, la discrétion voulait que je contourne Calico pour ne pas risquer d’y être vu. Ce serait bien contre-productif d’avoir traquer ma cible jusqu’ici, où elle se croit en sécurité et hors d’atteinte, pour me dévoiler si près du but.

Je devine le clocher d’une église au bout de la courbure du chemin, puis les pignons de ces édifices anonymes construits trop rapidement, qui sont la signature de ce Far West où se trouve désormais ma vie, loin de mes contrées natales et adoptives. Loin sont les manoirs de pierres et de briques, ou les rues pavées. Les sabots de Miséricorde résonnent platement contre le sentier de poussière battue qui mène à Beacon Hills. Je sais déjà ce que j’y trouverai. Quelques fermes miteuses bâties à la hâte, un saloon sans charme qui héberge autant de femmes de joies sans conversation que de prospecteurs à la recherche du bon filon, une école dirigée par une jeune femme ou une vieille fille, aux pupitres plus souvent inoccupés que l’inverse, un magasin général encombré, sans le moindre produit le moindrement luxueux, qui héberge la poste, peut-être un office de thanatologie et le poste du sheriff, couplé d’une prison.

Le dernier saloon où j’ai séjourné employait des dames aussi bruyantes qu’elles n’étaient pas convaincantes à prétendre le plaisir. Aussi bien admettre que les chambres voisines ne m’ont pas permis de me reposer efficacement. J’ai eu beau dodeliner sur le dos de Miséricorde, ça ne vaut pas une bonne nuit de sommeil. Je m’avance tout de même en conservant le dos droit et un port altier, digne de ma formation équestre que des années de fuite n’ont su corrompre. Nous avançons au pas, avec une lenteur qui nous permet d’observer l’endroit où nous venons de mettre les pieds. Moi à la recherche d’un hébergement, Miséricorde à la recherche d’un point d’eau et d’un peu de fourrage. Des curieux nous observent, sans gêne ni surprise. Je soulève légèrement mon chapeau pour les saluer, sans que ma monture ne perde le cap.

J’ai presque entièrement traverser le hameau lorsque la vision devant moi attire mon attention. Un nouveau bâtiment est en construction et, à en juger par les éléments déjà en place, il sera plus imposant qu’aucun autre dans cette ville. Sa construction me semble également être de meilleure facture. Ma curiosité est piquée, et je dirige Miséricorde vers une dame qui observe elle aussi le chantier. Je retire mon couvre-chef pour m’adresser à elle.

« Bonjour. Sauriez-vous ce qui sera construit ici ? »

La dame me répond alors que je descends de selle. Un instant me suffit pour comprendre à quel genre de dame j’ai affaire. Une qui soit née dans des draps similaires aux miens.  Il ne m’est pas trop difficile d’imaginer que les raisons qui l’amènent loin de la civilisation sont différentes de celles de la plupart de ses compatriotes : criminels, exclus ou ermites. J’observe le visage de la dame, ses allures austères, peut-être plus fermes que réellement sévères, j’évalue le ton et le langage qu’elle utilise en me répondant. Je ne veux m’emballer trop rapidement. Pourtant, un réflexe de ma jeunesse se manifeste alors que je me penche légèrement vers elle et tend la main dans l’attente de la sienne, offrant un baisemain.

« Je m’appelle Jonas. Votre rencontre m’enchante. »