[EVENT] : La mort en sursis | Le CAMPUS

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La mort en sursis

Près de lui, ça bavarde. On fait claquer les mâchoires d'un piège dans le vide pour l'empêcher de faire son office criminelle. Tobias ne se sépare pas de son sourire paisible, à peine agacé par les hurlements qui se font entendre un peu plus loin sur la ligne qui a cessé sa progression de manière nette. Alessandro rumine à propos du flic qui quémande le silence alors que seul ce dernier habitait ce lieu jusqu'à présent. Après le petit ami de Mafdet d'autres se mettent à débloquer et à crier leur panique naissante. Une nouvelle expression, un rictus ponctué d'agacement habite le visage paisible de l'anglais. Lui qui pensait s'offrir une allègre partie de chasse en viendrait presque à regretter le bon vieux temps. Une époque pas si lointaine où son unique compagnon de déboire était un anglais cynique, partagé entre son amour pour les propos bibliques et d'autres plus graveleux. En fait non, Tobias ne regrette en rien ce monstre qu'était Gabriel.

Ce qui lui manque en cet instant c'est le silence. Ce doux silence peuplé uniquement par les cris des proies effrayées. L'anglais se fige quand une autre voix se fait entendre, bien plus claire. Plus autoritaire également. Celle de l'homme qui est venu les chercher au Pink Print. Poigne toujours serrée autour de son arme, Tobias n'ose bouger quand l'annonce d'un malheur se fait entendre. Les recherches reprendront donc avec la distillerie comme nouveau point de départ, cette scène de crime venant de changer la donne.  

[...]

Dire que cette vision macabre ne touche pas le tueur serait injuste. Pourtant il connaît la mort comme si cette dernière n'était rien de plus qu'une vieille amie. Il a vu des choses bien pires que ce spectacle qui s'offre à son regard. Parfois, souvent même il en était l'instigateur. Ce corps brisé et allégé de son cœur n'est pas sans lui rappeler sa douce Maryssa. En toute logique c'est le souvenir d'une autre mort qui prend la relève. Des corps brisés, des visions qui ne le quittent jamais. Un cauchemar constant dont il ne sait se défaire, même après toutes ces années. Il sent encore cette odeur métallique, celle du sang. Celle plus saline des sanglots de son fils. Son tout petit... À la vue du crucifié ses propres mains commencent à le démanger, à le brûler. Le tueur frisonne, fixe la dépouille de celui qui a été son collègue pendant un an. Monsieur Hale, un homme qui lui semblait être quelqu'un de bien. Quelqu'un de cassé. La matière qu'ils enseignaient n'était peut être pas leur unique point commun.

Près d'eux, un autre homme, celui qui semble être ami avec Alessandro, se met à son tour à débloquer. Tobias serre les dents pour ne pas envoyer l'inconnu paître plus loin. Se contente de baisser les yeux à l'entente des paroles du légiste. Un recueillement court mais bien présent. Car le temps n'est pas un luxe que cette situation leur octroie. Il faut agir vite, il ne s'agit plus de chercher le chef de la volaille, mais de venger la mort d'un confrère respecté. Tobias se signe, recule d'un pas. Ses actes dénotent sévèrement avec sa tenue, avec ce maquillage outrancier qui couvre sa peau.

-Un, deux, trois...il faut..

L'anglais perd quelques couleurs, mais heureusement son trouble se fait dissimulé par l'épaisse couche de fond de teint que sa sœur lui a appliqué un peu plus tôt dans la journée. Il recule vivement, main sur la bouche. Manque de bousculer un inconnu qui ne l'est peut être pas tant dans sa stupeur, mais il ne songe pas à ce genre de futilités. Il darde simplement l'ami d'Alessandro d'un regard aussi sombre que mortel, comme si ce dernier venait de le contaminer. Un peu plus loin le flic de Mafdet parle tout seul, à sa mère principalement si Tobias se fie aux dires de cet homme. Sans omettre d'insulter une autre personne de manière régulière.

La folie se propage, plus contagieuse encore que la varicelle.

Ça s'agite comme si rien d'anormal ne se produisait actuellement. Deux pistes se dessinent rapidement, ce qui pousse le groupe de recherche à se séparer en deux moitiés presque égales. C'est uniquement par logique que Tobias se poste près de son ancienne collègue. Il n'aime pas le Nemeton, et trouve que sa présence en ce lieu sacré pour les surnaturels est déplacée. Il ne s'y est rendu qu'une seule fois, avec Wesley quelques mois avant la disparition du tendre jeune homme. Il voulait ainsi étoffer la révélation qu'il s'apprêtait à lui faire. Le littéraire demeure silencieux, refuse de se laisser prendre au petit jeu de ce qui ressemble à s'y méprendre à une malédiction. Alessandro l'avait prévenu, mais il ne s'attendait pas à ce genre d'enfantillage. Il ne faut que peu de temps à leur petit groupe pour rejoindre le campus. Le féline a laissé son ami en proie à ce qui semble être des voix entre les mains du groupe parti pour le Nemeton. L'homme de loi n'a même pas semblé avoir une réelle conscience de cette séparation.

Une fois devant le campus, Tobias inspire, remet son bas gauche en place. Puis se lance.

-Un, deux, trois j'ai des recharges dans mon bureau ainsi qu'une hache qui doit traîner dans les environs.

La brune se moque tandis que les autres se font outrés à la mention d'une pareille armurerie dans un tel endroit. Tobias serre les dents puis crache une suite qui sera certainement désapprouvée.

- Un, deux, trois bouclez là la minette. Un, deux, trois cela pourrait être pire je pourrais moi aussi me retrouver à la place de votre ami que vous n'avez pas eu de mal à abandonner derrière vous visiblement. Un, deux, trois le campus est parfois mal fréquenté et je n'aime pas être prit au dépourvu.

Régalien il s'éloigne avant que la lumière ne se fasse dans la cervelle usagée par le temps de sa collègue. L'anglais sort sa flasque d'un endroit insoupçonné et la soulage d'une gorgée avant de la remettre à sa place.

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La mort en sursis

-Maman...?
- Dick ?

L’ambiance est étrange, le décor autour de nous semble mort, factice. Comme dans les studios cinéma. Je ne retrouve plus l’odeur de terre et d’humus si communs pourtant. Cela sent… la poussière. L’italien crie, le claquement sec d’un piège à loups me fait sursauter. Une onde glacée parcourt mon dos. Alex en a réchappé bel.

- Un, deux, trois, merci !

Ou pas. Quelque chose ne va pas. À ma gauche Dick parle à sa mère, alors qu’à ma Droite Alex semble être pris d’un TOC soudain.

- Mais il se passe quoi ici ?!

Le nouveau collègue de Dick semble aussi atteint. Cela ne concerne donc pas que les humains. Je redouble d’attention. Est-ce dans l’air ? Où… Où est passé cet oiseau de malheur ?


Il ne fait aucun doute que c’est un sacrifice et non un meurtre ordinaire. Je vois Alex à la limite de la rupture. Je m’avance vers lui, mais le patron du Pink Print est plus rapide. Je ne les imaginais pas si proches. En d’autres circonstances, j’aurais charrié mon ancien aide de labo.

Il y a un moment de flottement. Je passe à côté de Caracole, lui ébouriffe les cheveux pour le rassurer. Il y a assez des surnaturels présents pour renifler, je me rapproche du corps de Peter. On ne s’entendait pas bien, lui et moi. Mais nous avions, l’un pour l’autre, une certaine forme de respect. Je murmure une prière en atlante. C’est rare que de tels mots sortent de mes lèvres où il est question de rejoindre un tout et de retrouver l’unité.

Deux groupes se forment. Je me propose d’aller sur le campus sous prétexte que je le connais, mais je veux surtout me rapprocher de Derek et de Ian. Ce gamin n’a plus que nous, Dieu sait où sont Chad et Mick. Leur absence n’augure rien de bon.


- Un, deux, trois j'ai des recharges dans mon bureau ainsi qu'une hache qui doit traîner dans les environs.
- Quatre, cinq, six cueillir des pruneaux.
- Un, deux, trois bouclez là, la minette.
- Meow !
- Un, deux, trois cela pourrait être pire je pourrais moi aussi me retrouver à la place de votre ami que vous n'avez pas eu de mal à abandonner derrière vous visiblement.

Le mufle, l’odieux personnage, comment ose-t-il ? Que voulait-il que je fasse ? Que je me couche avec Pete dans le sac dans lequel ils l’ont embarqué ?! Une colère sourde naît au fond de mon ventre et irradie peu à peu mes membres. Et l’autre pédant qui trouve que c’est le moyen de picoler. C’est la goutte de whisky qui fait déborder la jarre. En quelques enjambées j’ai rejoint ce salaud de première, envoie valser la flasque à dix mètres d’une claque dans sa main, puis l’étrangle avec ses frusques de diva, en serrant bien fort vers le bas, le forçant à plier les genoux pour que son tarin plus long que celui de Bergerac soit au niveau du mien.

- Écoute bien le rosbif. Et dégage ta main de ton flingue si tu ne veux pas que je le plie en deux !

Mon regard étincelle de rage au sens propre comme au figuré, mon visage a commencé une transformation qui laisse deviner l’animal dont je prendrais la forme si j’allais au bout de ma transformation.

- Garde tes désobligeances pour toi. Si t’avais su te bouger l’cul, ton fils serait encore vivant et t’aurais pas besoin de piquer les merdeux des autres !

Je repousse le Britannique avec force. Il recule en battant des bras dans une ridicule danse du cygne, qui tend à la danse des canards.

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La mort en sursis

Je n'ai jamais conduit aussi vite de ma vie. Les images du corps mutilé de Peter me hantent. Mon instinct me hurle que Ian a des ennuis. Alors que je tourne à une intersection, mordant sur le trottoir au passage, je me reproche de ne rien avoir senti venir. Le lien de meute aurait dû me faire ressentir la peur et la douleur de mon oncle.

J'ouvre la fenêtre, j'ai l'impression de suffoquer. Je mets cela sur le compte de l'émotion qui me tord le ventre. Mais quand j'abandonne la Camaro devant chez la nourrice, je me rends compte que l'air de la ville semble empoisonné ou chargé d'une pestilence encore trop faible pour être perçu par les humains, mais que mes sens de loups n'apprécient pas.

Je me rue à la porte qui s'ouvre quand je toque. Mon cœur chute dans un abyme.

- Ian ? Madame Curtis ? Il y a quelqu'un ?

Je n'ai pas fait deux pas que je trouve la nourrice inanimée sur le sol. Je ne sens pas la présence de mon petit cousin. Accroupi auprès de la femme, je cherche la cause de son évanouissement. Son cœur bat normalement. Je trouve une trace de piqûre dans sa nuque. Elle ne semble pas en danger, mais sous les effets d'un puissant narcotique. Je prends le temps de la mettre en position latérale de sécurité avant de faire le tour de la maison pour chercher une trace de Ian. Je sens son odeur qui part de l'arrière de la maison en direction du parc de la ville. Tout en courant, je sors mon téléphone et appelle Mafdet. Elle connaît l'odeur de Ian, nous ne serons pas trop de deux pour le trouver et faire face à notre ennemi, quel qu'il soit.

J'aperçois Ian. Il est attaché à un arbre au milieu du parc anormalement désert pour un après-midi. Il semble en bonne santé, il est terrorisé. Soudain, il hurle, j'accélère.

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La mort en sursis

Il n'a le temps de rien faire, pas même de faire retrouver sa place à sa flasque chérie ou bien s'éloigner de la féline qui se rue sur lui. Il est allé loin dans ses propos, sans doute bien trop pour que cela reste tolérable aux yeux de sa collègue. Cette conclusion devient certitude quand elle l'attrape par ses atours d'un jour. La flasque vole au loin sous l'impulsion de la colère de Mafdet, mais il est bien trop occupé à parvenir à ne pas finir étranglé pour s'en inquiéter. Tobias hoquète, tend une main tremblante dans la direction de son arme pour s'en saisir au plus vite. La situation dérape et cette fois il n'est en rien fautif. Enfin pas vraiment... Disons simplement que sa culpabilité est peut être moins grande qu'à l'accoutumée. Il doit se plier en deux pour ne pas suffoquer, demeure muet par la force des choses quand une première menace se fait entendre. Son regard noir ne se détache pas de celui de celle qui était il y a encore peu de temps sa collègue. Il râle, oublie bien vite de se servir de son arme pour se tirer hors de cette situation. Gorge serrée par l'emprise de cette main dotée d'une force herculéenne, il attend que cette crise passe aussi vite qu'elle n'a débuté.

Le visage de Mafdet se fait animal, Tobias ne cherche plus à se défendre. Il n'est pas en position de force, il doit donc courber l'échine pour se tirer indemne de cette situation. Elle est furieuse, il le devient à son tour quand elle parle à nouveau. Visage transfiguré par la rage, l'anglais se fait violence pour ne pas prendre son arme malgré les menaces de la brune. Pour ne pas lui tirer une balle dans la tête. Aussi forte soit-elle, il y a peu de chances qu'elle puisse se relever d'un tel traitement. Le chasseur pense à sa fille, son fils. Ces confessions qu'il a faites lors de ce repas partagé dans le restaurant indien du coin. Il lui a livré ses craintes et c'est sans montrer la moindre gêne que cette garce lui renvoie le tout au visage.

C'est chamboulé qu'il tente de reprendre pied quand la brune lui rend sa liberté. Il tousse un peu pour mieux retrouver un souffle qui se faisait fuyant. Pose sur la femme un regard sombre. Aussi furieux qu'écœuré. Son arme chatouille son flanc dénudé, il doit se faire violence pour ne pas régler ce soucis en usant de la seule méthode qu'il connaît. Il ne répond rien, pour ne pas s'imposer le son de sa propre voix dont la crédibilité est souillée par une étrange malédiction qu'on croirait sortie de l'esprit d'un enfant de quatre ans. Il redresse la tête, fait un premier pas comme s'il ne s'était rien passé. Comme si dans les traits transfigurés par la rage de sa collègue, il n'avait pas entraperçu sa propre fin. Ne plus avoir peur, il se l'est promit après ce séjour passé près de Gabriel. Il ne garde de ces moments que de mauvais souvenirs, des douleurs fantômes qui parcourent encore son être lorsque son moral se fait morose. Ses mains ne sont plus qu'une pâle copie de ce qu'elles ont été par le passé. Des membres abjects qu'il apprivoise au quotidien.

Le tueur se tend quand un peu plus loin des voix se font entendre. Aujourd'hui l'université et ses alentours devraient être vides de vie. Les étudiants ne rechignent que rarement à l'idée de pouvoir chômer pendant une journée complète. Une pointe d'inquiétude se fait une place dans la cervelle envahie par la fureur du britannique. Il sort son arme de son écrin, avance en direction des voix, de cet attroupement, sans jamais plus se soucier des humeurs de ceux qui l'entourent.

Il devine un macabre spectacle. Une silhouette qu'il craint familière. Son cœur flanche un bref instant puis s'emballe sous l'impulsion de sa rage nourrie d'un nouveau souffle.

-Un, deux, trois  ce n'est pas possible...

Tobias presse le pas, se moque de ces regards qui se posent sur lui. Le sien reste figé sur cette vision horrifique qui s'offre à eux. Pas elle. Cette enfant qu'il a apprit à apprécier plus qu'il n'était raisonnable de le faire. Cette gamine qu'il a bien manqué de mener à la mort et qui terrorisée, au fond de ces bois inconnus leur a sauvé la vie à tout les deux. L'homme hurle, rue sur le corps détruit de l'enfant pour le serrer contre le sien. Des larmes qu'il ne parvient pas à contrôler roulent sur ses joues, forment de longs sillons sur le fond de teint. Tobias tremble, ne cherche pas à camoufler cette peine qui le met hors de lui.

-Un, deux, trois Victoria, pas toi. Un, deux, trois elle ne faisait de mal à personne. Un, deux, trois elle avait juste peur ! Un, deux, trois Victoria ne soit pas morte je t'en prie...

Le voyeurisme attire toujours plus de curieux. Des sales mômes qui veulent voir la mort de plus près. Comme si cette situation n'était pas encore assez macabre. Le chasseur resserre sa prise sur celle qu'il porte tout contre son cœur, il sent le sang de la petite. Une gamine dotée d'un fort caractère, une plaie pour ses proches. Sa plaie. Le cœur de Tobias saigne des larmes de rage. Il attrape l'arme qu'il avait laissé échouer sur la pelouse. Tire un premier coup. Une semonce qui n'a pas l'effet escompté.

-UN, DEUX, TROIS BARREZ-VOUS !! Un, deux, trois laissez la tranquille !

Cela ne mène à rien, des portables sont dégainés. Filment la déchéance, immortalisent la détresse de Tobias. Il n'en peut plus.

Une nouvelle balle. Une déflagration qui se fait craquement sinistre quand cette fois c'est le crâne d'un étudiant qui lui sert de cible. Les hurlements se font nombreux, un élan de panique parcourt la foule et enfin celle-ci se disperse. Main crispée sur son arme et prêt à renouveler son acte, l'anglais dépose ses lèvres sur le front de sa petite Vicky.

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La mort en sursis

Pendant quelques secondes je crains que Tobias ignore ma menace et dégaine son arme. Certes ses mains sont esquintées, mais il reste bon tireur et moi mortelle. Mais une clameur non loin de là nous détourne l’un de l’autre. Je ne sens pas encore l’odeur du sang ni ne vois le cadavre, mais je sais aussitôt qu’il y en a un, rien qu’aux signaux que la foule d’étudiants et de professeurs renvoie. Qui est la victime ? Tobias me devance, sa gestuelle qui change à chacun de ses pas m’apprend qu’il connaît le mort. D’abord Peter qui touche Derek, Alex, Tobias, Caracole et moi. Ensuite le shérif que chacun de nous connaît, sauf Tobias peut-être. Et maintenant ?

-Un, deux, trois Victoria, pas toi. Un, deux, trois elle ne faisait de mal à personne. Un, deux, trois elle avait juste peur ! Un, deux, trois Victoria ne soit pas morte je t'en prie...

Je suis surprise de l’émotion de mon collègue. Ce n’est pas la mutilation de celle qui a dû être son élève qui le bouleverse, mais un autre lien. Je voyais dans Vicky Anderson un esprit étroit et rigide. Pas étonnant que c’est collé entre ces deux-là. La suite me demande de choisir, car deux évènements se déroulent dans une synchronisation presque parfaite. Au coup de feu de Tobias, s’ajoute mon téléphone. Il vibre avec insistance : Derek. Je décroche, craignant qu'il ne soit arrivé quelque chose de grave à Ian. Je ne suis pas fan des chiots, mais si quelqu'un touche un seul cheveu de Ian, il regrettera d'être né ! C’est avec indifférence que je vois la foule paniquer et se disperser. Mon regard glisse sur l’étudiant malchanceux, puis sur Tobias qui tient Victoria avec la tendresse d’un père. Il n’est plus en état d’écouter et ça urge. Derek crie dans son téléphone :

- Ian n'est plus chez la nourrice. Elle a été droguée. J'ai une piste qui va en direction du parc au centre-ville. Rejoins-moi !
- OK !

Je range mon téléphone dans ma poche et me tourne vers mon collègue. Je l’informe, ne sait-on jamais si le fusible qui vient de griller dans sa cervelle se régénère.

- Ian a été enlevé, Derek a une piste. J’y vais. Suis-moi ou…

Mon téléphone m’interrompt à nouveau. Le mince espoir d’avoir des nouvelles de Derek fane en voyant le non d’Alex s’afficher. Il bredouille un truc incompréhensible quand une autre voix à l’accent italien prend la relève.

- Tobias ? L’autre groupe a trouvé le corps du shérif sur le Nemeton. Il lui manque les yeux.

Je ne prends même pas la peine de me cacher pour me transformer en panthère et foncer vers le parc de Beacon Hills. Je serais plus rapide ainsi à couper tout droit à une vitesse avoisinant celle d'une voiture. Mes pattes finissent par écraser de la cendre, comme si la nature se consumait dans un feu invisible et froid envahissant la ville de cette neige morbide. Au loin, je sens le Nemeton "hurler" de détresse. Mais, je n'ai aucune hésitation sur ma priorité numéro une : Ian.

Lorsque j'arrive au parc, les arbres sont nus comme en hiver. Je n'ai pas repris forme humaine pour être plus rapide, plus efficace. Un couple hurle en me voyant. Je poursuis mes recherches, tombe sur l'odeur de Derek et la suis.

Une forme est allongée sur le sol : mon alpha. Je n'ai jamais été respectueuse de la hiérarchie dans notre meute, mais à cet instant c'est bien en chef que je considère Derek.

Je reprends forme humaine, ma respiration est saccadée, à cause de ma course, à cause de ce que je crains. La rune invisible qu’Érick avait tracée sur mon flanc fait son œuvre et me recouvre de mes vêtements. Une magie divine ou venue du Grand Nord que je ne comprends pas ni ne maîtrise.

Derek est couché sur le flanc, je ne vois que son dos. L'odeur du sang me prend au nez quand je m'approche plus près. Quand je le contourne, je ne peux que rugir ma peine et ma colère. Il a le regard fixe des morts, il a été amputé des deux mains. Je n'ose pas m'approcher, puis je pense à Ian. Derek semblait se diriger vers un endroit précis. Un peu plus loin, je vois des cordes au pied d'un arbre. J'y cours pour sentir immédiatement l'odeur de Ian. Une autre odeur se mêle à celle du louveteau, elle m'est vaguement familière. J'appelle Jordan pour l'avertir du drame.

- Jordan ? Derek est mort, au parc, les mains tranchées.
- Un guerrier vient de s'éteindre, me répond-il.
- Je pars sur les traces de Ian. Il était là, il n'y a pas longtemps. La trace est chaude.

Je reprends ma forme de panthère. La dernière once d'humanité vient de me quitter. Celui ou celle qui détient Ian va mourir lentement !