Sur fond de WAM ! le père de famille avance à un bon rythme. Lui qui s'était promit de ne jamais remettre un pied dans cet endroit de terreur avait finalement décidé de vaincre cette frayeur qu'il s'ignorait avoir avant de venir vivre dans cette petite ville de Californie. Même s'il fallait bien avouer que ce n'était pas cet endroit d'apparence inoffensive qui le faisait transpirer plus que de raison. C'était uniquement ce qui pouvait se cacher dans cette foutue forêt qui le terrifiait. Entre Lecter roi incontesté des soirées camping gâchées et cette affreuse bestiole, ce crocotta qui avait bien failli les tuer lui et ses amis il ne voyait dans ces bois qu'un refuge pour monstre en manque de sang. Pas de pot pour lui, il semblait que le sang de canadien sur la piste de la quarantaine soit en plus un met particulièrement recherché dans les environs. En trente-sept ans de vie Richard n'avait jamais eu l'impression d'autant frôler la mort que depuis qu'il était venu chercher une vie paisible à Beacon Hills.

C'est comme ça que par un beau matin ensoleillé Dick prit cette décision folle de laisser la garde de Troy à sa sœur pour partir courir quelques kilomètres à travers les bois qui bordent de la ville. Le souffle sûr de celui qui est habitué à l’effort physique, il allonge sa foulée, saute par dessus une grosse racine qui se trouve sur sa voie, sans doute pour le faire chuter au sol. Mais le flic lui fait la nique, et sans un regard en arrière s'enfonce un peu plus dans ce bout de nature.

Il a été surpris en discernant une habitation de loin. Après avoir deviné sans mal que cet édifice bien trop grand pour être la masure de son ami druide ne pouvait pas être le le lieu de vie de ce dernier, il n'a pu s'empêcher de se demander qui était assez fou pour décider de vivre dans un endroit pareil. Un endroit bourré de lapins et de wendigos prêts à attaquer le premier innocent qui ferait l'erreur de ne voir ici qu'un peu de verdure offerte aux citadins de ce joli patelin. D'un geste de la main, Dick s'assure que son potable n'a pas glissé au sol. Pas d'appel, cela signifie sans doute que les enfants sont sagement en train de finir leurs valises pour leur départ prochain à Vancouver. Ou alors, l'appartement a fini dans les flammes. Un scénario bien plus probable qu'une vaste foutaise impliquant un Troy sage et d'accord pour obéir à sa sœur.

Contre son triceps, son portable vibre. Une fois pendant deux secondes. Signe que le policier vient de faire un kilomètre de plus. Le cinquième s'il se fie au nombre de vibration qu'il croit avoir compté et à la sueur qui commence à perler dans sa nuque pour bientôt se mettre à dégouliner le long de sa colonne vertébrale. Pas décidé à vouloir forcer outre mesure des performances que personne n'est là pour voir ou bien juger, le flic se stoppe. Passe une de ses mains sur son front, essuie la transpiration qui y avait déjà élu domicile un peu plus tôt.

Le canadien se plie en deux, touche le sol à plusieurs reprises. Rentre le ventre pour faire ressortir encore un peu plus ses abdominaux, reprend son souffle puis sourit en voyant que même le ventre gonflé par l'air, il peut continuer à voir ses muscles. L'empâtement c'est la mort du flic. D'un geste sec il vire ses écouteurs, attrape la gourde qui pend à sa hanche du côté droit avant de vider de moitié le niveau de cette dernière. Regard levé vers le ciel, Dick profite de ce soleil, astre dont la brûlure semble adoucie par les arbres grâce à l'action de ces hautes branches qui forment une coupole au dessus de sa tête. Dick s'est même offert ce luxe, celui de quitter les sentes utilisées habituellement pour se plonger un peu plus dans les profondeurs de cette vaste forêt. Il espère que la technologie contenue dans son téléphone lui suffira lorsque viendra le moment de retrouver son chemin pour rejoindre la civilisation.

Il raccroche sa gourde sans même y penser, commence quelques étirements. Cogne dans un arbre quand prit dans son élan il cesse de faire attention au monde qui l'entoure. Insulte l'arbre. Renouvelle l'opération, mais en prenant toute l'entièreté des bois à partie cette fois, quand un son étrange lui parvient et qu'étrangement la pression contre son bras s'allège.

Regard vers le sol, le canadien soupire face à ce sale coup de la destinée. Et insulte aussi cette dernière car il ne faut pas faire de jaloux.

Le canadien énervé est un animal dont la vulgarité n'a pas de limites.

Le flic soupire, commence une série de squats, tend la main vers son smartphone pour le relâcher immédiatement quand le contact avec l'objet le brûle. L'ignoble petite chose heurte un nouveau caillou, puis vite s'embrase. Si vite que son pauvre propriétaire ne comprend plus rien. Même s'il est peu certain qu'il aurait comprit quelque chose si un tel drame avait mit plus de temps à arriver.

-Oh bordel mon téléphone ! Forêt de merde !

Après un léger moment de flottement suffisant pour laisser des herbes sèches s'embraser, Dick réagit enfin, comprend finalement que l'urgence n'est pas son portable mais ce début d'incendie qui prend forme sous ses yeux. Le canadien fait un bond en arrière, hurle soudainement.

-SALETÉ DE FORÊT QUI CRAME ! Arrête de brûler gentille forêt !

Mmmmh... La forêt semble rancunière car même quand le père de famille décide d'enfin se mettre à agir, qu'il vide son fond de gourde sur les flammes naissantes qui sont déjà bien hautes, rien ne se passe. Pas même un frémissement. Dick attrape un bâton puis tape les flammes avec pour les étouffer. Quelques secondes plus tard et c'est un bâton en feu qui vole en direction d'un lapin vicelard venu profiter du spectacle. Le canadien hésite entre pleurer et chialer de dépit face à cette poisse qui le suit comme son ombre depuis qu'il est venu habiter dans cette ville. Alors que dans cinq jours il devait rentrer chez lui, le voilà devant une destinée qu'il n'a pas vu venir.

Brûlé vif et bouffé par des lapins démoniaques, Dernier recours avant la fuite alors que sous ses yeux ahuris un second foyer démarre, le père de famille ouvre la bouche pour hurler un appel à l'aide désespéré.

On pourrait dire qu'il est au bord de la panique quand débarque un sauveur en uniforme encore plus douteux que celui de la police de la ville. Mais ce serait totalement faux. La panique, Dick nage déjà complètement dedans. Sous ses yeux ébahis la forêt commence à partir en flammes, ne montrant aucun respect pour la maigre de tentative de réconciliation du canadien avec dame nature. Dire que ce matin il était venu y faire son jogging pour offrir au bois de la ville la possibilité d'une trêve. Mais tout ce qu'il gagne dans cette affaire c'est la perte de son téléphone portable dont le remplacement va encore une fois creuser le gouffre de ses économies ainsi qu'un nouveau traumatisme dont il n'avait pas besoin.

Superman jette une couverture sur les flammes. Joue lui aussi du bâton pour rencontrer plus de succès que le policier un peu plus tôt. Lapin fixe ce spectacle, une lueur démoniaque dans le regard. Visiblement pas perturbé de voir ainsi son habitat naturel être sauvé du danger que représente le citadin allergique à la verdure. Le citadin quand à lui se contente de tousser, crache ses poumons, main posée en visière pour protéger ses yeux fragiles de la fumée. Quand superman qui se révèle tenir plus de Dark Lord une fois son foulard retiré s'adresse à lui, Richard se racle la gorge. Puis fixe son héros. Hésite entre deux possibilités. Lui sauter au cou pour le remercier ou bien se défendre en accusant cette foutue forêt qui vient de lui ruiner sa journée.

Quand finalement le canadien se décide à ouvrir la bouche, c'est la troisième option qu'il choisit. La panique qui prend une nouvelle forme des plus inattendues.

-Je crois que je suis perdu.

Un peu de désespoir teinte sa voix au moment où il fait cette constatation. Lui qui comptait sur son téléphone pour le sortir de ces bois une fois son jogging terminé vient de laisser partir son seul échappatoire hors de cet enfer en fumée. Dans tout les sens du terme. Cette fumée dense qui ne l'aide pas à garder son calme. Bien vite son cœur s'emballe, sa respiration fait de même. Mélange chaotique qui coupe le sifflet du flic pendant un bref instant. Très bref car dès que la main de l'inconnu sauveur des flammes se repose sur son épaule, Dick bat des bras, explique le drame dont il a été le spectateur impuissant. 

-Mon portable a cramé ! Je savais même pas que ça pouvait arriver un truc pareil ! Il est tombé et ça a fait "WOUF".

Il mime la scène comme il le peut. Conscient que son imitation du début d'incendie ressemble plus au jappement d'un caniche asthmatique en fin de vie qu'à un départ de feu. Puis après la peur et ce sentiment de culpabilité qui le pousse à tenter de justifier tout ce qui vient de se passer, c'est fatalement la colère qui prend le dessus. Dick pointe du doigt son ennemi naturel puis braille, plus fort encore. Sans que jamais Grandes-Oreilles n'ait l'air de se sentir concerné.

-Tout ça c'est sa faute à lui ! Ce pervers me déteste !  

Bon, au regard de l'autre il doit passer pour un fou en plein délire. Une impression justifiée mais pourtant loin de la vérité. Ce sont juste les nerfs du canadien qui sont en train de lâcher après cette nouvelle mésaventure. Celle de trop. Il a vraiment besoin de ces congés qui approchent. De retrouver l'odeur de la pollution et la vue constante du béton qui va avec. Un véritable bain de santé dans les gaz d'échappement ainsi qu'une part de tarte faite par sa mère. Sauf que pour avoir accès à tout cela, il doit avant tout réussir à quitter ces bois qui se montrent malveillants envers lui depuis qu'il est venu vivre dans cette ville. Dans un geste désespéré, Richard s'accroche au cou de son sauveur. Marmonne quelques mots, presque honteux d'avouer à quel point cette situation le dépasse.

-Cet endroit veut ma mort.

Il se mord les lèvres tandis que son sauveur tente autant que possible de le rassurer. Richard en est intimement persuadé, il est en train de passer pour un fou. Et cette sympathie que lui offre cet inconnu ressemble étrangement à de la pitié aux yeux du flic. Mais il lui est impossible de donner à voix haute les raisons de sa détresse. Tout ce qui s'est passé dans ces bois. Ces précédentes aventures qu'il a vécues dans cet endroit, il ne peut décemment pas en parler à un de ses congénères. Les wendigos et autres crocottas, tout ça doit rester secret. Dick ne l'a lui même apprit qu'après son arrivée dans cette ville et certains jours il se dit qu'il aurait aimé demeurer petit puceau du surnaturel. Sa vie n'en serait que plus simple et il ne passerait pas son temps à mentir à ses enfants pour tenter de les protéger.

Pourtant Dick parvient à se calmer. Son attention fixée sur sa respiration qui enfin retrouve un rythme plus détendu, cette chaleur due à ce câlin qu'il vient d'offrir à ce type qui l'a sauvé des flammes et dont il ignore toujours le nom. Une main tapote son bras, signe que le moment de stopper cette accolade qui n'est pas bien virile est sans doute arrivé. Richard renifle et ravale sa morve. Penaud quand enfin il s'éloigne de l'autre. Enfin pas trop loin non plus. Le canadien qui se croyait encore grand et fort en partant de chez lui un peu plus tôt le matin même est étrangement redevenu un simple gamin traumatisé par un nouvel abus de verdure. Effrayé rien qu'en pensant à la prochaine mésaventure qu'il pourrait vivre dans cet endroit. Cela devient de plus en plus clair. Les sorties en plein air ne sont définitivement pas sa tasse de thé.

-Ça va. Ça va même carrément mieux depuis que vous êtes arrivé. Je suis juste encore un peu sous le choc. Mais promis ça va.

Il vient de le dire beaucoup trop de fois pour rester crédible. Comme s'il essayait lui même de s'en persuader coûte que coûte. D'un geste machinal il attrape la gourde que lui tend le gars en uniforme, en essuie le goulot avec un pan de son maillot de sport plein de sueur avant de faire couler un peu d'eau dans sa gorge non loin de l'irritation. Il se rince la bouche. Gargarise, racle sa gorge pour préparer un glaviot de compétition. Se fige dans son action alors qu'il était sur le point de cracher en direction du lapin pour peut être parvenir à le faire fuir. Mais quand il tourne la tête vers l'ennemi, qu'il baisse les yeux vers la peluche maléfique, le cousin d'étagère de Chucky, c'est pour constater que ce dernier s'est finalement décidé à partir. Sûrement dans le but d'aller pousser d'autres innocents promeneurs sur la pente de la folie douce.

Par automatisme Richard répond à la question de Sam qui vient de se présenter en usant d'une voix dotée d'un accent qui bouffe la moitié de ses mots.

-Dick. Je m’appelle Richard. Je suis désolé pour ma panique mais j'ai un petit problème avec la forêt. Je crois qu'elle m'aime pas trop et le pire c'est que ça commence à être réciproque.

Un flic qui panique à la première situation un peu risquée. Il donne là une bien mauvaise image de son métier. Si ses collègues plus habitués que lui à vivre dans ce contexte le voyaient ainsi trembler à la simple vue du lapin sournois, il ne mettrait pas longtemps avant de devenir la risée de tout le poste de police. Déjà qu'on ne se gène pas pour le fixer étrangement depuis ses récents soucis avec Amaro. Un policier qui cogne un prévenu sur un coup de colère et qu'on envoie en cellule pour le forcer à se calmer, ce n'est pas un spectacle des plus habituels. Entre les regards moqueurs et la compassion de ceux qui savent qu'il se trame quelque chose derrière cette image lisse que renvoie le patron de bar, la patience du canadien se fait chaque jour un peu plus mise à l'épreuve.

Un bruit fait sursauter le père de famille. Et quand il fait volte face pour en connaître la source, il tombe nez à nez avec un cheval. Rendu muet quelques instants par cette vision assez inhabituelle, le citadin ne sait comment réagir. Terrifié à l'idée d'effrayer l'animal. Alors que son visage est figé entre la béatitude et une peur légère, le canadien bredouille quelques mots.

-Il est beau. Il est à vous ?

Cette question est assez stupide. Mais Sam prend toutefois le temps de confirmer sa pensée à Dick. Ce type a l'air vraiment gentil. Du regard le canadien lui demande la permission de caresser l'animal qui ne semble attendre que ça. Le geste tout d'abord hésitant, le flic tend le bras, pose ses doigts sur le poil doux et râpeux à la fois du cheval. Puis se prend au jeu, ose un peu plus, un sourire qui se fait de plus en plus enfantin aux lèvres tandis qu'il complimente la bête.

-T'es un beau joual. Un gentil copain.

Déjà tripatouilleur de chat, il passe au niveau supérieur. Reprend la parole en s'adressant cette fois à l'humain qui accompagne le cheval.

-Vous êtes garde forestier ? Un de mes amis fait ce job de façon officieuse ici. Il cumule avec deux autres jobs alors je crois qu'il va être content de savoir que des renforts sont arrivés en ville.

Il faut dire que lors de leur première rencontre Alex ne s'était pas gêné au moment de faire entendre le fond de sa pensée sur ce sujet. Le poste de son père supprimé, il se retrouvait avec cette charge sans en avoir la reconnaissance auprès des autorités. Le druide avait alors gagné cette image de mécontent de première catégorie aux yeux de son compatriote. Par un mot maladroit, un caprice pour une place dans la voiture de patrouille, Dick s'était alors attiré les foudres du scientifique sans vraiment comprendre où se situait son erreur.  

-Alex habite une cabane dans les parages je crois. Vous devriez peut être aller le voir pour qu'il soit au courant de votre présence. Je pense que ça pourrait soulager son planning.

En tout cas sur la partie habituelle du travail de garde forestier. Mais en ce qui concerne tout les autres habitants des environs... Ceux que l'on nomme pumas pour ne pas effrayer les citoyens, il serait plus sage qu'Alex continue à faire ses rondes régulières. En détachant son attention du bourrin pour faire glisser son regard chocolat sur Sam, Dick se dit que ce dernier ne devrait pourtant pas mettre longtemps avant de finir par être lui aussi mit au parfum malgré toutes les précautions de son ami druide.

Alex a dû être heureux d'apprendre que le poste de garde forestier avait de nouveau trouvé une utilité aux yeux des dirigeants de la ville. En tout cas suffisamment pour que l'on juge nécessaire d'engager une personne pour reprendre ce poste. Beacon Hills est une ville où les bois sont rois. Même si dans cette forêt qui fait naître des sentiments étranges chez le canadien, des choses étranges se passent il y a aussi certainement de quoi s'occuper avec les tracasseries plus naturelles. Dick sourit, espère sincèrement que son compatriote aura plus de temps libre grâce à cette charge qui ne sera plus la sienne. En tout cas plus autant. Richard profite de ce moment de calme loin de sa vie tumultueuse, une de ses mains flattant toujours le bourrin. Son sauveur est chaleureux, très humain et spontané. Un caractère qui se marie à merveille avec celui de grand gamin du père de famille. Il note la proposition faite par Sam. Du temps libre il en a bien peu. En tout cas pas assez pour s'autoriser des beuveries entre amis. Ses enfants, un travail aux horaires compliquées et puis maintenant il a Mafdet. Il peine déjà à trouver autant de temps qu'il ne le voudrait pour passer chez les Shepherd. Pourtant malgré son emploi du temps chargé il répond de façon positive à l'idée qui vient d'être lancée par le garde forestier.

-Ça pourrait être sympa.

Sam s'excuse presque de son enthousiasme.  Richard lève les yeux au ciel, puis prononce quelques mots.

-À vrai dire j'ai pas beaucoup de temps à tuer. C'est plus ça le problème.

Il adoucit son refus involontaire. Payer de l'alcool trop cher dans des bars n'est pas dans ses projets immédiats. Cela fait déjà de longues années que ça ne fait plus partie de ses activités favorites. Ce genre de chose, traîner avec des potes, siffler les bières et les liqueurs fauchées aux paternels pour se réveiller au petit matin avec une fesse en feu. Il a clairement passé l'âge et a gagné d'autres responsabilités qui ne vont pas de paire avec un tel comportement. Même s'il a prévu de passer une bonne soirée avec Brian et Alex dans quelques jours, il espère bien savoir garder les idées claires. Et éviter autant que possible tout ce qui ressemble de près ou de loin à un dermographe.  

D'un geste machinal mais pas sans affection, le flic ne cesse de caresser l'animal. Le cheval, pas Sam. Un contact hypnotique. Relaxant. Qui lui ferait presque oublier dans quel endroit il se trouve. Les mésaventures qui lui sont tombées dessus dans ce lieu qu'il a bien du mal à voir comme étant apaisant. Les balades dominicales en pleine nature ce n'est pas pour lui. Même si les caresses avec le bourrin sont bien moins agréables que celles qu'il a l'habitude de donner à un chat de sa connaissance, le flic savoure cet instant de calme. Puis laisse sa joie et sa spontanéité illuminer son faciès quand Sam retente sa chance avec une idée bien meilleure que celle évoquée précédemment.

-C'est vrai ? Tu veux bien ?

Le canadien a abandonné le vouvoiement sans même s'en rendre compte. Habité par une nouvelle émotion qui surpasse les résidus de cette peur primaire ressentie peu de temps auparavant. Richard sautillerait presque sur place tant il est excité. Il oublie tout. Son portable devenu feu de forêt, le conflit qui est sûrement en place chez lui avec ses deux enfants incapables de faire leurs valises sans se chamailler, le fait qu'il soit perdu dans les bois.

-J'ai fait du poney. Une fois. J'étais tout petit et c'était avec l'école.

Un léger coup d’œil donné au cheval. C'est tout ce dont a besoin Dick pour achever de prendre cette décision. Sam a l'air gentil. Très gentil et même si le canadien devrait se faire plus méfiant après toutes ces récentes mésaventures qui lui sont tombées dessus comme une crotte dans une cuvette, il ne parvient pas à écouter la voix de la prudence qui lui souffle qu'il ne faut pas parler aux inconnus. Surtout quand ces derniers ont l'air trop avenants. Dick inspire, plein d'espoir. Mais aussi un peu inquiet. Le cheval est grand. Impressionnant serait même un terme plus exact pour décrire l'animal.

-On grimpe comment sur un cheval ?

Il a déjà vu la chose se faire dans des films. Une démonstration d'agilité qu'il décrirait comme une d'acrobatie bien rodée. Caler un pied dans un étrier puis se hisser par un tour de force sur l'animal. Puis vient le moment dangereux, celui où l'on doit faire passer sa seconde jambe de l'autre côté du corps du cheval. Action que le flic juge périlleuse. Car si cette gestuelle ne lui est pas inconnue, en général il la fait en salle de sport. Pas avec un être vivant qui peut trouver amusant le fait de se mettre en mouvement à tout moment. Sam débite la manœuvre. Pédagogue, le bonhomme semble avoir comprit que son vis à vis n'était pas doté de l'esprit le plus éclairé qui soit. Ou sans doute est-il lui aussi un homme simple comme le père de famille. Homme simple d'esprit et de vie. Cela semble bien correspondre à l'image que donne ce grand gaillard souriant à l'accent amusant. Richard balaie de la main le début des explications dont il a déjà connaissance puis passe directement à la partie qui l'inquiète.

-Si le joual bouge je risque pas de tomber ?

[...]

Une réussite dès le premier essai. Il faut dire que le cheval a su se montrer calme et son propriétaire suffisamment rassurant pour que tout se passe au mieux. Juché sur le dos de l'animal, le canadien sourit comme un enfant à qui on vient d'offrir un tour sur le plus beau des manèges de la fête foraine. Ses jambes tremblent un peu, mais ce n'est pas la peur qui le fait agir de cette manière. Juste son excitation et sa joie qu'il peine à contenir. Doucement, nez fourré dans la crinière de sa monture Richard souffle quelques mots encourageants.

-Allez mon beau avance. Soit cool avec Dickey.

L'animal docile a aisément comprit l’ordre de ne pas bouger. Si bien qu'à présent il refuse d'avancer et ainsi faire passer le bonheur de son cavalier au stade supérieur. En guise d'ultime conseil, Sam intime au flic de bouger les jambes pour accompagner physiquement sa prochaine demande. Plein d'espoir Richard suit la directive, resserre ses jambes contre les flancs du cheval. Voix pleine d'entrain il se lance.

-Hue le joual !

Ça fonctionne ! Le cheval accepte enfin de progresser dans les bois. Un pas après l'autre. Puis prend rapidement de la vitesse. Trop vite pour que le flic ne puisse comprendre ce qui est en train de se passer. Il s'accroche comme un forcené à la bête tandis qu'ils s'enfoncent à travers les bois, le garde forestier en train de courir derrière eux.

-SAM ? J'SUIS DÉSOLÉ. J'AI OUBLIÉ DE TE DIRE QUE J’ATTIRAIS LA POISSE MAIS J'FAIS QUOI MAINTENANT ?

Ils sont bien trop rapides pour que l'homme ne puisse parvenir à les rattraper. Dick est certain que ce baptême d'équitation n'aurait pas du se dérouler de cette manière. L'homme de loi a toutefois de bons réflexes, il se penche vivement pour éviter les branches basses qui se trouvent sur leur chemin. Collé à l'animal, il fait en sorte de suivre au mieux l'élan de ce dernier. Il ne veut pas avoir à songer aux conséquences que pourraient avoir une chute sur son intégrité physique.