Les dernières semaines n'ont pas apporté de grands changements dans la silhouette de la féline, si ce n'est une poitrine qui jusque là était inexistante et qui désormais brille par sa présence. Un don de la nature que l'avocate aimerait bien conserver lorsque sa grossesse sera terminée. Tout le reste n'est que détail. Les nausées sont parties et elle a apprit à tout faire pour éviter leur retour, sélectionnant avec minutie les aliments qui la rendent malade et ceux qui lui évitent de faire de trop fréquentes rencontres avec la cuvette des cabinets. Avec la fin du premier trimestre de sa grossesse est apparue une rondeur si discrète que l'on pourrait aisément la confondre avec un renflement dû à un repas trop riche. Doucement la puma se fait à cette nouvelle vie à trois qui les attend elle et Alessandro tout en craignant de ne pas avoir le temps nécessaire pour se préparer à cet heureux évènement.

Dans une grande boîte posée au sol dans un des coins du dressing s'accumulent des objets divers, tous en lien avec l'arrivée de l'enfant. Des pulsions, des angoisses que la jeune femme apaise en dégainant sa carte de crédit. S'y empilent doudous, vêtements si petits qu'elle a du mal à croire qu'ils puissent convenir à quelqu'un, mouche bébé et bien d'autres objets étranges dont la puma ignorait l'existence il y a encore quelques semaines. Tout en pliant dans le fond de cette boîte ses dernières emplettes, Andy fouille du regard le portant soutenant sa large collection de robes pour trouver celle qui lui siérait de porter pour cette journée qui s'annonce moins chargée que les précédentes. Celles dans lesquelles sa nouvelle paire de seins se retrouve engoncée sont déjà rangées dans une housse, pour ne plus être sous les yeux de leur propriétaire.

Andy se lève de sa position accroupie, attrapant une robe crème parée de motifs aussi discrets qu'abstraits outremer. Elle repère la paire de talons qui saura à merveille se lier à cette beauté, puis file sous la douche pour ensuite troquer sa tenue de sport contre celle qu'elle vient de choisir.

[...]

C'est avec un maquillage léger et ses cheveux noués dans le dos qu'elle descend dans le bar, saluant Sophie et Dan avant de chercher après son homme pour lui rappeler son programme de la matinée. C'est dans la réserve qu'elle trouve Alessandro. Tout en lui dérobant un baiser, elle lui murmure des promesses licencieuses glissées entre d'autres informations plus factuelles.

C'est de cette manière qu'elle parvient à capter la pleine attention de son futur époux.

-J'ignore combien de temps mon rendez-vous va durer, mais je ne pense pas rentrer avant midi. Je t'aime.

Elle n'a pas dit à Alessandro ce qu'elle comptait faire de sa matinée, souhaitant le surprendre tout en sachant qu'il allait être compliqué d'y parvenir avec cet homme qui la suit d'encore plus près depuis la découverte de sa grossesse.

[...]

Andy n'est pas en retard mais elle a perdu la belle avance qu'elle avait sur son emploi du temps en faisant un crochet dans dans une boutique pour y acheter un sandwich gargantuesque. La faute repose sur cette invitation qui n'avait rien de subliminale faisant promotion des boulettes de viandes proposées à celui qui pousserait la porte de cette échoppe. En parcourant les trois rues qui séparent la boutique du studio photo dans lequel elle a prit rendez-vous, Andy a le temps de manger ses trente centimètres de pain juteux garnis de sauce marinara, de pickles d'oignons rouge et de boulettes de viande. Après un rot disgracieux qui fait se retourner sur elle une dame âgée outrée par cette évacuation de gaz en public, Andy roule le papier gras et la serviette en papier ensemble avant de les jeter dans la première poubelle mise à sa disposition. Elle presse le pas sur ses hauts talons en approchant du studio de la jeune femme qu'elle a eu au téléphone, léchant ses doigts une dernière fois avant d'entrer.

Un galant homme lui tient la porte la salue en souriant, Andy fait de même tout en espérant ne pas avoir de morceaux d'oignons ou de viande coincés entre les dents.

La féline avance vers la jolie brune présente dans la boutique, lui tend une main tout en se présentant.

-Bonjour. Andy Turing, j'ai appelé pour un shooting photo.

La photographe s'inquiète au sujet des possibles difficultés qu'Andy aurait pu rencontrer sur chemin en cherchant le studio. Rapidement la puma se demande si son détour ne l'aurait finalement pas fait arriver avec un peu de retard.

-Non c'était parfait.

Elle lui dirait si elle était en retard ? Ou bien la photographe fait-elle partie de ces gens trop polis qui usent de chemins détournés pour évoquer ces choses là ? Cette petite brune, plus encore que ne l'est la puma, semble sincère dans l'expression de cette bienveillance qu'elle affiche. Ce qui suffit à rassurer celle qui depuis plusieurs semaines prend un mauvais pli en s'inquiétant pour tout et surtout ce qui n'a que peu d'importance.

Andy suit la photographe, sortant son portable de son sac à main bien rempli pour mieux illustrer ses propos dès qu'elles sont dans l'arrière boutique.

-Je suis dans la fin du premier trimestre. C'est ma première grossesse, je veux plein de souvenirs. Un shooting par trimestre ou même par mois me semble une bonne idée. Le futur papa n'est pas au courant.

...Mais il le sera bientôt.

-J'aimerais des photos sobres. J'ai vu quelques idées sur internet. Des femmes qui posent en shorts et brassières. Des images dans lesquelles les courbes sont mises en avant. Des courbes que je n'ai pas encore mais ça viendra...

Andy allume son téléphone et montre les captures qu'elle a pu faire. C'est épuré, naturel. Il s'en dégage une puissance qui plaît à celle qui s'apprête à donner la vie pour la première fois.

-J'ai prit une brassière et un short de sport noir dans mon sac. Je voudrais votre avis sur mon idée avant qu'on se lance dans cette aventure vous et moi. Je n'ai jamais prit de photos de ce genre avant aujourd'hui, seulement les traditionnelles photos pour les albums du lycée.

Elle a bien fréquenté une photographe par le passé qui parfois se plaisait à la prendre comme modèle, mais elle n'a jamais eu à prendre la pose. Et penser à son ex qui n'a jamais donné la moindre nouvelle suite à son départ pour un autre continent n'est qu'une perte de temps à laquelle Andy ne veut pas dévouer son énergie. C'était une autre époque, pas si lointaine mais qui lui semble avoir été vécue par une autre femme moins mature que celle qu'elle est devenue. Sans le départ de Capucine, jamais la féline n'aurait fini dans la montagne en pleine tempête, fuyant pour ne pas tomber sous les balles tirées par un cartel assassin.

Et jamais elle n'aurait passé cette première nuit entre les bras de celui qu'elle s'apprête à épouser. L'avocate songe lascivement à cette première fois, début d'une histoire dont ils étaient alors tout deux loin de prédire l'évolution. C'est quand la photographe lui demande si elle peut voir d'autres clichés qu'Andy réagit enfin.

-Oh oui bien sûr ! J'espère que je n'étais pas en retard. Un vendeur de sandwichs aux boulettes de viande était sur mon chemin... Ça a détourné mon attention un court instant.

-Oui un fond noir serait parfait.

Andy ne connaît que peu de choses sur le sujet de la photographie, ce qui la pousse à bien vouloir laisser une grande marge de manœuvre à la jeune femme qui va s'occuper de réaliser la séance. La féline a donné des consignes suffisamment précises selon elle pour ne pas avoir à lister ce qu'elle ne souhaite pas faire durant le shooting. Si un soucis devait toutefois arriver, elle n'aurait aucun mal à faire comprendre son désaccord. La franchise lorsqu'elle est exprimée avec cordialité est toujours mieux acceptée que les critiques acerbes et sans fondement. Andy ne doute pas un seul instant que la séance de photos prévue aujourd'hui puisse être renouvelée si elle se passe bien. Si ce n'était pas le cas, elle n'aurait aucun mal à trouver un ou une autre photographe ici à Beacon Hills ou même à Los Angeles. Une éventualité à laquelle la future mère ne veut cependant pas songer pour l'instant car on ne doit pas critiquer le parfum d'un bonbon avant d'avoir pu en tester le goût.

Et puis, mademoiselle Crown semble charmante, avenante tout en demeurant professionnelle et donc peu intrusive. Une qualité qui plaît à celle qui aime préserver sa vie privée.

Andy file dans le vestiaire indiqué par la photographe, y délaisse son sac à main avant d'ôter un à un ses atours après avoir tourné la clef dans son verrou. Elle troque alors robe et sous vêtements en dentelle pour leur préférer un short de sport moulant noir et sans marque ni coutures apparentes et la brassière qui lui est assortie. Elle dénoue ses cheveux blonds jusque là coiffés en un sobre mais élégant chignon bas, y passant les doigts pour mieux arranger cette masse qui descend dans son dos et drape ses épaules d'un épais voile ambré. La féline démaquille ses lèvres rougies par le maquillage apposé à cet endroit quelques heures plus tôt, puis quitte la pièce lorsque le reflet qui lui est renvoyé dans la glace installée dans la pièce la satisfait enfin.

Elle retrouve la photographe, visiblement prête elle aussi. Puis se rend compte qu'elle n'a pas su penser à tout avant son arrivée dans ce lieu. Les bonnes idées et intentions qui peuvent aller avec ne font pas tout et la pauvre Andy se rend compte qu'elle se sent finalement dans cet endroit aussi à l'aise que ne le serait un chien dans un jeu de quilles.

-Comme je vous le disais, il n'y a pour l'instant pas de grands changements à immortaliser.

C'est en usant sans oser en faire l'abus de telles banalités que la future mère tente de dissimuler son trouble. Merde alors, il était bien plus aisé de jouer les modèles quand tout cela n'était qu'une farce entre elle et Capucine que ça ne l'est aujourd'hui ! Andy regrette soudainement de ne pas avoir prévenu Alessandro, il serait peut-être parvenu à trouver un trou dans son emploi du temps chargé pour l'accompagner ici, mais alors il n'y aurait alors plus eu de surprise. Une surprise dont Andy ne doute pas qu'elle est sûrement déjà éventée à cette heure. Il est dur de cacher des choses à son futur époux lorsque l'on est suivie partout et protégée comme si l'on était l'incarnation du plus précieux des trésors. La surveillance dont elle fait les frais qui se faisait déjà oppressante par moment l'est encore plus depuis qu'à LA on a eu vent de son nouvel état sans que ni elle ni Alessandro n'aient eu la possibilité d'annoncer la bonne nouvelle eux mêmes.

Mademoiselle Crown lui sourit, essayant de se montrer rassurante. Elle doit avoir l'habitude de voir des gens dans cet état passer dans son studio. Andy souffle, souriant à son tour mais sans y mettre de réel entrain, puis se déplace pour rejoindre la place indiquée par la jeune femme.

La féline baisse les yeux un bref instant, prend la pose en choisissant le profil qui la met paraît-il le plus en valeur. Elle range derrière une de ses oreilles une mèche de cheveux, cambre une cuisse mettant ainsi naturellement l'accent sur son postérieur ferme et musclé. Pour finalement imiter sans forcer son naturel ces clichés qu'elle prend mentalement comme modèle.

Les clichés se suivent, la photographe semble maîtriser son métier mieux encore que la féline ne l'aurait espéré. Derrière son objectif mademoiselle Crown donne quelques indications, sans jamais perdre ce sourire bienveillant qui illumine son visage. Andy ainsi mise en confiance oublie ses premières craintes et réticences, se laissant prendre par ce jeu qui lui plaît plus qu'elle ne l'aurait cru.

Quand la séance prend fin, il semble à l'avocate qu'il ne s'est déroulé dans ce lieu qu'une poignée de minutes. Sereine et apaisée Andy s'approche de la photographe.

-Vous pensez qu'il vous serait possible de me réserver un créneau par mois ? J'aimerais continuer avec vous ce joli projet dont on vient de poser les bases.

Andy n'aime pas changer ses habitudes quand ces dernières lui conviennent. Sa grossesse qui au début lui faisait peur est finalement un état précieux tant il est éphèmère. Une nouvelle harmonie qui comble un vide émotionnel qu'elle ignorait ressentir, un renouveau constant qui ne manque pas de la réjouir entre deux nausées. Certes elle est inquiète quand elle songe à ce dont demain pourrait être fait, à cette vie qui les attend elle et Alessandro et à laquelle elle n'avait jamais prit le temps de penser avec sérieux avant que sur un bâton de plastique ne s'affichent les deux barres bleues dont elle aurait craint l'apparition il y a encore un an.

"On ne naît pas mère, on le devient." C'est ce qui est inscrit rose sur blanc sur une des affiches installées dans la salle d'attente du cabinet de son obstétricien. Un mensonge au regard de la féline qui ne peut s'empêcher de penser à sa propre mère. Une large part de ses angoisses repose sur cette idée, cette volonté qu'elle a et qui la pousse à vouloir devenir une meilleure mère que Miranda Turing ne l'a jamais été pour ses propres enfants.