Le ciel sombre illumine de sa noirceur le monde qui m’entoure ; la lumière de la lune se perd dans les nuages de pluie. Le sol, invisible, se recouvre d’une brume opaque oppressent. La forêt se calme ; le vent se couche ; les animaux se taisent et mes pas détruisent la tranquillité, suivie par des chuchotements, un groupe. Les mots, susurrés à mes oreilles, raisonnent comme une sentence : des horreurs que j’ai entendues durant toute mon enfance chez mon tuteur…
Des chasseurs ?
La peur me gagne soudain, une peur étrange et peu crédible. Elle m’accable, me tétanise. J’ouvre les yeux en grand. Figé, je laisse mes dons lupins prendre le dessus, capte le moindre bruit pour me rassurer, sens ma gorge se serrer. Ils arrivent vers moi.
J’enfonce mes ongles dans ma paume pour me forcer à réagir.
Je ne suis pas seul ; ils se rapprochent. Je me revois avec Leoric, son collier autour du cou. Son acceptation, sa meute. Je suis avec lui maintenant.
Je ne désire pas disparaître, pas maintenant que ma vie s’améliore, que j’ai des personnes sur qui compter. Je souhaite tous les revoir...
Cours !
Des craquements sinistres me font sursauter. Je sens leur odeur, leur envie de tuer, j’écoute leur arme métallique s’enclencher.
Cours putain ! Va voir Leoric.
Je transpire. La peur de mourir se loge dans mon ventre, prend toute la place, capture ma liberté. Mes sens me supplient de fuir.
Ce que je fais.
Je détale sans rien voir autour de moi. Je ne sais pas où je vais, mais je fonce, laisse mon instinct guider mes pas. La menace se rapproche, mes poils se hérissent, ma transpiration augmente, mon souffle suit le mouvement. Je cours, cours le plus vites, le plus loin possible, j’agrandis la distance entre ceux qui sont derrière moi et moi. J’observe une faible lueur à quelques mètres de moi. La civilisation… Ma promesse.
J’ai fait une promesse à Leoric et je la tiendrai. Je vais le revoir, m’entraîner avec lui, jouer, rencontrer de nouvel ami, plus vieux et plus jeune que moi. Je ne mourrais pas sans avoir vécu cela…
Alors, je cours et retrouve la lumière dorée de la ville. La lisière de Beacon Hills est là, bientôt sur moi. Ma sécurité approche. Elle me tend ses bras. Je vole presque dans les airs, heureusement que mon pouvoir de loup m’aide à détaler, sans cela je n’aurai pas réussi à faire la moitié de ce que j’ai parcouru.
De retour à la civilisation, je souris, laisse mes larmes couler un instant. Je me pose à un banc ; une vieille femme me regarde d’un air étrange, sans vraiment savoir sur quel pied danser : que fait un gamin ici en pleine nuit ? Elle s’imagine que j’ai douze, treize, comme beaucoup de monde.
Je l’observe à mon tour, souris, puis tressaute. Une douleur entaille ma peau, elle s’enfonce doucement à l’intérieur de mon épaule. J’entends, sens, mon omoplate craquer, puis les vaisseaux sanguins exploser, se rompre et vider leur contenue. Je ressens chaque déchirure, comme si le temps ralentissait, puis la douleur s’efface, bien trop grande, trop fort puis irradie mon torse. La brûlure s’intensifie.
Je pose ma main sur mon épaule, l’endroit où Cahir m’a mordu et ne voit rien, ne sens rien. Juste un froid.
La vieille dame se met à hurler ; je m’évanouis…
***
Je me réveille de temps à autre, ouvre les yeux avec un mal de tête. Les lumières clignotent au-dessus de moi. Des personnes parlent ; je me rendors.
L’ambulance arrive sur place ; je sens le brancard descendre. Les secousses ravivent ma douleur, m’obligent à rester éveillé. Résister. C’est le maître mot. Ne pas me laisser submerger et hurler à la mort. Je me mords les lèvres, espérant qu’une personne connaît mon univers…