Visite nocturne chez le zozio [Lewis & Tobias]

Il tend l'oreille, plus dans la direction de l'appareil de surveillance posé sur la table basse du salon que dans celle du couloir qui mène aux chambres. Pas un bruit, pas un son ne vient troubler sa visite nocturne. Un emballage rouge bien connu lui fait de l'œil à peine éclairé par la torche de son téléphone portable. Le professeur tend le bras, se hisse sur la pointe des pieds pour mieux défaire l'ordre approximatif dans lequel vit celui qui était il y a encore peu de temps son colocataire.

À moins que ce ne soit l'inverse. Car il est vrai que cet appartement a toujours été celui du rossignol. Gentil rossignol, brave bête à plumes trop serviable pour son bien. Il doit bien savoir, quelque part au fond de lui, que le chasseur vient ici une nuit sur deux. Se repaître de friandises sucrées, fourrer le bec qui lui sert de nez un peu partout... Surtout dans les affaires qui ne le concernent pas. La curiosité est un vilain défaut. Un défaut qui chez le britannique a toujours le même point de départ : l'ennui.

Quand envoyer des messages à Alessandro au milieu de la nuit n'est plus amusant, quand tout son travail à rendre est terminé, il s'ennuie. Fuit le sommeil car il sait bien que ses songes ne sont jamais doux. Seule la fatigue poussée à son paroxysme parvient à étouffer ses mauvais rêves. En tout cas suffisamment pour lui permettre de gagner quelques heures de répit. Coquet, il en est même venu à tenter de camoufler ses cernes et les diverses marques qui trahissaient sa fatigue. Puis Tobias s'est lassé de cette idée, trouvant désagréable ce paraître qui n'était pas lui. La triche : un concept bien trop proche de celui du mensonge pour que tout cela puisse réellement lui plaire.

Il pourrait écrire un livre durant ses heures qui finissent perdues, il paraît que ça se fait. Mais ses idées sont sombres et manquent d'intérêt. Tobias n'est pas talentueux. Enseigner et pratiquer sont deux arts, deux méthodes différentes. De toute manière ses idées ne comportent que peu d'intrigues liées à la sexualité. La seule personne qui aurait l'idée d'acheter son bouquin serait sans aucun doute sa mère. S'il fut un temps où les histoires de l'amour, les choses inavouables choquaient encore, à présent le talent se plaît à jouer les grands absents tandis que les best-sellers s'écrivent en nuances.

L'anglais bouge, puis s'affale sur le canapé. Entre ses doigts, une cigarette. Se jouer de la mort pour mieux tromper son ennui. Il a bien essayé de réduire depuis qu'Alice est arrivée dans sa vie, mais il ne fait qu'enchaîner les échecs. Ces patchs payés trop cher pour ce qu'ils valent lui donnent la nausée et lui tirent les poils. Le tueur crache son nuage de fumée aux fragrances entêtantes, croque dans son digestive. Sans broncher, il laisse les sons émis par son ami venir jusqu'à lui. Les portes s'ouvrent, les pas approchent. Lents, sans doute un peu blasés également. Tobias use de cette pénombre qui le dissimule à la perfection. Un sourire effleure ses lèvres, son regard demeure quant à lui vide de toute vie. Il n'a pas besoin de jouer à faire semblant. Lewis a vu ce qu'il avait de pire à offrir. Il ne dit pas un mot, son regard noir plongé dans l'ombre. Parfois sa main s'agite, assouvit un besoin. Le chanteur bouge, passe de pièce en pièce, revient et fatalement se met à parler.

Tobias se fige. Futile instant de flottement durant lequel il s'imaginerait presque répondre à son ami. Une idée folle, tant qu'elle en deviendrait presque tentante. Les questions de Lewis n'en sont pas vraiment. Des affirmations au bout desquelles on a jugé bon d'ajouter un point d'interrogation, qui faute d'être doué d'une véritable utilité, ne manque pas de se faire entendre. Le tueur se racle la gorge, croise les jambes. Le cuir du canapé lui colle aux fesses, il se dandine à la recherche d'un peu plus de confort. Et cette fois il répond.

-Les cauchemars donnent toujours naissance à l'insomnie. L'un ne peut exister sans l'autre. Comme la famille royale et la polémique.

Il est encore tôt. Bien trop pour qu'il ne puisse trouver juste de déjà parler de troubles du sommeil. L'oiseau chanteur s'approche, fauche le biscuit échoué sur les cuisses dénudées du professeur. Ce dernier ne bronche pas. Tobias a vécu dans cet endroit pendant plus de six mois, y a réapprit petit à petit les bases de l'humanité. Il est compliqué de conserver une certaine distance sociale lorsque l'on vit en colocation. Le tueur ne se tend qu'à peine lorsque son ami s'installe sur une chaise proche de son propre point de chute. Un rictus effleure ses lèvres avant que ces dernières ne se resserrent autour de sa cigarette. Il tire sur le bâton mortifère tel un forcené, puis écrase ce dernier dans le bol qu'il a prit avec lui.

Lewis déteste les mégots abandonnés. Et ce soir le professeur n'a pas envie d'entendre les cris de son ami. Le tueur tourne enfin la tête pour offrir un peu d'attention à son ancienne victime.

-Ce crétin de Lahey ronfle, et je ne peux pas prendre de cachets. Imagine que cela suffise à me faire louper un des réveils d'Alice. J'ai aucune confiance en ce petit con.

Mais il ne peut toutefois laisser ce gamin livré à lui même. Il est certain de pouvoir sauver quelque chose chez celui qui n'est à ses yeux, rien de plus qu'un môme paumé. Les derniers mois passés ont été nourris par les dérives d'Isaac... Malgré tout, l'anglais ne perd pas espoir. Lui, un homme brisé, le dernier à pouvoir donner des conseils à son prochain à propos de possibles addictions. Tout cela n'est rien de plus qu'une mauvaise blague. Un jour il se réveillera, et Isaac sera parti sans même laisser un mot. Il retournera crever dans son sous-sol à l'abri des regards et du jugement de ses pairs.

Tobias soupire, il attend que ça passe. Lewis ne vient jamais le rejoindre habituellement, même s'il est sûr que les sens de l'oiseau lui soufflent que la nuit son appartement se trouve visité. Le chasseur ne range jamais derrière lui, s'amuse de ce joyeux bordel qu'il parvient encore à semer dans la vie de son ex-colocataire. Certes il est parti, mais pas bien loin. Il est juste monté d'un étage et n'a même pas songé à rendre son trousseau de clés.

-C'est toujours calme ici quand tu dors. Il n'y a plus de mousse au chocolat, j'ai fini le dernier pot lors de ma visite de mardi. En racheter aurait été futé. Mais je suis aise d'être ici. Le revêtement de ce canapé est toujours aussi doux contre la peau délicate de mes testicules.

C'est avec une bouche à nouveau pleine de ces biscuits au gingembre qui lui rappellent son enfance que le chasseur sourit quand son ami attrape la balle de la discorde en plein vol pour la lui renvoyer. Ils maitrisent tout deux l'art de la dispute sans fin, celle qui ne sert à rien sinon à faire s'échauffer les cordes vocales. Un drôle de jeu où chacun est devenu expert à sa manière durant ces mois de vie commune. Parfois Tobias regrette cette promiscuité constante, puis se souvient du bien que lui fait cette indépendance qu'il a choisi de prendre il y a quelques mois. La dernière fois qu'il a vécu seul remonte à si loin, l'époque de l'université. Il logeait alors dans une chambre de bonne, tirait le diable par la queue quand arrivait la date fatidique à laquelle il se devait de régler son loyer. Puis il y a eu Maryssa, sa douce Mary. Charles, Gabriel. Et enfin un échec qui a démontré son incapacité à vivre seul et à s'assumer pleinement quand il vivait dans ce taudis insalubre lorsqu'il est arrivé pour poser ses valises en Californie. Puis Lewis est arrivé, un sauveur à l'âme pure. Un bon samaritain qui s'était donné comme mission de sauver son ancien bourreau.

Tobias soupire, décroise les jambes. Mange un biscuit de plus non sans gratifier son ami d'un clin d'œil espiègle. Son expression se fige toutefois quand un sujet plus adulte, moins graveleux s'installe. Le boulot. En faisant changer ses plans de carrière, en quittant le lycée pour un lieu d'enseignement plus pompeux, le professeur a aussi vu ce qui était une routine bien huilée se métamorphoser. Il donne moins d'heures de cours, mais se trouve bien souvent avec une charge de travail plus haute quand le soir il rentre chez lui. Les préparations ne sont plus les mêmes, il ne s'agit plus de faire entrer au forceps une dose de savoir générique dans les esprits de jeunes gens qui bien souvent n'ont même pas envie de rentrer dans une salle de classe.

L'instruction au lycée est obligatoire pour tous, la même généralement. Les options choisies par les enfants n'ont que peu d'impact sur les cours qui leur sont dispensés.

On choisit d'aller à la faculté. On désire une option, un cheminement vers l'âge adulte. La littérature sur un CV ça ne mène pas bien loin. On termine professeur, libraire, bibliothécaire parfois... Chômeur ou serveur restent cependant les options les plus évidentes après un tel parcours universitaire. On n'apprend pas à écrire un livre dans un amphithéâtre. Tobias soupire, et répond enfin en mettant volontairement de côté son penchant pour le laconisme.

-L'université c'est agréable. J'ai moins d'heures réelles à gérer que je n'en avais au lycée. C'est pratique avec la petite. Ça rend la situation plus aisée en tout cas. Même si je sais qu'entre toi, Alessandro et Jasmine je ne suis pas tout seul. Et puis je sais m'occuper d'un bébé, c'est comme le vélo où l'enseignement ça ne s'oublie visiblement pas.

Il s'inquiète toutefois de voir sa fille grandir trop vite, a peur de se retrouver prit au dépourvu. Tobias ne peut agir avec Alice comme il le fait quotidiennement avec ses élèves. Sa princesse il la veut libre comme l'air, mais toujours sous la surveillance constante d'un papa qui s'affole facilement à la simple mention de danger. Son appartement est plein de jouets car il suffit que la petite montre son engouement dans un magasin pour que l'anglais cède. Il vit avec une enfant en bas âge, son piano et la quasi totalité de la population de NounoursCity. Parfois un coyote de sa connaissance vient le rejoindre le temps d'une nuit tendre.

Sa vie sociale est donc à son maximum.

-Et toi ? Le travail se passe bien ? Alessandro n'est pas trop chiant ?

L'italien prend parfois un peu de place. Certains pourraient faire l'erreur de mettre ce fort tempérament sur le dos des origines du patron de bar. Le loup est un drôle de personnage, ne laisse généralement pas les gens indifférents. C'est un jeu dont la justesse ne fait jamais défaut, Tobias ne s'irrite pas à cause de cela. Quand le cinéma à l'italienne l'ennuie, il se contente de cesser d'écouter son ami. Cela fonctionne bien la plupart du temps, il suffit simplement de ne pas faire remarquer cette absence d'attention offerte.

Des récentes aventures de Lewis, Tobias ne note qu'une seule chose. La mention faite à une avocate convoitant le poste de maire de leur petite ville. Le professeur n'a jamais porté son intérêt sur le sujet de la politique, le jugeant d'office soporifique. La situation de Beacon Hills est particulière, le Nemeton caché au fond des bois attirant sans grand mal une foule de surnaturels en tout genre. Ce qui a pour résultat d'attirer sur les habitants de cet endroit de réguliers dangers mortels. On trouve rarement le temps de s'ennuyer dans cette ville perdue au milieu de la Californie. Ce qui fait tiquer l'anglais est le souvenir agaçant de cette bonne femme avec qui il a chahuté il y a quelques jours à l'université. Une femme dotée de ce qui ressemble à un fort tempérament, une louve aux humeurs versatiles. Il pourrait nommer le nom de cette femme s'il le connaissait ou même la décrire physiquement mais il craint que ses déductions soient justes. Un pareil personnage à la tête de la mairie semble correspondre à l'idée même que l'on pourrait se faire d'une catastrophe en devenir.

C'est perdu dans ses songes que le chasseur écoute d'une oreille distraite son ancien colocataire quand ce dernier décrit Alessandro comme un bon patron. Un rictus effleure les traits pensifs de Tobias à la mention de tyran. Il pose son regard sombre sur l'oiseau chanteur, se demandant s'il doit se sentir visé par cette appellation. Leur première rencontre n'avait rien de doux, bien au contraire. Le tueur est encore incapable, même des années après, de comprendre comment celui qui est devenu par un malicieux jeu de hasard son ami a pu parvenir à réveiller sa conscience. Un sursaut d'humanité dont il a dû assumer les conséquences par la suite. La fureur de Gabriel après cet évènement avait été puissante, douloureuse dans tout les sens du terme pour celui qui avait le temps de quelques jours perdu son statut de compère pour gagner celui de victime. Le professeur frémit malgré lui à la pensée de son ancien mentor dont la mort ne pèsera jamais sur sa conscience. Même mort ce fumier ne cesse jamais complètement de le hanter. Ce fou qui a prit si longtemps, trop longtemps le dessus sur lui que ce soit physiquement ou bien mentalement. Cet homme qu'il a cru son ami, ce monstre qui lui a prit son fils.

Tobias peine à reprendre le dessus sur ces sinistres pérégrinations mentales qui sont les siennes, même lorsque le rossignol nourrit la conversation avec une nouvelle question après avoir étouffé un bâillement. Tendu le chasseur laisse son regard glisser sur le boitier de la box internet, l'heure qui s'y affiche en chiffres vert fluorescents lui confirme qu'il est bien tard. Ses insomnies sont en train de ruiner le sommeil de son ancienne victime. Il darde son ami d'un regard un peu perdu, cherche la logique qui doit se cacher derrière les dernières paroles de celui-ci. Puis enfin il saisit le sens de cette question anodine qui vient de lui être posée. Le doute l'assaille durant quelques courtes secondes. Sont-ils toujours en train de parler d'Alessandro ?

-Alessandro ?

Lewis lui confirme immédiatement la justesse de ses déductions. Tobias soupire avant de se fendre d'un sourire aussi franc qu'amusé.

-Je vais au Pink presque tout les jours. Je pourrais graver mes initiales sur mon tabouret que ma place ne me serait pas mieux acquise. Il est mon ami. Il m'a vu dans ma pisse et sous mon plus mauvais jour quand il a fallu venir me récupérer après que Gabe m'ait retrouvé. Sans son aide et celle d'une de nos connaissances communes je serais sans doute mort dans le plus grand des oublis.

Il tend machinalement le paquet de biscuits qui est devenu sien à son ancien propriétaire. Esquisse un geste pour se resservir, puis suspend sa manœuvre. Son regard se fait plus sombre encore, mélancolique lorsqu'il se dépose sur ses mains meurtries. Il ne peut oublier la douleur qu'il a ressenti lorsque celles-ci se sont retrouvées transpercées de part en part. Il avait alors songé que cette vie, s'il avait l'occasion de la reprendre un jour ne vaudrait plus la peine d'être vécue. Il n'a pas osé quémander à Chad et Alessandro cette fin qui aurait pu lui permettre de ne plus avoir à souffrir. Cette fin que suppliant, il a souvent demandé à Gabriel durant ces quelques jours passés dans cette cave infernale. Le professeur déplie ses doigts, joue avec cette souplesse partielle qu'il est parvenu à retrouver au fil des jours et de ses efforts qui ne sont pas restés vains. Un tueur sans mains, un pianiste de passion incapable de maîtriser les spasmes qui parcourent les instruments naturels dont la nativité lui a fait don. Une situation sinistre, presque risible. Un rire jaune comme le pus qui s'est longtemps échappé de ses mains après sa captivité.  

-L'année a été compliquée. Heureusement Alice est là. Mais Wesley me manque.

Les mots interdits sont prononcés à voix haute. Son cœur qui se saigne, l'expression de son visage qui se tord en une grimace douloureuse lorsqu'il fait défiler les photographies dont est rempli son téléphone portable. Tout cela, il le garde presque secret. Certes le coyote qu'il fréquente depuis peu est amusant, intriguant. Mais ce qui ressemble à une relation naissante avec le forain ne peut se comparer avec ce que lui et le libraire ont partagé. Tout comme sa relation avec Wesley n'était en rien semblable avec celle qu'il a entretenu avec sa douce mais tempétueuse Maryssa. Tobias soupire, ne s'autorise aucune marque de tristesse supplémentaire devant ce témoin qui est également son ami.

-Sans Alice je ne sais pas ce que j'aurais fait. Je serais sans doute parti en vrille, c'est quelque chose que je maîtrise. Sang, mort et alcool. C'est un mélange qui a déjà fait ses preuves. Des amis qui ne m'imposent pas une pitié que je ne saurais supporter et ma fille. Il semblerait que cela suffise à m'éloigner de la corde. Tu veux un biscuit ?

Il tend un gâteau à son ancien colocataire sans daigner se fendre d'un mot de plus qui risquerait d'être celui de trop. Comme beaucoup d'autres choses, le sujet de la disparation prématurée de Wesley est sensible. Bien trop pour que le professeur ne trouve justifié de s'y attarder plus que de raison. Sa peine, il préfère la vivre seul. Cacher les larmes qui encombrent trop souvent ses joues à son goût. Il étend un peu plus encore sa grande carcasse dénuée de vêtements sur le canapé de son ami, jouant machinalement du bout des doigts avec un biscuit qui va aller rejoindre l'antre de son estomac déjà bien remplit de sucre.

C'est un doux sourire qui prend place sur ses lèvres lorsque le rossignol effleure un sujet de conversation qui fait naître une vague de tendresse chez le chasseur. Son petit bijou, sa princesse qui dort visiblement du sommeil du juste à en juger par le silence qui s'échappe du babyphone. Il se tourne vers son ami sans jamais se défaire de cette expression qui donne à son visage généralement marqué par les vicissitudes d'une vie aigre, un apaisement que rien ne saurait égaler. Il attrape le petit bout de technologie qui lui permet de toujours conserver le contact avec sa fille, et ce même lors de ses escapades nocturnes. Son regard sombre couvre ce drôle d'objet blanc qu'il avait longtemps pensé ne jamais devoir un jour acquérir.

-Elle commence à se balader à quatre-pattes de plus en plus vite. Elle a déjà essayé de se lever, mais ses jambes ne sont pas encore assez musclées.

Sa voix demeure posée, aussi calme qu'à l'accoutumée. Mais pourtant son cœur ne sait taire sa joie. Cette pompe à sang qui s'est révélée peu fiable par le passé est la proie d'un élan de fierté que rien ne peut égaler. Sa petite Alice ne partage avec lui aucun lien du sang, mais cela ne l'empêche en rien d'avoir en elle une force de caractère qui n'est pas sans rappeler celle dont peut faire preuve son père face à l'adversité. L'enfant est sociable, bien plus que n'a jamais pu l'être Tobias. Il lui suffit de l'emmener au Pink Print pour que ce petit ange blond se mette immédiatement à offrir sourires et mains tendues à tout ceux qui ont l'audace de passer près d'elle. En agissant de cette manière, elle oblige d'une certaine manière le sinistre anglais qui lui tient lieu de paternel à suivre cette mesure que lui impose la candeur de cette fillette amusée par la vie qui court constamment autour d'elle.

-Elle est calme. Et fait à nouveau ses nuits. Elle a eu les fesses bien rouges à cause des dents et ses selles étaient pleines de grumeaux. Mais les nouveaux suppositoires donnés par la pédiatre semblent faire effet.

Ses conversations ont vu leur contenu décliner depuis l'arrivée de cette petite fille dans sa vie. Une vie rythmée par les couches culottes, leur contenu et leur fréquence. La jeune baby-sitter qu'il était parvenu à trouver pour pallier à ses envies de sorties lui a fait faux bond, cessant de répondre à ses messages sans crier gare. Depuis il jongle entre sa carrière, la petite et une vie sociale qu'il se refuse à mettre de côté. Ce dernier point se résumant à des visites régulières au bar de parrain de la petite. Ou même des instants semblables à celui qu'il est en train de vivre actuellement.

L'anglais étouffe un bâillement inespéré. Les bras de Morphée commencent à sonner leur appel, voulant étrangement bien de lui cette nuit. Le ventre plein et l'esprit apaisé par la voix douce de son ami, il se laisse chuter dans une douce torpeur. Les préliminaires d'une nuit qu'il espère bonne. Il gratte ce qui le démange, avant de reposer le paquet de biscuits sur la table basse. Il n'en reste que deux ou trois qui se battent en duel, mais le vol ne fait pas partie de ses vices. Enfin... Ses finances ne sont pas tombées du ciel, mais les morts perdent l'utilité de l'argent. Cela ne compte donc pas vraiment.

-Et elle refuse de dire papa.

C'est là le seul drame, car c'est ainsi qu'il le vit, que Tobias puisse déplorer au sujet de sa fille. Alors que quasiment tout le personnel du Pink a déjà le droit à un simulacre d'appellation personnalisée.