Il y a des soirs comme ça où il ne faut pas grand chose pour que la vie prenne un nouveau tournant. Si peu qu'un simple regard de travers, le moindre mot déplacé peut pousser un homme, un type bien, à devenir l'exact contraire de ce qu'il devrait être. Richard enrage, ferme les yeux un bref instant quand sous son poing serré quelque chose craque. Du sang chaud glisse sur ses phalanges blanchies par l'effort. L'autre insulte, encore une fois de plus. Une fierté mal placée qui risque de lui faire perdre quelques dents ce soir. Le canadien calme le fanfaron d'un nouveau coup si bien placé qu'il en devient déplacé. Le jeune homme qui se faisait insulter a déjà prit la fuite, ne reste plus que le harceleur tout puissant et le flic en civil dont les enfants risquent de s'inquiéter s'il ne rentre pas chez lui rapidement.
Oh il y a bien les autres, les copains de l'agresseur qui sont devenus témoins depuis que Richard s'en est mêlé. Plus personne ne moufte et à présent on hésite sur l'identité du combattant à encourager. Trop usé par ces derniers jours aussi éreintants physiquement que mentalement, trop abîmé par son quotidien et ces derniers mois le flic n'a pas su rester de marbre face à une telle situation. S'il avait eu sa plaque sur lui, il aime à penser qu'il aurait agit d'une manière différente. Mais ses frasques les plus récentes montrent qu'il peine de plus en plus à tenir le choc. Un stage de contrôle de la colère, finalement cette idée n'est peut être pas si folle. Gentil flic il devient malgré lui homme instable. Il grogne à son tour une insulte humiliante, copie malgré lui les gars qui traînaient dans les ruelles de Downtown quand il était marmot. Des mecs qui lui collaient la frousse, des hommes qu'il n'osait regarder trop longtemps. Des branleurs qu'il espionnait, penché à la fenêtre de sa chambre quand il se savait à l'abri des regards.
Son poing gauche se meut en uppercut vicieux. L'autre la boucle enfin. Dick le relâche pour mieux le laisser choir au sol. Puis ose un pas en arrière. L'adrénaline fuit et la culpabilité naissante se fraie au plus vite un passage vers la cervelle du policier qui est devenu pendant quelques minutes un vulgaire bandit. D'une main souillée de carmin le canadien s'essuie le visage, bredouille dans le vide un semblant d'excuses. Il devrait appeler les collègues, déclarer ce merdier. Mais c'est alors son job et bien plus encore qu'il pourrait perdre. Le déni le plus complet face à une telle situation lui embrume la tête.
-Mec. T'as appris à cogner où ?
Hors de question qu'il ne prenne le risque de voir sa vie être foutue en l'air pour un moment d'égarement. Une petite voix sournoise lui souffle que c'était plus que ça. Plus grave qu'un simple bug dans la matrice de sa vie. Un ras le bol général, une goutte de trop qui l'a poussé à utiliser ses poings au lieu de sa raison. Déni face à la réalité. Il fait un autre pas à reculons, prêt à prendre la fuite dans l'instant. La voix, celle agaçante qui s'est déjà adressée à lui recommence.
-Toi là ! J'te cause.
Dick fait volte face. À la réaction de celui qui vient de l'interpeller, il se devine propriétaire d'une sale gueule. Le copain trouillard du mec qui bave son sang rangé en tas sur le sol lève une main en signe d'apaisement.
-Quoi ? T'as rien vu. OK ?
Il est déjà tard et dans ce quartier on vise à économiser l'éclairage des rues. Ici Richard est un inconnu ou presque. Une grande silhouette qui sait impressionner quand c'est nécessaire. Un faciès flou qui ressemble à celui de n'importe qui d'autre.
-Tu fais de la boxe ? Tu en as fait ?
Hochement de tête négatif chez le canadien.
-Je connais un endroit où des types qui se sont fait piquer leur licence ou qui n'en ont pas vont. Tu pourrais même te faire du fric. -Ça m’intéresse pas. -Ben quoi ? T'aimes pas le fric ?
Ça ne l’intéresse toujours pas mais il n'est pas d'humeur à se répéter. Il faut juste qu'il trouve des toilettes publiques pour nettoyer ce que les enfants ne doivent en aucun cas voir. Et rentrer chez lui au plus vite. Dans quelques jours il sera de retour au Canada, il pourra alors faire en sorte d'oublier ce mauvais moment. En tout cas il tentera d'y parvenir. Ne pas laisser à un souvenir malheureux l'occasion de le pourrir de l'intérieur. Demain ça ira mieux. Il quitte la ruelle en essayant de se persuader qu'un drame aurait pu s'y produire s'il n'était pas intervenu. Tout ce qu'il a fait ce soir, c'est protéger un pauvre gars qui était dans les ennuis jusqu'au cou. Derrière lui, le planqué gueule.
-C'est quoi ton problème ? Tout le monde aime le fric. T'es pas un moine mon gars. Tu cognes trop bien pour ça. -Ta gueule. T'as rien vu et tu m'oublies.
Il file sans regarder en arrière, pour ne pas être tenté. Cogner un sale type, c'est pas si grave. Enfin... La petite voix n'en démord pas, l'insulte et le conjure d'aller voir ses collègues pour leur raconter ce qu'il vient de faire. Le gars braille son nom, lui balance ses coordonnées sans se douter qu'il est en train de parler avec un flic. Dick presse le pas et c'est à petites foulées qu'il traverse les quelques rues qui le séparent de son appartement.
[...]
Factures. L'assurance maladie et la compagnie de l'électricité ne l'ont pas oublié. Il signe les chèques qui feront saigner son compte en banque. Quand Joanie rentre quelques heures plus tard, lorsqu'elle lui parle d'une nouvelle paire de chaussures, il serre les dents. Négocie. Puis pour apaiser le conflit naissant, il finit par se fendre de quelques billets. La gamine fière d'elle quitte la pièce. Richard soupire, déchire un des deux chèques qu'il vennait de remplir. Ce mois-ci ils vont tous devoir demeurer en bonne santé.
[...]
-En fait si. T'aimes le fric. -...
Richard serre les dents pour ne rien dire d'inconvenant. Il n'a mit que deux jours à changer d'avis et ça a bien fait rire celui qui est à présent en train de se payer sa tête. Sans un mot et sans jamais lâcher son identité complète, Dick suit celui qui lui promet monts et merveilles depuis qu'ils se sont retrouvés. Quelques coups à donner, quelques rounds à tenir sur un ring où on frappe comme on veut, tant qu'on le peut. C'est illégal. Il connaît la loi, il vit avec au quotidien. Se doit de la faire respecter, c'est ainsi qu'il gagne chaque mois son salaire. De quoi vivre pendant trente jours, avec en guise de pommade de l'âme, le sentiment d'avoir bien travaillé. Le devoir accomplit ne paie pas les factures malheureusement. Richard soupire, inconfortable dans sa paire de jean et ses baskets. Sur ses bras, une légère chair de poule qui ne le quitte pas malgré la température agréable. Toujours attaché à son mutisme, il suit l'autre. Serre les dents quand ils approchent la porte d'un hangar.
Il y a des soirs comme ça, où il ne faut pas grand chose pour qu'un type bien dévie et quitte le droit chemin. Un bon père de famille, un flic respectable passe de l'autre côté de la loi le temps d'une soirée. C'est juste pour voir, pour payer les factures avant que les relances n'aient le temps de trouver le chemin qui mène à sa boîte aux lettres. Quand on lui demande son nom, il se contente de citer son prénom. Et omet volontairement de donner sa profession. Puis agrémente le tout d'un mot d'esprit douteux.
-Richard. Ce mec m'a parlé des combats. Il a dû oublier la première règle du fight club.
Jo changeait l’une des cordes du ring et l’un des tendeurs. Ils avaient lâché la veille. La violence des combats dépassait de loin la résistance des matériaux calculée pour des combats humains. Griffes et crocs étaient les principaux vecteurs des défaillances. Certains levés-jetés sur les poteaux aussi. Largo Winczlav avait proposé une cage, ce qui était un peu la norme dans ce type de combats parfois extrêmes. Il s’était mangé un non sec et sans appel d’Amaro : on ne met pas un fauve en cage sous peine de débâcle. Le Boss ne supportait pas l’idée d’être enfermé.
Le hangar était calme, troublé par quelques coups de marteau du gars préposé au bar, occupé à retaper son comptoir avec du contre-plaqué. Là aussi, une bagarre entre parieurs et mauvais perdants avait laissé quelques traces. Une routine, le spectacle n’était pas que sur le ring. Celui qui venait se perdre dans cette antichambre de l’enfer y venait pour l’atmosphère et la rugosité des contacts.
(…)
Une heure avant l’ouverture. Jo semait de la sciure autour du ring, tandis que Largo dressait une première liste des combats en fonction des inscriptions reçues. C’était une ébauche, il y en avait toujours qui se dégonflaient, ou se portaient pâles. Informations qui arrivaient toujours à la dernière minute. Alors Largo jonglait entre les types et les rares nanas qu’il avait pour offrir des combats équilibrés qui iraient crescendo dans la violence.
Les premiers participants arrivaient au compte-gouttes, des habitués qui aimaient renifler l’endroit avant qu’il ne devienne une fosse aux lions. Ils avaient leurs rituels tant mentaux que physiques. Donovan était l’un d’eux. Vingt-cinq victoires, dont deux contre Amaro, douze défaites. Il était assis dans les tribunes et fixait le ring. Seul son corps était présent, son esprit voguait loin. Il se rejouait son dernier combat contre un lycan alors qu’il n’était qu’un vulgaire humain. Donovan cherchait ses limites et se battre contre un surnaturel rapportait des points, des dollars aussi.
Dans les vestiaires, un autre gars aux traits asiatiques, le corps maigre et noueux méditait dans la position du lotus pendant qu’un grand black hachait des séries de pompes à côté de lui. Il y avait parfois des provocations, elles s’en tenaient à des gestes immoraux et des mots acerbes. L’une des règles stipulait que la moindre rixe entre combattants en dehors des cordes valait un bannissement à vie. Une règle qui ne touchait pas les parieurs qui souvent s’en donnaient à cœur joie. C’était bien pour ça qu’ils venaient. Pour en découdre, ou pour observer les avalanches de coups. Sur le ring ou en dehors.
Le hangar commençait à s’animer un peu. De nouvelles inscriptions, des parieurs qui tâtaient le terrain cherchant qui allait monter sur le ring et contre qui. Largo restait muet sur le sujet, l’annonce des paires se faisait à la fin du round précédent. Les joueurs avaient quinze minutes pour se décider, annoncer leurs enchères. Amaro avait pigmenté le jeu en laissant les paris ouverts jusqu’à la fin de la première minute de combat. Les habitués en jouaient, feignant une baisse de forme pour monter leur handicap, gagner plus gros ensuite. Cette minute était devenue au fil du temps un coup de bluff, un poker menteur. Le vrai combat suivait juste après.
Largo s’était imprimée sa liste, elle contenait les noms, catégories et côtes de chaque gars qui monteraient sur le ring ce soir. Avec Jo, il discutait en haut de l’escalier de ferraille qui menait à son bureau. L’arbitre validait ses choix ou discutait de la pertinence de certains duos. Jo était au plus près des combattants. Sur le ring avec eux, il voyait les feintes, les faiblesses des hommes, leur point de rupture. Un point de vue interne qu’il confrontait avec celui de Largo. Ils n’étaient pas toujours d’accord. Jo, en ancien boxeur, pensait au bon déroulement des combats dans le respect de ceux qui s’affrontaient. Tandis que Largo raisonnait en termes de profits où parfois un combat inégal appâtait la foule avide de sang et de douleur. Ceux qui en faisaient les frais : les nouveaux, ceux que la vie poussait sur le ring, ceux qui avaient déjà la corde au cou.
Une discussion à la porte un étage plus bas attira l’attention de Largo. Franck Toledo leur ramenait un mec. Franck n’avait aucune mission diligentée par Amaro ou un pion de sa chaîne de commandement. Il faisait partie de ces hommes qui cherchaient à se faire bien voir de ceux qui tiraient les ficelles. Des outsiders toujours prêts à rendre service. Et de ce fait, Toledo était devenu un bon rabatteur. Il ne recevait pas d’argent, le parrainage se monnayait en service ou en plomb en cas de problèmes. Largo ouvrit l’application appareil photo de son cellulaire, zooma sur le prétendant gladiateur et envoya le cliché à Ryan Williams, le consigliere du patron.
- Ton nom ? - Richard. Ce mec m'a parlé des combats. Il a dû oublier la première règle du fight club. - Il a étendu le gros Ed sans difficulté.
Au-dessus de leurs têtes, Jo rendit son papier et sa mine de crayon à Largo. Il avait changé trois combats.
- OK. De toute façon, ce soir, c’est Donovan le clou du spectacle. - Sa dernière défaite a descendu sa côte, il est irrégulier, argumenta Jo. Les paris vont être serrés. Son épaule le fait encore souffrir, même s’il affirme le contraire. Je ne le placerais pas en combat final à ta place. - C’est du quitte ou double, Jo. Je veux analyser comment vont se partager les paris. On a fait notre chiffre, on peut se le permettre. - C’est toi le patron ici.
Jo s’engagea dans l’escalier quand il l’entendit résonner sous les pas de deux hommes qui en gravissaient les marches. Ils se croisèrent à mi-chemin.
- Salut Franck. - Tchao Jo ! Je t’amène du sang neuf !
Jo posa les yeux sur le mec qui suivait Franck. Anxiété, c’était ce qu’il se dégageait de ce type à la silhouette appropriée aux combats. Un gars sain, se dit Jo. Un gars fauché. L’arbitre avait son flair. En un regard, il savait que cet homme ne venait pas là pour l’appel du sang. Et pourtant, c’est par le sang qu’il pensait résoudre ses problèmes. Jo se contenta d’un hochement de tête puis poursuivit sa descente, direction : les vestiaires, pour s’assurer que tout son petit monde allait bien.
- Salut Largo, je t’amène une nouvelle recrue.
Le gérant jaugea le nouveau d’un regard mobile et vif. Plus tout jeune, pensa-t-il, mais en bonne condition physique. Il l’avait scruté montant les escaliers. Franck, soudain mal à l’aise, dansait d’un pied sur l’autre. Largo les invita à entrer dans son bureau d’un signe de la tête. Des fenêtres crasseuses, sauf aux endroits où une main avait essuyé à peine de quoi pouvoir regarder dehors, renvoyaient la nuit et les lumières orange des réverbères. Leur faisant face : d’autres carreaux, propres ceux-là, dominaient le ring, les tribunes et le bar collé au fond dans un angle du hangar. Largo alluma une cigarette, s’assit derrière son bureau, qui un jour avait dû avoir l’appellation bureau de ministre. Maintenant, il tenait plus du tas de tôles grinçantes. Il jeta son briquet sur un sous-main vert empire. En face de lui, deux sièges. Il n’invita personne à s’asseoir. Il gratta sa tignasse bouclée à la recherche d’une croûte de pellicule. En trouva une belle qu’il récolta sous un ongle pour l’observer avant de la virer d’une pichenette.
- Nom, âge, taille, poids, et raisons pour venir se faire casser la gueule.
Son compère de malheur balance les antécédents de Richard. Plus fier encore que si ces actes étaient les siens. Le flic prêt à toucher l'illégalité du bout des poings attend que ça passe, comme si tout cela n'était rien de plus qu'une illusion. Il est sur le point de faire une bêtise, une énorme ânerie, certainement la plus grosse qu'il ait pu commettre jusqu'à ce jour. La faim justifie t-elle tout les moyens ? Il veut juste protéger ses mômes, leur garantir le droit à un toit au dessus de la tête, une vie aussi normale que possible. Tout ces ennuis qui leur sont tombés sur la tête durant ces six derniers mois ne sont que les conséquences de soucis d'adultes. Des erreurs, celles de leur père trop borné. Celles d'une mère qui ne veut pas assumer son passé. Droit dans ses baskets, le canadien rumine et attend en silence. Pus enfin suit le mouvement quand on leur fait comprendre que la voie s'ouvre pour eux.
Ils grimpent tout deux un escalier de métal. Là haut un bureau dont on devine à l'état extérieur qu'il sera crasseux. Sûrement l'ancienne tour d'ivoire d'un contremaître. Ce hangar a dû servir à des fins tolérées par la loi avant de devenir le théâtre de combats clandestins. Richard serre les dents, incapable de ne pas s'imaginer entrant dans un pareil endroit avec son uniforme sur le dos. Même si le lieu est encore calme, il devine sans mal que dans quelques heures, voir même des minutes il y aurait de quoi faire une sacrée prise. Le canadien redresse la tête à l'entente du prénom de sa fille avant de mettre fin à son élan quand son regard croise celui d'un gars qui doit être son aîné. Le regard chocolat de Dick s'ancre un bref instant dans celui de cet homme qu'ils ne font que croiser dans ces escaliers étroits. Franck l'ouvre, encore. Visiblement toujours aussi fier de sa dernière trouvaille. Le canadien se doit de serrer les dents pour ne pas l'intimer à retrouver le silence dans des délais aussi brefs que possible. Ce soir il doit la fermer, ne représente aucune autorité dans cet endroit. Un poulet parmi les fauves, il n'ose imaginer ce qui se passerait s'il devait se faire débusquer. Bientôt il sera trop tard pour plaider l'innocence. Et puis ce fric il en a besoin. Pour ses petits. Pour leur offrir ce qu'ils méritent. Ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. Aujourd'hui il est incapable de leur donner le minimum, cette situation ne peut plus durer.
Le père de famille a prit le dessus sur le flic quand ils entrent dans ce bureau qui se révèle en effet loin d'être propre. Crasseux premier, roi de son empire sanglant les fixe, l'observe. Dick se tend, se fait violence pour ne pas baisser les yeux. Il assume ses actes et ses choix qui peuvent paraître mauvais. S'il est venu jusqu'ici ce n'est pas pour rebrousser chemin si près de la ligne d'arrivée. Un bureau, trois sièges. Ce Largo pose ses fesses sur le sien et offre un bain de nicotine gratuit à tout le monde. Nez froissé par la nausée que fait naître chez lui cette odeur, le futur combattant se force à garder le silence.
Parler c'est prendre le risque de trop en dire.
Sans même songer à poser ses fesses sur une des chaises libres, en s'efforçant d'ignorer celui qui près de lui trépigne déjà d'impatience, Richard attend. Il n'est pas venu ici pour se faire des amis. C'est même le contraire. Crasseux fouille, cherche des habitants dans sa tignasse noire et bouclée. Trouve son précieux et le regarde bien trop longtemps avant de l'envoyer au loin.
Le père de famille frissonne face à ce manquement à l'hygiène. Desserre finalement les lèvres lorsqu'on s'adresse directement à lui.
-Richard. 38 ans. Un mètre 88. 87 kilos.
Toutes ces informations sont parfaitement logiques dans ce contexte. Et puis le canadien connait bien la manœuvre, c'est celle qu'il fait appliquer au quotidien dans son boulot. Même si ce soir les rôles sont inversés pour son plus grand déplaisir. Crasseux devient gratte-papier. Puis attend la suite alors que Richard est soulagé en comprenant que son prénom suffit dans cet endroit. Franck ose un coup de coude que le père de famille esquive.
-L'amour de l'art et la charité. Non mais sans déconner, y a des gens qui viennent pour autre chose que le fric dans cet endroit ?
Le flic noie le poisson et dissimule son stress comme il le peut. À Rome il se doit d'agir comme les romains. Devenir un autre, une parodie de mauvais garçon. L'exercice n'est pas compliqué dans son cas. Il a toujours fonctionné ainsi. Largo lui demande s'il sait se battre, Richard se contente de lever les yeux au ciel. Cette absence de réponse en devient une. Quand on lui demande de quelle manière il combat c'est du tac au tac que le flic répond.
-Avec les poings. Et le reste en cas de besoin. Je me bats comme... Un gars qui sait se battre. -Fais pas ton modeste. Il a fait sauter deux dents au gros Ed. Et il était même pas essoufflé. Il m'a même envoyé chier après. -...
Le chocolat se fait encre quand il se pose sur celui qui l'a emmené ici. D'un regard foudroyant, Dick fait comprendre à la pipelette qu'en dire plus dans un pareil instant, c'est aussi en dire trop. Tout cela n'est pas une affaire de modestie, c'est la honte qui a étreint de cœur du canadien après ses frasques. Déboussolé, choqué par cette violence qui sommeille en lui il a eu bien du mal à trouver le sommeil. Ce soir les gamins le pensent à la salle de sport. Un mensonge qui n'en est pas un. Sa conscience s'allège comme elle le peut alors qu'il s’apprête à commettre l'impensable. Flic le jour et distributeur à gnons sur un ring clandestin le soir pour parvenir à payer les factures. Deux vies incompatibles. Un portable vibre mais ce n'est pas le sien. Il redresse l'échine pour mieux voir Crasseux premier prendre son cellulaire. Regard vers l'écran. Puis le canadien, et ensuite ce Franck qui l'a emmené ici.
Un long frisson glacé parcourt le canadien qui se force à demeurer de marbre. Ses mains deviennent poings fermement serrés.
-J'ai éclaté un gars qui s'en prenait à un autre. Ce mec était là, il avait l'air d'apprécier le spectacle. Puis il m'a demandé si j'aimais le fric. J'ai des factures à payer et il paraît que j'suis pas un moine. Pour ça que je suis venu casser la gueule à mon prochain. Bizarrement l'inverse me tente moins.
Besoin étrange que celui de se justifier tandis que l'on s’apprête à sauter à pieds joints dans la merde. Largo range son téléphone après avoir pianoté sur son écran, Franck s'avance et pose finalement ses grosses fesses sur une des chaises. Dick se contente de regarder ce monde qui vit sous leur pieds à travers une vitre moins sale que les autres. Ses prunelles chocolat s'attardent sur le ring. Un léger sourire se fraie un passage fugace sur ses lèvres. Si dans la vie de tout les jours, il doit apprendre à se contenir, ce soir si l'on veut bien de lui il pourrait se défouler. Laisser sa colère et sa rage surgir le temps d'un combat. Personne n'a à savoir ce qui pourrait se passer dans cet endroit de toute façon.
Un poids lourd pensa Largo. Grand, les hanches fines, le nouveau possédait un centre de gravité un peu haut, propice à la chute. L’avantage se trouvait dans l’envergure des bras qui allaient de pair. La suite le catalogua illico presto dans la catégorie des fanfarons. Rien de nouveau sous les lampes à sodium.
- Quel style de combat ? - Avec les poings. Et le reste en cas de besoin. Je me bats comme... Un gars qui sait se battre.
Largo se demanda pourquoi ce type savait se battre. A quelle école de la vie était-il allé ? Celle de la rue ou celle des professionnels ? Son nez parfaitement droit l’écartait d’office d’un éventuel circuit pro.
- Fais pas ton modeste. Il a fait sauter deux dents au gros Ed. Et il était même pas essoufflé. Il m'a même envoyé chier après. - ...
Ed, une brute épaisse, connu pour avoir un vide sidéral entre les deux oreilles. Lui venait du circuit pro. Ed s’était mangé trop de KO. Cela ne tournait plus très rond dans sa cervelle. Toutefois, il offrait de belles prestations sur le ring. Pour lui faire sauter des dents et en sortir vivant, il fallait que ce type ait eu une chance de cocu, ou un talent d’enfer.
Turner ne semblait pas ravi de la publicité non gratuite de Franck : 1 % des gains du premier combat, s’il était gagnant. Largo doutait que Franck avait avoué à son protégé du moment avoir quelque chose à y gagner de le voir combattre. Pour éviter une affluence de tocards crédules, Largo avait mis une règle assez déplaisante en cas de défaite : il fallait débourser les 1 % que l’on aurait gagnés dans le cas contraire.
-J'ai éclaté un gars qui s'en prenait à un autre. Ce mec était là, il avait l'air d'apprécier le spectacle. Puis il m'a demandé si j'aimais le fric. J'ai des factures à payer et il paraît que j'suis pas un moine. Pour ça que je suis venu casser la gueule à mon prochain. Bizarrement, l'inverse me tente moins.
Le téléphone de Largo sonna. Il décrocha, écouta, puis raccrocha. Il savait maintenant pourquoi ce gars savait se battre, assez pour oser monter sur un ring, pas assez pour que son nez ressemble aux champignons écrasés des professionnels. Largo ne changea pas d’attitude, il avait entre autres qualités celle d’être un sacré bon joueur de poker. Il savait encaisser la pire des nouvelles sans sourciller. Il devait même se forcer à montrer de l’émotion aux gens lambda pour ne pas être vexant ou être jugé bizarre. Ses proches ne s’en formalisaient plus depuis des lustres.
Largo se gratta le crane, laissa tomber, car il avait déjà le cuir chevelu à vif, lui promettant de belles grosses croûtes dans le futur. Il posa sa feuille de combat de la soirée sur le bureau en la lissant un peu pour la défroisser et regarda la liste de noms ou plutôt la colonne des poids. Il hésitait.
- C’est bon Franck. Laisse-nous.
L’autre salua sur un ton mielleux et prit la porte. C’était sa façon de parier, un quitte ou double qui pouvait rapporter gros à condition de ne pas se planter trop souvent. Franck était pour le moment bénéficiaire de ce système. Largo observa Turner occupé à lorgner le ring par la fenêtre. Il lut dans son attitude une forme d’assurance, presque une jubilation. Se raclant la gorge pour se rappeler à sa mémoire, il indiqua vaguement une des chaises devant son bureau, puis se replongea dans sa liste de noms. Il fallait que le flic revienne d’après Ryan, et donc qu’il ne termine pas KO au premier combat. Mais, s’il ressortait de là un peu trop frais, lui donnerait des boutons. Après cinq minutes de silence à orner son papier de flèches et de ratures au crayon papier, Largo tenait enfin son programme de la soirée. Il allait aligner Turner contre Donovan. C’était un pro du circuit clandestin, mais comme l’avait souligné Jo, Donovan était blessé à l’épaule et de la même catégorie que le poulet. Puis d’après Franck, Turner avait réussi à péter les dents d’Ed. L’ancien boxeur avait sûrement péché par excés de confiance, mais il n’en restait pas moins un buffle pas facile à toucher. Coller un nouveau contre Donovan serait juteux si le flic gagnait.
- Je t’explique comment ça fonctionne. Ici, pas de mort, nous ne sommes pas des criminelles.
Largo offrit un petit rictus à Richard. Cela pourrait passer pour un sarcasme, mais c’était son speech habituel.
- Pas d’arme, tu montes sur le ring avec ta queue, tes poings et un calbut à minima.
Largo attendit l’assentiment du futur combattant avant de poursuivre.
- Le club te file cent dollars uniquement pour montrer sur le ring. Somme acquise même si tu perds. Cette somme peut monter si tu deviens populaire. La commission sur les paris est de dix pour cent. Deux pour cent vont aux frais de fonctionnement, trois vont au club et cinq au gagnant du combat. T’as compris ?
Largo regarda le flic. Il était presque certain de l’avoir perdu avec ses pourcentages. Comme la majorité des mecs, la lumière se ferait à la première paye.
- Tu passes dans une heure environ. D’ici là, t’es libre d’aller et venir. Mais sois dans le vestiaire dix minutes après la fin du deuxième combat. Les combats durent quatre rounds de trois minutes avec une pause d’une minute entre. Ou moins en cas de KO. Des questions ?
Franck sort quand le gars derrière le bureau le lui ordonne. Dick ne connaissait même pas le prénom du type qui l'a emmené avant qu'ils n’arrivent tout deux dans ce lieu. Et la réciproque était vraie. Il ne veut rien savoir de cet homme qu'il considère comme un simple intermédiaire entre lui et la possibilité de gagner un peu de fric. La porte claque derrière ce drôle d'ange gardien à face de serpent tentateur. Le silence revient. Résonne si fort dans ce bureau qu'il pourrait devenir gênant. Mais ce n'est pas le cas.
Le canadien ne quitte pas le ring des yeux, ne s'attarde pas auprès de cette foule qui commence à emplir ce sordide endroit. Il ne parvient pas encore à s'imaginer la suite de cette folle soirée. Ce qu'il est sur le point de faire va à l'encontre de tout ce qu'il défend depuis plus de quinze ans. C'est une offense à cet uniforme qu'il porte chaque jour fièrement. Malheureusement pour lui être un type bien, un gentil flic intègre et un peu lent de la caboche ne paie pas assez. Il tend la nuque pour mieux voir, pour flairer l'entourloupe. Il veut savoir dans quoi il est en train de mettre les pieds. C'est mauvais, ça il le devine sans mal. Si sa mère était là, elle lui tirerait les oreilles, crierait et ensuite le consolerait avec un de ces câlins dont seul Nessa Turner a le secret. Si son père était là...
Si Hank Turner était là... Il attendrait la fin des exploits douteux de son fils pour mieux le coffrer par la suite. Un frêle sourire se paie un passage éclair sur les lèvres du canadien suite à cette pensée.
Il se retourne vivement quand celui qui a déjà été renommé Crasseux premier dans l'esprit du flic se racle la gorge. Dick demeure docile, pose ses fesses à l'endroit indiqué. Ne croise pas les jambes pour ne pas passer pour un crétin orgueilleux. Ne laisse pas ses mains se poser sur le bureau, de peur d'y choper une quelconque maladie. Certes les plus humiliantes ne s’attrapent pas de cette manière. Une bonne blénno c'est juste une conséquence d'un moment heureux qui devient malchanceux. Mais avec cette histoire de virus dont tout les journaux télévisés parlent, il ne veut pas prendre de risques inutiles.
Largo s'attaque à son bout de papier, un morceau de crayon gris qui a dû être taillé de nombreuses fois à la main. Le père de famille cherche encore comment s'occuper les siennes. Canaliser cette décharge qui parcourt son être depuis qu'il est entré dans ce bureau. Il ignore ce qu'est ce sentiment étrange qu'il est en train d’éprouver. Tout ce qu'il sait c'est qu'il est trop tard pour qu'il ne fasse marche arrière. Les factures ne se paieront pas seules et attendre plus longtemps serait pire encore.
Richard serre les dents quand son vis à vis ouvre enfin la bouche. Rictus contre mâchoires crispées. Ne pas cracher au visage de ce mec que ce qui se joue ici est de toute façon déjà illégal est soudainement compliqué. Il ignore si Largo vient de tenter un trait d'humour. Et ne veut pas vraiment le savoir. Le flic opine simplement du chef pour montrer là toute sa compréhension de cette situation.
Nouvelle injonction. Nouveau hochement de tête canadien. Des ordres et de l'obéissance en retour, ça il connait et maîtrise. Quand l'autre lui demande une nouvelle fois s'il a comprit, c'est par automatisme que Dick se fend d'une réponse positive.
-Oui monsieur.
C'est faux et ça se lit sur son visage comme brisé par le poids de l'incompréhension. Les maths et lui ne sont pas de bons amis. Mais ce qu'il saisit pourtant sans mal, c'est qu'on lui filera cent billets pour grimper sur ce ring. De quoi régler l'assurance maladie et payer une partie du prochain plein d'essence. Depuis des années c'est de cette manière que le policier s'est mit à compter. En facture à régler, en frais domestiques. Ceux qui sont urgents, puis les autres. Le divers, des petites choses de moindre importance mais qui font que l'on vit au lieu de simplement survivre. S'il gagne, et c'est là son objectif, le divers pourrait peut être s'offrir une nouvelle place dans sa vie. Sans sourciller il écoute la suite, se contente uniquement de confirmer qu'il comprend bien ce qu'on lui dit. Au second combat, il faut qu'il soit dans les vestiaires. Puis l'entretien se termine. Richard se dresse sur ses jambes, se force à regarder droit devant lui pour ne pas laisser son regard chocolat glisser sur le feuille posée sur le bureau.
Cette fois c'est après son passage que la porte du bureau claque à nouveau. Tandis qu'il est sur le point de dévaler les marches pour revenir à son point de départ, c'est Franck qui pope soudainement devant lui.
-Alors ? -Alors c'est bon. Dans une heure. Quatre rounds de trois minutes avec une pause d'une minute entre. Moins en cas de KO.
Franck le fixe, puis bredouille quelques paroles habitées par le désespoir et l'impatience.
-Je sais déjà tout ça ! Quoi d'autre ? -C'est tout.
L'incompréhension signe son grand retour, mais cette fois ailleurs que dans le regard de Dick.
-Non mais c'est pas grave. Réfléchit pas trop, te fais pas du mal pour ça. Vient que je te paye un verre.
[...]
On ne vend pas de gin dans cet endroit et la bière que Dick a bu lui a laissé un sale goût dans la bouche. Il reste attentif pour être sûr et certain de ne pas louper le moment où l'on va lui faire signe. Le canadien se passe son t-shirt gris par dessus la tête et l'envoie rejoindre le reste de ses affaires posées en tas dans un casier à la porte à moitié défoncée. Un futal, sa queue et ses poings. Le compte y est et tout le superflu a été abandonné sans remords. Il inspire pour mieux absorber ce début de frousse qui lui serre le bide. Le gars qui enchaînait les pompes dans un coin des vestiaires revient. Sacrément amoché mais souriant, il passe près du canadien et lui pose une main sanglante sur l'épaule.
-Ça va être à toi Nouveau. Il reste plus que Donovan. T'es dans la merde.
Le gars s’éclipse sans tarder et la peur de Richard prend le même chemin. Il fouille les environs de son regard chocolat, cherche ce gars dont il a déjà entendu le nom depuis qu'il est arrivé ici. Une pensée, très fugace mais tout de même existante, pour Franck le prend. Ce mec va faire la tronche si Richard se fait rétamer dès son premier combat. Le flic fixe ses mains, ses jambes. Ses atouts il les connaît, même s'il ne les utilise que rarement à leur plein potentiel. Donovan a une tête à faire peur et ce sans même avoir eu besoin de monter sur le ring. Plus petit que Dick, plus trapu également. Une vague ressemblance avec la Chose. Richard se sent quand à lui l'âme d'un Wade Wilson. Sans les supers-pouvoirs et la tronche de testicule.
Quand on crie son nom, le canadien manque de sursauter. Pourtant ses mains ne tremblent plus, son cœur bat une mélodie étonnamment calme dont le tempo résonne dans ses oreilles. Il ferme d'un geste sec la porte du casier réfractaire. Pas grand chose à cacher ce soir. Juste sa veste, son haut. Sa vieille paire de basket est en fin de vie.
Pas mal de choses à montrer cependant. Un peu de force mentale, une pile de factures qui n'attend que ses exploits pour enfin devenir un symbole du passé. Une foutue résilience, oublier la loi quelques instants. Cette belle dame ingrate qui paie bien mal ses défenseurs.
Ce lieu est bruyant. Le doute devient certitude quand il met enfin les pieds sur ce ring. Ça hurle un prénom qui n'est pas le sien. Loin de le désespérer, ça lui donne une force nouvelle. Un feu qui roule dans ses veines, qui se transmet dans tout son être. Ce soir il fait une erreur. Une des plus grosses qu'il n'ait jamais commises. Un des plus vivifiantes également. Une connerie joussive.
Les poings se cognent dans un salut presque cordial. Les deux hommes reculent d'un pas. La cloche fait résonner l'appel du sang. Ça braille toujours autant. Compliqué de faire abstraction d'un boucan aussi infernal. Des pieds frappent contre les gradins. C'est un poing lui fauchant le ventre qui ramène le canadien sur terre. Son souffle se coupe quand ses tripes s'offrent une salsa improvisée. Il prend une position qui doit ressembler à une garde. Sa main droite se tend, se fait agressive tandis que c'est son poing gauche qui cherche la feinte. C'est par sa jambe droite que naît l'attaque. Vive elle s'élance et se lève. Frappe un poing. Ouvre une porte.
Ryan sortait ses lasagnes végétariennes du four quand il reçut une vidéo envoyée par Largo. Le gérant du Fight club tournait à l’intuition, il en fallait dans ce métier où les recrutements ne pouvaient pas se passer comme du bon côté de la vie avec CV et références que l’on pouvait aisément vérifier. Excellent joueur de poker, Largo savait déchiffrer les attitudes des gens. Et pour gagner au poker, il était important de savoir quand son adversaire bluffait.
Ryan soupira en reconnaissant la tête du type filmé en contre-plongée dans le hangar : ce casse-noix de Turner. Un mec si insupportable que même le patron avait perdu son sang-froid face à lui. Ryan n’avait pas souris longtemps quand il avait récupéré son boss devant le poste de police, le nez cassé et sa précieuse chemise en sang. Le consigliere d’Amaro avait été soulagé que le retour de bâton se cantonne à une panne de voiture pour le poulet et non à une charge explosive. Ryan ne s’y trompait pas, le flic et sa petite famille avaient eu la vie sauve, car Beacon Hills était une ville trop petite pour une vengeance de cette envergure. Il avait demandé à Finn de s’occuper de la familiale de Turner en laissant le doute entre panne et sabotage. L’important était de saigner le porte-monnaie du pénible.
La manœuvre semblait avoir marché au-delà des espérances du boss. Ryan avait suffisamment collé le cul de Turner pour cerner le bonhomme : un bon père de famille parfois un peu sanguin. Un type qui n’avait pas dû briller sur les bancs de l’école, et qui aurait pu mal tourner vu le quartier où il avait grandi.
- Il est quand même pas aussi con pour penser qu’il peut réussir une infiltration ! murmura Ryan pour lui-même.
Il composa le numéro d’Amaro, celui de sa ligne express, celle qu’il décrochait toujours.
(…)
Les lasagnes avaient terminé leur parcours dans une boîte en pyrex sur le siège avant de la voiture de Ryan. Il n’y a que dans les films où les gangsters mangent de la daube à cause de leur travail qui les appelle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Ryan se tenait à une hygiène de vie exemplaire et un régime alimentaire à la mesure de sa santé physique.
Le hangar commençait à se remplir quand il arriva. Il salua les gardes et grimpa jusqu’au bureau de Largo. Celui-ci était en bas, à côté du ring à prendre les premiers paris pour le combat qui débuterait la soirée. Ryan tira une chaise jusqu’aux vitres qui lui donnaient une vue d’ensemble sur l’intérieur du hangar. Et, sa boîte encore chaude sur les genoux, il mangea avec appétit tout en surveillant ce qu’il se passait en bas. Rien n’échappait à son regard ni à celui des caméras de surveillance planquées dans les poutrelles qui soutenaient le toit de tôles.
Le Boss voulait être certain des raisons qui amenaient Turner sur le ring. S’assurer qu’il ne poussait pas la stupidité d’aller à l’encontre des sanctions disciplinaires qu’il avait écopées après sa brillante prestation sur la route. Tuner avait évoqué des factures à payer à Largo. Ryan savait que c’était une réalité, il avait veillé à ce que la note s’alourdisse pendant que son patron était encore sous les verrous pour le disculper, ou plutôt rendre la cause à effet moins évidente. Amaro avait une sacrée dent contre le flic. Ils sont peu nombreux ceux qui ont réussi à le coller en cabane, ne serait que pour une heure. L’Italien avait encore cet affront en travers de la gorge.
Les ordres étaient simples : vérifier que le flic n’était pas en mission, —Amaro pensait Stilinski pas assez stupide pour donner ce job à l’un de ses hommes, tous connus de l’underground de la ville—, et accumuler des preuves pour mouiller Turner jusqu’aux oreilles. Pour cela, il devait gagner et dépenser l’oseille pour des besoins personnels, comme la réparation de sa caisse aisément faisable au black. Ryan était confronté à un soucis technique : il ne pouvait pas truquer le combat ni acheter Donovan pour qu’il se couche. C’était l’orgueil du club : pas de combats arrangés.
(…)
À la fin du deuxième combat, Ryan posa ses fesses tout en haut des gradins. Il devinait l’une des suites, si Turner gagnait et dépensait effectivement ses gains pour améliorer son ordinaire. Il observa le flic monter sur le ring. Il eut du respect pour cet homme qui entendait le nom de son adversaire acclamé par la foule. Les gens le déclaraient perdant d’avance. Ils auraient une minute pour changer d’avis. Ryan constata que Largo se préparait à une bonne surprise de la part du flic car il avait déployé deux de ses mecs pour enregistrer les paris de la dernière minute. Un job de dingue où il fallait capter les desiderata de chacun dans une véritable cacophonie. Largo pouvait écouter cinq personne à la fois.
Donovan salua le nouveau avec respect. En dehors du ring, c’était un type sympa, calme de tempérament. Sur le ring, il se transformait en lion, un gladiateur des temps moderne qui séparait d’un mur épais son temps en combat et le reste. Il ne gardait pas de haine contre ceux qui l’avaient vaincu, sauf coups vicieux. Le gong sonna.
Les dix premières secondes dévoilèrent l’errance du nouveau qui n’était visiblement pas habitué à ce genre de spectacle. Ryan trouva qu’il encaissait bien le premier coup à l’abdomen. Il analysa la réponse corporelle du flic qui venait de baisser son centre de gravité et s’était mis de profil pour donner moins de prise à Donovan. En face, Donovan prit une posture similaire, l’épaule droite en arrière. Si Turner était assez attentif, il comprendrait vite que Donovan tenterait de tenir cette position en privilégiant son crochet gauche.
Le flic esquiva, leva une jambe qui balaya le poing de Donovan. Les parieurs s’excitèrent, mais trop tard, la minute venait d’échoir. La côte de Donovan avait baissé après son dernier combat, mais celle de Turner était ridicule. Le club avait tout intérêt à ce qu’il gagne. Le cynisme de la situation fit sourire Ryan : Turner pouvait enrichir son pire ennemi.
Quel que soit l’issue du combat, il fallait bichonner le poulet. Ryan quitta les tribunes pour aller dans les vestiaires. Il s’assura que la valise médicale était complète. Achalandée par le docteur Lakway, il y avait de quoi rentre présentable la plupart des blessures. Turner devait revenir, ce qui serait plus délicat s’il rentrait chez lui la tête comme une pastèque trop mûre.
Ryan s’éclipsa avant la fin du combat, direction la voiture du flic pour coller un mouchard GPS dans le passage d’une des roues arrières. Ils ne l’avaient pas fait avant au cas où Turner ait suspecté la malveillance pour sa panne de moteur. Ancien soldat, Ryan se reconnaissait un peu dans ce flic jusqu’à présent intègre, mais que la vie malmène. Après l’arrestation du patron, il avait fouillé son appartement, trouvé des dossiers secrets planqués sous ses slips. Ça l’avait fait sourire, Turner était d’une naïveté attachante.
Après cette bière qu'il a bue précédemment, c'est la poussière qui lui laisse un sale goût dans la bouche. Trop occupé à chercher une possible faille dans la posture de son adversaire, il n'a pas vu le coup arriver. Un crochet du gauche qui a fait rebondir ses mâchoires l'une contre l'autre. Encore un coup qui risque de donner naissance à une belle marque dans quelques heures si ce n'est pas plus tôt. Richard fait claquer sa langue contre son palais avant de se redresser non sans oublier d'offrir un clin d'œil à l'arbitre. Il ne sait depuis combien de temps il est là, il ne sait combien de secondes les séparent de la fin de ce round. Le flic se repasse en tête le début du combat, esquive un nouveau crochet qu'il a le temps de voir venir cette fois. Aussi agile qu'habile sur ses appuis, il ne quitte jamais son adversaire des yeux. Le public braille toujours autant, s'excite dans les tribunes. Des bouches qui cognent avec des mots en guise d'arme. Des pieds qui applaudissent ce spectacle malsain.
Comme ce film avec Brad Pitt. Avec une fin plus simple à la clé. Un vainqueur, un vaincu. Pas mal d'argent en jeu, que ce soit pour les parieurs ou les gladiateurs des temps modernes. C'est simple, juste un peu de survie. Le jeu du plus fort dans sa version la plus franche. Dick sourit, se fait tout petit pour se glisser dans une faille. Une épaule en arrière et qui ne bouge jamais. Pas celle qui sert à donner de l'élan aux missiles que lui envoie son adversaire depuis le début de cet affrontement. Donovan se meut, attend une jambe qui cette fois ne se lèvera pas. Ce serait trop facile, bien trop prévisible. La blague n'est plus drôle quand on en connaît la chute. En parlant de chute, Richard esquive le jumeau du coup qui l'a envoyé rejoindre le sol. Puis il fonce, profite de ce nouvel angle qui s'offre à lui. Il porte son bras en arrière, lui donne force et conviction. Puis l'élance.
Mouvement de recul. Personne ne chute mais c'est tout juste. Un grognement rauque postillonne près de l'oreille de Richard qui tente le tout pour le tout. Il saute, rue tel un bélier sur l'articulation qui demeure toujours à portée de corps. Épaule contre épaule. Le monstre recule, ses jambes soudainement moins stables. Une main contre son crâne pour le forcer à relâcher prise.
Le gong sonne la fin de la mêlée. Cette fois Richard recule, toujours aussi docile face à ce qui lui semble être une nouvelle forme d'autorité suprême. Le type dans le bureau n'a pas l'air d'être un drôle tolérant l'esbroufe. Le flic va dans son coin de ring, se passe un poignet sur le front. Poissant de sueur mais sans doute vierge de sang. Son cœur bat la vitesse du bonheur, de l'effort. Son ventre ne le fait pas souffrir. En tout cas bien moins que sa mâchoire. Ses jambes ne l'ont pas trahi, son manque d'expérience semble quand à lui ne pas lui porter préjudice. Ce soir il se bat à l'instinct. Des jeux de gamins qu'il faisait avec ses potes du lycée. Bien plus intéressants que les cours de mathématiques. Le canadien porte son regard chocolat sur Donovan. Il se paie une triste mine, souffle plus que nécessaire. Cela achève de convaincre Dick. Il a bel et bien dégoté une faille. De quoi mettre ce mastodonte à terre. S'il mène bien son jeu, s'il esquive ce poing gauche qui lui fait si mal à chaque fois, il peut espérer sortir de ce ring gagnant.
Reprise des hostilités.
Donovan se fait méfiant à présent. Moins enclin à foncer dans le tas depuis le coup d'éclat de Richard. Le flic part à droite puis cogne à gauche quand l'occasion se donne. Ne pas se fatiguer, ne plus chuter. Agacer l'autre, suffisamment pour le pousser à agir. Taper là où ça fait mal. Pour le pousser à se dévoiler. Jeu semblable à celui qu'il mène avec Amaro.
Et surtout esquiver ce crochet du gauche qui passe trop près de son visage en sifflant. Dick se redresse, se cambre puis se courbe. Être Billy pour mieux finir Ali. Jambes sur ressort, il se demande si oser peut être une partie de la solution. Il est venu ici pour se faire du fric mais à présent il veut gagner. Ne pas être venu pour rien. Gagner. Comme une revanche prise sur son quotidien. Il cogne l'articulation, encore et encore. Tant que cette possibilité s'offre à lui, tant qu'il devine pouvoir esquiver les conséquences, il frappe. Inlassable, visage crispé dans l'effort et la jubilation. Son ventre se creuse au contact de la peau d'autrui. Le flic recule, presque propulsé en arrière d'un bon pas. Il souffle sans quitter Donovan du regard. L'autre bouge moins vite. Quand le gong résonne à nouveau, depuis les gradins c'est une toute autre clameur qui se fait entendre.
De retour dans son coin de ring, Richard comprend que la prochaine chevauchée peut aussi être la dernière. S'il joue bien son jeu, s'il se trouve une seconde cible pour mieux mettre l'autre à terre, il pourra peut être faire cesser ce combat dont il veut se sortir victorieux. Ses soucis finiront remisés au placard. Les factures dûment réglées partiront chez ses créanciers qu'il peine à tous satisfaire en heure et en temps. Les prunelles chocolat chutent sur Donovan qui tente de noyer sa douleur dans une bouteille d'eau. Le souffle lourd, le flic se remet debout. Un peu d'assurance ne va pas lui causer de tords. Le combat reprend avec l'avant-dernier round.
Il faut que ce soit le dernier car c'est la nuque du flic qui commence à fatiguer à force de se baisser. Sa mâchoire le brûle, il a comme un poids collé au fond du menton. Douleur lancinante. Dick soupire, enrage. Donovan semble conscient que la fin est proche. Mais pourtant le mastodonte ne s'avoue pas vaincu pour autant. De son poing gauche il mitraille les environs. Il se fatigue et ne cherche plus qu'une chose, mettre fin à ce combat au plus vite. Richard sait que s'il se fait toucher, que s'il cesse d'être aussi prudent, un retournement de situation peut toujours arriver.
Il esquive donc, toujours et encore. Parfois il échoue et serre les dents pour ne pas laisser sa douleur lui échapper. Plus souvent c'est lui qui arrive à passer la défense devenue défaillante de son adversaire. Donovan est à présent de guingois, chaque mouvement imposé à son bras droit force son visage à se crisper. Cette fois Dick ne prend plus de pincettes, met plus de force dans chacun des coups qu'il arrive à placer. Dans les tribunes ça ne crie plus, enfin plus autant qu'auparavant. Le nouveau est en train de mettre à terre un des tauliers de ce lieu. Une jambe se lève, trop vive, trop haut encore une fois. La souplesse du canadien qui fait de plus en plus mal à son adversaire. L'épaule, un cri de douleur. Le mastodonte trébuche plus qu'il ne recule. Sa carcasse bouge, le coup repart. Un droit cette fois, qui achève de faire chuter le plus expérimenté des deux hommes.
Richard recule d'un pas, ne quitte pas Donovan des yeux. Au sol. L'arbitre décomptant près de lui. À chaque chiffre prononcé, les cris se font plus forts. Vacarme assourdissant né de la colère de ceux qui savent qu'ils viennent de perdre de d'argent. Quelque part dans ce lieu, Franck doit être content.
Ce n'est que qu'au moment où Jo achève de compter que Richard offre une main ainsi qu'un large sourire à l'habitué des lieux.
Sujet: Re: Dévier [FT Alessandro Amaro & Cie] Jeu 1 Oct 2020 - 23:44
Dévier Katie Lakway
Jax Teller enfourche sa moto et démarre avec le ronronnement caractéristique de sa Harley-Davidson modèle Dyna-Glide. Katie Lakway met son épisode des Sons of Anarchy en pause pour prendre un appel. Il s’agit de Ryan Williams, le bras droit d’Amaro. Mentalement, elle parie sur une blessure par balle, après le carnage dans la laverie abandonnée, elle attend les conséquences des règlements de comptes qui ne manqueront pas.
- Bonsoir Katie, navrée de te déranger, mais on a besoin de tes mains de fée au Fight Club. - C’est un KO ? - Je ne sais pas, le combat n’est pas fini. - Rappelle-moi si c’est utile que je me déplace ! - C’est utile. Il s’agit de rendre un type présentable…
Ryan tait le fait qu’il s’agit d’un flic, le docteur Lakway serait capable de panser ses blessures à l’acide sulfurique. Elle n’a toujours pas digéré la bavure policière qui l’a fait basculer il y a dix ans de ça. Depuis, elle loue ses services à prix d’or aux gangsters. Elle n’en reste pas moins une bonne toubib très efficace quand elle est motivée à sauver une vie que ce soit par compassion ou pour l’argent. Par contre si on lui colle la vie d’un policier entre les mains… Elle n’a encore jamais tué. Enfin si, une fois en légitime défense, un flic, un pourri de première catégorie.
- J’arrive. Tarif habituel ? - Cela va de soi.
(…)
Lakway n’est pas une femme facilement impressionnable. C’est sans états d’âme qu’elle se gare près du club de combat. Son métier l’amène à approcher les pires blessures que les hommes peuvent se faire. Certains sont morts entre ses mains, d’autres ont survécus plus ou moins estropiés. Elle est celle qui recolle les morceaux ou abrège les souffrances. Toutefois, elle a conservé un cabinet privé, d’une part pour justifier ses revenus et pour ne pas perdre les reliquats d’humanité qui lui restent. Ryan lui fait un topo à l’extérieur du hangar. Il ne veut pas être vu par Turner qui connaît sa tête.
- Il faut que ce mec revienne se battre. Il faut donc qu’il puisse cacher à ses proches les traces de ses combats. - Autre chose ? - C’est un naïf, il ne sait pas où il a mis les pieds. Il faut que ça continue. Tu t’occupes de lui et tant qu’il est présent, tu soignes ceux qui sont là. Il ne doit pas savoir qu’il bénéficie d’un traitement de faveur. - Compris.
(…)
À l’intérieur, la masse d’hommes qui se presse sur les tribunes est en délire. Les ultimes secondes du combat semble être une apothéose. Lakway devine que le nouveau doit être en train de gagner, alors qu’elle se dirige vers les vestiaires avec sa lourde sacoche de médecin. Un type se met sur son chemin, le sourire racoleur couleur nicotiné. Il lui matte les seins sans vergogne, ânonne une invitation douteuse avant de se faire pousser violemment d’un coup d’épaule par la toubib qui en a maté des plus méchants.
Les vestiaires sentent la sueur et l’odeur douceâtre du sang. Lakway embrasse la pièce d’un regard circulaire, vire un sac de sport d’une table pour se l’approprier et poser sa sacoche. Elle l’ouvre en actionnant le fermoir métallique et prépare la base des soins habituels dans un tel lieu. Elle prépare aussi une seringue avec un cocktail de coagulants et d’endorphine. Les hommes haïssent les piqûres. Elle les prend toujours en traître quand il s’agit d’intramusculaires.
La porte s’ouvre, le fond sonore s’intensifie le temps que le vainqueur passe, suivi du vaincu soutenu par l’un des gardes du hangar. Elle reconnaît le plus amoché. Elle commence donc par Donovan pour éloigner toute suspicion.
- Hello Donny. Je t’avais dit de rester tranquille avec ton épaule. - Je n’ai pas été sage. Vous allez me punir Doc ? - Cet homme semble s’en être chargé.
Lakway lance un regard appréciateur au nouveau gladiateur. Ses yeux suivent les dessins de ses muscles, jaugent son état de santé puis s’ancrent dans le regard d’un marron tendre du vainqueur. Ils sont sensiblement du même âge et malgré les traces laissées par le combat, elle le trouve plutôt sexy et bien proportionné.
- Ne vous rhabillez pas, je vous soigne ensuite.
Lakway soigne Donovan, qui, trop heureux de se faire chouchouter, ne s’étonne pas de sa présence pourtant inhabituelle ici en dehors des comas suite à des KO ou des fractures. Ceux qui prennent la suite sur le ring arrivent, mais ne font que passer dans les vestiaires, le temps de poser leurs affaires et ressortir s’affronter sur le ring. Lorsque Donovan est remis sur pied et renvoyé chez lui avec une claque aux fesses, Lakway se tourne vers Turner.
- À nous !
Elle indique la table où Donovan avait posé ses fesses jusqu’à présent. Une fois son patient de la soirée installé, elle lui tend un sac de glace à appliquer sur son menton, puis entreprend de nettoyer la peau marquée d’ombres sombres des lésions internes avec des gazes stériles et une solution antiseptique. Ses doigts se font caresses, pour une fois que celui qu’elle soigne possède un charme certain, elle en profite. La vie lui a appris à saisir ce qui passe à porter d’elle, à ne plus attendre ni hésiter.
Elle jette ses compresses dans la poubelle à côté où elles rejoignent d’autres, rougies, du sang de Donovan. Lakway farfouille dans son sac, sort un sachet rempli de clou de girofle et le tend à Turner.
- Mâche ça du côté où tu as le plus mal.
Une ruse pour détourner l’attention. Son poulain ne voit pas sa main droite qui entre-temps s’est emparée de la seringue. Elle est si entraînée à le faire, que l’aiguille est ressortie avant les premières protestations.
- Pleure pas mon mignon. J’ai désinfecté la zone avant de te piquer, et ce n’est ni plus ni moins un coagulant et de l’endorphine.
Elle toise avec un sourire amusé ce gars qu’elle trouve de plus en plus charmant. Ensuite elle sort, sous l’œil devenu attentif de son patient, un tube d’un onguent à l’arnica. Elle s’égaye de la gêne qu’elle provoque en massant le ventre meurtri du combattant.
- Ne serre pas les abdos ! Je te laisse le tube. Tu en remets demain matin et toutes les quatre heures sur les hématomes qui te gênent. Demain soir tu seras comme neuf, ou presque.
Pas pour revenir se battre, mais finalement assez indemne pour envisager de recommencer. Alors que ses doigts s’attardent sur son flanc, elle donne un autre conseil.
- Et pas de café demain. Seulement du thé léger. Pas de tabac non plus.
Sujet: Re: Dévier [FT Alessandro Amaro & Cie] Ven 2 Oct 2020 - 12:07
Dévier FT Alessandro Amaro & Cie
Ils sont de retour dans les vestiaires après ce moment que Dick ne saurait décrire. Près du ring ça enrage toujours à propos de tout cet argent qui vient d'être perdu, dans son bureau crasseux là haut Largo doit se frotter les mains face au résultat de ce qui avait tout d'un coup de poker. Richard est un sale môme, un de ceux qui ira naturellement se ranger du côté de l'esprit de contraction, et ce même si cela signifie d'aller à l'encontre des directives données par son instinct de conservation. C'est sans doute lié à cette poisse qu'il balade continuellement avec lui, tel un fardeau. Un boulet à son pied qui depuis son arrivée dans cette ville semble avoir pour but d'ultime de causer son trépas.
C'est ce naturel téméraire qui fait lever une main au canadien. Une main qui touche son menton endolorit. Immédiatement le flic grimace et se tend. Serre les dents pour ne pas gémir sa douleur. Il secoue la tête. Trop rapide encore une fois, mais cette souffrance ne parvient toutefois pas à entacher son bonheur. Cent billets lui permettaient déjà de repousser la catastrophe, il n'ose imaginer ce qui va se passer quand il aura plus entre les mains. Il n'a aucune idée de ce que cela peut représenter, Largo et ses histoires de pourcentages l'ont perdu en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Maths". Il ne sait quelles sont les sommes d'argent qui sont brassées dans cet endroit. Beaucoup sûrement. Clairement illégale cette affaire, nul besoin d'être un génie pour le comprendre. Mais pourtant c'est en allant à contre-sens de cette belle morale qui est la sienne depuis des années que le flic s'est senti aussi bien pendant une poignée de minutes éprouvantes. Il tend une main vers son t-shirt gris perle. Ses épaules ne lui font pas trop mal, il devrait pouvoir se rhabiller sans difficultés. Demain matin ce sera une autre histoire...
-Oui Madame.
Il repose le morceau de coton et n'ose plus faire un geste suite à l'ordre que vient de lui donner la femme qui s'occupe de Donovan. Donovan qui sourit et qui blague. Visiblement il est comme le canadien et ne garde pas de rancune suite à leur combat. Richard change d'option, attrape ses chaussettes et ses baskets puis se rechausse en silence. Malgré cette énergie qui coule encore dans ses veines, il est pressé de quitter cet endroit où un flic ne devrait pas venir passer son jeudi soir. En tout cas pas sans porter son uniforme.
Donovan rentre chez après une claque sur le derrière comme dernier au revoir. La brune tapote la table où étaient encore les fesses de l'autre combattant quelques minutes plus tôt. Dick prend place en silence, se laisse tripoter par celle qui semble savoir ce qu'elle fait. La glace soulage la brûlure qui était en train de naître sous son épiderme. Tant qu'il pourrait presque en soupirer d'aise. Il le ferait certainement si une femme inconnue ne touchait pas les marques laissées par les coups puissants de Donovan. Il ouvre la bouche et laisse la jolie brune y glisser un sachet. Il mord. Infecte.
-Aieuh ! Oh !
Dans un réflexe idiot il recule vivement son bras en offrant sa plus belle mine d'enfant outré à la brune. Fort heureusement pour lui l'aiguille n'est déjà plus dedans. Richard frotte le point d'entrée de l'aiguille avec sa main pour aider une étrange sensation fantôme à disparaître. Son regard chocolat vient de se nuancer de teintes plus sombres. Cette femme qui doit avoir son âge lui sourit et s'explique. Dick ne quitte pas ce regard vert des yeux puis rétorque.
-Je me fiche de ce que c'est. On prévient les gens espèce de sauvage !
Cette fois il ne la quitte plus des yeux, de peur de se retrouver à nouveau piqué sans sommation. Il se cambre un peu quand une douce main passe sur son ventre. La crème pue mais a un effet frais qui soulage immédiatement le flic. Le massage doit jouer dans ce sentiment de soulagement également. Il récupère le cadeau, opine du chef pour montrer qu'il comprend bien toutes ces directives qui sont en train de lui être données. Son visage se crispe légèrement à la mention du café. Priver un flic de son carburant c'est un jeu dangereux. Il fera attention mais ne peut promettre de ne pas en consommer. Une main s'attarde sur son flanc sans qu'il ne prenne le temps de figer son esprit sur ce qui n'est peut être pas un geste purement médical. Il tend une main vers son t-shirt et le passe à grand renfort de gestes mesurés.
-Je fume pas.
Est-il en train de tenter de passer pour un boy-scout après ce qu'il vient de faire dans cet endroit ? Son comportement est risible et un peu pitoyable. Mais cette femme l'impressionne plus que de raison. Donovan en comparaison était un gentil ours en peluche.
La docteure range son barda, Richard achève de se revêtir. Du coin de l'œil il continue de fixer cette femme trop jolie pour venir dans un pareil endroit. Le canadien est certain que les prix Nobel se font rares dans les environs et les types lourdingues sont sûrement légion ici. Le voilà à présent qui bat des jambes, le cul toujours juché sur cette table. Son regard chocolat glisse sur la dame. Il ose un sourire, une expression avenante. Celle du gars qui sait qu'il vient de faire une connerie.
-Mada...
Regard noir.
-Mademoiselle. -Katie. -Mademoiselle Katie alors !
Elle lève les yeux au ciel, un sourire amusé aux lèvres. Dick se redresse enfin.
-Vous... Enfin tu sais où je dois aller après ? C'est ma première fois ici et je sais pas où est le gars qui m'a emmené. -File voir Largo. S'il est occupé il te fera signe plus tard.
Dick joue machinalement avec le tube de crème. Il ne sait quoi ajouter de plus. Un merci serait évident. Il ignore s'il reviendra dans cet endroit. Ses soucis d'argent devraient ne plus être un problème avant un long moment. Il va régler ses quelques factures en attente, faire le plein de la voiture et mettre le restant de côté. Il approche de la porte, se permet simplement un dernier regard en arrière. Ses prunelles chocolat croisent celles vertes de Katie. Il ose un demi sourire. Un peu de sympathie pour la seule forme de douceur qu'il ait rencontré dans cet endroit.
-Merci Katie. Promis je ferais gaffe au café demain. Passe une bonne soirée.
[...]
Il n'a pas eu à attendre longtemps le cul vissé dans les gradins. À présent il est installé sur la chaise qui a été la sienne un peu plus tôt dans la soirée. Largo ne lève pas les yeux sur lui, même pas quand il prend le temps de lui proposer quelque chose à boire.
-Y a du gin ici ?
Visiblement toujours pas. Dick baisse les yeux sur ses mains et attend la suite des évènements. Elles ne tremblent plus de l'excitation du combat et il se sent étrangement bien. Ah oui... Katie lui a dit qu'il y avait ce truc, de l'endorphine dans ce qu'elle lui a injecté. Du bonheur le plus total, ce truc que fabrique naturellement le corps après un câlin sous la couette. Ou un combat jouissif.
Sujet: Re: Dévier [FT Alessandro Amaro & Cie] Jeu 8 Oct 2020 - 20:46
Dévier Largo
Largo claqua sèchement sa langue contre son palais. Ce n’était jamais bon quand le patron l’appelait sur son cellulaire alors qu’il avait déjà du mal à ne pas se faire engloutir par la nuée vociférante des parieurs. Enregistrer les paris, les noms des joueurs, encaisser l’oseille, ne pas se planter. Un challenge dans cette bousculade. Ce n’était pas le moment pour un coup de fil du Boss passablement remonté !
Avant les combats, Largo montait sur le ring, longeait les cordes et ramassait le fric tendu les bras bien haut par les parieurs. Ensuite, pendant la première minute de combat, il se tenait dans un angle dégagé au pied du ring pour les ultimes paris. Cela permettait aux joueurs de vérifier la combativité de leur poulain avec le risque de ne pas atteindre Largo à temps avant les soixante secondes de la dernière chance. Une astuce qu’il avait mise au point avec l’accord d’Amaro. Les mises les plus fortes se faisaient souvent dans ce laps de temps, les paris inconsidérés aussi.
Largo passait le reste du temps des combats à saisir ses gribouillis sur l’ordinateur dans un tableau expressément aménagé pour cela. Une macro lui crachait les sommes à payer et à qui, dès que quelqu’un souhaitait prendre ses gains et se barrer, ou rester en simple spectateur. Certains soirs d’affluence, il se faisait aider par Jo pour les paris pris depuis le ring. Il arrivait de temps à autre qu’une bagarre éclate au pied de l’aire de combat, motivée par des parieurs qui n’avaient pas pu refiler leur mise à Largo lors de la minute de rab. Tout cela faisait partie du spectacle, de l’ambiance. Le service d’ordre veillait simplement qu’aucun arme blanche ou objet contondant ne vinssent obscurcir le tableau. Que ce soit sur le ring ou autour, on se castagnait uniquement avec ce que la nature vous avait pourvu à la naissance. Amaro était ferme sur ce point, comme pour le trucage des combats. Celui qui se faisait prendre à s’allonger contre des dollars comprenait vite, mais trop tard, son erreur.
Largo raccrocha. Il n’aimait pas la tournure que cela prenait. Quand la vindicte personnelle se mêlait aux affaires, il y avait gros à parier que cela pouvait mal tourner. Il s’agissait d’un flic après tout. Et ils n’étaient pas encore certains qu’il était là que pour le fric.
Seulement, Largo n’avait pas le luxe de s’atermoyer sur le sang chaud de son boss, il avait des biftons à compter et à planquer dans le coffre. Ceux qui combattaient recevaient leurs dus dans le bureau de Largo, les parieurs étaient payés une fois par heure au pied des escaliers métalliques qui menaient au bureau-verrue. Des gardes s’assuraient que Largo ne se fasse pas agresser. Il fallait toujours rappeler aux petits malins ou aux nouveaux que la caisse n’était pas à prendre.
(…)
- Y a du gin ici ?
Largo était plongé dans ses chiffres, l’ordi ramait. Le sablier tournait, ce qui n’était pas si mauvais signe. En attend que le logiciel crache la somme gagner par Turner, Largo ouvrit un autre fichier et ajouta le flic à la liste des combattants déjà enregistrés. Après la côte, il remplit les cases concernant la taille, le poids et l’âge. Suivaient d’autres champs avec des variables allant de 0 à 10. Fiabilité, combativité, technique, moralité et d’autres sur des caractéristiques morphologiques comme la latéralité. Jo l’aidait à remplir ces fiches signalétiques qui leur servaient ensuite à établir les paires dans les prochains combats. Son doigt écrasa la touche entrée, puis sa main glissa vers le caisson droit de son bureau. Les bouteilles qu’il contenait ainsi que des verres tintèrent.
Il y avait là, la Grappa du Boss : intouchable, du whisky, de la vodka et ce que le flic demandait : du gin. Largo sortit la bouteille ainsi que deux verres à shooter. Un ancien job derrière un bar lui donna l’aisance pour remplir les verres ras le bord sans gaspiller la moindre goutte. Quand il reposa la bouteille sur le bureau, une fenêtre s’afficha sur son écran : la macro avait fini de pédaler. Les parieurs avaient misé sur Donovan, la côte de Turner inférieure à un, c’était clairement le jackpot. Plus de quatorze mille dollars avait été parié sur ce combat. Largo but son verre cul sec et piocha le rouleau de billet qu’il avait dans la poche ventrale de son sweat à capuche. Il posa un premier billet de cent dollars.
- Ça, c’est pour être monté sur le ring.
Un deuxième portrait de Benjamin Franklin s’ajouta au premier, puis un troisième avec ses frangins. Sous le regard du flic, Largo posait les biftons comme s’il faisait une réussite. Quand il remit l’élastique autour de son rouleau de billet, huit cents dollars s’alignaient sur le bureau.
Derrière son bureau Largo s'agite avec la vitalité d'un paresseux. L'esprit du flic se perd un bref instant dans cette contemplation qui a au moins le mérite d'occuper ses pensées durant quelques secondes. Il ne souhaite plus qu'une chose : rentrer chez lui et retrouver ses enfants. À cette heure qu'il devine plus que tardive Troy doit dormir comme un loir. Peut être Richard retrouvera t-il son fils dans son propre lit en rentrant chez lui. Il sait que sa fille ne s'est pas encore laissée aller dans les bras de Morphée. Elle lui a promit qu'elle attendrait son retour pour s'offrir au sommeil.
Enfin tout cela n'est pas totalement vrai. Il y a bien une chose qu'il attend encore plus que le moment où sonnera l'heure de sa libération. Richard peine à maitriser ces fourmillements prêts à se transformer en tremblements qui parcourent tout son être. Incapable de se laisser aller à prononcer quelques mots, il guette l'instant où enfin il va ouvertement être fait mention d'argent. Cent billets lui permettaient déjà de voir la fin du mois approcher, et cela sans trop craindre l'arrivée de la prochaine facture qui aurait rejoint la pile de ses créances en souffrance. Cent billets c'était déjà pas mal. Mais sa victoire change la donne et rend sa situation appréciable, lui enlève un poids qui pèse depuis des mois sur ses épaules. La vie est un enchaînement de creux et de bosses. Et actuellement le canadien est à un point si bas, qu'il n'aurait jamais cru que ce dernier puisse réellement exister.
Il songe au chèque qu'il a déchiré un peu plus tôt dans la journée et finalement ne s'intéresse que très peu aux verres remplis de gin qui viennent de faire leur apparition. Ce bon vieux Ben et une armée de ses clones se couchent sur le bureau. Chaque billet rend le canadien encore un peu plus allègre qu'il ne l'était déjà. Dick n'ose tendre une main vers l'argent. Et ce même une fois que l'élastique a reprit sa place autour du rouleau tenu par Largo. Le flic se demande s'il n'est pas en train de faire la pire erreur de sa vie, puis soulage son âme et sa conscience en se disant qu'il n'est pas venu ici pour rien. Ce qu'il vient de faire était finalement une bonne chose. Il a su saisir une opportunité qui s'est offerte à lui. Un coup de main du destin. Franck et sa grande gueule sont ce soir ses anges gardiens. Dick se racle la gorge, puis prononce un mot avant de tendre une main en direction de ce qui doit être son verre.
-Carrément.
Son vocabulaire manque de synonymes et bien souvent sa vérité se fait crue. Sans fioritures. Son regard chocolat se pose sur l'homme qui le fixe sans sembler réellement le voir, puis dans un silence complet il se rince le gosier avec son verre de gin. Si différent de cette bière qu'il a bu un peu plus tôt dans la soirée. Une brève pensée pour Katie l'étreint. L'alcool doit sûrement aller à contresens des conseils que lui a prodigués cette dernière. C'est toujours compliqué pour Richard de penser à cette femme si charmante qui ce soir, évolue dans ce qui doit être un des endroits les plus mal fréquentés de cette ville. Ne manquerait plus que la trogne d'Amaro dans les parages pour que ce lieu descende encore plus bas sur l'échelle de l'immonde.
Largo empile le fric, pousse le tas en direction du flic qui ne perd pas une seconde avant de se saisir de son bien gagné au courage et à la force des poings. Son verre vide mais les poches pleines d'un argent qu'il sait illégal, le policier se redresse. Sans un bruit, il déplace sa chaise pour l'approcher du bureau. D'un geste souple il lisse un des plis de sa veste pour inconsciemment se donner un peu de contenance, puis ouvre la bouche.
-Euh... Merci.
Pas de réponse. Richard s'éclipse, heureux de quitter ce lieu. Des gardes le félicitent, des parieurs déçus lui lancent des regards sombres. Une fois de retour dans son auto, il met le contact d'une pression du doigt et allume les phares. Puis recompte son argent. Juste pour être sûr. Pour bien se rendre compte de ce que cette soirée dont il n'attendait pas grand chose, lui a permit de faire. Ses soucis financiers deviennent mauvais souvenirs quand mentalement il additionne les présidents. Il craint que prononcer le montant que représente cette petite fortune à voix haute ne pousse cette dernière à disparaître comme par magie. Il croise son propre regard dans le rétroviseur intérieur. Sa mâchoire le lance toujours, mais selon les dires de la docteure, demain soir ce ne sera plus le cas. Il est sur le point de démarrer la voiture, puis se fige un bref instant en se remémorant son arrivée dans ce lieu quelques heures plus tôt. Ses premiers pas dans le camp ennemi, en tout cas les premiers qu'il y ait fait de son propre chef sans que cela ne soit lié à une possible infiltration.
Ces longues minutes passées dans les vestiaires. Les combats qui se suivent et ne se ressemblent jamais. Des victoires et des hommes défaits.
Mais Katie brillant par son absence.
Le visage du policier se froisse un bref instant. Méthodique il fouille et cherche une explication logique. Il demeure de longues minutes sur sa place de parking, attendant l'illumination. Ou en tout cas quelque chose dans ce goût là. Le bruit du moteur en fond sonore se fait lancinant, écho de son intense réflexion. Le flic se gratte le nez, observe le hangar. Soudainement plus tendu, il hésite. Rebrousser chemin pour savoir si la jolie brune est encore là pourrait apaiser sa cervelle qui se fait bouillonnante depuis une poignée de secondes. Demander des explications, mener l'enquête. Tout cela lui semble à présent bien trop facile, sans doute cherche t-il une faille pour combler un manque. Ou tout simplement pour se rassurer.
-Merde... Si t'y vas tu te fais griller mon con... Soit pas con Dickey.
Il inspire, glisse une main sur la poignée de sa portière, en proie à une hésitation croissante. Dans sa poche de jean, tout contre ses clefs de maison dort la preuve de son forfait. Personne ne doit savoir ce qu'il est venu faire dans ce lieu. Certain d'avoir agit au mieux pour protéger les siens, le canadien sait que le jugement de ses proches irait contre lui et cette logique partiale qui est la sienne face à adversité. Richard soupire, se passe une main sur le bas du visage. Après dix-huit ans de bons et loyaux services dans les forces de l'ordre, il part du principe que son instinct est généralement son meilleur guide. Son expérience des coups fourrés lui a bien souvent sauvé les fesses.
Il se passe de longues minutes avant qu'il ne démarre enfin sa voiture pour quitter cet endroit et il l'espère, ne jamais y revenir. Voir le positif pour ne pas songer au pire. Cette soirée était un cadeau pour ses nerfs et il a les poches pleines d'un argent qui lui permettra de régler ses soucis financiers. Frapper un homme qui est venu ici pour ça. Dans un cadre fait pour, dans un lieu où personne ne vous juge outre mesure. Suivre Franck était une bonne chose.
Katie était sûrement déjà dans le coin de toute façon...