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 Funeste ennui [FT Chad]

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Tobias Rapier

Tobias Rapier


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MessageSujet: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 6 Oct 2022 - 12:28



Funeste ennui
Feat : Chad



L'horloge de la cuisine affiche bientôt dix-huit heures et rien n'est prêt ou presque. Même s'il juge ne rien avoir à cacher à son ami, Tobias aurait aimé ne pas se laisser déborder en ce doux mercredi après-midi. Aujourd'hui il ne travaille pas, son emploi du temps aménagé lui permettant de s'offrir le luxe de ne pas aller à l'université tout les jours de la semaine. Cette flexibilité est une des raisons parmi tant d'autres qui l'a poussée à délaisser le lycée pour la faculté. Sa vie est bien plus calme ainsi, parfois trop à son goût mais il s'assure de ne rien louper de la tendre enfance de sa princesse. Vivant près d'elle chaque instant, même le plus bénin. Il sait que sa fille sera la dernière de ses enfants et veut être certain de ne rien louper de la vie de sa petite. Nul n'est éternel en ce bas monde. Et surtout pas lui. Il paie de prix d'une existence décadente. Il fume et boit trop pour son bien. Son cœur qui a déjà failli à sa tâche reste fragile s'il se fie aux dires de son médecin. Incapable de suivre le moindre régime que pourrait lui prescrire ce spécialiste Tobias se contente de vivre le moment présent en espérant qu'il ne sera pas le dernier.

Il casse un œuf au dessus du saladier, Alice remue la pâte à gâteau sans oublier de tremper ses doigts dedans pour s'assurer de son bon goût. Son père n'a pas envie de la rappeler à l'ordre, sachant que de toute façon cet effort serait vain. L'enfant s'amuse tandis que son père se contente de peser et verser un à un les ingrédients requis pour cette préparation. La recette avait l'air simple mais la pâte ne ressemble pas à ce qu'elle devrait être. Le mélange chocolaté est plein de grumeaux. Motivé par l'idée de pouvoir servir à leur invité un dessert convenable Tobias se saisit du fouet en dérobant l'objet à sa fille. Et remue énergiquement sans se soucier des cris d'humeur de sa princesse.

-Le chocolat est à moi !
-Alice s'il te plaît...

L'anglais parle à un mur. La petite fille le fixe, une moue boudeuse rivée à ses lèvres qui se font déjà tremblantes. Craignant que des pleurs ne se fassent entendre le professeur obtempère et cède. Avec Alice ils sont déjà en conflit depuis plusieurs jours. Elle ne cesse de quémander après un chat depuis qu'elle en a côtoyé un de près chez leur ami. Ces vilaines bêtes ont un charme auquel le britannique demeure insensible et sa fille découvre une frustration qu'elle n'avait encore jamais connue. Un refus paternel. Catégorique de la part de celui qui ne veut pas adopter une de ces choses qui perdent leurs poils et font leurs griffes sur le canapé. Des petits êtres caractériels dotés d'oreilles pointues qui sont aux yeux du tueur une belle métaphore pour représenter les cornes des démons qu'ils sont.

Tobias ne veut pas ouvrir sa maison à une boule de poils qui ne se gênerait pas pour miauler en pleine nuit, réclamer ses croquettes pour enfin uriner sur le tapis du salon si par mégarde ses maîtres oubliaient de lui donner sa ration de pâtée quotidienne. Fréquenter Mafdet de manière régulière à l'université l'a vacciné en ce qui concerne toute idée de ce genre. Il est l'être caractériel qui vit entre ces murs, le roi de cet endroit et ne veut pas partager son rôle !

Bien sûr toutes ces raisons seraient incomprises par la jeune Alice. Tobias s'est donc contenté de dire à sa fille que les chats ne pouvaient pas être heureux en appartement. Un vilain mensonge qui ne suffit pas à faire oublier sa lubie à la petite fille.

La petite blonde casse un œuf de plus. Sur la table. Et rapidement jaune comme blanc dégoulinent pour finir leur course sur le carrelage. Tobias ne dit rien, habitué aux débordements tant maladroits que charmants de sa princesse. Sur les plaques un ragoût mijote depuis déjà deux heures. L'anglais n'est pas un grand cuisinier et n'en voit guère l'utilité. Il affectionne les repas simples, gras et suffisamment lourds pour combler son gargantuesque appétit. Il se contente de se servir au quotidien de quelques bases qu'il maitrise assez pour proposer à sa fille des repas variés. Se réservant le droit de consommer de la malbouffe uniquement quand il prend ses repas à l'université. En quelques minutes la pâte termine sa course dans un moule. Alice racle le fond du saladier avec ses petits doigts, achevant de se salir ce qui confirme à son père qu'il avait bien fait d'attendre pour lui donner son bain.

La suite des préparatifs se déroule sans qu'aucune ombre ne vienne troubler la routine bien huilée de celui qui aime garder le contrôle de son existence. En trente minutes il parvient à laver sa fille, l'habiller, se changer et quand le four sonne pour avertir que le gâteau est cuit, le professeur est en train de mettre la table. Alice de son côté joue dans le salon, armée de feutres lavables et de son nouveau livre de coloriage. Sur fond de rock des années 70, Tobias se sert un verre sans attendre que leur invité ne soit arrivé. Chad ne lui tiendra pas rigueur de cette absence de politesse. L'anglais a comme tout homme ses vices, des tares qu'il entretient quand ses responsabilités d'homme rangé ne l'accaparent pas. Il dégaine son téléphone, puis répond à un message que son frère lui a envoyé une heure plus tôt.

Les affaires de Georges et Lauren s'arrangent ce qui suffit à rassurer le cadet de l'aubergiste. Il n'a pas osé proposer un quelconque mécénat de sa part à son ainé de crainte de voir cette belle action être perçue comme étant de la pitié. Sans être le plus expansif des hommes, Tobias ne peut nier l'attachement qu'il éprouve envers les siens. Certes il se passerait bien de la présence de sa sœur en Californie ou encore de la venue récente de sa nièce, mais il n'ose le crier sur tout les toits de peur que tout cela ne prenne fin. Il est parfois agréable de sentir sur soi s'attarder l'attention de ses proches.

D'un geste habile et entretenu par une mauvaise habitude, Tobias tire une cigarette de son paquet après avoir ouvert la fenêtre de la cuisine pour ne pas enfumer tout son appartement. Il la glisse entre ses lèvres, l'allume après avoir gratté une allumette sans oublier de se brûler le bout des doigts au passage. Dans le salon Alice s'esclaffe, sans doute ravie de découvrir une nouvelle bêtise que son père devra nettoyer dans la foulée tandis que ce dernier ajoute un peu de poison à ses poumons déjà noirs de goudron.

Il a le temps de terminer son verre mais pas sa cigarette lorsque l'on frappe à la porte. L'homme laisse tomber son mégot dans son verre désormais vide avant de se rendre dans l'entrée pour aller ouvrir à leur invité.

-Bonsoir Chad.

Chad est venu sans son chat et ce même si Alice espérait bien que leur ami puisse avoir l'idée de leur rendre visite en étant accompagné par son nouveau compagnon.

© Fiche par Mafdet Mahes




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Chad Wilder
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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMer 19 Oct 2022 - 14:10

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Son message était arrivé en fin d’après-midi, dimanche dernier. Un retour d’invitation que j’avais actée sincère et non formalisée sur la seule politesse irréprochable du Britannique. Un repas en milieu de semaine ne me dérange pas. À mon compte, j’effectue les horaires que je veux. Mes temps de travail sont souvent anarchiques. Il n’est pas rare que je profite d’une insomnie au cœur de la nuit pour plancher sur mes plans. Ces moments sont souvent fructueux en idées nouvelles.

(…)

Chaton dans les jambes, j’abandonne le PC et une proposition de prix presque bouclée. Direction ma chambre et la douche attenante. J’aime me sentir propre. Toute une éducation où une partie de la stratégie de vie est dans le paraître. Le négligé, dans mon univers, fait perdre des points que vous soyez un travailleur acharné ou pas.

Chaton patauge à côté de mes pieds. Trempé, il ronronne. Chose étonnante que ce chat qui aime l’eau. La première fois, je l’avais laissé venir pensant qu’il ne renouvellerait pas l’expérience, ensuite il miaulait à la mort derrière la porte. N’ayant pas le cœur à écouter tant de tristesse et de frustration, chaton prend sa douche avec moi et a même ses serviettes. Celles de Mick…

Devant le miroir, nous sommes deux ébouriffés. J’ai frictionné le chat qui,  installé à côté du lavabo, lèche consciencieusement sa fourrure. Ainsi occupé, je peux me raser sans interruption ou presque. Il aime bien donner des coups de tête en guise de câlins.

(…)

Dans le dressing, je n’hésite pas sur ma tenue : un jean gris anthracite et une chemise blanche. Un peu de croquettes dans la gamelle de chaton, une pincée d’herbe à chat dans son arbre à chat pour l’occuper pendant mon absence et je sors, sans oublier la bouteille de vin et le cadeau pour Alice. Un petit rien, un livre adapté à son âge sur les animaux que l’on trouve aux États-Unis.

Une place se libère presque devant l’immeuble de mon ami. Je vois là le signe d’une soirée qui commence sur de bons hospices. Je n’attends pas après avoir frappé à la porte de l’appartement que j’ai un jour lointain visité en toute illégalité. Une odeur de tabac et le salut de mon hôte m’accueillent.

- Bonsoir. Il est en principe à la bonne température, dis-je en donnant la bouteille. Un rouge californien que j’apprécie.
- Chad amené chaton ?
- Non, Princesse. Mais je t’ai apporté ça.

Je m’accroupis pour être à hauteur de la fillette qui termine les derniers mètres en courant, ravie de la surprise. C’est une enfant curieuse et dotée d’un bon potentiel. Je ne doute pas que le Professeur y soit pour beaucoup. L’homme a ses travers, et même si son éducation est plus que laxiste, il inculque pourtant à sa fille une intelligence logique qui l’aidera à faire sa place dans ce monde.

Le fumet du repas qui flotte dans le salon que nous avons rejoint éveille mon appétit. Le professeur me propose un verre de whisky que j’accepte avec joie. Je remarque le verre vide avec un mégot. Un détail qui ferait hurler mon père. Cette manie en dit tant sur la personne. Stephan Wilder ne laisse aucune prise à l’interprétation de sa personne.

Je m’installe sur le divan, Alice à côté qui ne perd pas de temps à ouvrir son livre et nommer les animaux qu’elle connaît.

- Oiseau !
- C’est un pygargue à tête blanche. C’est un rapace intelligent. Un jour, je pourrais t’en montrer de près dans la nature et pas derrière les barreaux d’une cage.

Faussement appelé aigle royal dans le livre, c’est l’animal qui se laisse le mieux apprivoiser par les Kawaiisu. Celui qui veut bien ouvrir son esprit et accueillir celui du brave qui a prouvé sa valeur.

- Il est l’emblème de notre pays. Tu sais que c’est une plume de cet oiseau qu’on donne aux braves guerriers des tribus amérindiennes. Comment allez-vous, demandé-je au professeur qui s’installe dans le fauteuil en face de nous après avoir posé sur la table de quoi grignoter.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptySam 22 Oct 2022 - 12:23



Funeste ennui
Feat : Chad



Chad ne fait aucune mention de l'odeur de tabac qui doit pourtant saisir son odorat lorsqu'il entre dans l'appartement, ni même du désastreux spectacle qu'offre ce cendrier de fortune que le professeur a choisi d'utiliser pour mettre fin à cet instant qu'il accordait à un de ses vices les plus tenaces. Cela convient au père de la jeune Alice qui ne veut avoir à justifier ce comportement parfois aux limites de l'hygiène qui peut être le sien. En 16 ans il a eu tout le temps nécessaire pour découvrir d'étranges manies, les entretenir et finalement ne plus savoir s'en débarrasser. Si lorsqu'il quitte son appartement l'anglais sait se plier aux règles et usages de ses contemporains, il ne se donne pas cette peine lorsqu'il retrouve le cocon rassurant dans ce lieu où il n'a besoin d'être personne d'autre que lui même.

-Merci Chad.

Il se saisit de la bouteille tendue, remerciant son ami avant d'aller ranger ce présent dans la cuisine. Cette attention est celle d'une homme qui a été éduqué d'une manière que Tobias juge comme ayant été la bonne et ce sans avoir eu besoin d'être spectateur de l'enfance de l'architecte. Avec tendresse le professeur lève les yeux au ciel quand à ses oreilles parvient la douce voix de sa fille déjà occupée à demander si la bestiole aux oreilles pointues ne serait pas dans les parages. On emmène pas son chat avec soi comme on trainerait un vulgaire clébard partout où l'on va, mais ça la petite Alice est encore trop jeune pour le comprendre.    

Tobias sort verres et bouteille, secoue celui qu'il vient lui même de vider au dessus de la poubelle avant de le rincer. Il fait un premier tour dans le salon pour rejoindre son invité et sa fille. La petite blonde tient entre ses mains un précieux trésor, un livre qu'elle n'a rien fait de particulier pour mériter, sinon être une petite fille gentille et sage. En tout cas la plupart du temps. L'enfant tourne les pages de son nouvel ouvrage, confortablement installée sur le sofa avec Chad comme voisin. Tobias dépose bouteille et verres sur la table basse avant de retourner en cuisine. Plus vite il agira, plus rapidement encore il saura jouer un rôle qui ne lui convient pas habituellement mais qui dans un cas comme celui-ci lui semble presque naturel.

Le loup est un ami, qui l'a vu au plus bas et peut-être même au meilleur de son humeur. Et tout cela sans jamais ou presque apporter le moindre jugement à propos du train de vie de celui qui aujourd'hui se pense meilleur qu'il ne l'était il y a encore un an. Alice, véritable soleil dans son existence depuis qu'elle y a fait une bruyante apparition est à elle seule une belle raison, la meilleure qu'il ait de rester en vie et de voir demain. Sachant qu'il n'est pas éternel, l'ancien chasseur savoure alors chaque instant, pliant à tout les désirs de cette enfant qui est devenue le centre de son monde. Tobias revient, une timbale à bec remplie de jus de pommes dans une main, trois coupelles remplies de grignotage divers dans l'autre.

Puis enfin il prend place sur son fauteuil, souriant lorsque son regard habité par une sincère bienveillance glisse sur le charmant spectacle qui s'offre à lui. Il n'est guère causant comme à son habitude et se contente d'écouter la leçon que donne Chad à Alice, heureuse d'apprendre de nouvelles choses. Certes le pygargue restera un oiseau dans la tête de la jeune enfant car ce nom est trop compliqué pour qu'elle sache s'en souvenir pour le moment, mais il n'est jamais inutile de distiller un peu de savoir auprès d'un enfant en bas âge. À cet âge leur mémoire est déjà développée et si Alessandro a su apprendre à sa filleule l'italien Tobias est certain qu'elle saura retenir ce que Chad lui conte en cet instant.

-Je vais bien.

C'est là une vérité imparfaite mais sincère qu'il énonce. S'il prend le temps de songer à sa vie actuelle, rien n'y est porteur de malheur. Si ce n'est ses démons personnels, des faiblesses qu'il traine avec lui au quotidien. Un poids qui est le sien et dont il peine à faire mention. Son psy l'enverrait en prison ou encore en à l'asile pour qu'il puisse y couler des jours malheureux s'il faisait l'erreur de mentionner ce qui trouble son esprit devant ce dernier. Et ses amis ont bien trop à faire pour qu'il ne vienne encombrer leurs existences avec sa misère personnelle. Le regard de Chad croise celui de Tobias, qui saisit alors que son cœur vient de le trahir sans qu'il n'en ait eu conscience. Sans laisser planer ce doute plus longtemps, le britannique se reprend.

-Peut-être suis-je un peu fatigué. La routine lorsqu'elle est vécue avec une enfant en bas âge a le don de se faire épuisante.  

Il sourit, montrant qu'il est heureux de ce sort qui est le sien puis trinque avec son ami. Alice tourne une page de son nouveau livre, s'extasiant devant ce qu'elle ne tarde pas à nommer.

-Joli chien !

L'anglais tend le cou pour discerner lequel des animaux affichés dans le livre d'images vient de changer d'espèce, peinant à retenir le rire nerveux qui est prêt à lui échapper quand il reconnaît l'animal.

-Un coyote ma chérie. C'est presque pareil.

La fidélité en moins et avec les tatouages en guise de puce de marquage.

-Mmmh joli coyote !

Alice abandonne son livre sur les genoux de leur ami, puis se lève pour mieux plonger sur le bol de tomates cerises. Ainsi elle dérobe leur attention aux deux adultes qui se laissent happer par les discours parfois mal assurés de la petite fille. À sa manière, elle conte sa journée à Chad. Leur visite au Pink Print dans la matinée, le repas partagé avec sa tante fantasque dans un des restaurants de la ville, puis cette formidable épopée que fut leur visite au supermarché. Une étape impossible à éviter. Alice détaille à Chad le contenu de leur chariot et certaines de ses explications poussent à sourire tant elles sont candides.

-Papa a acheté des pommes ! Et des pépites chocolat ! Et des couches. Que pour Alice.
-Les mercredis sont des journées chargées.

Et routinières. C'est sur ce fait que reposent une partie des problèmes du professeur. Quand le soir il s'endort après être parvenu à laisser sa fille dans sa chambre, il espère toujours être capable de tromper l'insomnie et faire une nuit complète. En vain. La plupart du temps il les termine assit sur le canapé du salon, son regard hagard happé par les assommantes aventures de la famille Kardashian. Il en profite parfois pour corriger les copies qu'il doit rendre à ses étudiants, envoyer un message à son frère en espérant ne pas réveiller ce dernier. Ou à Alessandro dans le simple but de le taquiner.

-Vous avoir ce soir chez nous est un réel plaisir. Nous recevons peu car cet exercice n'est pas toujours simple, mais il est toujours agréable de partager un bon repas avec un ami.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 3 Nov 2022 - 18:40

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Le professeur affirme bien aller. Des dires que j’entends sincères, même si ce “bien” est tout à fait relatif. Je l’ai connu ayant pratiquement peur de son ombre quand j’avais réussi à l’attirer chez moi il n’y a pas si longtemps. Le Britannique est une personne complexe, un summum de contradictions. Un caractère que je trouve fascinant quand on sait voir derrière ce flegme typiquement anglais et son humour au noir caustique. Mafdet aime aussi beaucoup son ancien confère, pas pour les mêmes raisons. Elle aime le tourmenter, comme s’il ne l’était déjà pas assez. Le choix des proies de la féline reste pour moi un mystère. Quel plaisir prend-elle d’agacer un homme déjà usé de son choix de vie ?

- Peut-être suis-je un peu fatigué. La routine lorsqu'elle est vécue avec une enfant en bas âge a le don de se faire épuisante.  
- Je veux bien le croire. On se demande où ils prennent toute cette énergie.

Je n’ai que Ian et Alice comme référence pour la petite enfance. Deux bambins bien différents. Ian pourrait passer pour timoré devant l’espièglerie de la petite fille. Ils ne bénéficient pas du même environnement ni de la même éducation. Cela a toujours été strict chez les Hale. C’est ce modèle que j’ai connu et que j’applique quand je garde mon filleul. Ian est aussi d’un tempérament plus posé. C’est un observateur, là où Alice est acteur.

- Joli chien !
- Un coyote ma chérie. C'est presque pareil.

Je ne saisis pas la source du sarcasme que je distingue dans le ton du professeur. Je n’ai pas le temps de pousser plus loin mon analyse, Alice s’occupe à me conter par le menu les péripéties de sa journée. C’est une habituée du Pink Print où elle est considérée comme une mascotte. Je ne peux m’empêcher de sourire quand elle énumère leurs achats au supermarché, ses commentaires sur les articles sont excellents de candeur. Rien d’embarrassant pour le professeur.

- Les mercredis sont des journées chargées.
- J’entends ça !
- Vous avoir ce soir chez nous est un réel plaisir. Nous recevons peu, car cet exercice n'est pas toujours simple, mais il est toujours agréable de partager un bon repas avec un ami.
- Merci, ce plaisir est partagé. Je ne suis pas non plus un as de sociabilité, ou je ne le suis plus.

Dix ans auparavant je nageais à l’aise dans les eaux parsemées de requins de la jeunesse friquée de Boston. Un univers d’apparence, et de froids calculs. Mon déménagement sur la côte ouest avait assaini mes relations bien plus fraternelles et authentiques sur le campus de Beacon Hills. Malheureusement, la majorité de mes anciens condisciples ont migré ailleurs pour trouver du travail et la meute a volé en éclat. L’isolement de ma maison me pousse sur la pente de la solitude. Je ne m’en plains pas, cet interlude de calme me permet de me recentrer sur les choses plus essentielles comme écouter ce qui m’entoure.

Écouter et regarder.

Le professeur a le regard brillant de ceux qui dorment peu ou mal. Sa fatigue physique ne l’accable, semble-t-il, pas assez pour lui offrir un repos salvateur. Je ne sais pas comment il tient. Je n’ose pas une remarque ni même une question plus approfondie. Notre amitié est encore trop naissante pour je franchisse certaines frontières. Toutefois, il y a d’autres moyens pour en apprendre plus.

Alice a décidé de s’installer sur mes genoux. Pour que le Professeur ne se sente pas coupable de l’intrépidité de sa fille, je joue à la petite bête qui monte, qui monte et qui redescend, mimant une chenille qui grimpe sur le dos de l’enfant. Un jeu vieux comme le monde qui a toujours du succès chez les plus jeunes.

Lorsque Tobias se lève, m’invitant à passer à table, je note l’effort qu’il lui faut : l’homme est vraiment à bout. Oui, il va bien, car il semble relativement serin et qu’Alice respire la joie et la santé, mais il manque clairement de repos. Une idée germe sous mon crâne, une graine qu’Alice pourrait m’aider à faire pousser et grandir. J’attrape la petite fille et la fais voler au-dessus de ma tête jusqu’à sa chaise haute. Je m’occupe à servir le vin et m’assois.

- Tu sais qu’une partie de ma famille appartient à une vraie tribu d’Indiens ?
- Avec des chevaux et des arcs ?
- Ils préfèrent le confort des tout-terrains, mais ils ont des chevaux et savent apprivoiser les aigles, comme celui sur ton livre.
- Ah ! On peut les voir ?

Manœuvrer une enfant est si facile… J'ai honte.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyDim 6 Nov 2022 - 16:58



Funeste ennui
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L'apéritif se poursuit dans une quiétude qui satisfait pleinement celui qui affectionne le calme. Chad est comme lui sur ce plan, un de ces hommes qui sait apprécier le silence et les vertus de ce dernier. Nul besoin de mots pour se comprendre, s'accepter et même s'entraider lorsque l'on sait lire à travers cet obscur langage qui n'a point besoin d'être énoncé à voix haute pour se transmettre. Chez les Rapier on aime généralement parler fort et exposer ses émotions sans leur apposer le moindre filtre. Un univers bruyant qui a certes son charme mais qui ne convient pas à celui qui chérit sa solitude depuis qu'il est un jeune enfant. Tobias était un enfant calme, un modèle de sagesse parait-il. Un gamin troublant qui n'exposait que rarement ses pensées aux siens. Un être imprévisible. Et cela n'a pas tellement changé malgré les drames et les années qui se sont suivis. La vie, doucereux chemin de croix, a cependant su briser l'innocence de l'anglais. Et remplacer cette dernière par une violence dont Tobias ne sait pas si elle fut salvatrice ou bien dévastatrice.

Les hommes changent, plus souvent en mal qu'en bien. La candeur tue plus que ne le fait la cigarette et en observant sa fille, si heureuse, sociable face à leur ami, Tobias se dit qu'il faudra que sa princesse apprenne à s'endurcir en grandissant. Il ne sera pas éternellement auprès de la prunelle de ses yeux. L'anglais sourit, d'une expression apaisée usée par la routine en observant sa fille qui grimpe sur les cuisses de l'architecte. Il darde sa fille d'un regard habité par la tendresse. Il n'a pas menti à Chad en lui affirmant qu'il allait bien. Sa vie est actuellement plus douce qu'elle ne l'avait été depuis bien longtemps. Il vieillit simplement, s'épuisant quotidiennement sans même en avoir conscience en tentant de rester dans une case dont il doute qu'elle soit faite pour le contenir. S'il joue à la perfection le rôle du professeur, du bon père, il n'est rien de plus qu'un tueur en mal de sang et de sommeil.

Avant qu'Alice ne vienne le faire vivre à nouveau, il laissait des cachets colorés et des bouteilles remplies d'un délicat liquide ambré lui dicter son existence. Mais ce rôle qu'il joue auprès de la petite blonde n'est pas fait pour se marier avec ce train de vie pitoyable qui était son quotidien. Il ne veut plus être cette épave qu'il fut pendant trop d'années. Il n'est plus ce chien, cruel pantin que Gabriel a su faire de sa personne. Il est libre de croire en quelques rêves acceptables et peut être même de songer à sa rédemption.

Certes il demeure un être imparfait. Mais il lui semble avoir déjà fait une longue part du chemin pour espérer devenir un jour quelqu'un dont on pourrait penser qu'il est une bonne personne.

Il vide son verre. Et ne s'en sert pas un de plus qui pourrait aisément sembler être celui de trop. Il se lève, débarrassant tout en annonçant que le moment de passer à table est venu.

-Je pense qu'il serait mieux de manger tant que l'entrée est chaude.

Il entre dans la cuisine tout en sachant que son ami et sa fille ne vont pas tarder avant de le rejoindre. Quand dans son dos une exclamation amusée se fait entendre, il se retourne pour ne rien louper du spectacle qui rehausse l'âme de ce lieu qui pourrait passer pour un endroit austère. Alice affiche encore un large sourire lorsque Chad lui fait retrouver le confort de sa chaise haute. Sans se brûler, Tobias sort du four le fruit de sa patience. Des tartes-tatin à la tomate et aubergine dont on devine aisément par leur asymétrie qu'elles sont préparées par le maître des lieux. Piètre cuisinier car peu patient, le professeur a su apprendre à vivre seul et cuisiner était un de ses objectifs. Lewis affectionnait les plats tout prêts qu'il suffit de réchauffer au micro-ondes pour se sustenter, son ancien colocataire avait donc prit sur lui le fait de découvrir les joies de la cuisine. Les insomnies ont parfois du bon. Surtout lorsqu'elles vous guident vers les rediffusions nocturnes de Cuisine TV.

Fier de lui, Tobias prend place, remerciant Chad qui vient de lui servir un verre de vin avant de se figer. La discussion entre l'enfant et le loup prend un chemin qui pourrait sembler innocent, mais l'instinct de l'anglais lui souffle qu'il n'en est rien. Chad est un homme brillant, sachant compter ses mots et chérir le choix de ces derniers pour que les prononcer ne soit pas inutile. Sans savoir détacher son regard onyx de son invité, le britannique observe ce dernier tout en se demandant où tout cela va bien pouvoir les mener. La lumière ne tarde pas plus longtemps avant de faire son apparition dans l'esprit du professeur. Il peine à réfréner le rictus agacé qui prend place sur ses lèvres, se contentant de fixer son ami sans prononcer le moindre mot.

La manœuvre n'est pas subtile. Et pourtant elle met le père de la jeune Alice dans une situation inconfortable. S'il refuse en bloc cette proposition que Chad vient de leur faire à demi-mot, il devra s'expliquer et il n'est pas certain que sa fille sache apprécier ou même comprendre les paroles que son père pourrait prononcer. Peu certain de vouloir prendre part à ce combat dont il ne pense pas être capable de se tirer victorieux, Tobias prélève une bouchée dans son assiette et s'offre quelques secondes de réflexion intense durant lesquelles il cherche ses mots.

Le professeur ne désire pas vexer son ami. Il manœuvre alors habilement pour donner son ressenti tout en pesant le poids de chacune des paroles qu'il prononce.

-Alice, on ne s'impose pas chez les gens. Chad ? Est-ce une invitation peu subtile que vous êtes en train d'énoncer ?

Ils avaient tout deux déjà parlé de cette famille atypique qui est celle de l'architecte. Tobias se remémore également une invitation qui avait été faite. Intrigué il n'avait alors offert aucun refus à son ami.

-Je ne suis pas une personne recommandable ou encore fréquentable. La fatigue me rend encore plus irritant que je ne le suis habituellement. Êtes-vous certain que ma présence auprès de votre famille soit une riche idée ?

Il tend une main vers sa serviette, s'essuyant les lèvres avant de porter son verre de vin à ses lèvres. La première gorgée trahit tout de l'excellence de ce breuvage et Tobias ne tarde pas à annoncer à son ami qu'il trouve son présent à son goût.

-Le vin est très bon. Ma nièce est en Californie pour encore dix jours, mais elle saurait prendre soin de sa personne seule si je devais être occupé ce week-end.


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyLun 14 Nov 2022 - 21:11

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

- Alice, on ne s'impose pas chez les gens. Chad ? Est-ce une invitation peu subtile que vous êtes en train d'énoncer ?

Le retour se montre frappant comme une balle en plein cœur. Mon approche par le biais de sa fille était une mauvaise idée. J’aurais dû m’en douter. La petite ne comprenant pas le malaise qui plane dans l’air, je me contente de hausser les épaules et d’écarter légèrement les mains. Au professeur d’y voir ce qu’il veut voir et de réagir comme il l’entend. S’il persiste dans l’offensive, je m’en tiendrais à l’avenir, à une relation plus formelle, voire protocolaire. Je ne me froisse pas de cette réplique de bois vert. C’est dans la nature de son caractère, ce côté acerbe. La technique défensive des gens qui abhorrent laisser entendre qu’ils peuvent avoir besoin d’aide. Une des nombreuses réactions humaines dont mon père m’avait fait une liste presque exhaustive. Comprendre les mécanismes humains s’évite, entre autres dommages, frustrations et énervements.

- Je ne suis pas une personne recommandable ou encore fréquentable. La fatigue me rend encore plus irritant que je ne le suis habituellement. Êtes-vous certain que ma présence auprès de votre famille soit une riche idée ?

Là aussi, je réponds sans parler d’un haussement de sourcils assorti d’un sourire en coin. Calme et bienveillant. Si Le professeur se pense crispant, il n’a pas encore rencontré Ezéquiel qui a élevé en art, celui de rendre les gens mal à l’aise. Je suis rassuré sur la raison qui pousse mon hôte à refuser mon invitation. Tandis que je me creuse la tête pour bifurquer sur un sujet de discussion intéressant qui permettrait de clore cet épisode et passer à autre chose, le Professeur accepte de manière détournée. Je prends le temps de déguster un morceau de son entrée chaude que je trouve savoureux. Je note mentalement l’idée de revisiter ce dessert avec une note salée.

Je ne force pas la conversation. Ne jamais parler pour ne rien dire. Ne jamais dire trop vite. Je devais avoir six ans quand j’ai fait la connaissance de monsieur Socrate quand, rentrant de l’école, je me suis lancé dans une logorrhée sur les drames enfantins de ma journée. Ma sœur Emy avait eu plus de mal que moi à passer les trois filtres de ce philosophe : est-ce vrai, est-ce bon et est-ce utile ? L’appartement de mon enfance était un lieu calme et courtois. Pour ne pas non plus nous brider, Emy et moi avions nos chambres – aux portes soigneusement insonorisées par le paternel – pour exprimer de manière sonore nos frustrations et sentiments d’injustices souvent peu fondées. Nous n’avons pas été censurés, nos parents nous ont simplement appris à vivre en société, nous donnant des armes comportementales redoutables. C’est ce que je retrouve chez le Professeur : il peut ruiner un argumentaire en un claquement de langue ou démolir l’assurance d’un pair avec un simple trait d’ironie. J’attends qu’il ait débarrassé l’entrée et servi le plat principal pour en dire plus sur mon idée de découverte.

- La tribu des Kaiwaiisu cumule trois vies. La première est celle que voient les touristes : des animations limites caricaturales de ce que l’homme blanc croit savoir sur les premiers natifs. La deuxième, riche des bénéfices de la première et des subventions du pays, loin des regards, habilement cachée par les montagnes et qui ressemble en tout point à la vie d’un Américain moyen avec maisons confortables et 4X4 rutilants rangés dans des garages trois fois plus grands que la maison accolée. Et la troisième enfin, orientée sur le mystique et le chamanisme. C’est dans ce dernier aspect de leur communauté qu’ils sont les plus authentiques et dans la vraie réalité. Celle que vous connaissez par votre ancien « métier ». En Europe, on les dénommerait druides, ici le terme d’émissaire semble s’imposer. Celui de chaman est trop entaché d’obscurantisme pour avoir encore du crédit. Pourtant, c’est ce qu’ils sont depuis avant l’arrivée de colons.

Mon explication peu accessible à une enfant ennuie Alice qui, sans réelle volonté de faire la sotte, attire notre attention en voulant faire du bruit avec son assiette. La maladresse de ses petites mains conduit à l’accident. L’assiette retombe à l’envers, souillant ses vêtements. Cela aurait pu s’arrêter là, mais Murphy veille au grain et dans une cascade de domino, le flacon de ketchup chute sur la table, le bouchon lâche et ma chemise s’imprime de rouge.

- Alice bêtise !
- C’est un accident.

Le Professeur lance une remontrance, certes méritée, à sa fille. J’entends le rythme cardiaque d’Alice s’emballer. La bouche en u inversé, la fontaine de larme approche.

- Que dirais-tu qu’on aille se débarbouiller ensemble ?

Le Professeur qui revient avec une éponge pour limiter les dégâts s’embarrasse.

- Mon filleul m’en fait de belles aussi. Je m’occupe d’Alice. Où est la salle de bain ?

Le professeur remet à plus tard une explication père-fille. Quand j’entre dans la salle de bain, Alice pleure silencieusement. Du bout du doigt, je prends un peu de la sauce sur ma chemise et m’en tartine le bout du nez. Je louche un peu, le sourire revient sur le visage de l’enfant.

- Ce n’est pas bien grave. Tu feras attention la prochaine fois.
- Pardon.
- T’es pardonné.

Je nous débarbouille au mieux. La table et la chaise haute d’Alice sont propres quand on revient. Le Professeur se confond à nouveau en excuses, je le rassure du peu d’importance que j’accorde à ma chemise. Une fois chacun à sa place, je poursuis là où je m’étais arrêté.

- La découverte que je vous propose va un peu plus loin que l’attrape-touriste tout en utilisant leurs installations. Alice pourrait faire du poney, s’essayer à la poterie, à la peinture et au tissage. Ils ont des ateliers dédiés à son âge. Pendant ce temps, j’aimerais vous faire tester leur tente de sudation, l’authentique, pas celle améliorée pour les touristes. Rien à voir avec ce qu’on trouve dans les centres de bien-être. Cela à voir avec leur troisième vie. La géométrie de la tente, le type de bois qu’ils utilisent, l’hydrométrie… tout est calculé pour vous mettre dans un état de surconscience. Il faut tenir au moins un quart d’heure, l’idéal est de trente à quarante-cinq minutes. Pour l’avoir testée, on sort de là comme lavé à l’intérieur.

Je tais le fait que mon grand-père affirme que les Kawaiisu soignent des maladies dites incurables avec cette méthode. Mis à part le fait que je ne vois pas l’intérêt qu’il aurait à me mentir, le domaine des médecines parallèles prête toujours à caution du fait de l’autopersuasion. Le voyage dans la tente de sudation n’est pas qu’une épreuve pour le corps, il fait drôlement chaud là-dedans, c’est aussi le voyage intérieur que ce choc thermique induit. Je pense sincèrement que cela pourrait faire du bien au professeur.

- Et quand les touristes sont partis après le repas traditionnel du soir, on pourra aller voir les aigles de près. Leur relation avec les rapaces est liée au surnaturel. Ils ne les montent pas aux touristes. Qu’en pensez-vous ? Sachez que ma famille sait que je fréquente des gens peu ordinaires et souvent pas faciles. C’est leur vrai métier que d’accompagner de telles personnes. Dernier point : le lieu est sûr, même les fourmis demandent la permission de passer sur leur territoire.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMar 22 Nov 2022 - 20:38



Funeste ennui
Feat : Chad

Il n'a nul besoin d'en dire plus pour être certain d'être compris par son invité qui comme lui connaît le poids et la valeur de chaque mot. Une des qualités de Chad que Tobias sait apprécier pleinement. L'anglais parle peu, parfois sans doute pas assez pour réussir à se faire comprendre par ses pairs. C'est une protection que de connaître ses propres limites et ainsi réduire l'impact que peuvent avoir les autres sur sa personne. En agissant de cette manière le britannique se ferme dans une bulle solitaire qu'il juge assez sécuritaire pour le protéger de dangers potentiels. Il n'a que peu d'amis mais suffisamment pour se sentir entouré et possiblement secouru si un pareil besoin se faisait ressentir. Se préférer seul plutôt que mal accompagné à cette époque où il est devenu si simple d'afficher son intimité sur les réseaux sociaux est un choix qui intrigue.

Tobias reprend la dégustation de ce qui se trouve dans son assiette sans trouver utile de prononcer un mot qui ne serait que futile. Les discussions d'usages, celle dans lesquelles on trouve bon de parler du temps qu'il fait pour oublier celui qui passe peuvent certes se montrer rassurantes, mais ni lui ni Chad ne se prêtent au jeu de ces civilités d'usage désuètes. Si parfois leurs bouches s'ouvrent ce n'est que pour offrir une attention méritée à quelques sujets qui savent plairent aux deux hommes. Leurs métiers, la jeune Alice ou encore le fils de l'ancien collègue de Tobias. Lorsque les assiettes des adultes sont vides et que celle d'Alice contient un désastre de pâte et de légumes confits, Tobias se lève.

Il change les assiettes, sort de nouveaux couverts et dépose une marmite remplie d'un contenu dont s'échappe des effluves régressives sur la table. Un ragoût qui brille par sa simplicité, une des rares choses qu'il sait cuisiner tout en étant certain de ne pas se tromper dans la recette. S'il apprécie ce plat chaleureux et familial, il ne sait quel est l'avis de son invité sur ce point. Il laisse donc à Chad le loisir de remplir sa propre assiette tandis qu'il coupe à l'aide de sa fourchette des morceaux de viande et de légumes moelleux dans celle de sa princesse.

Il prend finalement place sur sa chaise après s'être servi, proposant un nouveau verre de vin à leur invité. Alors que les estomacs se remplissent, la langue de l'architecte se délie et offre de nouvelles informations à l'anglais au sujet de son étrange famille.

Le début de cette histoire ne parvient pas à convaincre Tobias de son utilité. Il a été élevé en Angleterre, dans un village renfermé sur lui même mais avec des parents aux esprits suffisamment ouverts qui ont su garder leur progéniture éloignée de ces sombres clichés dans lesquels indiens et cow-boy courent après les bisons. Une reproduction folklorique de la vie d'amérindiens ne saurait donc pas satisfaire celui qui ne voit pas l'amusement que peut produire ce genre d'endroit dans lequel on pousse les touristes à dépenser sans compter.

Mais la suite des dires de Chad suit un courant surprenant et c'est sans jamais songer à couper son ami que Tobias écoute ce dernier. Il a en effet connu des druides et n'a jamais cherché à se faire apprécier par ces gens dont il venait ruiner la vie. Il a apprit à se méfier de ceux qui peuvent ressentir et parfois voir des choses qui lui sont inconnues. Il en a donc tué, à de nombreuses reprises, sans craindre que ces crimes ne puissent alourdir la peine qui sera la sienne quand se refermeront devant lui les portes du paradis.

Ce récit absorbe son attention. Le contenu de son assiette peine à diminuer car il lui est difficile de faire plusieurs choses en même temps. De son côté Alice s'impatiente et c'est quand un drame bénin se produit que Tobias se rend compte qu'il a manqué à son devoir de parent. L'assiette en mélanine de sa fille est retournée et comme une catastrophe n'arrive jamais seule la bouteille de ketchup a chuté avant de déverser une partie de son contenu sur la chemise du loup. Le professeur dont l'esprit s'était perdu sur de lointaines plaines se redresse vivement, râlant sa surprise et son agacement sans savoir contrôler ce flot de mots qui lui échappe.

-Alice ! Tu ne dois pas jouer avec la nourriture !

Ces quelques mots et le ton dont vient d'user le professeur sont de trop... L'enfant déjà consciente de cet accident qu'elle vient de causer est sur le point de pleurer et son père se mord les joues pour ne pas afficher son propre désarroi devant leur invité. Si Chad demeure chaleureux, il est plus compliqué pour Tobias de faire bonne figure dans un pareil instant. Il coule vers sa fille un regard dans lequel l'angoisse est bien présente alors que déjà, bien trop vite, les prunelles azur de sa princesse commencent à briller de l'éclat de la tristesse. Il ne sait que faire et décide de laisser Chad agir, ce dernier étant visiblement moins à cran que ne l'est son hôte. Tobias attrape l'éponge rangée sur le rebord de l'évier, la rince puis l'essore avant d'approcher de la table pour ne pas rester immobile sans agir.

-Je suis navré de m'être emporté.
-Mon filleul m’en fait de belles aussi. Je m’occupe d’Alice. Où est la salle de bain ?
-La seconde porte à droite quand vous entrez dans le couloir. Il y a des gants de toilette et des lingettes dans le meuble sous les vasques.

Il faudra qu'il apprenne à sa fille qu'elle n'est pas le centre d'un monde autour duquel tournent tout les adultes qui l'entourent. Une certitude en totale contraction avec la manière d'agir qu'a son père lorsqu'elle est dans les parages. Le professeur nettoie, ronge son frein tout en savourant le calme que lui procurent ces gestes mécaniques qui ne font travailler ni ses méninges ni ses émotions. En quelques coups d'éponges ce drame qui n'en était pas un n'est plus qu'un souvenir. Alice se souviendra malheureusement de cette remontrance que son père lui a destinée. L'homme est laxiste, sûrement trop pour son bien et celui de sa fille mais il craint tant l'avenir qu'il préfère savourer chaque instant tout en évitant d'inutiles conflits.

Lorsque Chad et Alice reviennent dans la cuisine le sourire de la petite petite blonde a su lui revenir même s'il est plus timide qu'à l'ordinaire. Une large auréole orne le devant de la chemise de l'architecte. Tobias ouvre la bouche pour annoncer qu'il prendra sur lui de régler les frais de pressing quand Chad le rassure. Chacun retrouve sa place autour de la table, Alice jouant avec la gourde de compote que son père lui a donné et un playmobil. L'architecte reprend son histoire comme-ci rien ne s'était passé.

Cette sortie serait une occasion pour père et fille de prendre du temps pour eux sans étouffer l'autre. Alice aime les poneys ce qui n'est un mystère pour personne et Tobias est prêt à tenter de nouvelles expériences si on est capable de lui assurer qu'il ne risque rien. Chad n'a jamais trahit sa confiance jusqu'à ce jour et l'anglais doute qu'une chose pareille puisse se produire. Certes la relation qu'ils entretiennent tout les deux n'a pas commencé de la plus douce ou encore cordiale des manières mais il ne faut pas oublier que sans le loup Tobias serait mort depuis bientôt un an de la main de son ancien mentor.

Le professeur ne prononce pas le moindre mot, incapable de savoir lequel il serait bon d'ajouter à tout ceux qui s'échappent de la bouche de son ami si peu bavard en temps normal. Il attend que celui-ci le questionne pour enfin admettre certaines de ses failles.

-Je suis insomniaque, depuis longtemps mais par le passé l'alcool endormait cette crainte que fait naître le sommeil en moi. Puis il y a eu les médicaments, beaucoup trop de médicaments. Je ne les prend plus depuis que Gabriel est parvenu a entrer dans mon appartement. Je suis terrifié à l'idée qu'un autre puisse reproduire cet exploit. Mon fils n'avait que trois ans, je ne veux pas prendre le risque de perdre un second enfant. Je ne survivrais pas à un drame similaire à celui qui m'a prit ma famille il y a seize ans.

Il n'est pas suicidaire, en tout cas il ne se définit pas de cette manière. Certes il y a songé mais trop peu souvent pour oser passer le pas. Gabriel se servait de ce point faible de son acolyte pour l'envoyer au devant de la mort sans que Tobias ne craigne réellement de vivre son dernier instant  sur un champ de bataille. On ne devient pas sage au fil du temps mais simplement lorsque les responsabilités se font grandes. Avant qu'Alice ne vienne troubler par sa joie de vivre la dépression dans laquelle le britannique nageait comme en eau claire, il ne voyait en sa propre existence qu'un long chemin de croix qui lui semblait être interminable. Une vie morose, dédiée toute entière au sang. Un piètre programme certes sinistre mais qui avait comme qualité de lui éviter toute forme de réflexion profonde au sujet de l'avenir.

Mais tout cela n'est qu'une ancienne histoire qu'il n'est pas bon de conter aux oreilles d'un invité, même si celui-ci est un ami qui vous a vu dans votre plus triste état. Tobias sauce son assiette avec appétit, boit une nouvelle gorgée de ce vin qui se révèle encore meilleur lorsque l'on en est au second verre avant de se lever pour poser le dessert sur la table. Monsieur playmobil fait un grand plongeon depuis la chaise haute avant d'être rapidement suivi par la compote vide de la petite enfant.

-Alice a fait le gâteau de chocolat !
-Je me suis contenté de superviser la manœuvre pour vous le garantir sans coquilles d'œuf Chad.

[...]

Alice repue s'est endormie au dessus de sa part de gâteau tandis que les adultes terminaient leur repas. Tobias est allé la coucher, en profitant pour montrer la chambre de la petite fille à son ami. Le babyphone posé sur la table basse assure au britannique que sa fille dort sereinement. Face à lui se tient Chad, une tasse de thé brûlant entre les mains.

-Comme je vous l'ai dit, je suis disponible ce week-end. Ma nièce est en Californie pour un stage en lien avec la photographie, son domaine d'études. Elle passe la plus grande partie de son temps à Los Angeles et ne revient que pour laver son linge et vider mon réfrigérateur. Un drôle de personnage qui ressemble, et c'est bien triste pour moi, beaucoup à sa mère et sa grand-mère dans ses manières.

Il se souvient de ces paroles d'Alessandro, sans doute pas aussi innocentes qu'il ne l'avait cru au premier abord. Il se peut que sa mère lui ait envoyé sa sœur, puis sa nièce dans le simple but de le surveiller à distance. Il est vrai que Margareth se plaint régulièrement du peu de nouvelles que lui donne son fils, mais Tobias ne sait quoi dire à cette femme qui ignore tout de l'homme qu'il est devenu. Il serait si aisé d'avoir un mot malheureux, un de ceux qui font naître méfiance et soupçons lorsqu'il lui téléphone. Il ne veut pas finir sa vie dans une cellule de prison ou dans l'hôpital psychiatrique de la ville. Un lieu sordide dont il n'a pas su conserver un agréable souvenir.

-Ils ignorent tout au sujet des loups, de mon passif et tout le reste. Ces mensonges protègent ma tranquillité.


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMar 29 Nov 2022 - 20:48

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

- Alice a fait le gâteau de chocolat !
- Je me suis contenté de superviser la manœuvre pour vous le garantir sans coquilles d'œuf, Chad.
- Merci de cette délicate attention.

Je me souviens des premiers essais avec Ian. Mon filleul est un enfant posé et calme. Si c’est parfait pour l’initiation à la pâtisserie, Ian se montre un peu trop réservé pour une socialisation rayonnante. Chez les Hale aussi, on stresse sur les monstres qui pourraient avoir envie de décimer leur famille. Loups échaudés…

Alice ne résiste pas à la fatigue et, comme tout enfant de son âge, s’endort assise calée sur sa chaise. Quand il est avéré qu’elle ne se réveillera pas, le Professeur la porte jusqu’à son lit m’invitant à le suivre. Un privilège que j’apprécie à sa juste valeur. Une marque de confiance certaine. L’ambiance de la chambre est très différence de celle de Ian, que ce soit au manoir ou chez moi. Ici l’ambiance est très fille, très princesse, impossible de se tromper sur le sexe de l’enfant qui l’habite. Celles de Ian sont neutres sur les couleurs, les jouets peuvent donner un indice, mais le poupon peut induire en erreur. Ian a le manque de sa jumelle assassinée dans le ventre de sa mère. Un manque inconscient qu’il compense en cajolant ses peluches et ce poupon.

(…)

De retour à table, le Professeur m’offre une tasse de thé. Je souris intérieurement : il l’infuse comme ma mère, mon père le préférant à la japonaise : peu infusé. Mes parents ne font pas lits à part comme beaucoup de couples aisés bostoniens, mais théière à part. Mon hôte reparle de sa nièce. Je note son trouble dans cette répétition. Cet homme que je pensais solitaire se dote d’une famille aux femmes de caractère, si je comprends bien le sous-entendu.

- Ils ignorent tout au sujet des loups, de mon passif et tout le reste. Ces mensonges protègent ma tranquillité.

Et sa liberté… Je me garde bien d’exprimer ma pensée. Je n’ai pas les mains propres non plus, pourtant mes prunelles gardent ce doré qui prouve que je n’ai tué aucun innocent. Mais qui suis-je pour faire justice moi-même ? Le paradoxe est que c’est Mick qui m’a ouvert les yeux sur ma dérive, lui qui vient de plonger corps et âme dans cette organisation de l’ombre qui applique sa propre justice. Il lui a suffi de retrouver une mère qu’il pensait morte pour balayer ses idéaux. Je ne lui jette pas la pierre, je n’ai pas fait mieux. Je trouve cela simplement risible. Les gens sont des girouettes et je m’inclus dans ce triste constat.

Nous réglons les détails pour le week-end. Je promets de rappeler au plus tôt pour confirmer les deux jours de découvertes et la nuitée. J’accepte un fond de whisky avant de prendre congé non sans remercier le Professeur de son invitation.

(…)

J’appelle mon grand-père en rentrant. Je sais qu’il est encore éveillé à cette heure. Chaton ronronne son plaisir de me voir de retour et me colle aux pieds.

- Oui, Nashoba* ? demande Ezéquiel.
- Bonsoir, Tunkasina**. Comment vas-tu ?
- Que veux-tu, fils ?
- Comment vas-tu ? insisté-je.
- La terre se fait de plus en plus basse.

Sous-entendu que son dos le fait toujours autant souffrir.

- Hum… Comment je vends les bienfaits de la médecine de la tribu si elle ne soigne pas son propre chef ? taquiné-je.
- On ne soigne pas le temps qui passe. À qui vantes-tu nos mérites ?
- À un ami que j’aimerai faire venir ce week-end avec sa fille de 16 mois.
- Le séquoia à long nez ?
- Oui, confirmé-je en pouffant de rire, pas étonné qu'il sache de qui je parle. C’est un séquoia qui se braque facilement. Je l’amène pour qu’il se détende et règle ses soucis d’insomnie, pas pour se faire moquer. J’ai vendu une activité poney pour la petite.
- Bien. On accueillera ton ami en ami et on lui épargnera les salamalecs qu’on réserve aux Hastiin blancs.
- Je te remercie, Tunkasina.
- Et toi, vas-tu bien ?
- Je retrouve la paix, c’est Ian et Derek qui m’inquiètent.
- Amène Ian ce week-end. Cela fera de la compagnie à la fille de ton ami le séquoia à long nez et le rassurera à la laisser entre les mains bienveillantes de la tribu lors de ses activités.
- OK, je demande à Derek. Bonne nuit, Tunkasina.
- Bonne nuit, Nashoba.

Tout en discutant avec mon grand-père, j’ai nourri la boule de poil affamée. Ceci fait, j’envoie un SMS à Derek. Je préfère ne pas le déranger en téléphonant, il a déjà un sommeil de piètre qualité.

(…)

Je me gare en bas de l’immeuble du Professeur. Dès que j’avais reçu l’aval de Derek, j’avais averti le Professeur de la présence de Ian. À l’intonation de sa voix pour dire qu’il était ravi de cette compagnie, je devinais, comme le prédisait Ezéquiel, une forme de soulagement et une garantie supplémentaire sur la sécurité d’Alice.

Ian est content. Il connaît Ezéquiel qu’il a rencontré en deux ou trois occasions et mon grand-père n’est pas quelqu’un qu’on oublie même à son si jeune âge. Du haut de ses six ans, mon filleul m’a affirmé dans la voiture qu’il serait le protecteur d’Alice. Je lui avais expliqué le but du séjour et qu’il faudrait être gentil avec la petite fille qui nous accompagnerait. En plus de ses peluches préférées, Ian avait tenu d’ajouter quelques autres pour Alice, ne réalisant pas que la fillette aurait ses propres doudous. Dans le coffre, les affaires de Ian prennent plus de place que les miennes. J’ai pris peu de choses, des vêtements confortables pour la journée, un pull et une veste chaude pour la soirée, il fait souvent frais sur les contreforts des Rocheuses et le livre que je lis en ce moment, car je pense que ce week-end se passera sous le signe du calme et de la quiétude et non aux bavardages.

Je salue le Professeur qui sort de son immeuble un grand sac dans une main, sa fille serrée contre lui. À ce qu’il me dit, je saisis qu’il a déjà fait un voyage pour remplir sa voiture des affaires encombrantes d’Alice. Je lui serre la main quand il a posé Alice sur ses pieds et le sac à côté de sa voiture qui jouxte la mienne.

- Bonjour, voici Ian. Ian dit bonjour à Tobias et Alice.

Avec un grand sérieux, Ian tend sa menotte au professeur. Par contre, il semble intimidé par Alice.

- La dernière portion de route avant la réserve n’est pas goudronnée. Je roulerai moins vite, mais à ce moment-là, ne me suivez pas de trop près si vous ne voulez pas être dans un nuage de poussière.

* Nashoba = loup
** Tunkasina = grand-père


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyVen 2 Déc 2022 - 12:14



Funeste ennui
Feat : Chad




La tranquillité, une douce manière de déclarer qu'il sait où serait sa place si ses proches devaient un jour apprendre qu'il est devenu le plus cruel des monstres en traquant ceux qui lui ont tout prit un soir de mai. Au fil du temps il a apprit à se voir d'une manière différente. Il a même cru être devenu une cause perdue avant que cette ville de Californie dans laquelle il a trouvé refuge ne sache lui démontrer que son humanité pouvait renaître. Certes il ne redeviendra jamais l'homme qu'il a été par le passé, mais ce n'est pas là son objectif.  Le doux rêveur avec un goût prononcé pour le sarcasme assassin est tout comme le sont Maryssa et Charles mort depuis bien longtemps. Lui aussi a périt ce soir là.

Ils règlent les derniers détails de ce week-end, un fond de whisky faisant son apparition dans leurs verres lorsque la soirée touche à sa fin. Puis il remercie son ami de sa présence ce soir lorsque ce dernier s'en va pour retrouver sa demeure.

Tobias passe en cuisine, lavant puis rangeant la vaisselle avant de prendre le temps de s'offrir le luxe d'un bon bain chaud. Sa soirée il la termine dans son bureau, le nez penché au dessus d'une pile de copies qu'il est censé rendre dans une semaine. Le bon élève qu'il était par le passé s'est transformé en un professeur rigoureux qui aime rendre son travail en temps et en heures. Son verre se vide, la cendre de sa cigarette chute sur une copie déjà souillée par la sottise d'un étudiant avant qu'il ne puisse réagir et poser son mégot dans son cendrier. Un signe qui lui montre qu'il est temps qu'il aille retrouver le confort de sa couche en espérant ne pas avoir à se lever avant le soleil.

Quelques vers de Baudelaire plus tard, il se laisse aller contre ses oreillers après avoir éteint la lumière et vérifié la présence de son arme dans le tiroir de sa table de chevet. L'anglais baille avant de tomber dans les bras de Morphée.

[...]

Il n'est que trois heures du matin quand il se réveille en sursaut, sa nuque couverte d'une couche de transpiration glacée. Aux sinistres acteurs habitant ses songes déjà sombres se sont ajoutés de nouveaux personnages depuis quelques nuits. D'étranges et sournois larrons qui viendraient le cueillir chez lui, pour lui trancher la tête et en faire un trophée. Le souffle court et sa main gauche tenant fermement son arme, l'homme se lève pour vérifier que sa fille est toujours dans la pièce d'à côté.

Sans surprise la petite fille dort toujours, le nez de son italien en peluche dans la bouche. Le jouet sent mauvais et le père de la jeune Alice doit ruser pour imposer à l'animal des voyages réguliers dans le tambour de la machine à laver. Sans oser songer à retrouver le confort de ce lit qui ne veut pas de lui, Tobias prend place sur le fauteuil installé dans un des coins de la chambre de sa princesse. Il étend ses jambes de manière à éviter les crampes qui le prendront au réveil et ce malgré ses précautions, couvre son torse avec un plaid à l'effigie de Winnie l'ourson et enfin ferme les yeux pour tenter de se rendormir.

[...]

Il pousse la porte d'entrée de son appartement après avoir fait un premier tour pour emmener dans sa voiture le lit parapluie et le bagage renfermant les affaires d'Alice pour le week-end. Il en a sans doute trop prit mais souhaite être capable de parer à toutes éventualités. Il ne sait où il va, en tout cas pas vraiment car même si Chad a su lui donner un bon nombre d'informations sur sa famille, il reste une part d'imprévu que Tobias peine à apprécier. Il affectionne le contrôle et ne peut pas en dire autant de la jeune femme bordélique qui joue en cet instant avec sa petite cousine dans le salon.  Judith est un caillou dans sa chaussure dont il a hâte d'être enfin débarrassé. L'insolente demoiselle lève ce nez qu'elle a elle aussi bien disgracieux dans la direction de son oncle. Puis quémande une fois de plus la permission de les accompagner pour ce week-end qui ne serait pas relaxant si elle y participait.

-J'peux venir ?
-Toujours pas.

Elle a posé un bon nombre de questions qui ont toutes été jugées indiscrètes par celui qui n'était pas disposé à donner une réponse positive à celle qui lui facilite le transit intestinal. Le laxatif sur pattes a tout voulu savoir au sujet de l'ami de son oncle, puis sur ce petit garçon que Tobias ne connaît pas mais qui va les accompagner. Un jeune homme plus âgé qu'Alice mais qui saura lui tenir compagnie pendant que le professeur s'attèlera à régler des soucis qui ne doivent en aucun cas concerner les enfants. Il s'était montré enthousiaste quand Chad l'avait appelé pour le prévenir de la présence du jeune Ian Hale à leurs côtés. Le fils d'un ancien collègue de Tobias qui ne donne plus signe de vie depuis des mois. Lui et monsieur Hale n'ont certes jamais été amis mais il ont échangé à maintes reprises des salutations courtoises et pleines de retenue lorsqu'ils fréquentaient tout deux la même salle des professeurs dans le lycée public de la ville. Une relation qui savait plaire à Tobias.

-Je t'ai laissé 100 dollars en espèce dans la cuisine. Ma carte bleue sera avec moi, mais tu n'as de toute façon pas besoin de plus.

Sa nièce est dépensière et a vite saisit que son oncle était de son côté plein aux as. Jude offre une moue à son oncle alors que ce dernier se penche pour mettre sa veste à Alice.

-Donc ce n'est pas ton copain.
-Cette obsession que tu as de vouloir me mettre en couple avec tout les hommes que tu rencontres devient agaçante.
-Tante Jaz dit que ça te ferait du bien.
-Ta tante ne dit que des sottises.
-Tu as pensé à Tinder ? J'peux te faire un profil si tu veux ! T'es pas moche et quand tu parles pas tu es presque séduisant.

L'homme se fige, effaré par les dires de sa nièce et les conséquences qu'ils pourraient avoir. Il ne veut pas être affiché sur internet comme un vulgaire veau qu'on exposerait à la foire. C'est sa fille qui l'arrache à sa torpeur.

-Papa est pas moche !

Son jugement sur la question n'est peut être pas impartial mais il rassure celui qui lorsqu'il se voit dans un miroir considère qu'il a encore de bons restes. 45 ans ce n'est pas si vieux, seulement la moitié du parcours pour certains chanceux à qui la vie offre le loisir d'une existence calme et gardée loin de tout dangers.

Tobias attrape sa veste, la passe sur son pull noir avant de reprendre sa fille entre ses bras. C'est en claquant la porte après s'être saisit du sac à langer d'Alice qu'il lance un dernier avertissement à la jeune impertinente.

-Si tu fais ça tu rentres en Angleterre par le premier avion lundi ! Soit sage et ne touche pas au vinyles ! Ni au piano !

Il dévale les marches en prenant soin de ne pas chuter pour rejoindre celui qui doit déjà l'attendre devant son immeuble. Chad est un homme ponctuel. Et si par mégarde la présence du jeune Ian devait lui avoir ôté cette qualité, le professeur ne lui en tiendrait pas rigueur. Il a lui même parfois du mal à gagner cette course effrénée que lui imposent les horloges depuis qu'il a adopté sa fille.

Quand il sort de son immeuble c'est sans surprise qu'il découvre que son ami et son filleul sont déjà là. La magnifique voiture de l'architecte est garée près de celle bien plus austère de Tobias. Il s'approche des deux automobiles, tenant toujours sa fille fermement contre lui avant de saluer son ami.

-Bonjour Chad, nous sommes prêts pour le départ.

Il faut admettre que la présence de sa nièce ce matin lui a simplifié la tâche. Judith s'est occupée de sa jeune cousine pendant que son oncle achevait de mettre en place les derniers préparatifs. Cette jeune fille a bien vite su saisir que pour s'attirer les bonnes grâces de son oncle elle devrait se montrer coopérative. Tobias n'aime pas les gens qui prennent place sur le canapé et qui laissent agir autour d'eux leurs pairs sans jamais songer à proposer leur aide. C'est ainsi que sa mère l'a élevé, lui et tout le reste de sa fratrie. Le travail est une vertu qui parfois peut amener une récompense. Donner de sa personne dans le seul but d'en tirer bénéfice n'est pas une bonne manière d'agir.

Il pose sa fille au sol, Alice s'accroche aux jambes de son papa avant de saluer à son tour celui dont elle ne cherche pas à cacher qu'elle l'apprécie.

-Bonjour Chad !

La petite fille se fige quand elle aperçoit le jeune garçon qui accompagne le loup. Elle le fixe de son regard azur avant de chercher à se dissimuler dans les jupons inexistants de son papa. Le nez froncé et les sourcils haussés sur son petit front la demoiselle se demande sur lequel de ses pieds il serait bon qu'elle ne décide de danser. Un jeu étrange de la part de celle qui sait se monter sociable en temps ordinaire auquel les deux adultes mettent fin avant que cet instant ne puisse durer trop longtemps.

Tobias serre la main de son ami, puis celle que le jeune Ian lui tend. Sans avoir besoin de se forcer celui qui est généralement avare sur le plan émotionnel offre un sourire qu'il espère rassurant à l'enfant. Sa voix habituellement rauque se fait plus tendre qu'à l'ordinaire.

-Bonjour Ian. Chad m'a beaucoup parlé de toi.

Le jeune garçon paraît intimidé, ce qui n'est pas anormal à son âge. Tobias se courbe pour se mettre à son niveau avant d'ajouter quelques mots.

-Tu as le droit de ne pas être à l'aise avec de nouvelles personnes. Je te présente Alice. Alice, dis bonjour à Ian chérie.
-Bonjour Ian.

La petite fille tend les bras vers son père pour récupérer l'entière attention de ce dernier. Jalousie ? Peut-être un peu mais il va toutefois falloir que cette demoiselle apprenne que son père a le droit de parler à d'autres enfants sans que cela ne remette en question la place toute particulière qu'elle a dans son cœur et sa vie. Tobias se redresse, sa princesse ayant retrouvé le confort de ses bras sans qu'il ne cherche à lutter contre les désirs de celle-ci. Il est sur le point de répondre à Chad quand un grand cri strident poussé dans son dos le fait sursauter puis grogner.

-Oncle Tob !

L'homme fait volte face, croisant le regard de sa nièce qui sait qu'elle va se faire sérieusement enguirlander pour cette intrusion dans ce que son oncle estime être sa vie privée. Furibond l'anglais ouvre la bouche, prêt à arroser de sarcasmes assassins cette plaie qui ne sait pas rester en place plus de cinq minutes depuis qu'ils se sont retrouvés à Londres quelques mois plus tôt. Puis il se fige, se rappelant qu'est présent près de lui ce jeune enfant qu'il ne souhaite pas effrayer. En usant d'un ton doucereux, il fait de brèves salutations.

-Judith, ma nièce.
-Salut !
-Coucou Jude !

Alice agite sa petite main en souriant à cette cousine qu'elle trouve fort amusante. L'intrépide jeune femme approche, tendant à son oncle ce qu'il avait oublié. Ses clefs...

Soulagé, il retrouve son calme avant de remercier la demoiselle.

-Merci Judith.

La demoiselle n'est pas peu fière d'avoir su éviter que ne s'abatte sur sa personne la colère de son oncle. Quand elle lui bise la joue, il peine à ne pas s'indigner. La fourbe sait bien qu'il n'osera pas se montrer odieux en public.

[...]

Il a sans mal su suivre Chad en dehors de la ville, la voiture de ce dernier étant compliquée à perdre de vue. À l'arrière de la voiture Alice s'amuse avec son italien en peluche tout en pointant ce qui l'intrigue dans le paysage qui défile derrière la vitre de sa portière. Le voyage fut court et calme, bercé par la tendresse d'un classique de la musique. Quand l'automobile de l'architecte quitte le goudron pour rouler sur un chemin plus rudimentaire, Tobias prend soin de bien garder une certaine distance de sécurité entre sa voiture et celle du loup. Le noir ne pardonne aucunes tâches, si ce n'est celles de sang.

Chad se gare et Tobias l'imite. Le décor ressemble à ce qu'il avait pu imaginer, lui qui n'avait que peu de préjugés au sujet de leur destination. Les adultes sortent, suivis par les enfants qui attendaient sagement qu'on leur permette de quitter leurs sièges-auto respectifs. Alice tend un paquet de biscuits à la framboise au jeune Ian.

-Tu veux un gâteau ?

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 8 Déc 2022 - 19:39

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

L’épisode de la nièce qui surgit en salvatrice avec les clés du Professeur m’amuse. Il est évident qu’elle meure d’envie de venir avec nous et à la fréquence des battements de son cœur, je ne serais pas étonné qu’elle ait bougé le trousseau de clés de son oncle pour se rendre « nécessaire ». La bise sur la joue de l’homme qui répugne à ce que l’on perce son cercle personnel sonne comme une douce vengeance.

(…)

Le professeur me suit sans mal, la circulation est fluide. Dans mon dos, l’autoproclamé protecteur de demoiselle semble saisir la portée de ce qu’implique son serment : affirmer sa présence, et non bredouiller un timide bonjour, comme il l’a fait sur le trottoir. Ian est d’une nature foncièrement bienveillante. Pour cela, il tient de sa mère et non de Peter dont l’empathie s’arrêtait à sa femme et son fils.

- Alice est très bavarde, dis-je en le regardant dans le rétroviseur. Tu n’as pas besoin de parler autant qu’elle pour la protéger.
- Son papa a une odeur qui fait peur.
- C’est vrai. Le professeur s’entoure d’une aura impressionnante. Tu veux connaître un secret ?
- Oui.
- En fait, c’est lui qui a peur et c’est comme ça qu’il se protège. Un peu comme Derek quand il donne l’impression d’être sévère.
- Et que c’est pas vrai !
- Voilà, tu as tout compris.
- Le papa d’Alice est un faux méchant ?
- On a tous une part de méchanceté et une part de gentillesse. Et être gentil avec quelqu’un fait grandir sa part de gentillesse.
- Si je suis gentil avec le papa d’Alice, il fera moins peur ?
- Tu n’as pas à te forcer à être gentil avec quelqu’un qui te fait peur, mais rester naturel est déjà un bon début. Puis, tu sais, Le Professeur sait qu’il fait naturellement peur aux enfants et ça le chagrine.

Délicate discussion où aborder les relations humaines avec un enfant de son âge est compliqué. L’instinct animal de Ian l’ouvre à plus d’informations qu’un enfant humain. Le Professeur lui apparaît comme l’ogre des contes et il n’a pas tort. Je lui donne des bases triviales, mais Ian prend cela au pied de la lettre et à appliquer dans l’immédiat. Il n’a pas encore la notion de l’apprentissage qui se complète sur des années ni que ce n’est pas à lui de faire les efforts des adultes à leur place.

- Tu n’as rien à craindre. Évite seulement lui dire que tu veux épouser sa fille tout de suite.
- Je ne suis pas idiot comme Timothée !
- Je sais p’tit loup.

Timothée est un élève de sa classe au comportement en total décalage pour son âge. Derek a choisi la voie de l’humour pour dédramatiser un incident qui a failli faire un scandale.

(…)

Il y a déjà un car de touristes qui déverse son chargement que le parking de la réserve. Mais nous ne serons pas gênés par cette faune bruyante et culottée. Bien sûr, le Professeur pourra emmener Alice dans la grande boutique qui vend tout et n’importe quoi qui peut se rapporter de près ou de loin aux premiers natifs. Coiffes à plumes, ponchos aux motifs géométriques, peluches et grigris divers. Ils vendent même une eau-de-feu locale sans contraintes dans un pays où vendre de l’alcool est compliqué. Je me gare dans un espace privé loin du cœur touristique de la réserve.

- Tu veux un gâteau ?
- Oui, merci.

Ian se saisit d’un biscuit et le croque allégrement. Alice a déjà tout compris des faiblesses des hommes. D, qui s’apparente au bras droit du chef de tribu, s’avance vers nous.

- Kwe' !(*) Laissez vos bagages dans les voitures, on s’en occupera plus tard. Je m’appelle D, comme la lettre de l’alphabet, se présente celui qui doit être un grand-oncle pour moi.
- Moi, c’est A et mon papa T, affirme Alice juchée dans les bras du Professeur.

Je me mords les joues pour ne pas rire, mais les larmes brouillent ma vue. La première fois que j’ai rencontré D, c’était à San Francisco, j’ai pensé pendant un moment qu’il se foutait de ma tête. Son prénom est lié à une disposition particulière des étoiles quand il est né. Je laisse le Professeur reprendre sa fille et les présentations. D est vêtu à moitié à l’américaine avec sa paire de jeans de marque et ses rangers et à l’indienne avec une tunique de lin écru brodé des motifs de sa lignée.

- Ezéquiel vous attend dans le hogan de cérémonie, nous apprend D. Je vérifie que vos tipis sont prêts et j’arrive.

J’ouvre le chemin entre deux baraques de bois.

- Ils font dormir les touristes sous des tipis comme on voit dans les films, mais l’habitat traditionnel est le hogan fait de bois et de terre. Je vous préviens : je n’ai jamais vu mon grand-père sourire. Ne vous vexez pas s’il vous semble faire la tête.

J’esquisse une grimace explicite de l’indien impassible. Le hogan de cérémonie fait environ dix mètres sur cinq, une forme oblongue où l’on rentre par un côté. La différence de luminosité nous aveugle. Il faut quelques secondes à nos yeux pour s'habituer à la pénombre. Ezéquiel nous attend assis tout au fond sur un tabouret bas, droit comme un I. Devant lui, des bancs courts et bas sont disposés en arc de cercle. Quand on s’assoit, les genoux se retrouvent plus hauts que les hanches. La seule façon d’être à l’aise est de se tenir le dos bien droit.

- Bonjour, Tunkasina (*). Tu connais déjà Ian. Voici mon ami, le professeur Tobias Rapier et sa fille Alice.
- Plumes grand-chef ! s’exclame Alice en montrant les deux plumes accrochées à l’une des tresses de la longue chevelure d’Ezéquiel et cela avant que son père n’ait le temps d’ouvrir la bouche.

À ma grande stupéfaction, le visage granitique de mon grand-père se fissure d’un sourire très chaleureux.

- Quand je serai grand, je serai Grand-Chef, affirme Ian en bombant le torse.
- Ça promet… marmonné-je.

Ezéquiel sourit de nouveau, les lèvres pincées dans un étirement que je qualifierais presque de tendre. Comme s’il voyait une prophétie prendre le chemin de la réalisation. Je ne vois pas ce qui pourrait conduire Ian à venir vivre dans la réserve et encore moins Alice. D entre dans le hogan à ce moment-là. Après les échanges de salutations, Ezéquiel nous annonce ce qu’ils ont prévu pour nous, un programme à détendre les plus nerveux des hommes, tandis que D nous offre une collation traditionnelle avec des petites galettes de millet et une infusion à base de plantes qui poussent dans les Rocheuses. Les enfants sont ravis de ce qu’on leur promet de réaliser : poney, tissage, poterie, peinture aux doigts, apprentissage de jeux traditionnels et tout un tas d’activités où Ezéquiel ne s’inquiète pas du jeune âge d’Alice. Je sais qu’il ne mettra pas la fille du Professeur dans l’embarra. Si Tobias ressort reposé de ce séjour, sa fille risque, par contre, d’être lessivée.

Ezéquiel se montre accueillant, content de la curiosité des enfants qui lui posent une pluie de questions qui commencent par où il a garé son cheval. Quand les curiosités sont étanchées comme la cruche de tisane, D nous ramène aux voitures pour que nous prenions nos bagages.

- Pas besoin du lit enfant, ma femme a installé un lit traditionnel confortable où Alice ne peut pas se blesser.

D aide le Professeur à porter le surplus de sacs imposé par la présence d’une jeune enfant. C’est amusant de le voir trimballer les doudous d’Alice. Après cinq minutes de marches, il nous installe dans deux tipis d’un petit camp qui en comporte quatre, disposés en rond autour d’un feu de camp cerné de banc en bois. La vue sur la vallée en contrebas est grandiose.

- Vous serez tranquilles, il n’y aura que vous et les autres camps sont assez éloignés pour que vous ne soyez pas importunés. C’est une place que nous réservons à la famille ou aux amis. Prenez le temps de vous installer. Il y a des toilettes sèches dans le cabanon là-bas et dans les tipis un seau d’aisance pour la nuit, si vous ne souhaitez pas sortir. Ma femme a mis un pot pour Alice. Il y a des bouteilles d’eau dans les glacières traditionnelles creusées dans le sol et recouvertes d’un couvercle de bois. Je reviens dans une petite heure. Nous avons du réseau, mais je vous invite à couper vos téléphones. La réserve fonctionne avec un réseau de talkie-walkie qui permet de joindre l’accueil en cas de problème ou si vous avez besoin de quelque chose.

D nous montre un poteau avec une sorte de boîte aux lettres clouée dessus, surmontée d’un panneau solaire.

- La prise est réservée au talkie, mais vous pouvez recharger vos portables. De jour uniquement, et c’est long.
- On a compris, D : pas de phone, on déconnecte.

Les enfants n’ont pas attendu son départ pour investir le tipi réservé pour le Professeur et sa fille. Ian tient la main d’Alice sur le sol inégal de terre battue. À leurs exclamations, on devine qu’ils sont contents.

- Et bien, installons-nous. Je crains que nos lits soient bas.

Nashoba = loup
Tunkasina = grand-père
Kwe'  = Bonjour


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMer 28 Déc 2022 - 14:32



Funeste ennui
Feat : Chad




Alice a vraisemblablement compris que pour s'attirer les bonnes grâces de la gente masculine, il suffisait en partie de lui remplir l'estomac. Tobias ignore de qui sa fille peut tenir ce savoir. La vie sentimentale de sa sœur est pire encore que ne l'est la sienne, ce qui ne laisse qu'une seule possibilité : Andy. La compagne d'Alessandro a eu du mal à se faire à la présence de la demoiselle dans leurs vies à tous, mais elle sait désormais s'occuper de cette enfant facile de caractère qu'est la petite blonde. Sans qu'il n'ait le temps de s'attarder dans la contemplation de ce spectacle touchant de ces deux enfants partageant un goûter sommaire, Tobias redresse la tête car déjà un homme se présente à eux pour les accueillir.

Le professeur récupère sa fille qui les présente tout deux d'une façon incongrue après que D leur ait apprit son prénom qui est des plus originaux.

Si Chad peine à dissimuler son amusement le professeur se contente de lever les yeux au ciel avant de les présenter, lui et sa fille, de la bonne manière cette fois.

-Bonjour. Ma fille Alice est une farceuse. Je m'appelle Tobias.

Il doit se faire violence pour ne pas lier son nom à son prénom, peu habitué à ces familiarités dont il est généralement peu friand. Mais il se doute que ce lieu est bien moins guindé que ne l'est l'université dans laquelle il officie depuis un an. Il n'est professeur que de huit heures à dix-huit heures, du lundi au vendredi tout en s'offrant le luxe d'une entracte le mercredi. Le reste du temps il redevient monsieur Rapier, réservant Tobias à son intimité et à ceux qu'il a autorisé à la pénétrer. L'éducation qui lui a été donnée par ses parents lui semble être la meilleure qui soit, mais son impartialité n'est sans doute pas au rendez-vous. Il a été baigné dans un monde où respect, politesse et bienveillance sont primordiaux, mais il a oublié certains de ces principes en évoluant dans un monde dangereux qui cause bien des malheurs à ceux qui choisissent de tendre l'autre joue.

Il suit Chad, Alice dans ses bras se plaisant à tout observer de ce lieu nouveau dont elle ne sait encore rien. Elle est jeune, tant que tout ce qui les entoure lui semble être sujet à l'émerveillement. Cette stimulation l'éveille, la pousse à développer une curiosité naturelle qu'a tout enfant. Un sourire tendre et paternel adoucit les traits pourtant fatigués de celui qui a jeté au rebus son âme d'enfant depuis bien longtemps lorsqu'il observe sa fille. Ses lèvres glissent dans les boucles blondes de la jeune fille, elle ronchonne pour la forme avant de serrer le cou de son père en se servant de ses deux petits bras.

-Ne vous vexez pas s’il vous semble faire la tête.

Tobias doute de pouvoir un jour se vexer du manque d'expression d'un de ses comptemporains. Chad offre à son ami une grimace, voulant parodier son grand-père et l'air blasé qu'est censé afficher ce dernier. Cette image met le sérieux de l'anglais à l'épreuve et il dissimule son amusement comme il le peut derrière un flegme qui se fait chaque jour plus imparfait. La présence d'Alice dans sa vie pousse l'ancien chasseur à chaque jour se dévoiler un eu plus, ne plus lutter contre ces émotions qu'il a longtemps jugées comme n'étant rien de plus que des nuisibles qui un jour le précipiteraient vers sa fin.

Il ne chasse plus et ne compte pas un jour renouer avec cette vilaine manie. Parfois il tue encore car nul homme n'est parfait et que rien ne sait égaler cette force qui roule dans ses veines lorsqu'il est sur le point de prendre la vie d'un autre. Un état qu'il peine à décrire, pareil à une étrange jouissance qu'il ne saurait amener à son paroxysme. Assassin bénévole auprès de la mafia, c'est là le statut qu'il prend généralement lorsqu'il met fin à une vie. Une cause dont il doute qu'elle soit vraiment noble et encore moins dédiée à l'humanitaire mais qui n'est à ses yeux pas plus mauvaise qu'une autre.

Le hogan est un bâtiment impressionnant, bien loin de cette image que se font les gens lambdas de la vie des natifs de ce vaste continent. Et l'homme qui les attend à l'intérieur l'est bien plus encore selon les dires de l'architecte. Tobias est brièvement aveuglé par cette presque pénombre qui les accueille bien avant que ne le fasse le grand-père de Chad. Au fond du bâtiment, un homme les attend, impassible et installé sur un tabouret bien trop bas pour répondre aux critères habituels de Tobias. Il prend toutefois place sur un banc tout aussi bas, pliant les genoux pour ne pas se casser le dos. Ce mobilier n'est décidément pas adapté aux hommes dépassant le classique mètre quatre-vingt.

L'anglais grimace tout en espérant que son inconfort saura demeurer imperceptible aux yeux de son hôte. Il n'a pas le temps de saluer l'homme que déjà Alice s'agite, pointant d'un doigt que son père juge impoli les deux plumes qui ornent la coiffure du grand-père de Chad. Il se saisit bien vite de cette petite main, lui faisant retrouver une gestuelle bien plus respectueuse sans rien louper de l'expression chaleureuse qui prend place sur le visage de cet homme que Chad lui avait pourtant décrit quelques minutes plus tôt comme étant impassible.

-Alice, on ne pointe pas du doigt. Bonjour monsieur, merci de bien vouloir nous accueillir.

Ian se montre aussi enjoué que ne l'est sa nouvelle amie et compère pour ce week-end dont Tobias doute à présent qu'il puisse être réellement reposant. Ces enfants sont visiblement prêts à prendre leurs valises pour s'installer de manière durable dans cet endroit. Face à eux, le grand-père de l'architecte ne dit rien, se contentant de sourire en admirant cette fougue juvénile qui habite ses visiteurs.

D les rejoint avec une collation qui serait certainement validée par le cardiologue de Tobias s'il en avait la connaissance. Ezéquiel détaille leur programme : Détendre les adultes et épuiser les enfants.  Il paraît confiant et ne montre pas d'inquiétude au sujet du jeune âge d'Alice. Tobias se détend, autant que le lui permet cette étrange position qu'il est obligé de maintenir sur ce banc si bas qu'il maltraite ses lombaires. L'homme se montre accueillant, autant que l'a été D lors de leur arrivée. Les enfants posent des questions, parfois incongrues, mais elles trouvent toutes une juste réponse.

Lorsque la cruche d'infusion est vidée de son contenu et que les deux garnements ne savent plus quoi dire arrive le moment de quitter ce bâtiment pour découvrir leurs logis pour la nuit. D aide Tobias à vider le coffre de sa berline, l'intimant à laisser le lit parapluie de la jeune Alice.

-J'espère pouvoir remercier votre épouse pour sa prévenance.

L'armada de doudous bariolés d'Alice trouve place dans les bras de D, Tobias se saisit du sac à langer puis des deux valises qu'il fait rouler derrière lui après avoir installé sa fille dans son dos avec l'écharpe de portage. La demoiselle réclame le droit de marcher et de tenir la main de Ian mais son père se fait sourd pour ne pas avoir à plier à ces protestations qu'il juge démesurées. Dans son dos sa fille bat la mesure de l'impatience avec ses pieds sans avoir la volonté de blesser son père. Impassible et surtout habitué à ce genre de traitement, Tobias marche sans se plaindre de son statut de mule qu'on aurait chargé à l'excès.

Le camp qu'ils rejoignent au bout de quelques minutes de marche est simple mais pas dénué de charme. Tobias qui ne loupe rien des dires de D pâlit en saisissant qu'il va devoir se passer de son cellulaire pour le week-end. Il n'est certes pas aussi accro à cet objet que les étudiants qu'il côtoie quotidiennement, mais il lui trouve bien des qualités. Si l'idée de délaisser son jeu de solitaire pour deux jours n'est pas dérangeante, il apprécie avec plus de difficultés le fait de se savoir difficilement joignable pour les prochaines heures.

-Nous devrions survivre sans nos téléphones.

Sa mère va devenir folle si elle tente de le joindre dans le vide. Elle le dorlote et ce même depuis l'autre bout du monde, comme s'il avait cinq et non quarante-cinq ans.

Alice libérée du giron de son père est en train d'occuper leur tipi pour la nuit avec son nouvel ami. Les enfants n'ont pas attendu le départ de D pour prendre la pleine possession des lieux. Les exclamations de joie qui leurs parviennent montrent que ces deux là s'entendent bien.

-Et bien, installons-nous. Je crains que nos lits soient bas.
-Mon dos pleure déjà. Je suis bon pour appeler l'ostéopathe lundi. J'ai su que j'arrivais dans la seconde partie de ma vie en ajoutant son numéro à mes favoris.

Le clin d'œil qu'il destine à son ami montre qu'il est amusé par cette situation qui au début le dépassait. Son corps enchaîne moins bien les supplices du quotidien qu'il ne le faisait auparavant, il vieillit tout simplement et ce même s'il fait en sorte de conserver une activité sportive régulière. Sa barbe se fait grisonnante mais heureusement ses cheveux n'ont pas encore la triste idée de l'imiter. Ni de tomber. Il arrive à cet âge on l'on voit arriver la vieillesse en espérant que la sagesse saura l'accompagner. Le tout en pensant à ses jeunes années avec nostalgie.

Il traîne ses valises derrière lui, entre dans le tipi pour y retrouver deux enfants qui ont eu la riche idée de grimper sur le lit pour en tester les talents de trampoline.

- Coucou Papa ! Regarde on saute !
-Je vois ça... J'aimerais que vous cessiez. Filez donc sauter dehors ou bien sur le lit de Chad.

Ian descend du lit, plus docile que sa jeune amie bien décidée à poursuivre son jeu sans songer un seul instant à obéir à son papa. Le louveteau observe le père de sa nouvelle amie, en retrait et déjà prêt à quitter le tipi de ce dernier.

-Ouste jeune fille !

C'est en grognant et après avoir dardé son père d'un sombre regard que celle qui est pourtant trop jeune pour se montrer insolente se décide à obéir. Tobias soupire, avant de sourire quand la voix de Chad demandant aux enfants de ne pas sauter sur son lit se fait entendre.

Un rire nerveux échappe à celui qui peine à se montrer autoritaire avec sa fille, il ouvre la valise et commence à la soulager d'une partie de son contenu. En quelques minutes sont rangées presque toutes leurs affaires. Quand Tobias sort du tipi, une cigarette coincée entre les lèvres,, il entend au loin un cri catastrophé. Celui du jeune Ian. Une expression vite rejointe par les pleurs d'Alice. Il lâche sa cigarette, la laissant échouer au sol avant de presser le pas pour rejoindre les enfants qui jouaient non loin de là.

Chad le suivant de près, ils ne tardent pas à retrouver les deux enfants. Alice dont les sanglots sont lourds et saccadés est assise sur le sol de terre battue, son legging en coton déchiré dévoilant un genou écorché. Ian prend peur en voyant le père de son amie surgir près d'eux, relâchant la main d'Alice qu'il tenait dans une des siennes.

-Papa... Mon genou a mal.
-Alice est tombée. Mais je ne l'ai pas poussé.
-Je sais que tu ne l'as pas poussé. Alice court et parfois tombe, c'est logique à son âge.

Les deux enfants sont en larmes. L'une à cause du choc et le second qui craignait visiblement de se faire gronder par l'imposant papa de son amie. Tobias attrape sa fille, la portant contre son torse avant de se relever. Les larmes presque taries de sa princesse trempent son pull mais il n'en a que faire. Il se dirige vers leur logis pour la nuit, invitant Ian à le suivre s'il le désire.

-J'ai du désinfectant qui ne pique pas et des pansements. Dans quelques minutes cette chute ne sera plus qu'un vilain souvenir. Veux-tu venir m'aider à soigner Alice ?




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Chad Wilder
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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMar 10 Jan 2023 - 20:32

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

- Mon dos pleure déjà. Je suis bon pour appeler l’ostéopathe lundi. J’ai su que j’arrivais dans la seconde partie de ma vie en ajoutant son numéro à mes favoris.

Je souris à l’autodérision du Professeur. Lui comme moi sommes habitués à un confort de standing et le week-end que je lui ai proposé va nous sortir de notre zone de confort. Mais l’idée que j’avais derrière la tête a besoin de cette rupture.

Ian s’est, à ma grande surprise, invité dans le hogan des Rapier. La spontanéité d’Alice a percé la réserve de mon filleul. J’ai à peine le temps de poser les valises quand j’entends la foire qui se passe à côté.

- Coucou Papa ! Regarde, on saute !
- Je vois ça... J’aimerais que vous cessiez. Filez donc sauter dehors ou bien sur le lit de Chad.

Je soupire, n’imaginant pas que le Professeur pouvait cacher une telle facette de sa personnalité foncièrement réfrigérante. J’ouvre la valise de Ian et commence à sortir ses vêtements. Avec Derek, nous avons prévu large, nous doutant des activités salissantes qui ne vont pas manquer. Je ne souhaite pas que Ian se freine avec l’excuse de ne pas se salir. Il a besoin de se laisser aller et sur ce point je suis satisfait de sa réaction à l’exubérance de la fille du Professeur.

- Mais descendez du lit ! Ian !

Je retiens in extremis la suite de ma réflexion, qu’il n’est pas obligé de copier le mauvais comportement d’Alice. La fillette pourrait s’en vexer, tout comme son père à portée d’oreilles. Si les murs de terre du hogan isolent des conditions climatiques extérieures, du froid comme de la chaleur, ils sont d’une très mauvaise isolation phonique. L’intérêt de dormir là étant justement d’être en prise directe avec la nature tout en étant à l’abri.

- Allez jouer dehors, mais ne vous éloignez pas.

Je joins le geste à la parole, balayant des mains dans l’air devant moi pour mieux les pousser dehors. La valise de Ian vidée, j’attaque la mienne. Je ne me suis pas encombré d’affaires et choisi au plus pratique. Je referme un tiroir quand je sens le parfum du tabac se glisser par la fenêtre ouverte. Je fronce le nez. Je n’ai jamais fumé, sinon en cachette l’année de mes dix-sept ans. La suite de ma vie m’a coupé quelque temps des travers de la vie étudiante, devenu garou fumer n’avait plus aucun attrait. J’imagine qu’il faut avoir été un grand fumeur avant la morsure, comme Amaro, pour conserver ce vice. Je ferme la fenêtre et ouvre son opposée en espérant que le vent changera de sens. Des cris enfantins me précipitent dehors.

En suivant le professeur, je prends soin d’écraser la cigarette qu’il abandonne au sol sans autre forme de procès, son attention viscéralement occultée par sa progéniture en détresse. La région est caractérisée par une végétation aride, facilement inflammable. Et même si les Kawaiisu ont pris soin de cerner les logements des touristes par un sol de terre battue, le feu et son allié diabolique qu’est le vent ont vite fait de créer un enfer en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

- Papa... Mon genou a mal.
- Alice est tombée. Mais je ne l’ai pas poussée, s’excuse Ian, la peur au ventre et des larmes plein les yeux.

Il a vite cerné le Professeur, senti le prédateur qui se dégage par tous les pores de sa peau. Comme Alice gagne l’aide de son papa, je prends Ian dans mes bras sans me pencher vers la petite : rassurer le louveteau, faire taire ses craintes rapidement, sinon il va se refermer comme une huître le reste du séjour. Fort heureusement, le Professeur se rend compte de son malaise et de sa crainte.

- Je sais que tu ne l’as pas poussé. Alice court et parfois tombe, c’est logique à son âge. J’ai du désinfectant qui ne pique pas et des pansements. Dans quelques minutes cette chute ne sera plus qu’un vilain souvenir. Veux-tu venir m’aider à soigner Alice ?

J’apprécie la bienveillance du Professeur et sa question ouverte. Ian, encore inquiet, me regarde. Il attend mon approbation. Je lui renvoie un sourire consolant accompagné d’un clin d’œil pour dédramatiser l’incident. Il tenait la main d’Alice quand nous sommes arrivés. Je devine que ce geste n’était pas seulement une assistance à celle qui deviendra peut-être une amie. Je crois qu’il a essayé de la soulager de sa douleur. Il a déjà vu faire Derek ou moi quand on voulait accélérer la guérison de ses propres blessures. Mais Ian est encore trop jeune pour maîtriser ce don inné chez lui. Je le repose au sol où il s’empresse de rattraper le Professeur. Je reste à l’écart, mais visible depuis l’intérieur du hogan du Professeur. On oublie toujours que Ian est bien plus jeune que son âge apparent.

Pendant que le genou d’Alice se pare d’un pansement décoré avec deux hommes à ses pieds, je profite pour respirer à pleins poumons non sans avoir ramassé le mégot pour le jeter dans la poubelle métallique dotée d’un mécanisme d’ouverture anti ours. L’air est pur et vif, le ciel d’un bleu limpide. Notre campement amélioré est pour l’instant encore à l’ombre des hauts sommets des Rocheuses qui barrent l’horizon à l’Est. Côté Ouest, on devine le Pacifique qui se confond avec le ciel au loin à une centaine de kilomètres. La vue en hauteur est imprenable : d’un côté, la plaine, déjà noyée sous une brume de chaleur et de l’autre la montagne, belle et brute. Un cri rauque me fait lever les yeux : deux magnifiques aigles tournent en cercles nonchalants. De ce que je sais des capacités des Kawaiisu, le survol des oiseaux dans cette région me rend mal à l’aise. Je sais que la capacité de transférer pour un temps donné son esprit dans celui d’un oiseau n’est à la portée que de quelques braves de la réserve et que les oiseaux qui observent loin au-dessus de ma tête ne sont pas forcément des surveillants. Néanmoins, le doute demeure. Je souris, au cas où.

Le babillage dans mon dos me ramène sur la terre ferme. Je contemple la nature autour, exempte de bruit, sinon celui des animaux et du vent dans l’herbe sèche. J’ai l’impression que mon cœur se cale au rythme lent du bruissement des feuilles.

D surgit entre deux arbustes. Je ne l’ai pas entendu approcher alors que je me montre attentif à la nature depuis un long moment. Il devine ma surprise et ma contrariété sur mon visage. Il se fend d’un sourire sarcastique. Il n’est « qu’un homme » et pourtant je sais que pour lui nous sommes très bruyants même quand on ne parle pas. D nous invite à nous asseoir sur les troncs autour du feu de camp qu’on ne manquera pas d’allumer ce soir pour nous expliquer le déroulé de la journée. Il distille des précisions que pour les activités de la matinée.

- Ce matin est consacré à l’artisanat des Kawaiisu. Cela vous permettra de rencontrer les membres de la tribu et de vous familiariser avec les lieux. On vous évite les Wicasa(*) obèses avec des ateliers où vous ne serez que tous les quatre. Itancan(*) souhaite que son petit-fils n’aborde pas les coutumes de sa famille maternelle comme un vulgaire touriste.

Je ne sais pas comment prendre cette répartie et me contente d’un sourire crispé. Je suis venu ici pour me détendre. Certes, je suis curieux d’en apprendre plus sur cet héritage improbable de gènes kawaiisu.

- Au programme : on va vous initier aux techniques de poterie pour créer tous ce qu’on a besoin pour cuisiner. Ça peut toujours servir, si un jour le monde s’effondre, commente D en riant.
- Le monde a fabriqué suffisamment d’assiette et de casserole pour au moins les cinq cents prochaines années ! rétorqué-je.
- C’est pas faux.
- Ensuite, tissage de tapis servant de selle de cheval. Comment on confectionne le fil en laine de chèvre des montagnes, comment on les teint et la signification des motifs géométriques. Des questions ?

Aucune : nous nous aventurons dans l’inconnu tous autant que nous sommes. Je ne doute pas que le Professeur tait son a priori sur l’intérêt pour lui d’apprendre une activité aussi salissante que la poterie. Personnellement, je reste curieux des techniques employées, mais je reste un concepteur dans l’âme, pas un exécutant. D prend Ian sur ses épaules, Alice quémande le même traitement à son père. Je me sens petit entre ces deux géants, ce malgré mon mètre quatre-vingt-trois.

(…)

Effectivement, D ne nous amène pas dans « le village », mais à un entrepôt tout ce qu’il y a de plus conventionnel aux USA : tôle et charpente métallique. À l’intérieur c’est une ruche active. De l’artisanat à la chaîne ou presque.

- Les ateliers d’herboristerie et de miel se font dans le bâtiment d’à côté aux normes d’hygiène en vigueur.

Si les employés, loin d’être tous typés comme D ou Ezéquiel, travaillent activement, il n’en règne pas moins une bonne ambiance. Cela s’invective d’un bout à l’autre de l’atelier, qui sur son métier à tisser, qui sur son tour de potier. D nous laisse entre les mains d’une certaine Ama, une quadra bien en chair comme beaucoup d’Amérindiens affectés d’obésité, leurs gènes issus de longues privations ne s’étant pas adapté à l’abondance de nourriture du monde actuel.

Ama se montre accueillante, elle se met les enfants dans la poche en deux temps trois mouvements. Sa graisse superflue ne rend pas moins son esprit affûté. Elle flirte à la limite des familiarités dont le Professeur peut s’accommoder. Elle nous équipe de grands tabliers de lin raides de terre séchée et commence la visite.

Ama nous emmène au-dehors, près de grands et solides bacs en plastique bleu où trempent des blocs d’argile.

- Les Rocheuses sont composées de roches qui viennent des profondeurs des volcans et d’autres des fonds de la mer, attaque-t-elle dans un langage adapté aux enfants.
- Avant, il y avait ici un volcan et la mer ? questionne Ian.
- Pas en même temps, mais oui. D’abord la mer, puis les volcans ont tout soulevé pour faire les grandes montagnes qu’on voit là.
- C’est extrait des Rocheuses, demandé-je étonné, car une grande partie se trouve dans un parc national protégé.
- Non. Si tous les éléments qui composent la terre de nos poteries comme l’argile, le feldspath et le kaolin sont bien présents dans la région, les Kawaiisu n’ont pas l’autorisation du gouvernement d’exploiter les sous-sols. Les matières premières viennent essentiellement de Chine, mais chut ! commente Ama le doigt sur la bouche.
- Chut ! répète Alice en l’imitant.
- Brave petite !

Ama nous montre d’autres containers avec des dites matières brutes, la « vraie » terre des Rocheuses d’import. Elle explique rapidement, pour ne pas barber les plus jeunes, les différents mélanges et leur usage final, puis nous retournons dans le hangar. Elle nous installe, Tobias et moi, sur des tours manuels où il faut jouer des jambes. Sur une table, installée spécialement pour Alice et Ian, deux tours électriques conçus pour des petites pièces et adaptés à la taille des bras des enfants. Ama balance avec force une boule de terre sur chacun des tours, puis prends place devant l’un des tours électriques, avec Alice debout sur ses genoux. Après quelques explications, elle nous invite à commencer, tandis qu’elle guide les mains d’Alice.

J’agite les pieds sur le disque sous le tour, il faut un moment avant que cela prenne assez d’élan pour que cela ne soit pas trop pénible. Bien évidemment, ma boule d’argile n’est pas centrée, trois minutes plus tard elle m’échappe des mains et roule sur le sol. Ce qui fait bien rire Alice et Ian. Je regarde le professeur qui, pour l’instant, s’en sort mieux que moi.

- C’est parti pour de véritables chefs-d’œuvre !

Je me réinstalle, persiste et au bout d’un moment je prends plaisir à caresser la terre qui tourne entre mes mains. J’ai oublié Ian, Alice ou le Professeur. Je ne cherche pas à créer une forme particulière, je m’amuse à changer la forme de l’agile, créer des stries avec mes ongles que je lisse ensuite avec mes paumes. La terre est devenue chaude à force d’être ainsi malaxée, j’ai l’impression de toucher de la peau, c’est doux et malléable.

- Chad ?

Je trouve cette activité reposante. Maintenir la boule de terre au centre du tour demande une concentration qui évacue les tracas.

- CHAD ?
- Pardon ?

Je relève la tête, arrête de bouger des pieds et regarde ce qu’on fait les autres. En partant de la même masse de terre, nous avons tous réalisé quelque chose de différent. Alice est barbouillée jusqu’aux épaules, mais le vase qu’elle a réalisé avec l’aide d’Ama est superbe. Ian a créé une coupe de fruits semblable à celle qu’il a chez lui. De mon côté, l’architecte est ressorti avec une recherche de hauteur. Ma tour commence à s’effondrer : les parois sont trop minces pour le poids de l’ensemble. Quant à Tobias…

Lexique (*):

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Tobias Rapier

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 19 Jan 2023 - 14:57



Funeste ennui
Feat : Chad




Ian hésite durant un bref instant, cherchant l'assentiment de son parrain même s'il peine à cacher son envie d'aller aider sa jeune et nouvelle amie. Ce  moment ne dure évidemment pas et dès que les pieds du louveteau retrouvent la terre ferme, ce dernier ne tarde pas avant de rejoindre Alice et son père dans ce qui va être leur domicile pour le week-end. Tobias sort d'une sobre trousse de toilette noire un flacon de désinfectant en spray et une boite déjà bien entamée de pansements décorés sur le thème d'un des dessins animés préférés de sa fille. Alice tient en main la boîte pendant que son père s'agenouille pour se mettre à son niveau. Il confie à Ian la tâche de vaporiser le désinfectant, puis tapote le genou écorché avec un coton. Sur les joues d'Alice coulent encore quelques larmes qui ne devraient pas tarder avant de disparaître. Elle tend à Ian la boîte de sparadraps ornés de petits cochons rose et gras, l'enfant en sort un avant de le tendre à Tobias.

Après avoir soigné sa fille, puis changé le legging sale et abimé par un autre bien plus propre, Tobias laisse son regard noir qu'il veut bienveillant glisser vers ce petit bonhomme qu'il semble impressionner sans que cela ne soit son souhait.

-Tu sais Ian, ce n'est pas la première fois qu'Alice chute. Et ce ne sera pas la dernière. Je n'ai pas, à un seul moment, pensé que cela aurait pu être de ta faute.

Cette distance que met l'enfant entre eux l'attriste, mais il sait qu'il n'est pas une de ces personnes dont on pourrait juger qu'elle est sympathique lorsqu'on la rencontre pour la première fois. Ou encore celles qui suivent. Il est un tueur, un homme dur qui ne manie que difficilement les convenances. Certes il cache comme nombre de ses congénères une part de douceur, mais il faut pour en avoir la connaissance creuser pour voir au delà d'une carapace dure comme la glace et des apparences. Il sourit, attrapant sa fille qui cette fois ne pleure plus pour l'aider à descendre du lit.

-Je ne souhaite pas te faire peur. Mais je comprends que tu puisses te sentir mal à l'aise auprès de moi. Si je suis ici c'est parce que Chad est mon ami. Je ne pense pas qu'il ait de méchants amis.
-Chad est gentil.
-En effet. Et je veille à ce que personne de méchant ne puisse s'en approcher.

Il gratifie le petit garçon d'un clin d'œil. Scellant là une promesse, celle de faire en sorte que jamais cet enfant à qui on a déjà beaucoup prit n'ait à subir une perte de plus. Tobias connaissait le père du jeune loup, le fréquentait en usant d'une retenue qu'il jugeait être de circonstance lorsqu'elle doit régir la relation de deux collègues. Robert lui a dit que Monsieur Hale n'enseignait plus au lycée. C'est là tout ce qu'a suivi Tobias des ragots que son ancien collègue était venu lui transmettre. Il craint que le départ de son ancien collègue ne soit pas naturel et sans doute définitif.

Lorsqu'ils sortent du hogan, D est là et les attend accompagné de Chad. Il les invite à prendre place autour du feu de camp qu'ils allumeront certainement lorsque la journée touchera à sa fin. Tobias ne saisit pas tout des expressions dont use celui qui aujourd'hui leur sert de guide, mais il ne s'en formalise pas. Tout en faisant de son mieux pour garder sa fille près de lui alors que cette dernière souhaite vagabonder un peu plus loin il écoute religieusement tout ce que leur explique D.

Si Tobias est heureux, sans toutefois jamais laisser sa joie écorcher son flegme habituel, de savoir qu'il n'est pas considéré ce week-end comme un simple touriste, il conserve le silence.  D semble être un homme qui sait se réjouir de peu de choses et dont le sens de l'humour est certain. Quand il mentionne un possible effondrement de leur civilisation, Tobias se demande durant un bref instant ce qu'il ferait si un pareil évènement venait troubler la tranquillité de son existence. Hormis quelques survivalistes, nul n'est préparé à voir son quotidien subir un tel bouleversement. Tobias est de ceux qui n'ont besoin que de peu de choses pour être heureux et rester en vie, mais sa fille, douce princesse de porcelaine change cette donne. Il y a encore deux ans, en pleine apocalypse il aurait prit la route et les armes pour vivre seul. Un projet devenu incompatible avec sa fraîche paternité.

Quoi qu'il en soit poterie et tissage ne sont pas des activités vers lesquelles le britannique se tournerait naturellement. Et il doute fortement que son avis sur le sujet ne soit modifié à la fin de la journée. Mais tout cela devrait plaire à Alice qui a cet âge auquel on apprécie d'avoir la possibilité de faire toutes sortes de découvertes. D se lève, prenant Ian sur ses épaules ce qui donne à Alice l'envie d'imiter le jeune loup. Tobias ne tarde pas avant de porter sa fille de cette façon.

[...]

L'entrepôt dans lequel D les a emmené est en effet vide de touristes, mais ce lieu ne manque pourtant pas de vie. Un bon nombre de personnes s'y activent, dans une harmonie qui semble certaine. On est là bien loin de l'ambiance qui sévit dans l'université où le professeur fait chaque jour ou presque son office. D les confie aux bons soins d'une prénommée Ama dont la taille du sourire rivalise avec grâce à celle de ses hanches.

La femme est accueillante et ne met que peu de temps à se mettre les enfants en poche, Tobias pourtant plus méfiant que ne le sont ces jeunes gens sait lui aussi rapidement apprécier le tempérament de cette femme. Elle semble simple de nature, comme doivent sans doute l'être tout les gens qui vivent en ce lieu. Et sait manier les mots ainsi que ses gestes de manière à ce que le britannique puisse la trouver sympathique, mais pas intrusive. Une qualité rare. Ama leur distribue de grands tabliers raidis par la terre, puis commence la visite des lieux sans jamais oublier de décrire ce qu'elle leur montre.  

Alice suit le mouvement, s'amusant de toutes ces nouveautés qui s'offrent à son regard d'enfant facilement impressionnable. D'un tempérament curieux la petite fille tente de suivre les dires de celle qui les a guidés vers l'extérieur pour leur montrer de grands bacs en plastique bleu dans lesquels baignent des blocs de glaise.

Tobias écoute sans rien louper du discours d'Ama ou encore des réponses qu'elle donne aux questions qui lui sont posées. D'un naturel taiseux l'anglais se contente de suivre la discussion qui anime ceux qui l'accompagne sans jamais en perdre le fil. Un éclat amusé traverse son visage quand sa fille imite Ama. La visite poursuit son court et bien vite, trop peut être au goût de celui qui n'est pas pressé à l'idée de plonger les mains dans la terre, cède sa place à la pratique. Ils reviennent dans le hangar pour rejoindre une organisation pensée pour leur arrivée.

S'annonce alors le début des ennuis et des difficultés. Ama leur fait prendre place à lui et Chad devant des tours manuels qui demandent de la coordination. Les enfants ont quant à eux le droit à des modèles électriques, plus adaptés à leur jeune âge et la taille de leurs mains et bras. Ama lance et centre en usant d'une gestuelle rendue sûre par la pratique une boule de terre sur chacun des tours. Et enfin prend place devant le tour destiné à Alice après avoir fait grimper la jeune fille sur ses genoux.

Quelques dernières recommandations se font entendre et Tobias doit se mordre la langue pour ne pas souhaiter un ironique "Bonne chance" à ses compagnons de déroute.

Il lui faut quelques vaines tentatives de maniement de jambes pour saisir comment faire tourner le disque situé sous son tour avec assez d'élan pour que cela soit efficace. La boule de terre, sans doute pas assez centrée tente de partir à la dérive avant d'être rattrapée par une des mains de celui qui ne tolère que très peu l'échec. Chad n'a pas cette chance. Sa boule se fait la malle et il doit se déplacer pour la cueillir au sol là où elle a échoué. Les enfants rient, Ama sourit. Les lèvres de Tobias se crispent en un rictus douloureux tandis qu'il fixe sa propre boule de glaise comme si celle-ci était un ennemi. Ce qui n'est en aucun cas la méthode indiquée par Ama.

-C’est parti pour de véritables chefs-d’œuvre !
-J'ai eu un tour électrique pour enfant quand j'avais 8 ou 9 ans. Le seul objet que j'ai réussi à faire était un bol troué dont je suis prêt à parier que ma mère l'a conservé.

Le reste de la terre avait terminé dans les cheveux de Leo pour une obscure raison que Tobias a choisit d'oublier. Il se souvient des cris de sa sœur, les pages de lignes qu'il avait dû copier, mais plus de l'affront premier qui l'avait poussé à agir de cette manière. Il tait ses coups d'éclat juvéniles pour mieux se concentrer. La terre qu'il avait à tord jugé poisseuse au début de l'exercice se révèle être plus maniable qu'il ne l'aurait craint au premier abord. Ses mains qu'il sait agiles ne lui font pas défaut et après avoir fait monter et descendre la glaise à plusieurs reprises, il parvient à lui donner une forme qui sait à le satisfaire. C'est à ce moment que son perfectionnisme prend le dessus, le poussant à affiner encore et encore, les bords de ce qu'il est en train de modeler. Quand l'équilibre qu'il a atteint le satisfait et qu'il craint de briser son ouvrage par un excès de zèle, il cesse de faire tourner le disque puis observe ce qui se passe autour de lui.

Devant lui s'affiche la mine réjouie de sa fille, couverte de terre et cachée derrière un superbe vase qu'elle a su construire avec l'aide précieuse d'Ama. Ian termine sa propre création, une coupe certes imparfaite mais impressionnante quand on sait que c'est la première fois que l'enfant se prête à cet exercice. Chad semble quant à lui s'être perdu dans un monde dont lui seul à la connaissance. Doucement, craignant que l'édifice phallique modelé par son ami ne s'échoue, Tobias appelle.

-Chad ?

Pas de réponse. C'est Ian qui prend le relais de cet appel.

-CHAD ?
-Pardon ?

Tobias sourit, observant ce qui devient doucement Pise sur le tour de son voisin. Ama exprime son ressenti en apercevant l'œuvre du professeur sans jamais juger celle de Chad qui vient de s'écrouler dans un son mat.

-Un unique bol troué ? Je ne vous crois pas Tobias.
-Mes mains sont agiles. Un trou fera peut-être son apparition au moment de le retirer du tour.

Il sent couler sur sa personne un regard lourd de sens. Avant que cela ne puisse devenir gênant, Tobias choisit de préciser.

-Je joue du piano depuis que je suis enfant. C'est un instrument qui ne pardonne pas la maladresse.
-Oh !
-Vous savez faire de la musique ?
-Papa aime son piano !
-Alice est mon unique public. Je doute parfois de son impartialité.

Alessandro l'a entendu jouer, une fois ou deux il ne sait plus. Jasmine quémande parfois lorsqu'elle vient les visiter et quand il est de bonne humeur, Tobias s'exécute. Ce loisir, passion qu'il chérit est une chose qu'il juge intime. Comme si son esprit savait s'apaiser durant ces instants où ses doigts s'agitent pour faire naître dans leur sillage une mélodie harmonieuse. Une idée dont il doute qu'elle soit judicieuse lui traverse l'esprit. Sans doute pourrait-il un jour inviter Chad à venir chez eux, avec ce petit garçon qui tente de déjouer sa timidité pour se lier avec son prochain. Montrer à cet enfant quelques touches, coller des gommettes bariolées sur chaque note pour lui apprendre un bref morceau sans l'ennuyer au préalable avec le solfège. Il garde cette pensée de côté, la rangeant dans un coin de son esprit pour peut-être se permettre de l'exprimer à la fin de ce week-end.

[...]

Ils ont rendu à Ama ses tabliers, l'ont salué après qu'elle leur ait fait promettre de revenir la voir plus tard dans le week-end pour décorer leurs poteries. Les enfants ravis peinent à cacher l'empressement qui est le leur à l'idée de découvrir une nouvelle activité que Tobias s'efforce de ne pas juger avant d'avoir eu l'occasion de s'y prêter. Il doit avouer que son premier jugement au sujet de la poterie était faussé et même s'il doute de trouver beaucoup de charme au tissage et aux méthodes utilisées pour teindre la laine des chèvres, il tait son avis sur le sujet pour ne pas parasiter la bonne ambiance qui règne en ce lieu. Alice tenant fermement une des mains de Ian passe près de lui, semblant avoir tout oublié de la présence de son papa auprès d'elle tant ces nouveautés la mettent en joie.

Tout en attendant l'arrivée de leur prochain professeur, Tobias parle avec Chad en donnant son avis sur ce début de journée.

-Même si mes soucis d'insomnies devaient survivre à ce week-end, je dois avouer apprécier cet endroit et les gens qu'on y rencontre. Cela me sort de ma routine. Et les enfants semblent ravis.

Il n'existe pas d'homme plus sot que celui qui pense tout savoir. La vie a apprit cette certitude à Tobias de la plus brutale des manières et même s'il peine parfois à demeurer l'esprit ouvert, il a choisit aujourd'hui d'abandonner ses maigres aprioris chez lui. Ici tout est nouveau pour lui, un homme qui n'est finalement rien de plus qu'un enfant de la campagne anglaise.



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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyLun 6 Fév 2023 - 22:07

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Ma surprise est non feinte quand j’observe la réalisation du professeur.

- Un unique bol troué ? Je ne vous crois pas Tobias.
- Mes mains sont agiles. Un trou fera peut-être son apparition au moment de le retirer du tour.

Je souris doucement aux explications qui suivent. J’imagine bien que l’imposant piano de son salon n’est pas là pour décorer. Pas le genre du personnage. Mais de l’habileté à jouer une mélodie à celle pour pétrir la terre, le pas est grand et salissant. C’est ce dernier point que j’aurais imaginé rebuter l’Anglais. Toutefois, pour m’être pris aussi à l’exercice, à cette sensation charnelle à modeler la glaise, j’en déduis que le but caché derrière mon invitation se réalise. Cela prouve aussi la confiance que me porte le Professeur, un crédit qu’il étend à la tribu des Kawaiisu. Je souris franchement à la façon dont Alice trahit l’amour attentionné de son papa pour son piano. J’avais eu droit à des leçons. Ma sœur avait montré plus de dextérité que moi à cette discipline. Ma nature de doux rêveur ne fait pas bon ménage avec l’implacabilité du solfège J’aime écouter, pas jouer.

(…)

Ian et Alice sont conquis. Ma pupille a pris de l’assurance et de l’enthousiasme. Je prends quelques photos à la dérobée avec mon téléphone pour les souvenirs, pour rassurer Derek aussi. Je ne sais pas ce que nous réserve le prochain atelier, mais je crois comprendre quelque chose. Lors de l’atelier poterie, le but d’Ama n’était pas tant de nous aider à réaliser un objet, mais de nous plonger les mains dans la glaise. La terre avait un peu la texture de la chair. Le temps d’un moment, nous sommes devenus des Prométhée créateurs. Le tissage cachera-t-il une dimension philosophique ?

- Même si mes soucis d'insomnies devaient survivre à ce week-end, je dois avouer apprécier cet endroit et les gens qu'on y rencontre. Cela me sort de ma routine. Et les enfants semblent ravis.
- Vous m’en voyez ravi. Ian a aussi des soucis de sommeil et subit une forme de dépression depuis qu’il est devenu orphelin.

Peter n’est pas officiellement mort, il est porté disparu. Lui et Ruby avaient pris leurs dispositions dans un cas pareil pour que Derek devienne légalement son tuteur. Le Professeur doit se douter que le départ de son collègue est en lien avec le surnaturel, mais cette histoire ne m’appartient pas. Je ne peux donc pas en parler, même si je viens de lâcher une information évidente avec le mot orphelin.

- Les Kawaiisu ne regardent pas les gens comme nous. Ils n’établiront aucun jugement devant la qualité et donc le prix de votre garde-robe. Ils jugent les hommes à leurs silences, pas à leurs paroles.

C’est un homme d’environs mon âge qui prend la suite et nous invite à le suivre. Les cheveux longs portés sans attache, notre guide se présente avec un grand sourire.

- Je m’appelle Jerry, c’est le diminutif de Jéricho.
- Il est où ton cheval ? demande Alice avec aplomb.

Ian scrute le nouveau, intéressé par la réponse. Jerry esquisse un clin d’œil aux enfants, lève le doigt dans une autre direction que celle où il nous mène.

- Il a pas de cheval, murmure Ian à l’oreille d’Alice.

Un murmure qui n’en a que le nom, son analyse méfiante est parfaitement audible de tous.

- Je vous le montre ! propose Jerry qui joint le geste à la parole en attrapant Alice sous les aisselles pour la caler contre lui.

Il s’arrête une cinquantaine de mètres plus loin, près d’un paddock désert.

- Y a pas de dada !
- Attends, je l’appelle.

Jerry place son pouce et son index dans sa bouche et siffle très fort. Il renouvelle l’appel une deuxième fois. Un mustang blanc et marron sort de l’écurie dans un joyeux hennissement. La monture me semble petite pour Jerry. Vent-bleu, nom de l’animal, me semble plus tenir du cheval le plus apprivoisé du cheptel que la monture attitrée de Jerry.

Les enfants sont ravis. Jerry a du mal à ramener leur attention sur le prochain atelier. Un nouveau hangar, tout en bois cette fois-ci, et d’allure ancienne nous accueille. Je fronce le nez, l’odeur de poil et de musc est très forte.

- On ne sent plus rien au bout d’un quart d’heure.

Jerry nous explique l’histoire du tissage dans les tribus autochtones et nous amène vers une table, une planche sur deux tréteaux. Dessus, des bols avec des mixtures colorées avec à côté la plante, ou la terre responsable de cette coloration. Les teintes sont vives et pimpantes. Derrière la table, accrochés à des cintres diverses réalisations allant du poncho à la robe de mariée qui offre un mélange de peau tannée, de laine tissée agrémentée de coquillages.

- Les motifs géométriques et leur couleur ont une signification. C’est comme pour les tartans écossais, on reconnaît les lignées, les familles grâce aux motifs. Les couleurs représentent l’état social de la personne qui les porte. On distingue ainsi les gens mariés des célibataires, ceux qui sont parents, et ainsi de suite.

- Moi, je vais me marier avec Ian !
- Voilà une jeune fille qui sait ce qu’elle veut !

Ian reste stoïque, fier ou apeuré ? Difficile de savoir. J’ai du mal à ne pas rire aux sorties épiques de la petite fille. Je crains que le professeur souffre quand elle atteindra l’adolescence. Jerry nous propose de confectionner un petit tapis. Il nous demande à quoi il pourrait servir. Alice mentionne sa chambre. Je dis que ça pourrait plaire à mon nouveau compagnon le chaton. Ian imite Alice en évoquant un tapis pour mettre à côté de son lit alors qu’il en a déjà un hypoallergénique. Jerry nous explique le motif que nous allons suivre, chacun un différent, et les couleurs que nous allons utiliser.

Il nous installe devant des métiers à tisser, où un côté est tenu sur un tambour qui s’enroule sur lui-même au fur et à mesure que le tissage s’allonge. La trame est déjà posée. Jerry nous montre les différents peignes. Ce sont de larges bâtons de section plus ou moins triangulaire striés de profondes rainures. Suivant comment on présente le peigne sur le métier à tisser, il soulève certains fils et pas d’autres, permettant la création du motif. Il ne faut juste pas se tromper dans la séquence. Prévus pour des néophytes comme nous, les différentes faces du peigne sont peintes avec la couleur de la laine qu’on doit faire passer entre la trame grâce aux navettes. Ils savaient déjà les motifs qu'ils allaient nous faire tisser. Je sens que cela va être moins intuitif que la poterie. Jerry nous place devant nous une sorte de partition à suivre : les séquences du tissage. Une jeune femme vient aider Ian, tandis qu’Alice monopolise Jerry avec un bon millier de questions. Je lance un regard d’encouragement au professeur avant de suivre les gestes indiqués.

(…)

Le début est entaché d’erreurs, puis au bout de cinq centimètres de tapis tissé, les vagues triangulaires apparaissent enfin. L’objet ne sera pas large, une cinquantaine de centimètres, mais déjà je sens l’effort dans mes épaules.

- Redressez-vous, Chad, sinon vous allez avoir mal au dos, me conseille Jerry qui guide Alice.

Là, c’est l’effet hypnotique du geste répété à l’infini qui agit. Le bruit de la navette et du peigne qui tasse les fils au fur et à mesure. Je crains que cela ne résiste pas longtemps aux griffes de chaton. La sensation est différente de la glaise. La laine est rêche, elle râpe les doigts. Les gestes répétés, l’attention à donner sur le canevas à suivre empêchent l’esprit de se balader. Je ne pense qu’à une chose, incliner le peigne, passer la navette de la bonne couleur, tasser les fils, recommencer.

La poterie invite à l’évasion et aux pensées voyageuses, à l’inverse le tissage monopolise toute l’attention ne laissant plus de place à des pensées parasites. On nous offre une collation quand nous en sommes à la moitié de notre ouvrage. Une pause bienvenue, mes doigts s’ankylosent.

- Je ne pensais pas réussir une trame aussi régulière, dis-je en regardant mon ouvrage.

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Tobias Rapier

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyLun 20 Mar 2023 - 13:10



Funeste ennui
Feat : Chad


Tobias n'a jamais ressentit l'envie de s'intéresser de manière approfondie à la vie de celui qui fut son collègue. Sans manquer de politesse, il s'est contenté d'échanger avec le père du jeune Ian quelques rares mots courtois lorsqu'ils partageaient la même salle de professeurs. Un lieu qui ne dénote pas avec le reste d'un lycée tant il peut donner naissance à de nombreux ragots. Attaché à sa discrétion et la protection de son intimité, Tobias avait donc jugé qu'il en était de même pour son collègue. Leur relation impersonnelle et non invasive a donc toujours su convenir au britannique. Il lui a semblé, peut-être à tord mais cela le surprendrait, que monsieur Hale partageait son point de vue sur la question.

Il ne connaît pas les causes de la disparition de son homologue. Sa curiosité est assez bien placée pour ne pas le pousser à vouloir en savoir plus sur ce sujet. Il se contente donc de pincer les lèvres quand en lui parlant en usant du ton de la confidence Chad lui confirme le statut d'orphelin de son filleul. Un enfant bien trop jeune au regard de Tobias pour avoir à subir de telles pertes, mais sa propre expérience lui a démontré qu'on n'était jamais assez vieux pour parvenir à accepter la disparition de ses proches.

Attaché à son silence et à la contemplation de ces deux enfants qui marchent devant eux en se tenant la main, le professeur est heureux de constater que dans ce lieu on ne saura pas se faire juge de ce qui en temps ordinaire peut ressembler à un manque d'éducation de sa part. L'enfant timide qu'il était est devenu un adulte qui préfère offrir à ses congénères un masque de glace pour être certain de refouler tout ceux qui pourraient avoir la sotte idée de venir pénétrer son intimité. Une technique qui ne suffit pas toujours à repousser ces gens auxquels il pourrait s'attacher, mais qui la plupart du temps sait porter ses fruits. Rares sont ceux qui ont su s'accrocher suffisamment pour parvenir à devenir ses amis. Des personnes à qui il fait confiance et dont il ne doute pas un seul instant qu'ils sauront lui rester loyaux. Les fraîches divergences d'opinion dont sa relation avec Alessandro a pu faire les frais durant leur bref séjour en Louisiane n'ont rien de dramatiques.

Les gens qui ne se disputent pas finissent par voir leurs relations être rongées par des non-dits.

Un homme dont l'âge doit être proche de celui de Chad vient à leur rencontre. Tobias se présente tandis que Jerry doit répondre à une question qui ne semble pas être dénuée d'importance aux yeux des enfants. La scénette qui suit est amusante. Les enfants émettent bien vite des doutes au sujet de la monture de Jerry qui brille par son absence. Le jeune homme se saisit d'Alice, sifflant un appel lorsqu'ils approchent d'un paddock qui semble vide.

La première tentative se révèle vaine, la seconde suffit à faire venir un animal dont Tobias ignore s'il est docile ou s'il appartient bien à leur nouveau guide. Cette apparition rassure les enfants et parvient à leur faire retrouver leur calme sans mal. Ils arrivent dans un nouvel hangar, fait de bois cette fois. L'odeur est prenante, Tobias fronce ce nez qu'il n'a pas petit alors que déjà leur guide leur apprend qu'ils ne mettront que peu de temps à s'y accommoder. Le suite des évènements ne parvient pas à passionner le professeur. Certes la première de leurs activités dans ce lieu ne fut pas aussi ennuyeuse qu'il ne l'aurait craint, mais il doute que son attention ne puisse survivre à ce cours de tissage dont il se serait bien passé. Sans prononcer le moindre mot il se contente d'observer et parfois écouter leur guide qui tente autant qu'il ne lui est possible de le faire de leur transmettre un peu de cette passion que Tobias ne peut s'empêcher de songer réduite qui va de paire avec l'art du tissage.

L'anglais se tend toutefois lorsque sa princesse annonce ses futures noces avec son nouvel ami.

-Voilà une jeune fille qui sait ce qu’elle veut !

Trop pour le bien de la santé mentale de son papa dans ce cas précis. Il n'est pas prêt pour ces choses là. Pas du tout et cette sortie que vient de faire sa fille n'est pas pour le rassurer. Tobias pâlit, sent la sueur dévaler sa nuque puis bien vite se force à renouer avec son flegme habituel quand la discussion dérive vers une direction qu'il juge bien plus acceptable.  Quand on lui demande ce qu'il compte faire de sa future réalisation Tobias se contente de donner une réponse acceptable et si banale que personne ne saurait douter de son intention. Son bureau, celui qu'il a à son domicile et pas celui que met à sa disposition l'université. Il évite de mettre dans ce lieu dans lequel viennent collègues, étudiants et autres personnes officiant à la faculté des objets qu'il juge trop personnels. Le peu de choses auxquelles il tient et qu'il a prit le soin d'apporter au travail sont religieusement rangées sous clé quand arrive la fin de sa journée. Une bouteille et sa jumelle car le vice toujours bien présent en lui lui fait craindre la disette, quelques tasses moches sur lesquelles s'affichent des membres de la famille royal britannique, cadeaux de sa sœur Eleonor pour son dernier anniversaire mais aussi une unique photo de sa fille qu'il cache précieusement de la vue des curieux dont les regards pourraient s'attarder sur ce cliché. Quinze ans de chasse et de nomadisme lui ont apprit à ne jamais baisser sa garde.

Le jour où il perdra cette habitude qu'il a de se méfier de tout ceux qui l'entourent sera celui qui verra sa perte, il en est certain.

Jerry les invite à prendre place devant des métiers à tisser, puis il leur montre les différents peignes qu'ils vont être amenés à utiliser. La partition à suivre n'a rien à voir avec celles dont le britannique se sert habituellement.

Mine effacée et l'air soucieux il devine que les objets qui lui font face vont créer de l'ennui avant même que l'ombre d'un tapis ne soit visible. Se passant machinalement la main sur la barbe, Tobias ne loupe rien du regard d'encouragement que lui destine son ami. Il incline légèrement la tête, tentant d'offrir une expression avenante à Chad qui inévitablement se transforme en rictus.

Les erreurs sont nombreuses et rapidement l'agacement menace de poindre sous le flegme apparent du professeur. Le dos droit et un pli soucieux lui barrant le front, Tobias tente de prendre le temps de bien faire les choses. Il n'aime pas l'échec, exigeant envers les autres mais surtout avec lui même, il se fait violence pour ne pas râler. Tout en se mordant l'intérieur des joues pour ne pas prononcer des mots auxquels la courtoisie ferait défaut, Tobias se concentre et cherche à renouer avec son calme habituel. Sa progression se fait alors plus nette et la trame dévoilée devient plus régulière. On dicerne sans mal les motifs du tapis. Ceux réservés aux personnes mariées.

Quand la moitié de l'ouvrage est faite, une collation leur est proposée et le professeur est bienheureux de pouvoir saisir cette occasion de se dégourdir les jambes. Les mains qui ont pourtant connu pire supplice de Tobias sont engourdies elles aussi. Il déplie ses longs doigts, les massant machinalement avant de se pencher pour mieux observer l'ouvrage de son ami.

-Vous êtes quelqu'un de méticuleux Chad, cela n'a rien de surprenant.

Il ne disserte pas au sujet de son propre ouvrage, craignant de ne pas savoir s'extasier sur le sujet. Il compte bien savourer tout de ce week-end sans laisser à son humeur parfois sombre l'occasion de ternir ce moment qui les arrache tous aux routines parfois pesantes de leur existences. Souriant il ajoute quelques mots sans avoir à forcer sa bonne humeur.

-Votre chaton sera ravi. Alice m'en a beaucoup parlé, elle en réclame un depuis son séjour chez vous.

Et il ne compte pas céder à ce caprice, lui pourtant d'ordinaire si laxiste quand il s'agit de faire le bonheur de sa princesse. Il espère sans trop le cacher que cette lubie passera vite à sa fille. C'est sans compter sur Alice non loin de là qui entend tout de la mention qui vient d'être faite du nouveau compagnon de vie de Chad.

-Papa ne veut pas de chat !
-En effet.

Ces bestioles que de nombreuses personnes jugent attendrissantes ne savent pas plaire à celui qui dans son enfance n'a été entouré que d'animaux auxquels ses parents pouvaient trouver une utilité. Poules, agneaux, oies et même un chien dont son père lui avait dit qu'il l'avait emmené dans une ferme. En grandissant Tobias a découvert la triste vérité qui se cachait derrière cette affirmation. Le chien de la famille s'était un jour enfuit et il avait été retrouvé écrasé par une voiture quelques kilomètres plus loin. Cette réalité qui avait été échappée par son père lors d'une soirée de Noël durant laquelle le whisky avait coulé à flot avait brisé l'innocence du gamin qu'il était. Assez vieux pour connaître l'identité réelle du père Noël mais trop jeune pour être capable de dissimuler sa tristesse, il était allé pleurer dans sa chambre avant même que sa mère ne mette sur la table le dessert et le fromage.

La collation est aussi frugale que ne le fut celle offerte lors de leur arrivée. L'infusion de plantes est amère et manque cruellement de whisky pour répondre aux standards habituels de l'anglais. Les biscuits à base de graines que le professeur ne sait pas identifier et la sorte de confiture qui les accompagnent sont eux bien plus satisfaisants. Jerry s'amuse des mots d'enfants innocents qui échappent à Ian et Alice. À cet âge on maîtrise encore mal les usages du monde des adultes. Ian parle de son école et Alice lui demande s'il s'agit de celle dans laquelle Tobias officie.

Avec tendresse le professeur reprend sa princesse.

-Chérie, je travaille avec des enfants qui sont si grands qu'on les confond avec des adultes. Ian est bien trop jeune pour aller à l'université.

Alice ne sait pas grand chose du métier de son papa. Il travaille certes chez lui, mais uniquement le soir et la nuit lorsque sa fille dort. Corriger des copies avec une enfant en bas âge dans les jambes n'est pas un exploit auquel Tobias compte s'essayer.

-Vous enseignez quelle matière ?
-La littérature.
-Est-ce intéressant ?
-Certains jours plus que d'autres. Je suppose que c'est valable pour de nombreux métiers. Les première année sont rafraichissants de candeur et plein d'espoir. Beaucoup se voient déjà devenir les Baudelaire de demain, mais la plupart changeront de filière dans le courant de l'année. Par la suite l'ambiance se fait plus morose car ces jeunes gens savent que les débouchés sont rares. J'ai dans chaque amphithéâtre un libraire, peut être deux et autant de futurs bibliothécaires. Ainsi qu'un ou une qui fera le même choix de carrière que moi.

Tobias avait même décroché un poste de professeur à la fin de son parcours universitaire ce qui avait rassuré ses parents dont la modestie financière ne leur aurait pas permit de devoir assurer les frais liés à un jeune homme certes diplômé, mais incapable de gagner sa vie par ses propres moyens.

-Je n'avais pas le droit à l'erreur. Mes parents nous ont toujours mit à manger sur la table, mais pour y parvenir ils devaient compter chaque sou. J'ai dû travailler en plus de mes études pour pouvoir me payer le luxe de dormir dans une chambre de bonne. De belles années malgré cela.

Il ne regrette rien de cette époque. Les nouilles lyophilisées, le chauffage électrique souvent éteint en hiver, le loyer parfois payé avec plusieurs semaines de retard et la peur que son propriétaire ne décide un beau matin de le mettre à la rue n'étaient certes pas les meilleures conditions de vie dont il aurait pu rêver mais il a tout de même eu la chance d'être soutenu par ses deux parents. Sa sécurité financière actuelle lui assure toutefois de ne pas avoir à craindre les frais que pourrait engendrer la future scolarité de sa fille. En Amérique tout coûte cher et il ne fait pas bon être pauvre dans ce pays. Le rêve américain est réservé à ceux qui peuvent se le payer.



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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyLun 3 Avr 2023 - 22:29

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

- Vous êtes quelqu'un de méticuleux Chad, cela n'a rien de surprenant.
- Merci.
- Votre chaton sera ravi. Alice m'en a beaucoup parlé, elle en réclame un depuis son séjour chez vous.
- La vérité est que ce chat m’a adopté et non l’inverse. Les félins sont fourbes ! glissé-je avec un sourire. Avec Mafdet en collègue, il doit comprendre mon sous-entendu.

Alice énonce un fait comme les enfants de son âge. Son père, en anglais intraitable, se contente d’approuver sans se justifier. La collation est frugale plus destinée à des ruminants qu’à des humains. Le 100% naturel est bien fade.

Les enfants discutent comme des amis de longue date. Enhardi par la spontanéité d’Alice, Ian se livre plus que d’ordinaire, parle de ses activités, de l’école. De fil en aiguille, la profession du Professeur est dévoilée. Son analyse sur son métier est un triste constat, brut de réalisme. Je me trouve chanceux, mon rêve d’enfant paye plutôt bien. Après Ian, c’est autour de Tobias de se livrer un peu : Il vient d’une famille modeste. Il n’a pas toujours porté des costumes sur mesure ni roulé dans une voiture onéreuse. Et pourtant, il possède une éducation rigoureuse. Je lui imagine des parents de confession anglicane ou méthodiste vivants dans une petite ville de banlieue.

Au début des activités, j’ai craint un moment que ça ne soit trop manuel pour le professeur. Il me semble avoir plus apprécié la poterie pourtant plus salissante que le tissage. Peut-être à cause de l’analyse que j’ai faite de ces deux activités : la poterie libératrice et inventive, le tissage monotone et rigoureux.

Nous reprenons place devant nos métiers, le geste plus assuré.

(…)

L’heure du repas a sonné avec le tintamarre d’une louche qui cogne un seau de fer-blanc. Nous sommes conviés sous le hogan où mon grand-père nous a reçus. Deux tables sur des tréteaux et les bancs qui les accompagnent prouvent que ce n’est pas là leur habitude. D’ordinaire, ils mangent chez eux dans leur cuisine et salle à manger aussi modernes que la mienne. Je m’y perds dans les frères d’Ezéquiel, mes cousins. Je ne suis pas le seul à posséder la peau pâle et les yeux clairs : la propre grand-mère d’Ezéquiel était à moitié mexicaine à moitié américaine. « Enlevée par les sauvages » d’après ma mère biologique pour expliquer qu’elle-même tenait plus des Espagnols que du peuple natif. Je n’ai pas encore osé aborder le sujet ne sachant pas trop si c’est une blague de ma mère. Puis une telle histoire pourrait être frappée de tabou, renvoyant la culture des Kawaiisu à un passé plus brutal.

Ama, la potière, s’installe à côté de Ian qui est en face de moi. Son visage qui ne connaît que le sourire en expression s’illumine encore. Elle nous apprend que nos poteries sont en train de cuire. Elle s’est permis de reprendre la mienne en ajoutant de la matière pour que ma tour se tienne bien droite. Alice se trouve entre le Professeur et moi sur une chaise enfant en bois d’une marque suédoise connue. On nous pose une multitude de bols remplis de mets différents.

- C’est un peu épicé dans les bols foncés. Les autres sont adaptés aux palets des enfants. Explique Ana.

Elle montre les plats végétariens, la plus grande proportion, du maïs presque partout, et ceux avec de la viande. Du bœuf pour l’essentiel. Ezéquiel s’installe sans manières à côté de Ian. Il pose devant nous deux plats :

- De l’orignal au sureau ici, et du castor grillé. D arrive avec le pain bannique et la sagamité, une soupe de farine de maïs.

Ama sert les enfants, qui affamés, n’ont plus la patience d’attendre le signal du Chef pour manger. Elle leur prépare à chacun une assiette avec une cuillère de chaque plat qu’elle juge attractif pour eux, tout en veillant auprès de Tobias si cela lui convient. D arrive les mains chargées avec sa femme. En plus du pain et du potage, il pose devant Tobias une bouteille de limonade.

- Eau-de-feu ! s’exclame-t-il.

Il pose également une théière fumante.

- Attention, ce n’est pas du thé, mais de la cassine, ou de la boisson noire. Faut pas en donner aux enfants, il y a de la caféine dedans.

De fait, Ian et Alice se voient proposer des jus de fruits maison. Nous n’avons encore pas porté de toast, qu’Alice a déjà planté son doigt dans tous les tas que lui a fait Ama dans son assiette pour goûter. Ian est tétanisé, il n’a pas l’habitude de manger avec autant de monde autour de lui. Nous sommes une bonne douzaine autour de la table. Ezéquiel se lève son verre en terre cuite à la main. Il prend le temps de me fixer, puis de faire subir le même sort au Professeur. Avec l’aplomb du sage, il nous récite un proverbe :

- Ne te laisse pas distraire par le vacarme des hommes, par leur quête insatisfaite, désordonnée. Ils sont comme l'animal emprisonné dans l'enclos, qui tourne sans comprendre et cherche une issue qui n'existe pas.

Je n’ose pas me tourner vers mon littéraire compagnon. Je ne sais pas interpréter cet énoncé lapidaire. Dans quelle catégorie nous met-il ? Les Kawaiisu s’autoproclament être les fils du ciel, des oiseaux donc. Libres de tout enclos ? Mon air perdu doit se voir, Ezéquiel esquisse un semblant de sourire.

- Qu’as-tu pensé des activités de la matinée, me demande-t-il ?
- Hum…

C’est un test, j’en suis sûr ! Je repense à mes impressions. Personne n’aurait parié faire faire de la poterie ou du tissage au Professeur. La réponse n’est donc pas dans l’activité elle-même.

- La poterie et le tissage sont des activités diamétralement opposées. Modeler la terre libère l’esprit, tandis que le tissage le concentre.

Je tais un « j’ai bon ? ». Nous buvons enfin l’eau-de-feu qui s’avère être un Gin correct.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 13 Avr 2023 - 13:33



Funeste ennui
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La rude tâche représentée par ce défi lui imposant de ne pas s'endormir devant son ouvrage prend fin quand résonne l'appel de la nourriture. Un son certes bruyant mais pas dénué de charme pour les oreilles de celui qui ne sait quoi penser de ce tapis qu'il a sous les yeux. L'objet n'est pas laid mais seulement imparfait ce qui selon les standards habituels du britannique n'est pas beaucoup mieux. Il trouve seulement que le temps passé et l'ennui que tout cela a causé n'est pas proportionnel à la beauté de cet objet dont il est certain qu'il lui aurait été possible d'en trouver une copie mieux finie dans la boutique de souvenirs faite pour appâter les touristes dont Chad et D lui ont parlé lors de son arrivée dans cet endroit.

Déçu de ne pas avoir su trouver dans cette activité autant de sérénité que lors de l'instant dédié à la poterie, Tobias délaisse le métier à tisser sans jamais éprouver le besoin de se retourner pour mirer ce qui ne mérite finalement même pas le titre d'œuvre.

Ils se dirigent avec les enfants vers le hogan dans lequel le grand-père de Chad les a convié lors de leur arrivée. Deux grandes tables les y attendent, des bancs les longeant ce qui promet un agréable festin. On vient les saluer, en usant d'une distance polie qui les préserve tous de ce mal qui est l'insistance. Tobias d'un naturel réservé se contente d'offrir quelques politesses d'usage à ceux qui viennent à leur rencontre, appréciant cet endroit plus qu'il ne le montre. Ceux qui parlent trop finissent toujours par prononcer des mots faits pout être ceux de trop. C'est ainsi que naissent conflits et mésententes entre des hommes qui auraient parfois pu s'apprécier s'ils avaient su tenir leurs langues.

Juchée sur une chaise haute qui n'a rien de traditionnelle entre son père et l'ami de ce dernier, Alice sourit à Ian qui lui fait face. Ama la potière les rejoints, prenant naturellement en charge les enfants tout en leur donnant des nouvelles l'avancée de leurs poteries. Tobias fera cadeau de la sienne à sa mère pour les prochaines fêtes de fin d'année qu'il a promit de passer auprès des siens. Doucement, sans forcer un naturel trop longtemps meurtrit, il renoue avec la normalité d'une vie de famille sereine. Les Rapier ne sont pas des êtres parfaits mais ils ont le cœur sur la main et les esprits remplis de rêveries que la vie n'a pas encore su briser. Tobias trouve cette alchimie, faite pour durer aussi longtemps que l'ignorance des siens au sujet de son passif perdurera, rafraichissante tant elle peut sembler banale.

Le grand-père de Chad les rejoint, posant devant eux deux plats dont la description suffit à titiller la curiosité de celui qui n'a pas peur de déroger à sa routine lorsqu'il s'agit de nourriture. Ama sert les enfants, Tobias guide les choix de cette femme qui ne semble pas être capable de faire autre chose que sourire à son prochain. Cette rencontre est belle et déroute le britannique qui voit en la potière son contraire presque parfait. D arrive lui aussi, accompagné par son épouse. Sans le vouloir Tobias sourit quand est posée devant lui une bouteille dont D fait une description aussi vague que tentatrice. Cette limonade est et de loin celle que le professeur préfère ! Il est hors de question que les enfants ne puissent la goûter, tout comme ils tiendront loin de ces deux garnements la dénommée cassine.

Alice joue avec sa nourriture, se servant de son doigt comme s'il était une cuillère. Ian sur la réserve n'ose pas encore imiter sa nouvelle amie. Tobias pince les lèvres, essayant d'afficher un sourire qu'il aimerait rassurant et qu'il destine au petit garçon mais cela n'arrange pas l'état du jeune loup. Bien au contraire.

Les verres en terre cuite sont remplis, le grand-père de Chad lève le sien puis fixe ce dernier durant un instant que Tobias juge bien long. Quand vient son tour d'être observé de cette manière, l'anglais se contente d'accrocher ses prunelles ébènes à celles de cet homme qu'il trouve charismatique. Plus qu'il ne l'est lui même.

-Ne te laisse pas distraire par le vacarme des hommes, par leur quête insatisfaite, désordonnée. Ils sont comme l'animal emprisonné dans l'enclos, qui tourne sans comprendre et cherche une issue qui n'existe pas.

Des paroles sages dont les possibles lectures se conjuguent au pluriel. Tobias y cherche un sens. Un qui puisse lui convenir en tout cas. Il ne sait pas dans quelle catégorie le vieil homme le range et ignore lui même laquelle lui siérait le mieux. Ne sachant quoi répondre et craignant étrangement de passer pour un sombre idiot devant son hôte Tobias garde le silence, s'y accrochant comme une moule à son rocher tout en songeant à une autre question qui lui avait été posée deux ans plus tôt. Alessandro lui avait demandé, presque insolemment, s'il était un loup ou un agneau. L'anglais alors perdu n'avait pas su donner une juste réponse à cette question qu'il avait jugée dérangeante tant elle l'avait fait douter de lui même.

Deux ans, un deuil et un bébé plus tard et il ignore encore quel rôle est fait pour lui. L'agneau qui a dérobé ses crocs au loups est une position qui n'est cependant pas faite pour lui déplaire. Ceux qui survivent s'arrangent à un moment ou un autre avec l'échelle alimentaire et leur conscience pour ne pas périr d'une façon simplette. Sans jeter un regard dans la direction de son ami, le professeur se fait avaler tout cru par l'abîme que représentent ses pensées. Toutefois un rictus effleure ses traits quand mention est faite de leurs activités matinales. Il n'est pas le genre d'homme qui s'imagine prendre du plaisir en plongeant les mains dans la terre, mais il savait avec certitude que le tissage ne saurait rien faire d'autre que l'ennuyer. L'enrichissement qu'il tire de ces expériences demeure donc mitigé.

Ils boivent finalement cette eau-de-feu qui se révèle être un gin au goût agréable. Ce n'est pas là l'alcool favori du britannique mais il y trouve bien plus de réconfort qu'il n'y en avait à son goût dans leurs infusions matinales. Il préfère la brûlure de l'alcool, même bas de gamme, à l'amertume de ces boissons dont il ne doute pourtant pas qu'elles puissent être bénéfiques pour sa santé. Son cardiologue raffolerait des mets qu'on a pu leur proposer jusqu'à maintenant, mais Tobias n'a jamais eu la volonté de suivre ce régime trop restrictif que cet homme de médecine tente en vain de lui imposer. Il a fourré ce papier déprimant dans un des tiroirs de sa cuisine, en a oublié l'existence. Enfin jusqu'à ce que sa nièce ne fouille et trouve sous le rac de rangement des couverts ce document que son oncle aurait dû jeter.

Depuis que Judith est à Beacon Hills, les plats de celui qu'elle surnomme d'une manière tant affectueuse que moqueuse l'Oncle Tob manquent cruellement de sauce et de saveurs.

Trop poli pour être le premier à se servir, le professeur attend que leurs hôtes montrent l'exemple. Quand le grand-père de Chad semble s'être servi, il accepte le plat tendu par Ama. Tobias imite les enfants, mettant de tout dans son assiette en terre. Orignal, bœuf, légumes et graines qu'on a assaisonnées d'une juste manière. Assez pour leur donner un peu de goût en tout cas. Chaque bouchée est une découverte et le britannique épicurien par nature ne boude pas son plaisir. Ian commence lui aussi à s'intéresser au contenu de son assiette alors qu'Alice a presque finit la sienne.

La petite fille est bien plus sociable que son nouvel ami et même son propre père. Tobias est heureux de pouvoir épargner à sa princesse cette tare que sont ses manquements aux habiletés sociales. Certes il sait se tenir en société, restant toujours poli et courtois. Ses parents l'ont bien éduqué et si le drame l'avait épargné il ne doute pas un seul instant qu'il aurait pu devenir un homme aussi équilibré que son frère. Georges est un homme bien qui ne ferait pas de mal à une mouche. Une description dont on usait également par le passé pour parler de son cadet et ce sans mentir.

Sentant sur lui le regard d'Ezequiel se stopper, le professeur décide de ne pas s'en formaliser. Lorsque cet homme qui semble aussi avare de mots que ne l'est le britannique lui adresse la parole, il lui répond sans avoir à chercher ses mots.

-Vous plaisez-vous ici Tobias ?
-Oui. Ce lieu est paisible et me porte loin du stress qui gengrène la civilisation moderne. Je faisais confiance à Chad en acceptant sa proposition et le déroulé de ce début de journée me confirme que mon intuition était la bonne.

Les gens a qui il fait confiance sont rares, moins nombreux que les doigts qu'il peut compter sur ses mains, même la gauche. En limitant le cercle de ses fréquentations intimes, on réduit forcément le nombre de personnes qui pourraient un jour nous décevoir par leurs actions. Taquin le professeur ajoute quelques mots.

-Mais je pense que j'aurais pu me passer du tissage.

Un silence, assez bref et léger pour ne pas briser cette bonne ambiance qui règne autour des tables s'installe, rapidement coupé par Ama qui discourt sur les talents de potier du littéraire. La suite du repas est tout aussi agréable. Les gens parlent de choses et d'autres sans que jamais le professeur ne sente poindre en lui l'ennui. Tobias se régale et ne manque pas de remercier ses hôtes pour leurs divers talents. D lui propose un nouveau verre d'eau-de-feu que le professeur accepte tout en sachant que ce sera son dernier verre durant ce repas. Sa consommation restera légère et mesurée car il ne souhaite pas perdre une partie de ses moyens ou de sa raison.

C'est sur une note apaisée que se clôture ce repas. Ama les suit alors qu'ils se rendent auprès des poneys qu'Alice a hâte de rencontrer. Elle a déjà le sien qui vit à longueur d'année dans le centre équestre de la ville, un présent un peu fou fait par son père pour son premier anniversaire. Cookie est un animal qui apporte beaucoup de joie à la petite fille par sa simple existence, tout les samedis et parfois mercredis ils visitent le shetland. Alice le panse avec l'aide de son papa, lui chante des chansons et le coiffe comme s'il était une poupée. Tobias créé au contact de sa fille des souvenirs dont il espère qu'elle saura les chérir toute sa vie. Conscient que tout pourrait prendre fin demain, surtout depuis qu'il sait sa tête mise à prix à cause de Gabriel, il savoure chaque moment comme s'il était le dernier. Il vit sa seconde chance sans filtre, brûlant son bonheur par les deux bouts tant il craint que tout cela ne lui soit brutalement arraché une fois de plus.

-Alice va adorer les poneys. Le sien est calme et doux de caractère. Parfait pour une enfant aussi curieuse qu'elle. Les enfants s'apprécient, je pense que ma fille aimerait revoir Ian. Proposez lui de venir voir Cookie avec nous un samedi, venez manger ensemble la prochaine fois si c'est possible. Le tuteur de Ian pourrait venir. Le petit avait l'air intéressé par le piano. Avec des gommettes collées aux touches et des partitions adaptées je pense pouvoir devenir professeur de musique pour enfant. Je saurais me montrer plus pédagogue que je ne le suis à l'université.

Il n'a pas cherché à faire de son rôle de père un secret mais l'existence d'une enfant en bas âge dans la vie de l'austère professeur a su surprendre de nombreux étudiants. Il n'est pas un de ces hommes que l'on imagine élever seul une jeune enfant.

-J'avais 6 ans lorsque j'ai commencé à apprendre. Une passion gagne en grandeur quand on la transmet. Les enfants sont des êtres à part dont on a selon moi beaucoup à apprendre. Leur capacité à voir au delà des apparences me surprend encore.

Alice trouve en son papa tout les atouts d'un parfait compagnon de jeu, parfois sévère certes mais jamais assez longtemps pour que cela puisse être mémorable.

-Charles me manque encore, faire son deuil est inacceptable pour moi à ce jour. Mon épouse voulait de nombreux enfants et j'en désirais au moins autant. Vivre sans eux est dur mais pas insurmontable. Alice est un soleil qui colore mon existence de mille joies. Et parfois, à ses côtés, je parviens à oublier à quel point la destinée peut se montrer cruelle. J'espère que vous allez mieux Chad. Et que vous ne voyez plus dans la solitude un doux échappatoire. Ce n'est qu'une illusion et le réveil est brutal.



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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMar 25 Avr 2023 - 19:43

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

J’ai la désagréable sensation de me faire évaluer. Tunkasina(*) semble m’analyser, le regard peu mobile, son visage vierge de toute émotion. D’ordinaire, je nage en eau trouble comme un poisson né dans un panier de crabes. J’ai appris à louvoyer avec les gens importants soit par leurs richesses, soit par leur influence politique ou du monde des affaires. Ezéquiel est d’une autre trempe. Lui aussi se donne un air qui frôle la caricature du chef indien. Sans les oiseaux qui nous espionnent depuis le ciel ou ma nature de garou, je l’aurais rangé dans la catégorie des chefs de famille indéboulonnable rien que par le rang de naissance. Seulement, il y a un je ne sais quoi, une impression de lointaine sagesse qui tranche avec nos codes sociaux actuels. Une forme de tout dont je fais partie sans savoir où se situe ma place.

Après un regard vers le professeur, il me paraît évident que je ne suis pas le seul que les paroles de mon grand-père aient plongé dans les profondeurs de l’introspection. Le repas brise ce voile et nous plonge dans des découvertes. Tobias se montre curieux des mets posés devant nous. Alice gloutonne. Ian se bouge enfin, son inertie est parfois colossale. Chaque bouchée est un délice. Ama nous explique que ce repas rassemble plusieurs plats festifs traditionnels qui, d’ordinaire, se mangent à une date précise. L’orignal et le castor viennent du congélateur : ce n’est pas la saison. À regarder les poignées d’amour de D, je l’imagine plus féru de burgers que de cuisine traditionnelle quotidienne pauvre en nutriments.

Je souris à Ian, lui demande d’un mouvement de la tête si ça lui plaît tandis que Tunkasina demande au professeur si ce début de séjour lui convient. Je suis flatté de la confiance à mon égard qu’il évoque en raison de son assentiment pour ce petit voyage. Tobias construit ses phrases comme si chaque mot coûtait un dollar. Il condense avec un vocabulaire d’érudit ses pensées. Un mode de fonctionnement qui plaît à Ezéquiel, je le sens à sa gestuelle et au rythme de son cœur.

Je pouffe quand l’Anglais pose un léger sarcasme sur le tissage. Ama, en ardente défenseuse de cet homme qui semble lui plaire, vante ses prouesses en poterie. Deux caractères aux contrastes saisissants. Ama et sa généreuse poitrine inondent son positivisme en cercles concentriques. Une optimiste à toute épreuve. Elle voit le bien partout, même dans le regard sombre de mon compagnon de week-end.

(…)

On nous laisse le temps de digérer avec du café et du thé. Puis c’est l’activité poney qui complète cette agréable journée. Ian se laisse gagner par l’impatience d’Alice. C’est cette activité qui avait éveillé son intérêt quand je lui avais proposé de l’amener ici. Je sens que Derek va être bon pour acheter un équidé. Le fait qu’Alice ait un poney bien à elle n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Le chemin vers l’écurie n’est pas si long, pourtant le professeur me surprend à se confesser longuement sur son envie de revoir Ian, de créer des liens entre sa fille et mon filleul. De tendre vers une vie normale, ordinaire. Il parle de piano. Je souris en coin en imaginant la tête de Derek si Ian réclame poney et piano. Le professeur semble ne plus s’arrêter sur la pente des confidences, l’analyse qui fait de l’ingénuité des enfants, de son fils qui lui manque, de son inquiétude sur ma solitude.

- Je vais mieux, merci. Je me suis inscrit à l’escalade. J’y ai rencontré un groupe d’amis sympathiques. Je vois des têtes nouvelles. Ma colère de l’abandon s’apaise. J’ai tiré un trait, changé de numéro de téléphone, black-listé mon ancien compagnon. Il a choisi de replonger dans une vie dangereuse alors que nous en sortions à peine. Je ne veux pas savoir ce qu’il devient, je ne veux pas m’angoisser pour sa vie. On n’oublie pas d’avoir aimé. C’est un sentiment qui ne s’efface pas. Ignorer ce qu’il devient est la seule façon pour moi d’avancer. C’est son choix, cela ne doit pas devenir mon problème.

Je fanfaronne un peu, mais je tends vers cet idéal. Si Mick ne me fait pas le sale coup de venir montrer sa tête, je pense arriver à lisser ma peine. Ce n’est pas mon premier chagrin amoureux, mais le plus sérieux.

Jerry nous attend avec cinq montures : deux poneys et trois chevaux. Vent-bleu, le mustang de Jerry, n’a qu’un tapis sur le dos et deux sacoches de part et d’autre de la croupe de l’animal. Les autres équidés sont équipés d’une selle traditionnelle avec pommeau, une accroche rassurante pour les cavaliers amateurs. Jerry énonce les noms des chevaux, des appellations poétiques et simples : Tonnerre pour le mustang ébène que j’hérite. Le cheval de Tobias se prénomme Ciel d’Automne à cause de sa robe rouille. Celui de Ian répond au nom de Pipa et Alice chevauchera Oiseau-Bleu. La selle d’Oiseau-Bleu est aussi sécurisée qu’un siège auto avec un arceau qui ceinture la cavalière et des sangles qui l’empêchent de tomber. Ian, plus grand, a une selle normale adaptée à ses courtes jambes. Avant que nous grimpions en selle, Jerry distribue des casquettes à ceux qui le veulent.

- Nous passons par votre campement si vous voulez prendre un petit sac à dos. J’en ai si vous en manquez. J’ai de quoi nous hydrater et une collation pour le goûter.

Jerry nous explique que nous allons chevaucher lentement pour ménager nos fesses de « pieds tendres ». Alice explique s’elle n’a pas une selle de bébé pour Cookie. Notre guide s’extasie et avec de belles paroles qui savent mettre la fillette en valeur et lui fait admettre qu’elle n’a jamais chevauché plus d’une demi-heure d’affilée. Alice peut s’endormir en selle : elle ne tombera pas.

Les chevaux ne s’affolent pas de ma nature ni de celle de Ian. Ils ont dû déjà croiser nos congénères. Comme promis nous nous arrêtons à notre campement où Tobias récupère un sac avec de quoi sauver sa princesse de toute attaque d’insecte, de soleil, voire de fin du monde. Ensuite, nous nous éloignons au milieu des fourrés arides. La sente rocailleuse grimpe en pente légère, un passage de transition un peu ennuyeux avant un plateau sur les Rocheuses. Pour nous occuper l’esprit, Jerry nous conte une légende de sa tribu. Il capte l’attention d’Alice et de Ian dès qu’il prononce le mot « loup ».

- C’est mon doudou, le loup, clame Alice.

Ian sourit, ravi de cet intérêt particulier chez sa nouvelle amie.

- Papa l’appelle l’Italien en peluche.

Cette fois, c’est moi qui souris.

Lexique:

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Tobias Rapier

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptySam 6 Mai 2023 - 15:42



Funeste ennui
Feat : Chad

Chad apprend à revivre, seul mais en sachant s'accompagner de personnes qui pourront raviver cette étincelle que le loup porte en lui. Une bonne chose car Tobias a craint pendant un temps que son ami ne devienne aussi aigri qu'il ne l'est lui même. Surpasser la perte d'un être aimé n'est pas une chose aisée, bien au contraire. C'est là une véritable épreuve dont Tobias ne souhaiterait pas qu'elle puisse être traversée par quelqu'un de sa connaissance. Il n'éprouve cependant pas cette empathie envers ses ennemis, incapable de se montrer bon et de tendre l'autre joue. Même si doucement le professeur délaisse le pire pour savourer le meilleur, il n'oublie pas que la faim justifie toujours les moyens. Jamais ses songes les plus intimes ne sauront plaire à la morale ou à l'église, mais il se moque du jugement d'autrui. Ses actes passés ont noircit son âme d'une manière irrémédiable. Il croit en ce dieu injuste qui lui a tout prit et devine donc qu'il a déjà une place réservée à son nom en enfer. La promesse d'un pardon sans conditions à celui qui en fera la demande n'est aux yeux de Tobias qu'une vaste fumisterie.

Au fil du temps, quand les morts se sont faits si nombreux qu'il n'a plus ressentit l'envie de les compter, ses prières sont devenues blasphèmes et sa croyance n'a été nourrie que par une terrible soif de vengeance.

Tobias sourit à son ami, en usant d'une expression si légère qu'elle en est presque imperceptible. Il espère que les vœux de Chad se réaliseront, que son ancien compagnon n'aura pas l'audace de revenir dans le paysage de cette nouvelle vie que l'architecte souhaite paisible. Leurs histoires sont différentes, si Tobias a longtemps espéré, naïvement, que son épouse puisse lui être rendue c'est parce que leurs peines ne peuvent pas être comparées. La mort n'est pas un abandon comme les autres. Combler le vide qui en résulte est bien plus ardu.

Ils ne tardent pas à rejoindre Jerry qui les attend avec cinq montures. Ici les équins ne portent pas de noms de confiseries, on a préféré la poésie à ces douceurs régressives. Le poney destiné à Alice, Oiseau-Bleu, est harnaché avec un système qui ressemble à un siège-auto. Avant qu'ils ne montent en selle Jerry leur propose des casquettes. Tobias en saisit une pour Alice, puis en refuse une pour son propre usage. Un excès de coquetterie qu'il pourrait être amené à regretter, mais il ne peut se résoudre à arborer un de ces objets floqués au nom d'équipes de baseball des environs.

Tobias porte sa fille qui rechigne avant de se résigner tandis que son père l'aide à faire passer ses jambes dans les sangles conçues pour assurer sa sécurité.

-Je ne suis pas un bébé !

Le professeur n'aime pas ce qu'il entend, car à ses yeux sa fille qui a tout juste un an et demi est encore bien trop jeune pour vouloir prendre ainsi sa liberté. Il chérit à ses côtés chacun de ces instants qu'il lui est possible de vivre. Alors oui, Alice grandit et a un fort caractère qui la pousse à vouloir gagner en indépendance mais au regard de son papa elle reste un bébé, ce tout petit nourrisson qu'il a trouvé dans un appartement délabré. Il lui sourit, forçant le trait de la pédagogie et de la douceur pour ne pas la brusquer avant d'aller contre l'avis de sa petite.

-Tu es un bébé. Mon bébé. Ta sécurité m'est plus importante que tout le reste.

Ces paroles ne plaisent pas à celle qui ajoute qu'elle monte Cookie sur une selle plus conventionnelle. Jerry prend le relais du professeur, explique à cette enfant si têtue que l'on ne peut pas douter qu'elle soit un modèle féminin de la famille Rapier que ses expériences passées ne sont en rien comparables avec celle qu'elle s'apprête à vivre.

Alice même s'il elle boude encore un peu comprend qu'aucun des adultes présents ne cèdera à ce qui ressemble au début d'un caprice. Les refus de son père sont rares mais inflexibles. Car ils n'ont qu'un unique but : La protéger.

Tobias grimpe sur sa mouture sans commettre de maladresses. Ciel d'Automne est un animal patient qui a visiblement saisit assez rapidement que celui qui le chevauche n'a que peu d'expérience en équitation. Hormis lors d'un camp organisé par le pasteur lorsqu'il était enfant, l'anglais ne se souvient pas avoir une autre fois dans sa vie pourtant riche en évènements divers eu l'occasion de se prêter à cette activité.

Ils font une courte pause au campement comme l'avait annoncé Jerry. Le britannique presse le pas après être descendu de cheval pour rejoindre le hogan qui va leur servir de logis à lui et sa fille. Il range dans un sac à dos un flacon de crème solaire, un autre d'anti-moustique, un brumisateur, une trousse à pharmacie et tout ce qui à ses yeux pourrait avoir une utilité durant leur balade. Il ajoute à ce nécessaire de première urgence quelques barres de chocolat au riz soufflé puis file rejoindre le reste de leur petite troupe avant que l'on ne puisse juger son absence trop longue.

Doucement le groupe s'éloigne de l'animation de la réserve. L'herbe est rare et emprunte aux œuvres de Jeunet ses nuances. Tobias veille à ne pas chuter tout en écoutant la légende que Jerry est en train de leur rapporter. Cette histoire fait oublier aux enfants que le paysage que leur offre la pente rocailleuse sur laquelle ils chevauchent n'est pas le plus chaleureux des lieux. Attendrit, l'anglais soupire son amusement quand sa fille réagit lorsque mention est faite d'un loup.

Quand elle ajoute à ses dires quel est le surnom que son père donne à sa peluche, Tobias ne parvient pas à camoufler le sourire qui éclot sur ses lèvres. Il est fier de cette innocente malice, pique affectueuse qu'il a destiné au parrain de sa fille. Malgré les mots qu'il a échangé avec l'italien lors de leur périple en Louisiane, il n'éprouve aucune rancœur à l'égard de ce dernier. Il n'est pas aussi froid qu'il ne le laisse paraître à ceux qui l'entourent, camouflant simplement son humour et ses émotions derrière un flegme assez solide pour le protéger. Ses amis lui sont précieux, plus qu'il ne voudrait l'admettre.

-C'est un nom amusant !
-Je suis assez fier de cette malice.

L'approbation de Ian est plus importante qu'on ne pourrait le croire au regard du britannique. Cet enfant a connu et ce bien trop jeune de tristes évènements dont il peinera à se remettre. Le voir sourire et s'amuser est une victoire dont Tobias se réjouit.

Le paysage change, devient plus impressionnant qu'il ne l'était. La petite Alice, qui généralement fait la sieste à cette heure, n'en voit malheureusement que peu de choses. Les yeux bleus de la petite fille se sont clos, le poney par sa douce démarche se muant en une berceuse de qualité. Quand ils se stoppent sur le plateau pour partager la collation prévue par Jerry, Tobias attrape sa fille et lui fait quitter la sécurité de sa selle pour la tenir contre son torse. Alice bouge un peu, ouvrant un œil ensommeillé pour le refermer dans la foulée. Son père dépose un frêle baiser sur son front délicat. Sans la déranger plus longtemps, il prend place auprès de ses compagnons pour partager un gouter appréciable, même si selon lui il lui manque ce goût de gras et de sucre qu'il affectionne lorsqu'il prend le temps de manger une collation en plein après-midi. Il tire de son sac les barres chocolatées pour en faire la distribution. Alice gigote tout contre lui, l'instant est doux. Tant qu'on pourrait penser qu'il est irréel.

-Je viens de la campagne anglaise, un lieu magnifique et paisible. C'est verdoyant, différent de cet endroit. Je pense que mon père apprécierait cette vue.

Mais Lawrence n'a que rarement quitté le sud de son pays. Ils ont passé deux étés dans le nord de la France lorsque Tobias était enfant, mais il sait que son père apprécie trop sa maison pour la quitter le temps d'un voyage.

Le silence règne, avec le murmure de la nature comme seule mélodie ambiante ils prennent une pause qui les éloigne de cette civilisation dans laquelle l'homme pressé est devenu roi. Le retour à la réalité risque d'être ardu. Sans craindre que sa nièce ne puisse avoir en cet instant la sombre idée d'organiser chez lui une party, Tobias oublie que dans ce monde moderne tout est compliqué et que chaque choix peut amener de lourdes conséquences. Doucement, un peu à contrecœur, ils reprennent leurs montures. Alice qui ne s'est pas éveillée une seule fois pendant le goûter trouve que l'instant est bien choisit pour remuer et réclamer à boire. Son père sort de son sac à dos une timbale à bec, attrape la gourde tendue par Jerry.  Il est soulagé que la sieste de sa fille ne se soit pas étirée en longueur. Quand elle dort trop l'après-midi sa princesse se réveille de nombreuses fois la nuit. Coupant ainsi les rares phases de repos de son père qui peine déjà à trouver le sommeil. Il reste certes un flacon de somnifères est toujours bien caché au fond du tiroir du meuble de chevet de Tobias, mais il refuse d'en prendre et ce même si parfois ses nuits se font blanches. Il craint de louper un pleur, d'ignorer le danger s'il devait ainsi se gaver de médicaments pour parvenir à dormir. Son psy qui le suit toujours de façon hebdomadaire ne partage pas son avis sur le sujet. Ayant peur que cette corde sur laquelle son patient ne cesse de tirer finisse un jour par se casser.

Des inquiétudes qui même si elles semblent fondées ne poussent pourtant pas le britannique à revenir sur ses principes. Il a perdu un fils et vit dans la peur que sa fille lui soit prise elle aussi. Un profond chagrin, une douleur que rien ne sait étouffer car qui en ce monde pourrait accepter de voir ses enfants partir dans l'au delà sans fléchir, sans perdre une part de sa raison. L'anglais n'est pas un homme raisonnable et doute d'avoir su l'être à une période de sa vie. Il ressent un besoin de contrôle, de tout maîtriser pour être certain de ne devoir se rendre des comptes qu'à lui même quand un drame arrive. Sa vie serait bien différente si dix-sept ans plus tôt il avait eu la même obsession. Peut-être aurait-il périt lui aussi ce soir là s'il était comme à son habitude rentré chez lui directement après les cours. Et après tout ce temps il ignore encore s'il aurait préféré cette sombre destinée à celle qu'il a vécu auprès de Gabriel.

Il n'est plus l'homme que Maryssa a aimé, n'a rien de comparable avec l'époux et père aimant qu'il était à cette époque. Reprendre sa vie en main tout en sachant que son existence ne sera plus celle qu'il a tant aimé vivre n'est pas une chose aisée et pourtant avec Alice il retrouve une part de son innocence passée. Sa princesse n'a plus soif et lui rend la timbale qui retourne immédiatement dans le sac à dos de son père. La petite fille de retour dans sa selle est prête pour reprendre leur excursion.

Alors qu'ils chevauchent pour revenir à leur point de départ, Tobias s'amuse en entendant sa fille qui chantonne une chanson dans laquelle on inflige de nombreuses tortures à une souris pour la transformer en escargot. Intarissable et désormais pleine d'énergie, la petite fille reprend, cette fois accompagnée par son nouvel ami. La voix de Jerry finit par se mêler elle aussi à celles des enfants. Tobias choisit de les imiter.


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptySam 13 Mai 2023 - 15:27

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Ian s’amuse en toute innocence du surnom de la peluche imaginé par le Professeur. Ma pupille n’est pas en mesure d’apprécier le trait d’humour qui se cache derrière cette appellation innocente. Alice précise que c’est Dro’ qui la lui a offerte. Je comprends ainsi la double lecture de cette farce.

- Je suis assez fier de cette malice.
- Elle est succulente. J’adore !

Le mafieux ramené à une peluche mâchouillée est une parabole qui me plaît. Une forme de paix tranquille flotte sur notre chevauchée. Une quiétude communicative. Nos montures connaissent le chemin et n’ont nul besoin de notre attention. Le vent se glisse sur ma nuque moite de sueur. Agréable sensation. La pente s’adoucit et nous dévoile un plateau au paysage digne des écrans de veille de Windows. Alice s’est endormie presque au début de la montée bien calée dans cette selle de conception ingénieuse. Ian, au lieu de se fatiguer, est attentif à ce qui l’entoure. La nature aride le change de la forêt dense de la propriété des Hale. Un sourire plaqué au visage, il jouit du moment présent, posant plein de questions à Jerry.

Un aménagement à l’ombre d’une futée avec des troncs disposés en cercle autour d’un foyer nous accueille pour une halte bien méritée. J’aide Ian à descendre de son poney. Ses premiers pas sur la terre ferme sont précautionneux. Alice se réveille à peine quand le Professeur l’extirpe de sa selle. La journée est dense, peu adaptée aux pauses d’une enfant de son âge. Son père ne semble pas s’en chagriner. Il partage les barres chocolatées qu’il a emportées. Ian quémande mon autorisation d’un regard quand la boîte vient sous son nez. Alice mange goulûment la sienne, une preuve que les douceurs offertes ne sont pas parfumées à l’aconit, une plante également toxique pour les humains. Comme au repas précédent, le Professeur se montre d’une humeur qui le pousse à la confidence.

- Je viens de la campagne anglaise, un lieu magnifique et paisible. C'est verdoyant, différent de cet endroit. Je pense que mon père apprécierait cette vue.

Les stries de l’écorce de mon banc improvisé me rentrent dans les fesses. L’assise n’est pas confortable et c’est un choix. Nous sommes loin des activités appréciées de l’américain moyen qui aime peu l’effort et l’inconfort. Le calme autour de nous me rappelle ma maison perdue sur son bout de falaise. Jerry a allumé une étrange pipe, une sorte de calumet démontable. Placé de façon à ne pas nous importuner de sa fumée, je n’ai toutefois pas reconnu l’odeur du tabac quand une bourrasque a rabattu ses volutes dans ma direction. Je m’inquiète un peu de son regard absent, de son rythme cardiaque qui baisse, comme sous l’effet d’un narcotique. Puis il lève les yeux au ciel, suit le vol d’un rare rapace loin au-dessus de nos têtes. Jerry secoue la tête, déçu. Je me doute de quelles herbes il s’agit. Ma mère m’avait expliqué l’étrange lien que les Kawaiisu nouent avec les aigles de la région. Un phénomène aussi surnaturel qu’est ma nature de garou. Une prédisposition de leurs gènes. Des miens aussi, si tant est que ma transformation n’ait pas mis le bazar dans mon patrimoine génétique.

(…)

Nous levons le camp. Sans le dire à haute voix, Jerry préfère rebrousser chemin : la boucle prévue est trop longue pour Alice. Je le devine aux mots qu’il prononce dans sa langue natale dans le talkie-walkie qui ne quitte pas sa ceinture.

Heureuse, Alice entonne une comptine bien connue. Ian, Jerry, puis le Professeur l’accompagnent avec un bel entrain. Je m’abstiens. Je n’ai jamais été à l’aise dans le chant. Cela ne m’empêche pas de dodeliner en rythme.

Arrivé à surplomb qui domine la vallée, Jerry s’arrête et sourit comme un enfant : dans le ciel quatre aigles tournent en cercle. Le Kawaiisu nous invite à descendre de montures et d’accrocher les rênes à une branche. Curieux, nous le regardons s’asseoir en tailleur sur une pierre plate au bord du vide. Je tiens la main de Ian pour qu’il ne s’approche pas du bord et une belle marche de plus de cinq cents mètres : le vide.

Jerry scande une mélopée incompréhensible. Une minute plus tard, les majestueux oiseaux tournent au-dessus de nous. À mesure du chant de Jerry, ils se rapprochent pour terminer par une ronde puis se poser à quelques mètres au bord de la falaise, prêt à se laisser tomber, prêts à fuir. Ian est bouche bée. Alice commente sur ces jolis « zozios ».

- Ce sont les gardiens de la tribu, affirme Jerry avant de les nommer avec des noms kawaiisu que je peine à comprendre.

Les quatre aigles nous toisent, animaux racés et supérieurs. Cette rencontre me remue bien au-delà de la magie de l’instant. J’effleure à nouveau ce lien qui s’est éveillé en moi après avoir retrouvé ma mère biologique. Mais ici, c’est plus fort que ce que je vis avec mes voisins ailés qui vivent autour de ma maison.

Alice tend le bras, cela semble donner le signal : les aigles basculent sans crainte dans le vide, puis remontent avec la grâce des rois du ciel. Sur le reste du trajet, le Professeur se trouve confronté à une nouvelle problématique : Alice exige qu’il lui achète un aigle. Jerry se marre. Je reste en arrière pour que mon ami ne lise pas l’hilarité sur mon visage.

(…)

Ana nous attend le pied ferme aux écuries. Elle se propose de récupérer les enfants pour qu’ils aillent barboter sous sa surveillance dans une piscine hors-sol adaptée à l’âge des enfants et protégée de l’ardeur du soleil par une tonnelle. Le Professeur n’a pas le temps de dégainer le moindre argument que la Kawaiisu lui brandit sous le nez maillot de bain Disney, crème solaire et brassard gonflable. Je pressens que Tobias va avoir du mal à se dépêtrer de l’attention maternelle d’Ama.

De notre côté, nous sommes invités à rejoindre notre camp pour enfiler une tenue en adéquation avec une tente de sudation. J’attends le Professeur qui égrène un chapelet de recommandation à Alice et Ama. Je ne prends pas cette peine avec Ian. Nul besoin de doublon. Un « écoute Ama »  aurait été amplement suffisant. En route pour notre campement, je conseille Tobias :

- Je vous conseille un caleçon. Un maillot de bain c’est bien aussi, mais avec la transpiration et la chaleur le tissu synthétique qui plaque les parties devient inconfortable.

En principe, cela se pratique à poil, mais je n’ai pas ce degré d’intimité, et ne l’aurais jamais, avec l’Anglais. De retour au village, vêtus tous deux d’un pantalon et d’un haut légers nous nous rendons vers les tentes de sudations. Il y en a plusieurs. Une est déjà occupée par des touristes. Ils n’y sont pas depuis longtemps : ils parlent encore trop. Bientôt, la chaleur les fera soit taire, soit ressortir avant la fin du soin. C’est D qui nous prend en charge. Il nous montre le vestiaire, les douches qu’on appréciera à la fin.

- Voici deux bouteilles d’eau légèrement salées. Buvez, c’est important. Chad, tu connais déjà, alors je m’adresse à vous Tobias. Vous pouvez vite ressentir une sensation d’étouffement. Ne paniquez pas. Rien n’obstrue la peau de chèvre qui bouche l’entrée : vous n’êtes pas enfermé. Cette sensation reste une impression : il y a suffisamment d’air qui circule pour respirer normalement. Respirer lentement, ne bloquez jamais. Les cinq premières minutes sont faciles.

Du pouce, Jerry nous montre la tente qui émet des rires gras.

- Discutez si vous le souhaitez, mais sans vous agiter. Ensuite, cela devient plus difficile et il faut pourtant tenir. Cela varie d’une personne à l’autre, entre cinq et dix minutes la chaleur devient entêtante. Buvez ! Si votre bouteille est vide, demandez-en une, un employé est constamment là. Il est secouriste. Cette activité est très encadrée. Quand vous avez passé le plus difficile, vous allez vous sentir super bien, trop même. On est parfois obligé d’insister pour sortir les gens, alors que dix minutes plus tôt ils affirmaient ne pas pouvoir tenir. Allez-y quand vous vous sentez prêts.

Est-ce que cette fois-ci, ils ont mis des plantes hallucinogènes comme la fois avec Garnet et Amaro ? J’imagine que non. Le contexte n’est pas le même. Je me lance le premier, après avoir posé mes affaires dans le vestiaire et rapproché le peignoir proposé près de l’entrée de la tente de peau, je soulève l’ouverture : un brouillard à l’odeur d’herbe s’élève. Je me glisse dans la fournaise les yeux à demi fermés : c’est chaud. Je me colle au fond pour laisser la place vers la sortie au professeur. Je souffle à fond pendant trente secondes pour m’acclimater à la chaleur du foyer de pierres qui cachent une résistance électrique. Ils ont arrêté les vrais foyers de bois à cause du niveau cancérigène des fumées.

La pénombre est percée par un rond de lumière aveuglant et la silhouette du Professeur qui se casse en deux pour entrer.

- Fait chaud, dis-je en tirant sur le coton de mon caleçon qui commence à être trempé.

Lexique:

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Tobias Rapier

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMer 31 Mai 2023 - 15:40



Funeste ennui
Feat : Chad

Lorsqu'ils atteignent un surplomb qui offre une vue magnifique sur la vallée, Jerry leur fait signe de s'arrêter tout en mirant un quatuor d'aigles qui fait de larges cercles dans le ciel. Adultes comme enfants ne se font pas prier pour descendre de leurs montures. Portant Alice dans ses bras pour éviter qu'elle ne s'approche du précipice, Tobias observe leur guide qui vient de prendre place sur une pierre plate au bord du vide. Les chevaux et poneys ne bougeront pas car leurs rênes sont solidement noués à une branche d'arbre, aucun danger ne rôde l'instant devient donc dédié à la contemplation la plus innocente qui puisse exister. Un silence respectueux face à la beauté inégalable de la nature s'installe, uniquement coupé par Jerry qui scande une étrange mélodie.

Cet appel résonne, les aigles approchent pour y répondre et désormais dessinent des cercles au dessus de leurs humbles personnes. Si Alice ose ouvrir la bouche pour commenter le spectacle qui s'offre à leurs vues, son père demeure quant à lui silencieux, comme envouté par cette harmonie sans tâches qui les entoure. Incapable de détacher son regard noir de ces volatiles majestueux, Tobias se surprend à espérer que cet instant ne sache jamais trouver sa fin. Jerry leur apprend ce que le professeur soupçonnait déjà, dans ce lieu rôde une étrange magie ce qui n'est pas surprenant vu leur proximité avec le Nemeton. Les oiseaux les toisent, certains de leurs être supérieurs. Une évidence que l'ancien chasseur ne songe pas un seul moment à remettre en question. Alice gigotant contre le torse de son père lève le bras, le signal est donné et les aigles mettent fin à leur visite auprès d'eux. Se laissant chuter dans le vide pour remonter en chandelle.

La petite blonde ne tarde pas après avoir retrouvé sa selle à quémander, ou plutôt exiger, que son père ne cède à une demande qu'il juge prévisible.

-Papa je veux un aigle !
-C'est hors de question jeune fille.

Jerry ne cache rien de son hilarité à l'entente de cette demande que vient de faire une petite fille sûrement trop gâtée pour son bien. Dans quelques années Tobias devine que lui comme sa fille paieront le prix de son laxisme. Homme d'un naturel froid et professeur strict, il ne parvient toutefois pas à suivre le chemin que lui dicte sa raison quand il s'agit de l'éducation de sa fille chérie. Ses rares refus ne concernent que la sécurité de sa fille, la politesse de cette dernière et les projets aussi fous que l'acquisition d'un aigle. Ou pire encore d'un maudit chat. En comptant Mafdet et Andy dans son cercle de connaissances proches, il estime fréquenter assez de félins pour ne pas s'imposer ce supplice au quotidien.

Ama attend leur retour aux écuries. Elle les cueille, proposant de prendre les enfants en charge durant leur absence. Tobias sent instantanément son sourire et sa bienveillance le quitter pour être remplacés par une vive inquiétude lorsque mention est faite d'une piscine.

Il ouvre la bouche pour tout refuser de cette folie, mais Ama le coupe en brandissant tout le nécessaire à bébé.

-Fais moi confiance, je sais gérer un enfant en bas-âge.

Le tutoiement est une nouvelle chose, mais il ne le note pas à voix haute, trop surpris pour réfléchir de manière claire. Un frémissement douloureux parcourt le visage du britannique, grimaçant il répond à celle qui pourtant avait su se montrer charmante depuis leur arrivée dans cet endroit.

-Les personnes en qui je place ma confiance se comptent sur les doigts d'une main ma chère.
-Ah ! La droite ou la gauche ?

Le professeur lève les yeux au ciel, cachant machinalement ses mains mutilées. Pas désolée pour deux sous, Ama excuse toutefois la liberté qu'elle vient de prendre tout en invitant Alice et Ian à la suivre.

-Je n'ai donné aucun accord !
-Il faut apprendre à déléguer "mon cher". Et Alice ne va pas vous suivre dans la tente.

Ama s'en va, sans attendre la réponse que le britannique aurait à lui donner si son esprit d'une ordinaire brillant donnait naissance à une répartie lui permettant de sortir vainqueur de cet échange. Mais il demeure incapable de trouver le juste mot, le bec cloué et lui même un peu perdu en voyant les silhouettes d'Ama et des enfants s'éloigner. Tobias se résigne, suivant Chad qui le conseille en lui expliquant quelle sera le tenue la plus adaptée pour leur activité. Les deux hommes se changent dans leurs logis respectifs, puis se retrouvent tout deux vêtus de tenues légères. Il y a plusieurs tentes, au moins une d'entre elles est occupée : Les touristes qui y sont rient et parlent trop fort.

D les accueille, leur montre vestiaire et douches en appuyant l'utilité de celles-ci. Tobias suit ce mouvement orchestré par leur guide et son ami, récupérant la bouteille d'eau tendue par D tout en buvant les conseils de ce dernier. Cette affaire n'a pas l'air simple et ne vend pas de rêve à celui qui pourtant ne doute pas que cette médecine puisse lui venir en aide. S'il refuse l'usage de la chimie moderne pour retrouver le sommeil, le professeur est prêt à tenter cette expérience qui même si elle ne devait porter aucun fruit serait une découverte de plus pendant son séjour dans ce lieu.

Ses songes se sont détachés d'Alice et Ian, il ne pense plus à cet échange de mots dont il est sorti perdant face à Ama. D les laisse après avoir donné quelques dernières et rassurantes consignes au sujet de la tente. Tobias se rend au vestiaire, y dépose ses affaires pour les troquer contre un peignoir qui couvre son corps presque nu. Une nuance importante car même s'il est peu pudique et que Chad l'a déjà vu à des reprises qu'il juge trop nombreuses dans un état frôlant le sinistre, Tobias est certain qu'il ne sont pas assez proches pour qu'il puisse se permettre d'imposer sa nudité à son ami.

Une fois prêt, l'anglais ne tarde pas à rejoindre son ami dans cette fournaise dont on lui a dit qu'elle portait en elle de nombreux bienfaits. Après avoir délaissé le peignoir auprès de celui de Chad, il pénêtre la tente pour y retrouver son comparse. La chaleur qui l'accueille est étouffante et met à mal ses poumons de fumeur. Il s'efforce de prendre de longues respirations, calquées sur les rares souvenirs de cours de préparation à l'accouchement auxquels il avait accompagné sa défunte épouse. Sa nuque lui semble déjà moite, râlant plus que parlant clairement en passant une main dans ses cheveux qui ne vont pas tarder avant de se faire poisseux, il marmonne une réponse aux dires de l'architecte.

-Ce terme me semble autant léger que justifié pour décrire notre situation.

Le britannique déjà habitué à pester au sujet du climat californien dès l'arrivée du mois de mars craint de s'effondrer s'il devait rester ainsi debout, comme une proie parfaite pour la chaleur. Mais il doute de savoir se relever sans aide s'il commettait l'erreur de s'asseoir. Il choisit pourtant cette option car il ne sait si c'est lui qui est trop grand pour ce lieu ou si la faute doit reposer sur la taille de celui-ci.

Les secondes semblent être devenues des heures et les minutes prennent des airs d'éternité. Le corps lourd mais l'esprit pourtant étrangement léger, Tobias prend place dans un des coins de la tente tout en étirant devant lui ses longues jambes. Il se remémore alors les conseils de D et l'existence de la bouteille d'eau confiée par ce dernier. Il en ôte le bouchon avant de la porter à sa bouche pour la soulager d'une longue part de son contenu.

L'impression qu'on opère une pression sur sa poitrine passe au fil du temps, se remémorant les dires de D, Tobias comprend alors que le plus dur est passé. Ses cheveux bouclent et dégoulinent dans sa nuque, il a l'impression d'être passé sous un jet d'eau nauséabond tant tout en lui transpire l'odeur l'âcre de la sueur. D'un regard curieux mais aussi bienveillant, il observe son ami qui comme lui a jugé qu'il serait bon de s'asseoir. La gorge étrangement sèche, Tobias respire profondément tout en ne pouvant s'empêcher de se demander où se situent les bienfaits de cette étrange expérience. Quelques longues minutes plus tard, lorsqu'on vient leur faire signe pour leur conseiller de ne pas s'attarder plus qu'il ne serait raisonnable de le faire dans la tente l'anglais peine à réagir à l'entente de son prénom.

Le corps lourd et l'esprit apaisé, il quitte la tente et manque de flancher quand l'air ambiant trop frais heurte sa peau luisante de sueur.

[...]

Il aura fallu deux douches à Tobias pour se sentir propre à nouveau. Après être passé avec Chad sur leur campement pour y déposer son caleçon humide de sueur, il prend la décision de concert avec son ami d'aller rejoindre les enfants et celle qui leur tient lieu de gardienne. Si Ian ne met que peu de temps à réagir à leur apparition, ce n'est pas le cas d'Alice qui, trop prise par ses jeux, ignore avec superbe son père et l'ami de ce dernier. La petite fille avance sans grâce aucune à la surface de l'eau, soutenue par des brassards colorés et Ama qui se tient prête à porter secours aux enfants en cas de besoin. La petite fille éclabousse plus qu'elle ne nage, Ian souriant lui rend sa politesse. Amusé Tobias finit par s'accroupir après du bassin pour envoyer dans la direction des enfants quelques vagues.

-Papa ! Chad ! Vous avez été trop vite !

L'heure qui s'est écoulée est pourtant bien réelle. N'en déplaise à cette jeunesse peu amène à l'idée de quitter la piscine pour aller mettre son pyjama.

-Vous allez bientôt devoir sortir.
-Bientôt c'est pas tout de suite !
-Et ensuite on ira mettre le pyjama Alice. Ian aussi va mettre le sien.


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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptySam 10 Juin 2023 - 15:41

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Je ne m’aperçois pas de l’absence du professeur. Mon esprit s’est détaché de mon corps : je vole.

Au début, j’ai survolé la tente de sudation. Contrairement à un rêve au contour flou, j’apprécie chaque détail, les plis infimes sur les tentes de peau, une grappe de fleurs de myrte qui s’agite dans le vent, un minuscule caillou qui dégringole dans une ornière sous l’impulsion d’un pas. Je vois dix fois mieux. Non ! Cent fois mieux. Le moindre détail, de prés, de loin, de très loin. Le vent caresse mes joues et glisse sur les plumes de mes ailes. Un lapin détale à cinq cents mètres de moi. Une exaltation me transporte, je vire sur la droite, la sensation est grisante. Dans mon dos je sens une présence timide. Je tourne la tête : personne. Je suis à huit cents mètres au-dessus du sol. Panique, peur, mon vol devient chaotique. Qu’est-ce que je fous là ?

La présence se rapproche et reprend les commandes de son corps. La chute s’arrête, en quelques battements d’ailes nous reprenons de l’altitude. Le lapin s’est tapi dans son terrier. « Il y avait des herbes dans la tente ? » « Oui. Je suis Wicoti(*). » « Chad. » « Je sais. »

(…)

Une main insistante me secoue l’épaule.

- Sors de là, maintenant.

Je peine à refaire surface. La chaleur de la tente m’étouffe à nouveau, comme si j’avais pu oublier cette température suffocante ! J’ai survolé d’étroits canyons, remonté jusqu’aux nuages pour replonger en piquet et raser l’eau d’un lac de mes serres. Wicoti est un jeune aigle de deux ans. Il possède un tempérament comparable au mien.

Dehors la lumière m’aveugle, je tangue sous mon propre poids, la gravité semble avoir doublé. Un cri rauque m’accueille, je lève le museau. Perché sur un poteau, Wicoti me salue avant de s’envoler. C’est là que je reconnais sa silhouette : il vit non loin de ma maison. Il fait partie des oiseaux qui volent souvent autour de chez moi. Je tends la main, mais elle pèse des tonnes.

- Ça va ? demande D. Comment était ce premier vol ?
- Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ?
- Ça ne fonctionne pas ainsi. C’est l’instinct qui est dans tes gènes qui a réussi à voler. Te prévenir aurait étouffé cet instinct par des craintes purement humaines.
- J’ai adoré ! J’espère recommencer un jour avec Wicoti.
- Wicoti est maintenant ton frère de vol. Il a accepté le lien. C’est avec lui que tu voleras à partir de maintenant.

J’ouvre la bouche, puis la referme. Aucun mot ne peut exprimer ce que je ressens. Cette fusion d’esprit est tout bonnement inénarrable. Je retrouve le Professeur au vestiaire. La douche me permet de reprendre pied. Mon corps est dénoué, apaisé.

(…)

Après nous être changés, nous rejoignions les enfants qui barbotent avec plaisir. Ian est radieux, le bonheur facile d’Alice est communicatif. Je ne sais pas ce que pense le Professeur quand sa fille marque sa frustration de le revoir trop vite. Une heure. J’ai l’impression d’avoir volé une journée entière ! Je n’ai rien dit de mon expérience au Professeur. Ce lien avec l’oiseau est personnel.

- Vous allez bientôt devoir sortir.
- Bientôt c'est pas tout de suite !
- Et ensuite on ira mettre le pyjama Alice. Ian aussi va mettre le sien.

Je me déchausse et retrousse les jambes de mon pantalon de toile pour m’asseoir au bord de la pataugeoire, les pieds dans l’eau. Un autre enfant s’amuse assis, de l’eau jusqu’au nombril. Un garçon un peu plus âgé qu’Alice, moins que Ian. Autant réservé que ma pupille. Il n’en sourit pas moins aux pitreries d’Alice.

- Bonjour, je m’appelle Chad.
- …
- Tokela(*), réponds quand on te parle, intervient Ama. C’est mon fils, ajoute-t-elle.
- Bonjour, je m’appelle Tokela. Ça veut dire renard.
- Chad signifie Guerrier, lui appris-je.

L’enfant hoche la tête, tandis qu’Ana explique brièvement que le père de l’enfant est parti lors d’un accident de voiture. Tokela avait à peine deux mois. Le voile qui ternit le visage d’Ama est fugace, vite remplacé par cette bonne humeur qu’elle affiche en toute circonstance. Nous avons tous nos douleurs, nos blessures. Ama a choisi de se montrer enjouée malgré sa peine. Chacun gère sa peine et ses deuils comme il le peut.

- Nous mangerons tôt ce soir. Les enfants doivent être fatigués. Vous mangerez autour du feu de camp de vos tentes. Jerry est en train d’installer une table de pique-nique et des sièges plus confortables pour manger que les rondins de bois. Vous pourrez étirer la soirée comme vous le souhaitez à portée d’oreille des couchettes de Ian et Alice.

La prévenance de cette femme est remarquable. Nous sortons les enfants de l’eau et retournons à notre camp doucement, Ian et Alice dans nos bras.

- Tokela a aussi un poney ! Il va nous le montrer demain ! clame Alice.
- J’ai vu un aigle voler bizarrement dans le ciel, annonce Ian.

Je me trouble et je suis bien content du pas d’avance qu’a le Professeur pour ne pas remarquer mon malaise. J’ai encore du mal à m’échapper de cette séance de vol et des implications qu’elle entraîne. Arrivés aux tentes, les enfants ne se font pas prier pour mettre leur pyjama. Jerry leur a installé des fauteuils en mousse à côté des rondins en prévision qu’ils s’endorment avant d’arriver à leur lit.

Ama a prévu des petits sandwiches que les enfants peuvent grignoter sur leur fauteuil. Je fais face au professeur autour de la table en bois installée par Jerry. Une glacière à nos pieds garde de la bière et des jus de fruits au frais. Un vin rouge californien remplit nos verres. Le soleil se couche dans un brasier admirable. Peu à peu seule la lumière du feu de camp illumine le rond de tente. Nous parlons peu pendant le repas, attentifs à la fatigue des enfants qui sonne rapidement l’heure de leur coucher.

(…)

Nous nous retrouvons autour du feu. Je me suis installé dans le fauteuil de Ian, sa mousse est plus confortable que les troncs d’arbre.

- D a apporté une bouteille de whisky pendant que vous couchiez Alice. Ca me semble être une bonne bouteille, ajouté-je en agitant deux verres.

Le professeur ne se fait pas prier, même si je sais qu’il a nettement baissé sa consommation. Sur nos têtes, le ciel d’un violet profond parsemé d’une myriade de points argentés est vierge de nuages. Les insectes et les oiseaux de nuit s’éveillent et bercent les dormeurs de leurs sons stridulants.

- La tente de sudation vous a-t-elle été bénéfique ? Pour ma part, je n’ai plus aucune contracture musculaire.

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 15 Juin 2023 - 14:16



Funeste ennui
Feat : Chad

Un jeune garçon tient compagnie à Alice et Ian sans ouvrir la bouche ni oser perdre Ama du regard. Ce petit bonhomme ne se montre cependant pas avare de sourires en observant Alice qui éclabousse tout ceux qui l'entourent sans oublier de rire aux éclats, amusée par ses propres jeux. La petite fille a su ne pas copier les plus ternes traits de caractère de son père. Elle prend un grand plaisir à découvrir ce monde qui l'entoure, jouissant de toute cette joie qu'elle peut y trouver. Plus réservé le petit garçon ne répond à la salutation de Chad que lorsque sa maman le reprend. Tobias comme Chad découvrent alors que leur professeure de poterie est maman. Ce qui en soit n'est pas une surprise car même si l'anglais trouve agréable les conversations qu'il entretient avec la femme depuis leur arrivée, jamais ne lui serait venue l'idée de creuser pour entrer dans l'intimité de cette dernière.

Le regard d'Ama se voile, son sourire se ternit quand elle évoque le tragique destin du père du jeune Tokela. Le souvenir de Wesley et de la disparition de celui-ci envahit l'esprit de Tobias. Dans de pareilles circonstances il est dur de trouver un coupable, une personne a qui en vouloir et dont on pourrait juger qu'elle devient la responsable de tout nos malheurs. La vie est injuste et arrache des gens à leurs familles chaque jour sans que personne ne puisse rien faire pour lutter contre ce fléau. Un jeu de malchance, une preuve de plus aux yeux du britannique que la douceur que l'on prête à Dieu n'est rien de plus qu'un mythe. Le tout-puissant est un gamin cruel, les fesses posées sur une fourmilière et tenant une loupe à la main. Préférant son silence au risque de prononcer un mot malhabile, Tobias se tait, se contentant de déposer sur ce garçon qu'on a privé de son père un regard doux et compatissant.

Les enfants représentent aux yeux de l'anglais une limite à ne pas franchir, même s'il a déjà été lui même à l'encontre de cette règle à nombreuses reprises et ce sans que jamais sa main ne tremble au moment de commettre l'impensable. Il ne mentionne que rarement les conséquences de certains de ses actes passés, y songeant moins souvent encore. Ce qui est fait ne peut être changé, le regret ne sert donc à rien. Sinon à remuer dans d'innombrables plaies la lame acérée de la culpabilité.

Il a bien assez de soucis à gérer sans vouloir s'en causer plus encore en se plongeant dans d'inutiles remords.

Ama est une femme prévenante et qui semble être capable de penser à tout. Elle retrouve cette expression bienveillante que le souvenir d'un amour injustement perdu lui avait brièvement arraché.

-Merci encore Ama pour votre bienveillance. Vous êtes une perle et votre rareté vous pare d'une beauté étincelante. Alice vient ma chérie.

Tobias se penche pour attraper sa fille et la sortir de l'eau. D'un habile coup de dent il fait sauter les bouchons des brassards, les dégonflant suffisamment pour parvenir à les retirer sans blesser sa fille. Il passe par la suite une serviette de bain décorée d'animaux bariolés autour de sa princesse avant de la prendre contre son torse. Ses mains s'attardent au niveau des cuisses dodues de la petite fille, il chatouille et prend plaisir à sentir la petite blonde se tortiller contre lui. Les boucles blondes d'Alice lui dégoulinent sur le front.

-Tokela a aussi un poney ! Il va nous le montrer demain !
-Il a l'air gentil.

Tobias ne doute pas qu'Ama parvienne à faire de ce gentil petit garçon un homme bien.

D'une oreille distraite Tobias entend derrière eux Ian parler d'un aigle au vol étrange. Leur rencontre avec ces animaux aura su elle aussi marquer leur journée. Leur retour au campement est paisible, les enfants acceptant de mettre leurs pyjamas respectifs sans rechigner. Alice ne cesse de parler, laissant son papa batailler avec une couche dotée d'un adhésif défaillant.

-Tu sais Tokela est très gentil.
-J'ai vu ça en effet.
-Et il n'a plus de papa. Juste une maman.
-C'est triste mais ce sont des choses qui arrivent chérie.
-Moi je n'ai pas de maman. Juste un papa. Est-ce que c'est triste ?

Tobias se fige, le short de pyjama parme de sa fille entre les mains. Il craint qu'une question à laquelle il ignore quelle réponse il devrait donner ne se fasse entendre dans la foulée. Sa petite fille ne sourit plus, plongée dans une réflexion qu'il imagine intense. Il n'aime pas le mensonge et évite d'en faire usage dans la mesure du possible. Il ne renâcle pas à la tâche quand arrive le moment d'énoncer d'acides vérités, mais si blesser son prochain de cette façon ne le dérange pas, il ne veut pas infliger ce traitement à sa princesse.

-Est-ce que maman est partie parce que j'ai été méchante ?
-Non. Tu es la plus gentille des petites filles. Tu ne dois jamais en douter.

Tobias n'est pas impartial, mais il n'a que rarement entendu des reproches être faites sur le comportement de sa fille. Alice est certes vive et un peu trop gâtée pour son bien mais elle ne se montre jamais méchante. Il termine de l'habiller, puis la laisse sortir du hogan avec le museau de son italien en peluche serré fermement entre ses dents. Tobias un peu défait suit finalement le mouvement en y mettant moins d'entrain que ne le fait Alice déjà partie en sautillant pour rejoindre Ian.

Le repas est léger et la discussion qui l'anime l'est tout autant. Le vin rouge sait satisfaire le palais de l'anglais par sa simplicité, les sandwiches bien garnis mettent tout le monde d'accord. Ama a pensé à tout pour que cette soirée soit aussi douce que le reste de leur journée. Sans attarder ses pensées trop longtemps sur ce sujet, Tobias songe un bref instant à inviter cette dernière dans le restaurant libanais qui vient d'être reprit. Une proposition galante, qui n'est animée par aucune arrière pensée. Ce serait alors la promesse d'une soirée calme, moins survoltée que celle qu'il a passé avec sa collègue dans ce lieu mais pas dénuée de plaisir pour autant. Ama est une femme dotée d'une intelligence certaine qui sait manier les mots avec justesse. Même si son physique ne correspond pas aux canons dictés par un monde dans lequel la minceur poussée à son extrême est reine, Tobias est certain de ne pas considérer ce critère comme étant important.

Il ne faut pas attendre longtemps pour que les enfants montrent les premiers signes trahissants leur fatigue.

Après avoir couché les enfants, Chad et Tobias se retrouvent autour du feu. La bouteille qui leur a été portée pendant que l'anglais couchait sa fille réjouit ce dernier. Il entreprend de faire le service, tendant un verre à son ami tout en appréciant la quiétude qui fait vivre cet instant.

-J'appréhendais la chose, mais je ne regrette en rien de m'être prêté à cette expérience. Mon dos est soulagé, j'ignore si le sommeil va me revenir mais même si ce n'était pas le cas je reste heureux de vous avoir suivi ici.

Tobias fait tourner entre ces doigts le verre de whisky qu'il tient en main. Son regard se perd dans cette marée ambrée qui se dessine et s'agite. Une rivière de feu dans laquelle se reflètent les flammes de leur camp.

-J'aurais eu tord de refuser votre invitation. Ici les gens sont bienveillants, brillants. Les sauvages sont ceux qui sont persuadés d'être civilisés. Mais certainement pas les gens qui vivent ici.

Il prononce ces mots comme s'ils contenaient en eux une vérité universelle. Le défaut de l'homme moderne qui se persuade d'être brillant. Des certitudes qui finissent mises à mal lorsque l'on prend la peine d'aller voir plus loin que le bout de son nez. Ce qui dans le cas de l'anglais n'est pas un maigre effort.

Le professeur laisse le silence faire son nid, son regard se perd dans cette immensité qui les entoure. Insectes et oiseaux offrent au monde un concert dont seuls les couches-tard peuvent profiter. Après avoir soulagé son verre d'une lampée de whisky, il ose parler de cette discussion qu'Alice a eu avec lui dans le hogan qui leur sert de logis pour la nuit. Des paroles troublantes dont il espérait ne pas avoir à assumer d'en avoir eu connaissance avant au moins cinq ans.

-Alice m'a demandé pourquoi elle n'a pas de maman. Et je ne peux décemment pas lui confier la fin tragique de sa mère. J'aimerais la protéger encore longtemps, elle est bien trop jeune pour entendre parler de la mort.



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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyMer 21 Juin 2023 - 20:51

Funeste ennui

Feat : Tobias Rapier

Le professeur se dit satisfait de l’expérience. La forte chaleur alliée à la médecine des plantes a su se montrer un puissant décontractant musculaire. Il doute de l’effet sur un possible sommeil réparateur. On dort mieux avec un corps détendu. J’ai bon espoir que ce soir, au moins, cet homme que j’apprends à apprécier de plus en plus dormira d’un sommeil lourd et bénéfique.

Il s’étend sur l’accueil des Kawaiisu. Entre chaleur et respect, je dois reconnaître que la tribu a su nous mettre à l’aise. Même si dans mon cas, je me sens étudié et évalué. La preuve en est ce vol inopiné dans le corps de Wicoti. Je lève le nez au ciel pour voir si j’aperçois mon compagnon à plume, mais le violet sombre de la nuit est vierge de tous rapaces : ils dorment.

Je ne réponds rien aux éloges du professeur. C’est inutile. Je n’ai pas à me gonfler de fierté d’avoir réussi à l’amener ici. C’est l’instinct qui m’a fait agir, l’intuition que c’est ce dont il avait besoin. Un break, une cassure dans sa routine.

- Alice m'a demandé pourquoi elle n'a pas de maman. Et je ne peux décemment pas lui confier la fin tragique de sa mère. J'aimerais la protéger encore longtemps, elle est bien trop jeune pour entendre parler de la mort.
- Hum… Le sujet est délicat. Les circonstances sont évidemment à taire tant qu’Alice ne s’est pas construite en tant que personne à part entière. Je pense, toutefois, qu’elle devrait savoir que sa maman n’est plus, morte de « maladie » et qu’elle n’a pas été abandonnée.

Je lance un regard en direction du hogan où Ian est couché. J’écoute sa respiration calme et profonde du dormeur avant de poursuivre.

- Le deuil est un passage difficile, mais il permet de passer à autre chose. Si vous ne le lui dites pas, une part d’Alice sera retenue dans le passé. C’est évidemment un sujet qu’on n’amène pas brusquement. Commencez à lui parler du rythme de la vie. Ma mère nous avait montrés des mouches mortes à ma sœur et moi. Un point de départ pour nous expliquer le cycle de la vie. Quand le concept nous fut acquis, elle nous parla de la mort de notre grand-père. Elle avait coupé les ponts avec lui et le regrettait maintenant qu’il était trop tard. Je devais avoir l’âge de Ian, un peu moins. Les enfants comprennent plus qu’on ne le pense. Et ils peuvent se faire de fausses idées, si on les laisse interpréter seuls ce qui les entoure.

Je souris tristement.

- Mes parents m’ont menti pendant vingt-cinq ans sur mes réelles origines, sur mon vrai père assassiné quand j’avais deux ans, sur ma vraie mère que j’ai croisée par le plus grand des hasards il y a un peu plus d’un an. Je leur en veux, même s’ils ne pensaient qu’à me protéger de la même manière dont vous pensez protéger Alice en lui épargnant cette tristesse de perdre sa maman. Dites-lui qu’elle est morte emportée par la maladie. Plus tard, elle vous demandera des détails, ou pas. Elle doit se construire avec ce deuil et non un manque dont elle ignore tout, un manque qui peut devenir un gouffre.

J’avale le reste de mon verre et me brûle la gorge. Je lance une grimace équivoque au professeur. C’est audacieux de ma part de lui dicter sa conduite, même si là n’est pas mon but. Je comprends sa position et sa faiblesse, celle d’un père qui a élevé sa fille au rang de princesse.

C’est notre dernière nuit, nous reprendrons le cours de notre vie demain en fin d’après-midi. Je ne me souviens plus ce qu’il y a de prévu comme activité. J’étouffe un bâillement. La journée m’a épuisé.

- Je vais me coucher, la journée m’a épuisé. Bonne nuit, Tobias.

Sur sa couche, Ian dort paisiblement, un léger sourire aux lèvres. Il me faut peu de temps pour me déshabiller et me coucher. J’envoie un message à Derek où je lui résume succinctement notre journée pour ensuite tomber dans les bras de Morphée.


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Tobias Rapier

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MessageSujet: Re: Funeste ennui [FT Chad]   Funeste ennui [FT Chad] EmptyJeu 29 Juin 2023 - 11:35



Funeste ennui
Feat : Chad

Comme Chad le souligne avec justesse, la mort est un sujet délicat qui effraie autant les adultes que les enfants. Tobias est lui même terrorisé à l'idée que l'on ne vienne lui arracher ce bonheur qui est parvenu à lui redonner goût à la vie. S'il a pendant des années souhaité rejoindre ceux qui lui avaient été injustement pris, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Au contraire il espère que son épouse et son fils sauront faire preuve de patience, lui laisser le loisir de savourer tout de cette seconde chance qui s'est offerte à lui avant de le rappeler à leurs côtés. En sa qualité de croyant Tobias est certain qu'après cette vie existe la possibilité d'en vivre une nouvelle, une éternelle existence. Même s'il sait que son âme demeurera souillée par tout ces crimes qu'il a commit sans éprouver le moindre remord, il ose croire en une erreur du seigneur qui lui permettrait de retrouver femme et enfant lorsque sera écrite la dernière ligne du conte de sa vie sur terre.

Une étrange épopée, un livre d'horreur dont chaque mot aurait été couché sur le papier par un esprit dérangé.

Tobias ne pipe mot, songeant à ce qu'il pourrait dire à sa fille et ce qui devra pendant encore longtemps être passé sous silence. Il ne connaissait que très peu sa voisine, cette junkie invisible à son regard blasé. Il a trop côtoyé la misère humaine pour qu'elle ne sache encore le toucher.

Respectueux, il écoute les confidences qui lui sont faites sans jamais couper son ami. Il savoure le contenu de son verre, se perdant dans ses songes quand Chad lui apprend qu'il n'a été mit au vent de son adoption qu'à l'âge de vingt-cinq ans. Une erreur qui trouve son fondement dans les bonnes intentions des parents adoptifs de son ami. Il n'est pas prévu que Tobias cache à Alice le fait qu'elle n'est pas sa fille naturelle. Un tabou dans son cas inutile. Tout le monde sait dans leur cercle proche que Tobias n'a pas eu seul cette petite fille. Un jour toutefois, comme elle l'a fait au moment de son change, elle voudra en savoir plus, questionnera au sujet de cette maman qui l'a portée et lui a donnée la vie. Si Tobias ne sait rien au sujet du géniteur de sa fille, il devra toutefois lui donner une vérité acceptable au sujet de sa défunte mère.

Alice n'est pas sotte, elle voit bien qu'entre ses camarades qui viennent au parc et elle se construit une différence. Tout ces marmots sont accompagnés par leurs mamans lorsqu'ils se rendent au parc pour leur sortie quotidienne. Des femmes qui vantent les mérites et l'intelligence de leurs enfants qui insouciants préfèrent manger le sable de l'aire de jeu pour ne pas avoir à entendre toutes ces balivernes. Un jour elle demandera pourquoi elle est la seule à venir accompagnée par son père dans ce lieu et où est cette maman absente qui devrait elle aussi faire reposer tout ses espoirs et rêves brisés sur elle.

Comme le dit Chad, il est trop tôt pour apprendre toute la vérité à Alice, mais il est toutefois assez tôt pour que Tobias puisse préparer le terrain. Et ainsi amoindrir le chagrin de sa fille lorsque celle-ci sera en âge de comprendre que la vie est parfois injuste.

-Il faut que je prenne mes responsabilités. J'aurais simplement souhaité lui éviter tout cela.

Chad vide son verre et se lève pour aller retrouver le confort de sa couche.

-Bonne nuit Chad.

L'anglais regarde sa montre, vide son verre pour le remplir une nouvelle fois. Il allume une cigarette, son regard se perdant dans ce décor qui gagne en noirceur au fil des minutes. Cet endroit hors du monde lui apporte une sérénité complète, il craint de déchanter quand lundi il devra reprendre le chemin de l'université. Il sort son portable d'une de ses poches, l'allumant pour s'assurer que le monde n'a pas cessé de tourner en son absence. Un message de sa mère, deux de sa nièce, un d'Alessandro et un appel manqué de Jasmine lui confirment qu'il n'a rien loupé d'important sinon un routinier mélange de banalité. Il répond à son ami, laissant aux autres personnes qui ont essayé en vain de le joindre l'oubli le plus total.

Sa cigarette consumée termine écrasée dans le cendrier, il vide son verre sans sourciller avant de lui aussi se lever pour dormir quelques heures qu'il espère assez nombreuses pour y trouver un repos concret.

[...]

La lueur qui pénètre dans le hogan le tire du lit, à moins que ce ne soit l'œuvre de cette petite main et tout les petits doigts qui la constituent qui vient de lui caresser puis tirer la peau de la joue. Mal réveillé, l'anglais râle. Pour finalement attraper la petite chipie qui se serre contre lui avant de gratifier le front paternel d'un baiser poisseux.

-Papa debout !
-...
-Papa !
-Bonjour Alice.
-Papa debout !!
-... Bonjour.

Il ouvre un œil sombre et ensommeillé, observe sa fille en attendant ce mot qui ne s'est toujours pas fait entendre. Après un long instant et avoir tenté de tirer son père par le bras pour qu'il daigne se lever, Alice prend conscience de son oubli.

-Bonjour papa ! Maintenant debout.

La petite fille flanque l'italien en peluche sur le visage de son père, puis s'en va guillerette, retrouver l'extérieur. Le loup dûment saisit par l'anglais fait un vol plané et atterrit à une bonne trentaine de centimètres de leur valise. Tobias se lève, passant un jean sur son boxer et un maillot de corps avant de rejoindre à son tour Chad et Ian. Le visage de Jerry hilare est la première chose qu'il rencontre quand il pose un pied nu dehors.

-Bonjour Tobias. Réveil rude ?
-Bonjour, réveil tout court.

Tobias fait généralement illusion en se levant bien avant sa fille, avant même que le soleil ne songe à sortir de sa cachette. Mais cette nuit fut douce, presque sans rêve et hormis un réveil pour soulager un besoin naturel il a pu sans soucis retrouver les bras de Morphée. Une première prometteuse. L'anglais s'éveille, se saisit d'une tasse de thé qui n'attendait que lui et la vide sans craindre de se brûler la langue. Chad et Ian sont en train de se changer, Alice court sans songer à une possible chute. Il soupire, savoure ce silence uniquement brusqué par les exclamations diverses qui émanent de sa fille qu'il a tendance à juger trop éveillée pour son bien lorsqu'il est si tôt. De son regard noir qu'il aimerait blasé, il surveille la prunelle de ses yeux sans rien dire. Son rayon de soleil semble avoir tout oublié de ces étranges questions qu'elle a posé à son père la veille.

-Alice. Viens t'habiller, les petites filles bien éduquées ne pavanent pas en couche culotte devant public.

Alors que dans leur habitat naturel rien ne leur interdit de prendre cette liberté. Pas même leur papa.

Alice ronchonne, même lorsqu'elle se trouve être rejointe par son ami Ian qui sort du hogan qui lui a servit de logis pour la nuit. Chad ne tarde pas avant d'apparaître à la suite du petit garçon. Tobias les salue.

-Bonjour.

S'ensuivent les politesses d'usage durant lesquelles chacun s'enquiert de la qualité du sommeil de son prochain. C'est sans mentir que Tobias admet avoir passé une bonne nuit.

-Je n'osais pas y croire, mais la nuit fut bonne et sans coupure.

La première en un mois, peut être plus. S'il ne tient pas le compte précis de ses nuitées confortables, l'anglais note généralement dans un coin de son esprit celles qui le sont tant leur nombre est rare. On ne s'habitue jamais totalement au manque de sommeil, même si les insomnies ne savent plus nous surprendre lorsqu'elles sont assez récurrentes pour que l'on ne redoute plus leur apparition au moment de se coucher. S'il fut un temps où le professeur se couchait assez ivre pour ne pas chercher après le sommeil, cette époque est désormais révolue. Certes il boit toujours, plus que ne le fait la moyenne des gens mais il sait qu'il revient de loin et que ce mieux dont il se montre capable est sans aucun doute son meilleur. Tobias se penche, attrapant Alice qui commet l'erreur de passer près de ses longues jambes.

La demoiselle râle puis s'esclaffe.

-Tu dois venir t'habiller. Je ne connais pas le programme de la journée mais tu as parlé d'une invitation à rencontrer Tokela et son poney.

C'est déjà un bon début. Ce rappel réjouit Alice, faisant par la même occasion sourire Ian, qui même s'il est plus dans la retenue ne cache pas cette joie que fait naître en lui l'idée de retrouver ce petit garçon avec lequel ils ont barboté la veille.

Avec Alice fermement accrochée à son cou, Tobias entre dans le hogan. Ils en ressortent une bonne dizaine de minutes plus tôt, enfant comme adulte prêts à quitter le camp pour quelques heures.

Jerry leur indique la position qui doit être celle d'Ama et sans aucun doute son fils. Tobias marche au même niveau que Chad, les enfants ont quelques pas d'avance sur eux et se tiennent la main.

-Reprendre le travail demain va être une rude affaire. J'espère que ma nièce n'a pas eu la sotte idée d'organiser une partie en mon absence. Elle apprécie la Californie mais tente d'y mener la vie décrite dans les Teen-séries qu'elle regarde chez ses parents.

Judith n'est pas une jeune femme difficile à vivre, Tobias lui trouve comme principal défaut de trop ressembler à sa mère et donc sa grand-mère. Alessandro n'a pas tord lorsqu'il dit que les espionnes envoyés par la mère de son ami sont plus coriaces que les gardes avec qui il doit apprendre à vivre. Si Jasmine a su saisir assez rapidement qu'il était mieux pour elle de ne pas s'intéresser de trop près aux manières de son frère et à certaines de ses étranges habitudes, ce n'est pas le cas de Judith qui s'amuse des similitudes qu'elle trouve entre son oncle et certains protagonistes de polars. S'il n'aime pas le mensonge, l'anglais a apprit à omettre pour protéger son intimité et conserver sa liberté chérie. Il ne tolère donc que très difficilement les intrusions que fait dans sa vie cette jeune femme qu'il ne connaissait pas il y a encore quelques mois.

-Elle est étudiante, elle fait un stage dans le domaine de la photographie. Un stage qui devait ne durer qu'un mois et dont elle termine le second. J'ai hâte de pouvoir la rendre à ses parents.

Tobias sourit, pour montrer qu'il n'est pas mauvais bougre. Une expression rendue jaune par sa mauvaise fois et sa crainte d'être démasqué.



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