Moissons Hantées

Sujet: Moissons Hantées Jeu 14 Sep 2023 - 3:54

Moissons Hantées

Feat. Brian O'Conner & al.

Dean était au jardin avec Alex. Il l’aidait à terminer les récoltes, et ils se préparaient à pailler et protéger le potager pour la saison froide. Le louveteau posait des questions avec intérêt. Au cours des derniers mois, il avait montré un certain intérêt pour l’herboristerie, et le druide ne voyait pas de mal à lui partager ses connaissances surnaturelles au même rythme qu’à son frère. Max était pour sa part avec Galilée, auprès de la basse-cour. Il avait eu une altercation avec le druide la semaine précédente et Alex avait jugé préférable de lui laisser un peu de distance pour le moment. Prudence – et pas la poule craintive - étant mère de toutes les vertus, le père Cormier s’assurait de pouvoir le rejoindre rapidement s’il advenait quelque chose. Qu’il en soit témoin direct ou que le jumeau lycan rapporte l’éventuelle nouvelle au scientifique.

Dans un réflexe aquis au cours de ses études, Alex fourra son visage dans le coude de sa veste en sentant une quinte de cette fichue toux lui remonter la gorge. Il était de nouveau sur pieds, mais ce symptôme traînait comme les chaussettes dans la chambre des garçons. Le mouvement força le regard d’Alex à quitter le sol pour tomber sur les planches qui séparaient jadis les terrains du pâté où trônait toujours la maison aux roses.

- On a presque fini pour aujourd’hui. Y’a plus qu’à... Alex entama une courte liste de menues tâches qui pourraient encore être effectuées avant la brunante. Lorsqu’il croisa le regard en biais de Dean, celui-ci l’esquiva immédiatement en une grimace qui trahissait son malaise.

Il fallut une seconde au druide pour repasser mentalement sa dernière intervention avant de réaliser que l’accusation de Max la semaine dernière avait été justifiée. Le biochimiste soupira : il avait effectivement tendance à abuser des plus qu’à, gourmand d’efficacité. Un trait qu’il avait cru perdu à jamais lors de son exil, mais qui était revenu au même galop que Chose Seconde.

- Va t’amuser, je vais terminer seul, offrit-il en appuyant ses dires d’un sourire. Ce serait plus compliqué de déplacer seul les planches à l’abri des intempéries, mais ça n’était pas impossible. Au pis, il pourrait demander à Brian de l’y aider le lendemain, avant de prendre la route du centre-ville.
- Non, non, je veux t’aider.
- Je veux pas que tu te sentes forcé. Tu as mérité de te reposer.

Alex n’avait pas particulièrement envie d’avoir l’entièreté des enfants sous sa garde qui en soit simultanément à le bouder. Il toussota à nouveau, mais Dean avait déjà les mains dans le panier entre eux, y installant les dernières courges du carré de jardin. Cet enfant était aussi têtu que les mules qui l’avaient adopté et leur médiateur habituel s’occupait présentement de nettoyer un clapier.

Prétendant la nonchalance, Dean interrogea Alex sur la cabane que Gabriel avait construite pour Michael et lui, lorsqu’ils vivaient au Vermont. Les pères alternaient les contes pour enfants avec des anecdotes et autres faits vécus, à l’heure du coucher, et l’oncle Michael semblait avoir marqué l’esprit de Dean.

- Tu crois qu’on pourra aller le voir, un jour?

Alex s’apprêtait à répondre d’un silence révélateur, mais se souvint d’un conseil qu’on lui avait donné, des années auparavant.

- Je n’en sais rien. Le druide s’était promis de ne plus ressortir de Beacon Hills, sauf en cas d’urgence, mais il ne s’imaginait pas laisser les gamins se risquer à faire une telle route seuls, peu importe l’âge qu’ils auraient.

Un échange de hennissements trahi le retour de Brian. Alex fit signe à Dean qu’il pouvait rentrer, et se leva également en essuyant ses mains terreuses sur son vieux jeans. Le louveteau ne bougea pas d’un cheveu et il fallut qu’Alex l’interpelle à deux reprises avant qu’il ne daigne dire qu’ils n’en avaient plus pour longtemps.

- Demain, Dean! Vas te laver les mains, on va manger bientôt.

Dans la cuisine, Max était en train de préparer la table. La cuiller de bois, humide, posée près du ragoût laissait supposé qu’il avait récemment été agité. Alex le remercia en déposant sa main sur l’épaule du frère émotif, interrompant un instant seulement sa marche vers l’entrée principale. Brian venait de fermer le box quand Alex passa sur le porche. Il attrapa les mains de Brian et l’attira dans un baiser, avant de l’enlacer. Épuisé de sa journée, il se permit de déposer quelques secondes sa tête contre l’épaule du mentaliste.

- Comment a été ta journée ?

Alex se décolla de son amoureux pour le laisser entrer et poser ses trucs. Il n’en eut pas immédiatement le temps, toutefois, accueilli à leur tour par les jumeaux.

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Sujet: Re: Moissons Hantées Lun 25 Sep 2023 - 15:21

Moisson hantées

Feat : Alex

Je talonne doucement Bidule qui ralentit de plus en plus, tournant à maintes reprises le museau vers la direction qui nous rapprocherait de la maison. L’heure n’est pourtant pas au repos. La fièvre qui sévit en ce moment colle plusieurs gardes au fond de leur lit. Et on ne peut même pas faire confiance au nouveau, le chasseur devenu loup alpha. D’après les collègues qui l’ont vu sortir par la porte ouest, l’Anglais avait pris la route qui obliquait vers le sud. Il n’avait pas pipé mot sur le motif de son voyage, mais je me doute quelle est sa cible. Je sais par les jumeaux que sa fille est malade, une des premières victimes de cette grippe qui semble virulente.

Déjà, les gens s’évitent, le traumatisme de 2020 reste présent dans les mémoires. Ils attendent les premiers morts. Ça s’affole à l’hôpital. Ils n’ont plus les moyens d’avant, la grippe reprend le pouvoir meurtrier qu’elle avait eu sur les premiers colons qui avaient foulé cette terre. Le gouverneur ne pas tarder à imposer des restrictions de déplacement, l’école a fermé hier, coinçant Alex avec les garçons à la maison. La situation se tend, j’espère qu’on n’en viendra pas à des émeutes. Moi aussi, je n’ai pas oublié le poids de ma charge, celle de barrer le chemin de gens qui sont simplement apeurés ou en détresse. Des moments où je ne dois pas raisonner en individualité, mais en masse. Sauver la population d’elle-même. La pire des guerres. Le dilemme des policiers, des cas de conscience que n’ont pas les soldats. Comment se battre contre nos amis, nos voisins ?

MA ronde s’est allongée du double de sa distance. Nos forces vives en détresse, ce n’est pas le moment que les palissades lâchent. Je me dois être attentif malgré ma fatigue.

(…)

Bidule s’est mis au trot quand j’ai tourné la bride vers la route qui mène à la maison aux roses. Le sang de Jansen aura marqué cet endroit d’une aura spéciale. En approchant, j’aperçois Alex avec Dean dans le jardin. Je note l’absence de Max. Nous sommes devenus pères en une soirée. Ni Alex ni moi n’avons la science infuse de l’éducation. Nous nous fions à ce que nous avons vécu chacun de notre côté. Je ne veux pas reproduire le schéma familial que j’ai subi. Alors malgré les journées harassantes, les fesses tannées sur le cuir de ma selle, j’essaye de jouer avec Dean et Max, de passer des moments privilégiés tout en gérant les contraintes de la maison. Je couve un sentiment de malaise vis-à-vis d’Alex : j’ai l’impression qu’il apporte plus que moi à la stabilité de notre foyer. Le jardin, dont il a quadruplé la surface, nous permet de manger varié et sainement.

Je suis un piètre cultivateur, j’espère compenser avec mes qualités de bricoleur. J’ai amélioré le mécanisme de la pompe à vent qu’on a moins besoin de relancer pour avoir l’eau courante à la maison. Un luxe qui nous épargne la fastidieuse tâche du transport de l’eau.

Bidule se rue dans son espace et s’ébroue après que je lui retire la selle. Son échine est couverte de sueur. J’ai hâte de rentrer à la maison, pourtant je m’applique à sécher son pelage avec une poignée de foin. Je retire la terre qui s’est accumulée sur la sole sous ses pieds. Prendre soin de son cheval est vital. Je termine par un étrillage qui me permet de lui trouver deux tiques que je retire sans mal.

Les clapiers sont propres, l’œuvre d’un des garçons, je suppose. Je souris à Alex qui m’attend sur le proche. Il a une trace de terre sur le front, là où il a l’habitude de se gratter du gras du pouce quand il est contrarié. Je me laisse capturer par ses mains. Qu’il est bon de rentrer chez soi et d’y être attendu et désiré. Cet instant efface la rudesse de nos vies. On en vient à l’essentiel. Je ne suis pas insensible aux millions de morts que LE virus a causés, mais c’était peut-être ce qu’il fallait à notre société : une méchante correction pour nous rappeler à l’ordre. Beaucoup y mêlent Dieu à tout ça, je n’y vois que la conséquence de nos propres abus.

- Comment a été ta journée ?
- Longue et chiante ! La tienne ?

Alex n’a pas le temps de me répondre, les garçons se montrent curieux de ce que je rapporte dans mon sac de marin. Max demande si j’ai des nouvelles d’un de ses copains.

- Non. Je n’ai vu que mon chef d’équipe. Trois gars sont portés pâles dans ma brigade, j’ai pris la ronde de l’un d’eux en plus de la mienne. Je n’ai pas eu le temps de faire des cueillettes, mais je ramène ça : il est normalement trop jeune pour être chassé, mais il s’est brisé une patte en sautant sur un terrain instable, des chutes d’arbres.

Je sors un faon de ma besace.

- Oh ! s’exclame Dean. Il est joli avec les tâches sur le dos.
- Ils les perdent en devenant adultes. Ah oui, Alex, la battue aux sangliers est reportée malgré les dégâts qu’ils font aux barricades : pas assez de monde. Mais on aura droit à une part de viande, je m’en suis assuré. Dean, Max ? Allez accrocher le faon dans la remise comme je vous l’ai montré. Vous devrez trouver facilement la jugulaire pour la saignée. N’oubliez pas la moustiquaire pour les mouches et de cloîtrer les poules !

Je laisse les enfants sortir avec la bête et d’un signe de la tête à Alex, je lui fais savoir que j’ai à lui parler en tête à tête.

- J’ai cru comprendre que t’avais besoin d’aide au jardin. On s’y colle, comme ça s’est fait.

J’attends que nous ayons déplacé quelques planches, au cas où Dean tende l’oreille. J’explique à Alex que le Gouverneur va bientôt limiter les déplacements pour éviter la dispersion du virus.

- Nous avons tous deux des métiers voués à être réquisitionnés en cas de problèmes. Maintenant que nous avons la charge des jumeaux, on peut prétendre à ce que l’un de nous soit dispensé. Sais-tu à quel point la situation est tendue à l’hôpital ? T’es pas infirmier ni médecin. À moins qu’ils aient besoin d’un biochimiste pour fabriquer un vaccin ou je ne sais quoi, tu seras plus tranquille que moi. Après, je t’avoue que je préfère m’occuper des enfants, que devoir faire régner l’ordre civil…

Nous posons l’ultime planche qu’il fallait abriter quand Alex est pris d’une quinte de toux. Je fronce les sourcils.

- Tu vas bien, demandé-je en posant le revers de ma main sur son front.

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Sujet: Re: Moissons Hantées Mar 17 Oct 2023 - 3:19

Moissons Hantées

Feat. Brian O'Conner & al.

C’était rapidement devenu le moment favori de la journée d’Alex. Lorsque Brian ou lui-même rentrait à la maison et qu’il se retrouvaient tous les quatre. Les nouveaux pères ne s’étaient encore jamais retrouvés à attendre le retour des garçons en étant seuls dans la maison aux roses. Les très rares occasions où c’était arrivé, ils s’étaient arrangés pour qu’au moins l’un d’eux aillent les chercher. Des papas poules qui ne évitaient de laisser leurs pupilles seuls s’ils le pouvaient, bien que leurs camarades se déplacent plus librement qu’eux-mêmes.

Alex n’eut pas le temps de répondre à son mentaliste favori. Éreintante aurait sans hésitation été le mot qu’il aurait privilégier pour décrire sa journée, à défaut de pouvoir nommer devant les jumeaux sa frustration née de l’attitude de Max. Attitude elle-même causée par la nature nerveuse du druide et un faux-pas répété de sa part. S’il est prêt à ignorer son plus jeune tuteur, il n’en va pas de même pour le garde, dont la charge pique la curiosité des enfants. Peu prompt à la jalousie, Alex accepte ce comportement sans broncher ni démontrer la blessure que cela lui cause. De toute manière, être jaloux de son petit copain serait nocif pour leur relation.

- Trois! grommela Alex derrière sa barbe trop longue. Il avait bien fait, au final, de ne pas commenter sur sa propre journée. Devoir épierrer le jardin semblait être un imprévu bien mineur en comparaison. Il fallait dire que c’était davantage le domaine de Brian. La construction, le bricolage, l’utilisation de cette science inorganique qu’est la physique pour parvenir à ses fins n’était pas la force du jardinier. Ils s’en étaient sortis, à trois et à la force de leur huile de coude, mais tout de même.

Il en allait de même pour les réparations sur la maison aux roses. La plupart du temps, Alex n’avait l’impression de servir que de potence, à tenir les outils, ou une corde, pendant que Brian travaillait pour de vrai. Le pire dans tout ça, c’était qu’Alex prenait plaisir à bricoler. Il aurait aimé y être plus doué, que ça lui vienne plus naturellement, et qu’ils puissent avancer plus rapidement dans leurs travaux, mais ça n’était pas parmi les bagages que le hasard de sa naissance lui avait fourni. D’une certaine manière, c’était véritablement un miracle qu’il ait survécu sept longues années dans la brousse en dehors des murs. C’était sans surprise que ses abris étaient sommaires et qu’une couverture au sol lui était devenue suffisante.

Le gibier que leur montrait Brian tira un sourire à Alex, qui se mordit la lèvre inférieure afin de réfréner un grommellement anticipatoire. Le retour à la civilisation avait définitivement du bon. Dans cette chaleur humaine et ces relations qu’il avait renouées et qui étaient nées, également. Le regard brillant d’affection, le biochimiste chercha celui du policier et, sans un son, mima deux mots : "Tout pareil". Il n’avait pas le temps pour davantage d’effusions, de toute manière. Dean avait pris la suite du questionnaire amorcé par son frère. Coup sur coup, Brian répondit puis informa Alex du report de la battue aux sangliers.

Cette fois, il pinça des lèvres. Il avait croisé, quelques années auparavant, une harde de sangliers. Michael leur avait expliqué, à Charlie et lui, quand ils l’avaient vu, qu’un éleveur avait fait importer des bêtes dans le Nord de la Californie, là où le climat était favorable, pour un élevage privé. Quand 2020 leur était tombé sur la gueule et que le type était décédé, les bêtes avaient réussi à s’échapper de leur enclos plutôt que de mourir de faim, et arpentaient depuis des sections de plus en plus grandes du territoire. Ils menaçaient désormais les barricades de Beacon Hills. Tout ça parce qu’un hurluberlu n’avait pas envie de manger du cochon domestique.

Remarque, ça aurait pu être pire encore. Tout le monde avait déjà entendu parler de ces riches excentriques qui possédaient une ménagerie d’animaux exotiques et, bien souvent, dangereux. Ceux-là étaient peut-être morts en captivité. Malheureusement ou non, selon le point de vue que l’on prenait.

Le regard d’Alex se porta sur la gauche alors qu’il se grattait le front du pouce. Il pourrait probablement profiter de l’occasion pour se rendre chez Derek, après un rapide tour du jardin pour en vérifier l’état. Les garçons ne seraient certainement pas mécontents de voir Ian, et le druide pourrait les emmener visiter le Néméton pour la première fois. Ils étaient suffisamment calés en matière de théorie surnaturelle, estimait-il. Surtout, il ressentait lui-même l’appel de l’ancienne souche qui avait été sa voisine des années durant. Il faudrait seulement qu’il s’assure d’imposer des règles claires. Surtout pour le jeune humain et lui-même. Rester à l’extérieur et à distance raisonnable de la famille Hale, même si leur nature lupine assurait une certaine stérilité, d’un point de vue viral. Peut-être que ce n’était aussi qu’une fausse bonne idée et qu’il devrait se contenter d’attendre que l’épidémie soit derrière eux.

- J’ai cru comprendre que t’avais besoin d’aide au jardin. On s’y colle, comme ça s’est fait.
- Mmmh?

Tiré hors de sa rêverie, le scientifique acquiesça d’un signe de tête et tourna les talons pour traverser la maison jusqu’au jardin protégé par les clôtures de l’ancien voisinage. Le signe de tête que Brian lui fit ensuite était sans équivoque : ils allaient avoir droit à une conversation d’adultes, en catimini. En quelques mots, Alex pointa ce qu’il restait à faire quand il avait dispensé Dean et s’était ensuite donné congé à lui-même. Les deux hommes travaillèrent un moment en silence. Moment que le druide prodigue mit à profit pour prévoir mentalement leur soirée, qui serait au final comme tant d’autres. Après ces dernières corvées, ils iraient manger, puis prendraient un moment pour jouer. Avec l’école fermée, il n’y aurait pas de devoir, mais peut-être devraient-ils tout de même effectuer quelques révisions ou les encourager à lire un livre leur permettant de développer leurs connaissances et leur curiosité.

C’était bien lui de vouloir remplacer un moment ludique par un simulacre d’enseignement. Sa voix intérieure soupira. Il était trop sérieux. Brian aussi, à sa façon, mais l’adoption des gamins avait fait découvrir sa facette plus joueuse à Alex. Le garde était un homme fort et solide. Si c’était facile à voir physiquement, c’était également vrai de son esprit. Là où Alex était souvent trop émotif à son propre goût et d’une nature nerveuse, la stabilité de Brian venait renforcer leur routine comme un feu de foyer confortable plutôt qu’à la manière d’un claquement de fouet autoritaire. Beau temps, mauvais temps, l’ancien marine prenait toujours un moment pour les amuser. Ils pouvaient bien l’aimer. Ça, et pour un millier d’autres raisons, se dit Alex, dont certaines qu’il était raisonnable de penser qu’il ne partageait pas avec les enfants. Il leva un regard probablement plus mièvre qu’il n’aurait voulu l’admettre, pour observer Brian, qui ne renâclait pas à l’effort malgré une journée épuisante.

Alex l’aimait. Il était doux, gentil et attentionné. Leurs humours concordaient bien, ainsi que leurs tempéraments. Sans parler de l’attirance qu’il éprouvait pour lui. Une question que les jumeaux n’avaient posée qu’une fois, à leur arrivée, fit irruption dans la cervelle du druide. Comme une ritournelle qui venait fréquemment le narguer, malgré qu’ils n’aient jamais abordé le sujet depuis, le doute se manifestait fréquemment dans son esprit lorsqu’il oubliait de l’occuper activement. La question d’un mariage le turlupinait. Alex n’y tenait pas. Il avait toujours su, depuis l’adolescence, qu’il ne se marierait jamais. Pourtant, il serait prêt à le faire pour eux trois. Laisser de côté son égoïsme. Il serait capable de tolérer d’être le centre de l’attention – enfin, Brian attirerait forcément davantage les regards : il suffisait d’un coup d’oeil à son minois pour comprendre pourquoi – pour une petite cérémonie intime. Sauf que les noces de Mafdet lui avait bien appris que ce n’était pas ainsi que l’on faisait les choses dans la province. Pas en 2030. Ça suffisait à le faire balancer à nouveau vers le désir égoïste de refuser toute offre nuptiale. Ou… vraiment?

Alex grogna. Comment son esprit s’était-il hasardé jusque là alors qu’il prévoyait leur soirée. Repas. Jeux. Devoirs. Bains. Dodo. Moment en amoureux. Leur horaire quotidien, qu’ils adaptaient à l’horaire de Brian et d’Alex. Les deux papas alternaient l’histoire du dodo. Racontaient parfois des histoires pour enfant bien connues, parfois des tranches de vie. Après tout, entre la carrière de Brian et l’exil d’Alex, ils avaient plus d’une anecdote intéressante à partager. Puis même les adultes apprenaient ainsi à en savoir plus sur l’autre. Une fois les enfants assoupis, ils pourraient eux-mêmes se laver avant d'aller dormir. Ils en avaient besoin, tant à l'odeur émanant de l'un d'eux qu'à la sensation terreuse qui recouvrait l'épithélium entier du manitobain.

Le travail avançait bien. À deux adultes, c’était plus rapide, et ils avaient abattu le tier de la tâche environ lorsque Brian ouvrit la discussion sur la réelle raison de leur présence ici. Alex l’écouta d’un air grave alors qu’ils se saisissaient de la planche suivante. Il ne pouvait pas dire ne pas avoir pensé à tout ça. La réponse n’était pas évidente. Sinon ils auraient pu en parler plus rapidement à n’importe quel moment.

Le druide porta la main à son front, où ses sourcils s’activaient en des calculs complexes dont les équations étaient connus d’Alex seul. Certes, c’était tendu à l’hôpital, les ressources étaient étirées et tout le monde était fatigué, mais le druide n’était pas indispensable. Il restait meilleur pour s’occuper des gens un peu particuliers, après tout. Ça ne voulait pas dire qu’on apprécierait pas d’avoir un garde-malade à portée de main. Tant qu’il ne soit pas un vecteur potentiel, assurément.

- On n’a pas les moyens de synthétiser un vaccin, ni le matériel. Ils ne cracheront pas sur qui que ce soit capable de soulager les malades, et surtout les blessés, mais je pourrai voir. Après tout, les accidents n’arrivaient pas moins fréquemment parce qu’un virus courrait. Pis j’aimerais quand même être utile.

Était-ce ridicule qu’il n’ait toujours pas le sentiment d’avoir mérité sa place ici?

La dernière planche déposée, Alex sentit le grattement annonciateur dans le fond de sa gorge. Un instant plus tard, il toussait à qui mieux mieux. Brian vint immédiatement le retrouver. Alex avait-il mentionné que Brian était un homme attentionné? Il laissa un instant au flic pour s’assurer qu’il n’était pas fiévreux, puis lui saisit la main et la glissa devant sa bouche pour y déposer un baiser.

- J’ai connu pire, le rassura-t-il d’une voix légèrement éraillée, mais qui se replaça à la phrase suivante. C’est une toux de fin de grippe. Du genre qui avait la fâcheuse tendance à traîner. Je sais que t’as pas l’habitude de ça, mais les virus animaux ont ce genre d’effets.

Si, nargué de la sorte, Brian ne voyait pas qu’Alex était au sommet de la forme, rien n’y ferait. Leurs mains toujours enlacées balançaient désormais entre eux et, sans avoir retrouvé son sérieux, le cadet du couple répondit à la question qu’il avait jusqu’alors omise.

- Si tu veux, je pourrai te remplacer pour que tu puisses t’occuper d’eux.

À l’expression que fit Brian, Alex jugea qu’il devrait poursuivre sur sa lancée. Le faciès railleur du druide fondit en un air gêné.

- Les enfants sont notre priorité, advienne que pourra. En ce moment, ça se passe mieux avec toi qu’avec moi, donc il vaudrait mieux que tu t’occupes d’eux que moi. Alex déglutit, la gêne ayant fait sa place à une expression contrite. Brian était au courant de l’altercation entre les deux humains, mais pas des développements du jour, après tout.
- Je les exaspère. Max me fait encore la gueule. Pis Dean m’a fait remarqué que j’leur ai r’fait le même coup tantôt.

Alex lâcha Brian et alla chercher un bâche pour couvrir les précieuses planches. Il savait très bien que son idée était stupide : il n’avait jamais eu la fibre d’un représentant de l’autorité, ni l’entraînement physique et mental pour rejoindre les forces de l’ordre. Ça ne l’empêchait toutefois pas d’avoir envie de faire plaisir à Brian, qu’il se sente épanoui.

Au-délà de Brian, Alex vit les jumeaux se diriger vers la maison, les bras chargés de bois qui avait été fendu au cours de la fin de semaine précédente. Les braves petits bavassaient entre eux, et Alex venait de retrouver un tendre sourire.

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Sujet: Re: Moissons Hantées Dim 5 Nov 2023 - 16:50

Moisson hantées

Feat : Alex

Alex m’explique qu’on ne peut pas compter sur un vaccin miracle. Manque de moyens et d’un savoir qui se perd faute d’être entretenu. Du domaine médical, je ne connais que les soins de première urgence. Cela peut sauver une vie, mais cela reste limité. Je souris à mon biochimiste qui connaît tant de mots compliqués et les secrets de la vie. Et malgré ses connaissances qu’il ne peut plus mettre en œuvre faute de matériel, il sait pallier au mieux à ce manque pour soulager les souffrants. Et j’imagine qu’un patient préfère avoir à faire à un ancien biochimiste qu’un ex-marine.

Son air fatigué et cette toux qui me fait craindre le pire. Une vision d’un Alex tremblant sous les couvertures, les jumeaux inquiets à son chevet me traverse l’esprit. De nous quatre, seul Dean peut résister à la maladie. Quelle charge cela serait sur ses épaules !

- J’ai connu pire. C’est une toux de fin de grippe. Je sais que t’as pas l’habitude de ça, mais les virus animaux ont ce genre d’effets.
- Tss ! Je suis bien content d’avoir attrapé le virus de Truc et Machin ! Ça m’a permis de te rencontrer !

Je souris faiblement au souvenir des deux tornades momentanément out. Truc est un vieux chat qui se téléporte plus qu’il ne marche. Un pépère qui se préserve et dont les farces se font rares.

- Si tu veux, je pourrai te remplacer pour que tu puisses t’occuper d’eux.

Mes sourcils se froncent : Alex garde ? Je ne doute pas de son endurance à tenir sur une selle toute une journée. Mais si pour le moment, on veille sur l’herméticité des palissades, le danger pourrait bientôt venir dans notre dos, quand le virus emportera trop de gens et que les survivants commenceront à avoir faim. Tout le monde n’est pas autonome, certains sont mieux lotis comme nous avec ce lotissement maudit et ses anciennes pelouses retournées à l’état sauvage. Nous avons débordé de ce qui était à l’origine ma propriété, mais il reste encore beaucoup d’espace cultivable. J’avoue que là, notre situation isolée me plaît. Nous ne sommes pas sur un axe de passage, on vient ici pour nous voir.

Quand j’étais seul, j’avais consolidé les barrières de fortune installées par mes voisins. Ce n’est pas aussi solide que les palissades, mais écarte les marcheurs. L’ajout d’objets bruyants m’avertit quand quelque chose approche. Homme comme animal. J’espère que notre situation ne donnera pas des idées à ceux qui pillaient jadis mon jardin et qui ont arrêté depuis qu’Alex s’est installé ici.

Alex reprend avec plus de sérieux. Les enfants, Max en particulier, se sont un peu braqués contre lui, rien de bien méchant, seulement son autorité parentale un peu chamboulée. On n’apprend pas à être un père exemplaire en quelques mois, si tant est que cette espèce existe.

- Je les exaspère. Max me fait encore la gueule. Pis Dean m’a fait remarquer que j’leur ai r’fait le même coup tantôt.
- J’aime tes manies, moi ! Il va pas bouder longtemps. Quand l’école reprendra, ça sera oublié.

En secret, j’appelle ça le petit monde du Cormier. Une manière de penser qui nous a conduits à nous jeter des bâtons à la face… Je ne suis toujours pas fier d’avoir renvoyé les bouts de bois. Une perte de contrôle qui me déshonore. Un minuscule incident qui s’est terminé par mon plus grand bonheur. Je ne dis rien sur mon entente plus paisible avec les garçons. Longtemps, j’ai partagé trois mètres carrés avec quatre autres matelots. Une promiscuité qui force la résilience. Je ne possède pas les codes de papa, mais je sais garder l’unité au sein d’un groupe. Là où Alex est d’un tempérament solitaire.

- OK. On ira informer Argent que je m’occupe des enfants, vu que je suis un vecteur possible de propagation du virus. Toi aussi, mais à l’hôpital il n’y a que des gens malades. Il trouvera bien quelqu’un d’autre pour veiller à la sécurité. J’ai croisé Hale y a deux jours. Ils sont trois loups adultes et un seul d’entre eux se trouve réquisitionné. Je ne suis pas du style à dénoncer, mais on fait largement notre part, puis t’es quand même pas en grande forme.

Je me retourne pour voir ce qui colle un sourire sur le visage d’Alex : les enfants rentrent du bois sans que la tache leur fût demandée. J’attrape la main d’Alex et l’entraîne vers la maison. Soudain, je suis content comme tout de cette vie frugale, de cette famille qui est maintenant mienne. C’est arrivé vite, coup sur coup. C’est un sacré changement, c’est aussi bien, car le temps file.

(…)

On n’entend que le bruit des fourchettes qui cognent les assiettes. Chacun a bien travaillé et un besoin mutuel de calme s’est imposé pendant le dîner. Les corvées de fin de repas sont bien huilées, tout le monde y met de la bonne volonté. Le silence profite à Max pas encore décidé à ouvrir la bouche.

- Allez-vous laver, ensuite on révisera vos mathématiques.
- Y a pas école !
- Justement ! Ça nous laisse le temps de réviser ce que vous avez mal compris !

Quand je suis certain que les enfants ont investi la salle de bain pour un moment, j’attrape Alex par sa chemise, tandis qu’il passe devant moi pour ranger une tasse. D’autorité, je lui enlève l’objet des mains et le pose à l’aveugle sur le meuble dans mon dos.

- Besoin de câlins !

Je l’entoure de mes bras et niche mon visage contre son cou. D’ordinaire, nous réservons les moments d’intimité quand Dean et Max sont couchés. Je crois que nous en avons besoin tous les deux : resserrer les rangs comme on disait à l’armée. Je me tortille sous la douce torture des doigts chatouilleux de mon compagnon. Une faiblesse qu’il a bien vitre trouvée !

(…)

- Oh ! Les amoureux ! se moque Dean.

Entièrement concentré sur Alex, je ne les ai pas entendus descendre. Même Max n’arrive pas à réprimer un sourire. C’est toujours plus rassurant d’habiter un foyer où l’amour est présent. J’espère qu’ils ne vont pas évoquer à nouveau l’affaire du mariage. Il y a dix ans, j’y aurais trouvé un sens, ou plutôt une obligation pour prouver notre bonne volonté à élever deux enfants adoptifs. La morale d’aujourd’hui est bien différente et moi aussi : je me contrefous de ce que les autres pensent.

- On fait vite les maths, après on joue ? réclame Dean.
- Dacodac !

(…)

Les cahiers et livres de leçons sont rangés. Le plateau de Dunger fighter est étalé au centre de la table. J’aime bien ce jeu coopératif où il ne faut pas se prendre au sérieux. Parfait pour détendre l’atmosphère. D’un geste habile, j’intercepte le dé d’Alex qui allait tomber de la table. C’est au tour de Max.

Jeu trouvé au pif sur le net:

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Sujet: Re: Moissons Hantées Mar 30 Jan 2024 - 3:05

Moissons Hantées

Feat. Brian O'Conner & al.

Alex et son caractère érémitique – pour ne pas dire porcin – suivirent bientôt Brian à l’intérieur de la maison où les jumeaux se trouvaient déjà. Les parents des garçons avaient fait un bon travail pour les élever en enfants aimables et somme toute raisonnable. À ce moment, Alex prit conscience qu’il se trouvait face à un choix : baisser les bras parce qu’un enfant boudait comme un enfant, ou poursuivre l’œuvre dont il avait assumé d’hériter conjointement avec Brian.

- Merci pour le bois, les garçons. C’est bien vu.
- C’est Max qui y a pensé, cafta Max, qui se retrouva mitraillé du regard. À bout portant, qui plus est!

Le coeur plus léger malgré la fatigue, il poursuivit donc sa journée. Tous affairés à leurs tâches, Alex tenta tant bien que mal de ne pas porter attention à celui qui se taisait le plus bruyamment : son petit coeur de nerd avait du mal à entendre raison et ignorer ce traitement. Brian en profita pour prendre les rennes et établir le plan de la soirée. Alex le laissa négocier avec les gamins, le sourcil frétillant d’amusement.

Le torchon dans la main du druide se retrouva rapidement dans l’évier de cuisine pour aller enlacer le gaillard qui semblait prêt à fondre dans ses bras.
- Tout pareil, grommela-t-il simplement en allant également enfouir son visage contre le trapèze de Brian. Un petit moment de doux bonheur qu’Alex interrompit par mégarde en caressant le garde chatouilleux.
- Arrête de gigoter! J’voulais pas...

Le scientifique se plaignit sans conviction, avant de plaquer ses paumes plus fermement, les doigts en extension. Plus qu’à ne plus bouger et Brian devrait reprendre possession de ses moyens. Quelques occurrences de toux furent les seules à déranger ce moment de recharge mentale. Malgré la sueur et la terre, Alex parvenait à humer ce petit quelque chose en filigrane qui était le parfum naturel de son amoureux. Une odeur apaisante qui lui amenait bien du réconfort.

Alex rouvrit les yeux subitement, surpris par la voix du louveteau, et se faufila hors de l’étreinte de Brian en longeant le comptoir sur lequel ils avaient fini par s’appuyer. Il était soulagé que les garçons n’en fasse pas davantage un drame : lui-même n’étant jamais complètement à l’aise avec les démonstrations publiques d’affection. Peut-être devrait-il faire un effort et se montrer plus démonstratif, histoire de ne pas inculquer aux jumeaux qu’il y a quelque chose de mal dans ces gestes tendres.

Dean poursuivait ses négociations, auxquelles Max faisait mine de ne pas porter attention. Des doléances pleines de sens qui arrangeaient bien les pères adoptifs. Les devoirs n’étaient pas forcément la raison qui les avait poussé à se porter volontaires, ni la partie de la journée qui enthousiasmait le plus Alex, et il était dans sa routine de trimballer du fumier pour nettoyer les abris autant que pour en faire de l’engrais pour le potager. Que les deux garçons se tournent spontanément vers lui pour l’aide au devoir l’étonna, mais il devait bien admettre que cela lui faisait un petit velours. Après tout, Alex considérait presque les mathématiques comme ça langue maternelle.

En fait, après une courte réflexion, il dut s’admettre avoir commis bien moins de bévue en parlant les langages mathématiques que l’anglais, et ne parlons pas du français qu’il ne saurait plus baragouiner pour sauver sa peau.

***

- Merci, chef!

Alex taquinait Brian en se rasseyant à table. Le garde avait été unanimement désigné chef de leur groupe d’aventuriers à la patte cassée, en raison de ses capacités de stratège et de ses pommettes adorables dans le cas d’Alex. Le druide n’aurait jamais cru Brian propriétaire d’un jeu aussi loufoque. Lancer un dé de dos n’était pas quelque chose qu’il avait souvent fait au cours de sa vie, il fallait dire. C’était plus difficile que ça en avait l’air. Les regards rivés sur Max qui entamait son tour, la tension montait doucement, bien moins pénible qu’au cours de l’après-midi, jusqu’à ce que le blond ne déclare qu’il soignerait Rolanda, la guerrière d’Alex. Le biochimiste envoya un remerciement au prêtre qui venait de lui faire l’imposition des mains, et le laissa poursuivre son tour, une grimace aux lèvres en voyant l’horreur qui les attendait dans la prochaine pièce.

***

- La prochaine fois, on aura peut-être plus de chance.

Alex tentait de se montrer rassurant. Ils n’avaient pas trop mal joué et c’était faute de chance s’ils s’étaient tous fait occire au même tour. Il se souvenait toutefois que les jeux coopératifs avaient cette tendance à être frustrant lorsqu’on n’y était pas habitués. Ils rangèrent le plateau en relatant les meilleurs moments de la partie. Une activité qui pourrait devenir récurrente sous leur toit, à en juger de l’enthousiasme des garçons. Brian les envoya à l’étage pour qu’ils aillent terminer leur routine du soir et trouver Morphée, et Alex rangea la boite.

- Je vais faire couler une autre baignoire, je me sens dé…
- Alex, on pourrait avoir une histoire? demanda la tête de Max, qui dépassait du haut des escaliers.
- S’teuuuuuuu-plaît!
- Je monte dans un instant.

- Tu veux t’occuper de chauffer l’eau? On pourra discuter dans le bain. Ça permettra d’économiser l’eau et ta force. La demande tirait sur l’ordre, et le druide espérait que le baiser plaqué sur les joues de Brian achèterait son pardon.

Les jumeaux étaient couchés, les yeux grands ouverts dans l’obscurité, avec Truc roulé en boule au pied du matelas, et Galilée à celui du lit. Il renâcla en ouvrant un œil, son sommeil interrompu, alors que Alex demandait aux enfants s’ils avaient une demande particulière.

***

Alex se laissa glisser en face de Brian, en tentant de ne pas lui causer d’inconfort. Ça lui semblait toujours être une idée plus romantique qu’elle ne l’était réellement, mais ne l’empêcha pas, une fois certain qu’il n’écrasait pas les métatarses de Brian, de chavirer la tête vers l’arrière en poussant un soupir. À la lueur de la chandelle, il passa la main dans ses cheveux détachés.

- On devrait les couper bientôt?

Le garde-malade étira le bras pour prendre la savonnette que Brian venait de reposer et s’enquit de la journée de son Apollon, profitant du calme pour en avoir un résumé moins précipité. La chaleur du bain lui faisait du bien; il devrait simplement s’assurer de se sécher convenablement à la sortie, et de porter l’un des plus chauds pyjamas de Brian pour dormir. Brian avait ajouté à l’eau un mélange d’herbes, ou peut-être d’huiles, décongestionnantes qui provenaient certainement de Mafdet et embaumaient la pièce. Dire qu’une décennie plus tôt, des gens payaient une fortune pour une journée au spa.

- Sais-tu comment se porte Dick? Sa famille?
Cette grippe n’épargnerait certainement pas les Turner, et Alex espérait qu’ils n’en soient pas trop affectés malgré tout. Un peu comme lui-même qui semblait déjà mieux qu’au cours des derniers jours. Ils discutèrent un moment de leurs inquiétudes et échangèrent des nouvelles sur les gens et les événements autour d’eux, Brian s’enquérant à son tour de la journée du jardinier. Quand le silence s’installa à nouveau, Alex se laissa glisser un peu plus dans la baignoire. Submergé sous les oreilles, il changea de sujet. Le jeu en soirée lui avait donné une idée.

- Je voulais passer chez Derek pour présenter le Néméton aux garçons. Je me suis dit que je pourrais y récupérer des jeux que j’y ai entreposés quand... Enfin, Brian savait, non? Quand il l’avait abandonné. Quand je suis parti. S’ils n’en ont pas besoin. Qu’en penses-tu, chef?

Un clin d’oeil fusa. Alex rajusta son assise, en espérant que le frottement de sa peau contre Brian ne lui cause pas une crise de chatouilles. Ou pis, une accusation d’y avoir fait exprès. D’autres effets ne traversèrent même pas l’esprit de l’ermite, qui se savait bien trop vanné pour penser à dépenser davantage d’énergie et devinait son partenaire dans la même condition. Ce qu’il ne pouvait deviner, par contre, c’était les conséquences de sa visite.

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Merci Matrim & Chuck!

Moisson hantées

Feat : Alex

J’explique à nouveau les règles démentielles du lancer de dé. Ce jeu n’a pas été récupéré chez les garçons et Alex s’était étonné que je possède ce type de divertissement qui nécessite une équipe possédant sens de l’humour et goût des jeux de plateau. La réaction d’Alex m’ayant amusé, je n’ai pas démenti ni rapporté l’avoir récupéré dans l’une des maisons du voisinage que j’avais largement visité pour récupérer ce qui pouvait me faire défaut. J’avais vu la montagne de jeu de la famille Mackenzie, une famille de quatre enfants emportés dès le premier mois de la pandémie. Lors de mes rondes de garde, j’avais appris les règles pour donner le change. Je n’avais pas parlé de cette mine d’or pour avoir une réserve de cadeaux à offrir au jumeau.

(…)

- La prochaine fois, on aura peut-être plus de chance.
- La prochaine fois, on choisit le mode normal et non infernal !

La team de héros déchus affichait sa déception. Perdre n’est pas agréable, mais au moins avec ce jeu personne ne gagnait aux dépens des autres. Alex exprima une lassitude qu’un bain pourrait alléger. J’accepte de bonne grâce de m’occuper de l’eau à chauffer tandis que les garçons réclament après mon compagnon. La trêve pourrait bien se concrétiser par un traité de paix autour d’une lecture.

Le rez-de-chaussée vidé du tiers de notre famille, j’en profite pour faire un ménage approfondi le temps que l’eau chauffe. C’est avec la satisfaction des choses bien faites que je monte les deux brocs d’eau chauffée en espérant que l’eau froide voudra bien couler sans m’obliger à redescendre pour réamorcer la pompe.

(…)

Je plie les jambes et coule avec béatitude. C’est à ce confort-là que conduisent les corvées de bois. Quand je refais surface, deux minutes d’apnée plus tard, j’entends Alex souhaiter bonne nuit au jumeau. Je me savonne rapidement, ma toilette sera moins aisée quand on sera à deux dans la baignoire. J’ai gardé un broc d’eau chaude et d’herbes médicinales qu’Alex ajoute dans l’eau déjà tiédie avant de me rejoindre. L’exercice demande de la douceur, d’une part pour ne pas faire de vague et inonder la pièce et d’autre part à veiller que rien ne soit écrasé par mégarde. Je ferme les yeux de bien-être quand nous sommes installés, celui que j’aime coller à moi. Ce moment vaut tous les efforts de la journée pour l’arracher à cette vie redevenue sauvage.

- On devrait les couper bientôt ?
- A minima égaliser la longueur. Je t’aime bien avec les cheveux courts, mais ça demande un entretien.

Sa longue tignasse m’avait surpris au début. Sa crasse aussi, même si c’est un état naturel quand on revient du dehors. J’avais gardé dans mon cœur l’image de l’homme qui m’avait séduit. Nos retrouvailles, l’aveu de nos sentiments avait occulté l’esthétisme. Je réponds aux questions, raconte ma journée et ce que je vois de la propagation de la grippe qui a collé au lit la moitié de la population. Il n’y a pas eu de mort annoncé, une information que le gouverneur redoute, car cela pourrait mettre le feu aux poudres. La guerre civile et les scènes de pillages d’y a dix ans sont toujours présentes dans les mémoires.

- Sais-tu comment se porte Dick ? Sa famille ?
- Ils sont en forme. Dick essaye de renouer avec Troy. Tama rend la confrontation moins rude. Mafdet, ben c’est Mafdet. Mais elle devient moins égocentrée depuis qu’elle cultive ses plantes. D’ailleurs, on profite de son savoir là.

Je me saisis d’une feuille qui flotte pour la montrer et appuyer mes dires. Alex s’enfonce dans l’eau, je guette le niveau qui menace de déborder, mais non. À deux, il ne peut guère chasser l’eau vers le haut.

- Je voulais passer chez Derek pour présenter le Néméton aux garçons. Je me suis dit que je pourrais y récupérer des jeux que j’y ai entreposés quand...

Quand il s’est barré sans possibilité de discussion… Ce moment de notre histoire reste un tabou.

- Quand je suis parti. S’ils n’en ont pas besoin. Qu’en penses-tu, chef ?
- Pour les jeux, je ne pense pas que Ian ne fasse d’histoire. Quoique son rapprochement avec la fille de Tobias Rapier pourrait changer la donne. C’est un garçon raisonnable, il ne fera pas d’histoire et je sais où trouver des jeux, je te raconterai plus tard. Pour le Néméton, tu es le seul apte à savoir. S’toi le chef dans ce domaine. Après j’ai toujours eu un bon contact avec la souche, ça peut aider.

(…)

Alex s’est endormi dans mes bras sitôt sa tête posée sur l’oreiller. Je ne tarde pas à le rejoindre au pays de Morphée.

(…)

Des aboiements et un feulement de colère me réveillent. La maison raisonne des griffes de Galilée qui tintent sur le parquet. Je ne sais pas qui course qui, mais il est certain qu’à ce jeu, le chien part perdant. Truc est un vieux chat, mais sa capacité à se téléporter l’avantage. J’embrasse l’épaule d’un Alex ensommeillé, puis me lèvre pour mettre de l’ordre.

La cuisinière à bois ronfle du feu que j’ai fait partir avec les braises. Je prépare la pâte à pancake et la laisse reposer sur le plan de travail avant de sortir ouvrir le poulailler et vérifier que les animaux de manque de rien. Une lumière dorée inonde la maison, la nature joue sa plus belle symphonie. Comment pouvais-je vivre avant avec les voitures, les klaxons et les engueulades des voisins ?

Dans la cuisine, Alex a pris le relais, j’entends le grésillement de la pâte sur la poêle chaude, Max qui lui réclame la suite de l’histoire de la veille et Dean qui affirme mourir de faim. Je rentre avec une demi-douzaine d’œufs et le chien sur les talons. Truc se dort au soleil dans un coin que lui seul peut atteindre. J’enlace Alex occupé à tourner sa crêpe puis me sers un bol d’infusion. Un mélange que Mafdet m’a offert à tester. Quand tout le monde est attablé, je me souviens d’une demande de Mafdet.

- Maf te demande si tu saurais s’il y a de la mélisse dans le coin en forêt. Et en particulier la Quedin quelque chose, quedlinbruger ou quedlinburger…

Codage par Libella sur Graphiorum

Moissons Hantées

Feat. Brian O'Conner & al.

La réflexion à deux têtes offrait cet avantage indubitable du test de la réalité. Les approbations et les désapprobations de Brian étaient autant de nouvelles pistes de réflexions qui s’infiltraient dans le crâne embué d’Alex, posant les problèmes et les solutions sous de nouveaux angles, et offrant de nouveaux jours sous lesquels évaluer les situations. Certes, le congé scolaire forcé pouvait sembler être un bon moment pour rendre une solennelle visite au réel maître du comté, et il leur était possible de se rendre chez leur ami sans attirer l’attention des autres citadins, mais ce n’était pas sans risque pour Max. Le druide s’était un peu tortillé de surprise en entendant Brian évoquer sa cachette de jeux. Décidément, il allait de surprise ludique en surprise ludique, aujourd’hui. Le militaire évoqua la fillette nouvellement débarquée. Il avait raison, elle pourrait bénéficier au moins autant des anciens jeux d’Alex que les jumeaux. Puis, un peu de compagnie de son âge lui ferait certainement du bien.

- J’espère que les garçons sont gentils avec elle. Ça ne peut pas être simple pour elle d'atterrir ici.
Ça ne l’avait pas été pour lui.

Alex passa la main dans les bouts trempés de ses cheveux. Il avait la flemme de les couper ce soir, mais se promit qu’à la prochaine baignoire, dans quelques jours, il demanderait l’assistance de son amoureux pour remédier à la situation. Pour l’instant, il avait terminé sa toilette et se cala contre Brian dans l’eau tiédâtre et de moins en moins limpide. Il ne devait pas penser aux années de ce simple bonheur auprès desquelles ils étaient passés.

- Faudra remercier Mafdet, murmura-t-il d’une voix assoupie, alors qu’une herbe vint lui caresser la peau, comme pour lui rappeler les informations fournies par le garde. Alex était heureux de savoir que ses amis étaient aussi sains que possible. Les paupières lourdes, il garda un moment de silence.

- Vaut mieux pas que je m’endorme dans la baignoire et que tu sois obligé de me porter jusqu’au lit.

Au bout d’un moment supplémentaire, il agrippa les bords du bain pour se hisser hors de celui-ci, et saisit les deux serviettes dont ils auraient besoin. Alex entreprit de sécher sa tignasse dans un mouvement d’épongeage et de torsion répétées, réprimant un énième bâillement.

Ce qui lui semblait être le moment suivant, Alex s’était réveillé dans les bras de Brian, dont la respiration indiquait le sommeil. Il profita un instant de ce moment de bonheur, appréciant de se sentir à la fois vulnérable et protégé du monde entier, s'endormant possiblement même à nouveau, avant de partiellement se dégager en douceur, pour éviter à Brian qu’il ne se réveille avec un bras entièrement engourdi. Alex s’assura tout de même de sentir le contact de ses doigts, qu’il couva de sa main, avant d’ajouter ses ronflements à ceux du garde.

***

Les bêtes au rez-de-chaussée réveillèrent Alex avant que les lueurs de l’aube n’en aient eu le temps. Plus rapide que le canadien, Brian embrassa Alex et alla s’occuper du raffut. Le druide, qui réalisait l’état de fatigue dans lequel il s’était mis au lit la veille autant que le retour de ses aises depuis que les jumeaux s’étaient habitués aux bruits de la maison aux roses, enfila un des pyjama de Brian avant de descendre le saluer à son tour. Il se sentait bien mieux que la veille, quoiqu’un peu courbaturé peut-être, alors qu’il se retrouvait seul dans la douce chaleur de la cuisine. Il réalisa que le bruit de battant de porte qu’il avait entendu signifiait forcément que Brian était sorti. L’ermite remarqua alors la pâte qui attendait d’être cuite, rappelant au druide sa propre faim. Un tonnerre se fit entendre en provenance des escaliers, et Alex déposa la louche toujours propre sur le comptoir, pour accueillir les garçons d’un câlin et d’un bisou sur le front.

- Bon matin, mes lapins!

Les jumeaux répondirent en coeur et, sentant probablement la bonne humeur du parent grognon, se montrèrent un brin plus exubérant qu’à leur habitude. Alex commença à préparer les crêpes tout en répondant aux demandes des garçons.

- Si vous mettez la table, on pourra manger plus rapidement. On continuera l’histoire avant la sieste.
- Mais non! On est trop vieux pour la sieste!
-Ce soir, alors.

Alex retournait la crêpe tout en leur répondant. Il s’interrompit et se tordit le dos pour accueillir le leveur d’oeufs d’un baiser avide, qui transforma les jérémiades de Max en un rire tout ce qu’il y avait d’infantile, mais n’eut aucun effet sur Dean.

- La première est presque prête. Quand la table sera mise, je vais pouvoir la mettre dans ton assiette.

Dean sembla alors retrouver son énergie et une certaine mémoire d’où se trouvait la vaisselle. Alex déposa la crêpe promise et versa le mélange de la seconde, avant d’aller ouvrir le garde-manger duquel Dean avait oublié d’extraire la moindre garniture. Certes, les choix étaient limités, mais tout de même…

- Je pense avoir récupéré toute celle qu’il y avait chez mon père, répondit-il à Brian. Elle était trop fragile encore pour songer à lui imposer une séparation et un déménagement déjà. Il y en a peut-être sur les collines à une demi-journée au sud-est. Elles bénéficient d’un bon ensoleillement et de températures plus douces qu’ici. Quant au sol, il n’en était pas certain, mais il lui semblait à minima que des espèces requérant des conditions similaires s’y trouvaient. Il en avait bien rencontré ailleurs, mais c’était bien plus loin.

Alex entassa les crêpes suivantes sur une assiette qui, ce matin, en devint une de service. Il attendit que le plat en question soit presque vide, et qu’une pause s’installe dans la conversation, pour offrir aux jumeaux:

- Qu’en pensez-vous si on allait rendre visite à Ian et Derek ? On donne un bon coup pour terminer ce qu’il y a à faire rapidement, puis on ira les voir. Vous en dites quoi?

Les gamins en semblaient ravis.

- J’aurai peut-être même une surprise pour vous.

Cette fois, Max se leva pour l’enlacer. Il semblait bien qu’il était pour l’instant passer outre leur différend de la veille.

***

Alex et Dean étaient en train de s’occuper de ranger la basse-cour dans les clapiers et le poulailler, pendant que les deux autres s’affairaient à sceller les chevaux. Le louveteau s’y prenait avec son sérieux habituel, flanqué d’une figure aspirant être paternelle, qui était prise dans sa tête aux pensées surabondantes.

…
La chevauchée s’était bien passée, entre les silences ponctués de la fin de l’histoire de la veille, sans qu’elle ne soit réclamée, et les fous rires partagés. Alex avait hésité à demander à faire passer la troupe par l’ancienne cabane druidique, mais s’était dit que les jumeaux n’apprécieraient certainement pas ce détour. Ils se retrouvèrent donc devant la grille du manoir Hale, toujours plus austère qu’Alex n’en garderait à jamais le souvenir, même après y avoir séjourné.

Le canadien aida son passager à descendre de selle avant de mettre lui-même pied à terre. Il s’avança ensuite vers la grille et y donna quelques coups rythmés de ce qu’il espérait devenir sa signature.

:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia

Merci Matrim & Chuck!