Retour aux sources {Feat Alex}

Le dos contre le mur, soutenu dans sa posture douteuse par son oreiller, Alex fixait l’écran de son ordinateur portable d’un air sérieux. Quelques secondes plus tard, le téléphone portable sur son genou le déconcentrait et il souriait avant de pianoter une réponse à Brian, ponctuée d’un emoji framboise. Son attention retourna rapidement au plus grand des deux écrans, pour s’en dégager à nouveau un instant plus tard. Le manège recommençait depuis quelques dizaines de minutes, et l’écran de l’ordinateur s’était déjà éteint trois fois à force d’inactivité, mais Alex ne pouvait pas raisonnablement demander à son petit copain d’arrêter de lui écrire. Abdiquant finalement, le laborantin changea de position pour se retrouver sur le ventre, deux mains sur le téléphone qui était à quelques pouces de son nez. Tout sourire, le biochimiste prit des nouvelles des bestioles, ainsi que de Richard, puis de Ryan et de quelques autres collègues que Brian avait mentionné assez souvent pour qu’ils lui paraissent familier. Un souvenir éclata dans la tête du scientifique, qui la partagea aussitôt, avant de demander quels plans Brian avait pour les prochains jours. Les trois conversations parallèles parvenaient à cohabiter sans trop de confusion, et le canadien déplia soudainement l’écran du portable, sans changer de position, et l’amena dans son champ de vision. Quelques minutes de furetage et de conversation parallèles plus tard, et Alex transférait à son amoureux l’accusé de réception qui venait d’atterrir dans sa boîte courriel. Deux billets de cinéma pour la représentation de début de soirée – au cas où le flic soit exténué à force d’enfiler les longues journées de travail – d’un film d’actions dont Brian lui avait parlé avec enthousiasme la semaine précédente.

Alex n’avait même pas consulté Brian avant de réserver le film en ligne. Il avait envie de lui faire plaisir avec de petites surprises. Si le policier avait envie d’aller casser la croûte d’abord, ils devraient avoir le temps pour un petit restaurant qui ne paie pas de mine, rien de bien chic. L’aire de restauration du cinéma était également une option envisageable. Ensuite, ils pourraient toujours voir s’ils décidaient de passer la nuit ensemble, et où, ou s’ils seraient trop lâches* pour. Alex en était à tenter de discuter de ces détails lorsque la voix de Charlie résonna de l’aire commune.

« Cormier, c’est pour toi ! »

Alex mitrailla son policier de messages, d’abord pour s’excuser de devoir l’abandonner subitement, puis pour lui souhaiter une bonne fin de pause et de quart au boulot, et lui ordonna de rester prudent pour terminer avec un "tt pareil ". Fermant la conversation, il remarqua un message de Willem lui annonçant que sa bêta se rendait chez lui. Alex le remercia et lui demanda de passer le bonjour à Maddie, et précisa inutilement que la jeune femme semblait être arrivée. L’ordinateur portable rebondit sur le matelas en se faisant plier et Alex bondit hors de sa chambre au moment où Charlie l’appelait à nouveau.

« Alex ! »

- J’suis là ! répondit-il en apparaissant dans l’aire commune.

D’un regard, il vérifia que ce qu’il portait ne lui donnerait pas l’air d’un clochard. Il n’était jamais une carte de mode, mais ses vêtements étaient convenables. Dans la limite inférieure de la catégorie, certainement. Entre son irruption et le fait qu’il ait raté à la fois le message de Willem et l’arrivée de cette – il vérifia le nom – Kada’an, il n’allait vraiment pas laisser une bonne première impression. Il n’avait pas entendu la sonnette, et présuma qu’elle avait choisi de cogner à la porte.  Le programme de Charlie était toujours sur pause dans le salon, et l’ours croisa Alex en se dirigeant vers la cuisine, un verre vide à la main.

« Sois gentil, elle est sympa. »

- Mais ! Ça veut dire quoi ? Je suis toujours... aussi prompt à réagir, réalisa-t-il en se taisant. Les épaules de l’ours se soulevèrent paresseusement alors qu’il pouffait. Il fallut encore une seconde avant que le cerveau du druide ne capte que Charlie et Kada’an se connaissaient. Il lui aurait bien demandé comment, outre le fait que c’était Beacon Hills et que tous les surnaturels semblaient se connaître, comme une fratrie secrète, mais ce serait impoli devant la demoiselle.

Demoiselle sur laquelle il posa finalement son regard vert terne. La rouquine était plutôt jolie et voilà qui répondait à l’interrogation d’Alex.  Avec une gueule comme la sienne, il n’y avait rien de surprenant à ce que Crowley connaisse de jolies jeunes femmes. Le laborantin tendit la main et offrit un sourire à la louve, en l’invitant à entrer. Il confirma sobrement son identité, avant de poursuivre dans un effort d’hospitalité.

- Tu veux quelque chose à boire? Thé, tisane, café? Un verre d’eau? On a du jus, du lait et du soda, sinon.

« Non. Pas de soda », infirma aussitôt Charlie. Alex lui lança un regard par en-dessous, le coin de son sourcil lui communiquant en morse son effarement à voir son ami descendre ces bouteilles aussi rapidement, avant de reporter son attention sur la rouquine.

- Je comprends que tu connais déjà mon coloc… Donc ouais, si tu as soif, tu me dis. On pourra faire connaissance le temps que Charlie termine son émission, puis tu me diras s’il y a un truc en particulier qui te chicote.

*:

- Oh! Non, ne t’en fait pas. Willem m’avait avisé que tu viendrais, je me suis juste perdu dans mes trucs sans voir l’heure. Je devais juste fermer mon PC.

À en juger par le rire goguenard de Charlie, Alex était chanceux de ne pas avoir eu droit à une moquerie du type "raccroche le premier; non toi!". De son côté, le druide avait regagné un peu de sérénité à l’idée de la sortie cinéma qui l’attendait, et il se dirigea vers la cuisine pour mettre de l’eau à bouillir.

- Tu peux t’asseoir. Fais comme chez toi! clama-t-il en désignant les petits tabourets de l’autre côté du comptoir, là où ils prenaient généralement le petit-déjeuner.

Le canard alla bientôt reprendre sa place sur l’élément chauffant, et Alex haussa les épaules en se tournant vers le garde-manger. Se hissant légèrement pour atteindre une large boite de carton, il se demandait une fois de plus pourquoi les infusions étaient rangées si haut. Ce n’était pas comme s’il ne pouvait rien y changer, comme c’était lui qui les y avait placées. Juste, cela impliquait de restructurer le contenu entier de la dispense. Heureusement, Charlie était plus ordonné qu’on pourrait le croire de prime abord, et avait rapidement compris la logique du système de rangement de son émissaire.

- J’ai tout mon temps.

Le druide posa la boite de carton sur le comptoir entre la louve et lui, et lui offrit un sourire. Il avait réellement toute la journée devant lui, maintenant que les affaires importantes étaient réglées et que Brian était en service. La boîte s’ouvrit sur une panoplie de petits sachets, tantôt commerciaux et tantôt artisanaux, ainsi que quelques boîtes d’herbes et de feuilles en vrac. C’est l’une d’elle qu’il saisit en hélant son colocataire.  Par-dessus l’adosse du divan, l’ours-garou tourna la tête et émit une réponse négative. Alex mit donc l’ail des bois de côté alors que ses joues s’enflammaient en raison du compliment de la rouquine.

- Merci! Je passerai le compliment à mon père. Y’a que quelques meubles à Charlie, ici, et encore moins à moi.

Les divans dépareillés en étaient la preuve. Ainsi qu’une bibliothèque, dans un coin, qui semblait décidée à se faire oublier sous un rideau de lierre et de pothos. La contribution de Charlie était plus importante, comme il avait eu son propre appartement, mais pas forcément plus visible. Son sofa, le mobilier de sa chambre, ainsi que la batterie de cuisine et quelques autres machins dont Alex aurait bien du mal à identifier le réel propriétaire.

Le biochimiste saisit un petit sachet, puis poussa la boîte de thé et tisanes vers son invitée, l’invitant de nouveau à s’asseoir. Elle n’avait pas à être gênée! Elle n’avait rien fait de mal, après tout. De l’une des armoires, il ressortit deux tasses et déposa son sachet dans l’une d’elles.

- Choisis ce qui te plaît. Tu peux les sentir, je sais que c’est un peu le bordel, et mal identifié.

Alex la laissa faire. Le téléviseur s’éteignit et la grande carcasse de l’ours-garou se dirigea vers la cuisine plutôt que sa chambre.  Il saisit le petit pot d’ail des bois, et le huma en souriant.

- T’es sûr que t’en veux pas?
« Nah. Je vous laisse tranquille. »

Et Charlie disparut en se grattant nonchalamment le nombril, le pot d’ail des bois toujours dans les mains.  Les sourcils en accent circonflexe, Alex le regarda faire, un sourire aussi amusé qu’indigné sur les lèvres. Son attention retourna rapidement sur Kada’an.

– Donc tu es serveuse dans une boîte de nuit. En dehors du boulot, y’a des choses que tu aimes? Je bosse au labo de l’hôpital, mais je préfère parler des mes autres hobbys je t’avoue. J’imagine que toi aussi?

Le sifflet de la bouilloire retentit, et le druide s’empressa d’aller éteindre le feu et de remplir les deux tasses du liquide bouillant. Il lança un regard à l’horloge dont le tic-tac rythmait la vie de la cabane, pour juger du moment où il pourrait retirer son infusion de l’eau chaude.

- C’est chez lui, oui. On peut dire qu’il a décoré. Je pense pas qu’il ait considéré avoir décoré à proprement parler.

Même s’il y avait une ligne directrice et un style particulier et relativement constant, Alex était certain que Gabriel n’y avait pas mis d’effort particulier. Et Janet aurait certainement tranché d’un ton un peu sec qu’il y manquait une touche féminine. Comme si elle y connaissait plus que son ex en design d’intérieur...

Alex avait laissé la boîte sur le comptoir, même après que son invitée ait trouvé son bonheur. C’était agréable de voir quelqu’un prendre le temps de choisir en humant les différents mélanges de feuilles plutôt que de piocher au hasard comme s’ils étaient en Barbarie. Ils n’étaient pas pressés de tout ranger,  surtout si la conversation s’étirait et qu’ils avaient envie d’une deuxième tasse.

La rouquine confirma son emploi, et expliqua être toujours au lycée. Alex n’osa pas l’interroger sur son passé, se disant qu’il valait probablement mieux qu’elle ne se sente pas brusquée : elle en parlerait si elle était confortable. Après tout, ils étaient encore pratiquement des inconnus. Il lui sourit lorsqu’elle mentionna son hyperactivité des derniers temps. L’activité physique n’était-elle pas un excellent remède aux mal-êtres?

- Je crois voir de quel dojo tu parles.

C’était bien celui où il avait rencontré Andy, n’est-ce pas? Celui qu’il fréquentait lui-même parfois.

- J’aime aussi courir dans les bois. J’y fais mon jogging quasi quotidiennement. Parfois, j’ai un ou deux amis qui se joignent à moi, ou que je croise par hasard.

Andy l’accompagnait parfois, Richard l’accompagnait d’autres fois, et Derek était souvent une surprise entre deux foulées. C’était que la forêt, malgré ses dangers, était un endroit populaire pour les adeptes de course. Inutile de mentionner que c’était également le moyen le plus efficace qu’il ait trouvé de faire sa ronde et surveiller les environs tout en joignant l’utile à l’agréable. Et compte tenu des gens qui l’y accompagnaient, ça ne faisaient que plus d’yeux pour repérer des anomalies, voir plus de bras si il venait la nécessité de se défendre de quelque chose.

Un sourire en réponse à celui de Kada’an, il formula une phrase polie et sincère en écho à la sienne.

- Ça me fait plaisir.

Alex sirota son infusion, laissant la jeune femme faire de même. Le druide et la louve prirent quelques gorgées en silence avant qu’il ne reprenne la parole.

- Cela fait toujours du bien de libérer son énergie, et se défouler. Ça peut être cathartique et, quand c’est diriger de la bonne manière, très libérateur et constructif. J’ai appris les arts martiaux quand j’étais très petit. J’en ai perdu depuis, mais j’essaie de m’entraîner avec Charlie quand on en a l’occasion.

Les deux amis allaient généralement dans la clairière artificielle derrière la cabane, qui leur servait également de cour arrière et de terrasse. L’entraînement leur était bon à tous les deux, travaillant leurs réflexes et leur souplesse tout en renforçant les techniques qu’ils maîtrisaient ou non.

- Et si tu es une personne créative, la danse peut être un excellent médium pour dépenser de l’énergie et rassasier ton désir créateur à la fois. Satisfaire ta muse, en quelque sorte.

Ça, par contre, ce n’était pas le forté du laborantin, qui se considérait beaucoup trop terre à terre pour avoir le moindre dessein artistique.

Alex s’alarma un court moment, soudainement vif et tendu, avant de réaliser ce qui avait surpris, et potentiellement blessé, la louve.

- Fais attention, ça peut être encore chaud... prévint Alex trop tard, les joues rosies et un sourire d’excuse sur le visage. Il s’empressa ensuite de répondre à la question suivante, pour en revenir de sa boutade de mauvais goût.

- Je ne le connais que de vue, précisa-t-il donc ainsi. Ils s’étaient certainement salués, mais ne s’étaient jamais adresser la parole véritablement.

La discussion sur l’activité physique se poursuivit sur les courses en forêt. Alex écarquilla les yeux et les deux chenilles qui lui servaient de sourcil remontèrent haut sur son front en entendant cette mention de la chasse à la biche. Il se retint de faire une nouvelle blague sans humour, histoire que Kada’an ne découvre pas trop vite à quel point il était lourd. Ça aurait été limite méchant, de toute manière, de lui laisser entendre qu’il y avait des espèces protégées dans le secteur. Et puis, si elles et son ami l’avaient mangée en entière, la biche n’avait pas été gaspillée et Alex n’avait rien à y redire véritablement. Pas besoin non plus de lui dire de faire attention aux humains et aux chasseurs, il en était certain. À son âge, la rouquine devait déjà avoir bien suffisamment conscience de tout cela.

Doucement, dans la lenteur qui convient si bien à la boisson qu’ils partageaient, les arômes et le silence les envoûtèrent un moment. Ils y restèrent pris quelques instants, avant de plonger davantage au coeur du sujet. Kada’an avait une attitude qui trahissait quelque chose entre la honte ou les remords. Alex ne pouvait en avoir une idée précise. Ses explications vinrent corroborer son impression première et il tenta de se montrer rassurant. Malheureusement, sa réplique sur la danse ne sembla pas plaire à la jeune femme, sans qu’il ne comprenne pourquoi. Ne venait-elle pas de lui dire qu’elle aimait danser? Ou avait-il mal interpréter sa tendance à bouger sur la musique?

- Et je chante comme une casserole sous torture. Ça ne m’empêche pas d’aimer chanter. J’ai juste interdiction de le faire quand Charlie est à la maison. Tu as le droit d’aimer des choses sans y être douée, et tu as le droit d’y participer. C’est important que tu te donnes ces permissions, tu sais. Mais si t’aimes pas danser, tu as tout autant le droit de ne pas aimer danser, et de pas le faire.

Le druide tenta un sourire avant de rebondir sur quelque chose que sa visiteuse avait dit plus tôt.

- On fait tous des erreurs. S’en rendre compte est souvent l’étape la plus difficile pour  pouvoir passer à autre chose. L’admettre aussi. Et persévérer.

À la fin de sa tirade, il marmonnait plus qu’autre chose, les yeux relevés dans le haut de leur orbite alors qu’il réfléchissait à voix haute.

- Et donc, tu es ici pour mieux diriger ton énergie. Qu’attends-tu de moi?

Alex n’était ni conseiller, ni sociologue ou psychologue. Son domaine n’était définitivement pas le psychique, mais il avait promis son aide et il tenterait de déverser, à cet escient, toute la sagesse relative qu’il possédait, s’il le fallait. Il l’aiderait de son mieux avec ses autres ressources également, c’était l’évidence.

Alex écoutait Kada’an, et tentait de mémoriser les informations qu’elle voulait bien lui dévoiler. L’idée générale était aisée à se remémorer, mais il craignait que sa mémoire omette d’inscrire des détails importants dans ses méninges. Il lui serait aisé de se rappeler, par exemple, que la meute dans laquelle la louve avait passé son enfance était nomade, à l’instar de celle de Willem. Le druide se sentait un peu mal à l’aise d’avoir gêné son invitée et d’avoir pu la juger, ou qu’elle en ait cette perception, du moins. Il n’avait pas voulu qu’elle ressente le besoin de se justifier.

Cela ne signifiait pas qu’il approuvait l’information à l’intérieur de la précision de la bêta : sa meute semblait lui avoir inculqué d’importantes valeurs de respect et de soucis de l’équilibre, en adéquation avec les enseignements de Gabriel et de valeurs globalement écologiques. Le laborantin lui sourit donc, compatissant et approbateur. Ses lèvres prirent un pli davantage amusé lorsque la jeune femme mentionna le type de chasse qu’effectuait plutôt Willem, au supermarché. C’était joliment dit, et très poétique aux yeux du scientifique.

La rouquine apporta ensuite une nouvelle précision, et les sourcils du druide s’érigèrent sur son front comme des drapeaux sur un mât, écarquillés comme ils le seraient par un matin de grands vents. Il se contenta de hocher la tête en prenant note de son incompréhension sur les mouvements en rythme de Kada’an. Taper du pied, ou tambouriner des doigts était effectivement rempli de sens. Enfin, le druide avait parfois du mal à garder son grain de sel pour lui-même.

- Tu joues de la musique? De la guitare, par exemple? Ça pourrait t’aider à garder le focus.

La conversation prit ensuite une tournure différente alors qu’Alex avait abordé une approche frontale et ouverte, sans être conflictuelle. Comment pouvait-il l’aider? Voilà tout de même une question importante compte tenu de la nature de leur rencontre. Le visage d’Alex se froissa et se referma alors qu’il tentait de cacher dans son coeur une fureur froide à la mention d’une nouvelle meute disséminée, probablement arbitrairement.

Le druide n’en haussa toutefois pas moins le sourcil pour autant, ses traits se relaxant en une expression un peu plus amusée. La demande de Kada’an n’était pas sans lui rappeler celle du jeune O’Brien, d’une part, ni d’Alessandro, d’autre part. Employeur et employée avaient donc tous deux du mal avec les dérapages. C’était ironique.

- Pour les plantes, il y a des choses que je peux te dire, la base, mais d’autres secrets que je ne peux révéler, pour toutes sortes de raisons.

Pour conserver leur place dans ce monde, déjà, mais aussi pour éviter que des loups mal intentionnés ne décident d’utiliser ces connaissances contre des meutes ennemis, ou pire, que ces informations ne parviennent à des oreilles mal intentionnées. Surpris par les larmes qu’il vit apparaître, mais nullement intimidé par les iris qui dévoilaient des erreurs passées, Alex déposa doucement sa main sur celle de son invitée, prêt à la retirer si cela semblait l’importuner.

- Par contre, pour le contrôle, je serai entièrement disponible. J’ai déjà un… élève qui m’a fait une demande similaire à la tienne, et ça se passe plutôt bien. J’ai des moyens de me protéger sans le blesser, ni perdre sa confiance ou attiser davantage sa colère. Et si vraiment les choses devaient devenir hors de contrôle, il y a des gens à proximité qui sauraient me venir en aide rapidement.

Il était peut-être un peu trop confiant, mais cela se passait bien avec Alessandro, même si le sicilien se plaignait constamment de ne pas progresser suffisamment à son goût. Au moins, ils arrivaient à passer une séance sans s’insulter, pas même à demi-mots. Alex retira sa main lorsque les traits de Kada’an redevinrent détendus et humains, à défaut d’un meilleur terme. Le druide avait la conviction profonde que la lycanthropie ne les rendaient pas inhumains, peu importe leur apparence.

Le biochimiste écouta attentivement l’anecdote de Kada’an et de sa rencontre avec un chasseur. Savoir que celui-ci avait décidé de l’aider plutôt que d’en faire un trophée lui redonna un peu d’espoir en l’espèce humaine. Il écouta la suite, et la déclaration posée au milieu de la conversation comme une déflagration le surprit. Ça, c’était quelque chose à quoi il n’était pas préparé. Il ne savait que répondre et, à vrai dire, n’était définitivement pas une personne ressource vers qui se tourner lorsqu’on avait de telles pensées : cela dépassait largement non seulement son expertise, mais également ses compétences et ses habiletés sociales. Il serra les dents, cherchant le mot juste.

- Tu devrais probablement en parler à Will, ou à Maddie, et certainement à un professionnel. Je veux bien être là et t’écouter si tu en as besoin, mais je crains de ne pas avoir de bon conseil pour toi. Pas sur ce sujet.

Pardi, il vivait sa vie en navigant à vu, et commençait tout juste à se demander réellement ce qu’il comptait faire de celle-ci maintenant qu’il avait rencontré Brian. Il ne serait d’aucune aide pour donner un sens à sa vie ou juste une raison de s’y raccrocher. Le druide se mordit les lèvres.

- Mais comme je t’ai dit, pour le reste, je peux t’aider et je compte bien le faire.

Alex envoya un sourire timide à la jeune femme et, après une seconde d’hésitation, débarrassa les tasses vides pour les poser près de l’évier après les avoir rincées. La petite assiette dans laquelle les feuilles qu’ils avaient infusées séchaient doucement rejoignit bientôt les deux récipients, et Alex reprit place sur son siège.

- Trop gentil ?

Alex leva le sourcil gauche, perplexe quant à l’interprétation qu’il devait faire de cette information. Ce Lewis avait-il des vues sur la rouquine et tentait cette approche du bon gars, au risque de se faire friendzoner, ou était-il un peu simplet? Trop bonace pour son bien, sans que ce soit lié directement à Kada’an. Ou bien était-ce cette manière vieillotte que la mère de Janet avait pour désigner ce qu’elle nommait à contre-coeur et du bout des lèvres les homosexuels?  Il valait peut-être mieux ne pas insister ni poser de questions trop ouvertes, mais Alex pourrait demander à son garde du corps de colocataire de garder un œil sur Lewis, au cas où il embêterait la louve.

La pauvre semblait surprise que l’offre du druide ne vacille pas, malgré son cri du coeur, malgré son appel à l’aide, malgré des aveux qui bousculeraient des gens plus solides que le laborantin. Dire qu’il n’était pas chamboulé serait un mensonge, mais il tentait de le masquer aussi bien que possible. Le séant contre le comptoir, il observa son invitée un court moment, à la recherche des mots justes pour dévoiler sa vision des choses. Pour commencer, il voulait répondre à ce qui lui paraissait le plus pressant.

- Tu n’as pas à être désolée. Tu as le droit d’exprimer ce que tu ressens.  Alex devrait peut-être écouter ses propres conseils, parfois. Ça me fait plaisir que tu te sois ouverte à moi, ne t’en fais pas.

Maintenant que ceci était réglé et qu’Alex avait fait son possible pour rassurer la bêta, il pouvait attaquer la suite. Ce n’était pas forcément le nœud de la conversation, mais ça restait un élément qui en était crucial. Il se rapprocha pour poursuivre d’un ton qui se voulait doux et engageant.

- On fait tous des choses qu’on regrette. On doit tous apprendre à se contrôler. Je trouve injuste que des gens qui ont des instincts et des capacités plus développées doivent payer de plus chères conséquences. Je ne dis pas qu’un loup-garou peut tout se permettre impunément, mais je ne suis pas ici en qualité de juge. Je suis un guide et un allié et c’est en ce sens que je ne peux t’aider que si tu le veux.

Le sourire sur son large visage se fit moins timide et gagna en franchise, comme s’il venait de réaliser tout l’espace dont il disposait pour s’étendre. Se rasseyant sur son tabouret, il poursuivit.

- Et c’est manifestement le cas. On ne peut pas ignorer le passé, mais on peut le laisser derrière. Tourner la page, comme on dit. Tu ne me parais pas être une mauvaise personne, et Charlie semble aussi être de cet avis : j’ai confiance en son jugement.

Tout le monde n’accordait pas la même importance, ou crédibilité, à l’ours, mais le druide avait appris que celui qui était souvent qualifier de lent possédait une clairvoyance et une intelligence émotionnelle qui comblait les défauts du canadien. Mine de rien, et malgré leurs différences, ils formaient une bonne équipe.

- Si tu veux, on peut aller dehors pour poursuivre la discussion.

Alex lança un regard en oblique à Kada’an, alors qu’il venait servir d’exemple en comparaison à ce Lewis. Sans savoir pourquoi ni comment, le mot gentil semblait au cours des dernières années avoir pris une connotation mauvaise, à la limite de l’imbécilité. Il se doutait bien que ce n’était pas la vision de la louve, mais quand même. Ce Lewis lui apparaissait volontaire et serviable, peut-être à la limite de la complaisance, rien qui ne paraisse étrange outre mesure. Ne sachant pas trop comment réagir, le druide opta finalement pour un clin d’oeil, alors qu’il y allait d’une phrase un peu commune, mais dont la sagesse et la vérité n’en étaient pas moins exemptes.

- Il n’y a pas assez de choses gratuites dans la vie, pour que ça vaille la peine de se tourmenter à tenter de les comprendre ou de trop les analyser.

C’était un peu le comble. Le torchon qui se moquait de la guénille, comme dirait sa grand-mère. Lui, conseillait à autrui de ne pas suranalyser, de ne pas se faire de mauvais sang à trop réfléchir aux tenants et aboutissants d’une situation. C’était peut-être la blague de l’année!

La bêta de Willem semblait tenir à offrir quelque chose en retour à l’aide d’Alex. Une sorte de paiement, bien qu’il ne soit pas monétaire. Pris de court, le druide ne savait pas trop quoi répondre. Il n’avait généralement besoin de rien qu’il ne puisse se procurer aisément, ou d’aide que personne ne saurait lui offrir, mais il comprenait également que Kada’an avait cela à coeur. Il lui répondit honnêtement.

- Je n’ai aucune idée qui me vient spontanément à l’esprit, mais si je pense à quelque chose, je te tiendrai au courant. Comme ça, tu auras aussi le temps de juger de l’efficacité de mon aide.

Alex offrit un court sourire à la serveuse. C’était sa meilleure offre. Il n’était pas très doué pour marchander. Peut-être un brin trop honnête, ou trop impatient pour multiplier les contre-offres. Une idée fit irruption dans son crâne, et il la chassa aussitôt : il doutait qu’Alessandro apprécierait que son employée ne joue les cobayes. Charlie, c’était une chose entièrement différente.

Il hocha nerveusement de la tête alors que Kada’an admettait ne pas s’exprimer suffisamment. Il ne savait que rajouter : c’était un fléau très répandu, et dont lui-même souffrait. Une question d’éducation, en partie, semblerait-il. Ça n’était pas une excuse pour se laisser patauger avec marasme dans cet état, sans tenter de s’en sortir et de devenir tous les jours une meilleure version de soi-même.

- Je déteste ce mot. Monstre. Charlie pourrait le confirmer. Alessandro aussi. Et ce jeune Therence, et combien d’autres encore?

Le visage du druide se crispa, sérieux et vaguement las. La lueur d’espoir gisait dans l’utilisation du passé. Il n’avait pas envie de donner une nouvelle fois le même sermon, sur les mots qui donnent non pas du pouvoir, mais une possibilité d’exister aux concepts qu’ils représentent. N’avait pas envie d’ânonner un laïus qui commençait à lui être familier. Bien trop familier : c’en était inquiétant. Était-ce le reflet d’une société d’intolérances et de discriminations, ou quelque chose de pire encore? Heureusement, la rouquine ne lui en laissa pas l’occasion. Le sien, de laïus, n’était pas forcément guère plus encourageant, mais il avait le mérite de changer le mal de place. Ce qui était encourageant, c’était que Kada’an évoquait ceci comme l’une des choses dont la réalisation changeait la vie des gens. Certains parleraient de muse, ou d’avoir été touché par un ange, ou de révélation divine. Alex avait un tout autre mot.

- C’est déjà un bon début de prendre conscience de ces choses. Ensuite, cela nous ouvre toutes sortes d’opportunité de prendre notre parcours en main. Alex se tordit les sourcils, une pensée malaisant de retour dans son esprit. Parfois, il arrivait malgré tout qu’on perde les rênes et qu’on se retrouve à agir contre des valeurs pourtant intimes.

- Si ce que l’on a été ne doit pas définir qui l’on est, comme on dit, c’en est toujours une partie indissociable qui peut nous aider à aiguiller notre chemin. Il se répétait, et était cryptique. Il avait du prendre un niveau de druidisme récemment, pour rappeler de plus en plus un certain Radagast.

Les deux personnes sortent, et vont prendre place sur un vieux banc que Gabriel a solidifier l’été où Alex était arrivé. Il aurait certainement besoin d’une petite touche d’amour. Peut-être que Alex pourrait demander à Charlie de l’aider à teindre le bois, et peindre la structure métallique. Ou au moins ajouter de la laque.

- Tu n’as pas à te sentir forcée de me dire quoi que ce soit, répondit-il sobrement à la question implicite formulée à l’intérieur. Il écouta la louve lui parler de son ressenti, de son vécu, des déclencheurs de ses impulsions et des moyens pris pour limiter les risques de dérapages. Le druide hocha gravement la tête.

- Et tu préférerais des moyens internes de te contrôler, plutôt que des méthodes externes, qui te sont imposées, c’est bien ça. Imposés soit par ta meute, soit par toi-même, on s’entend; ça n’est pas la question. Si tu es habituée à la petite cabane et que tu t’y sens assez confortable, compte tenu de la situation, peut-être que le plus simple serait de la visualiser, dans un premier temps. J’ai entendu dire que c’était une méthode plutôt répandue. T’imaginer t’y rendre, y entrer et y être en sécurité. J’ai dit la cabane, mais ça peut-être n’importe quel autre endroit où tu es bien, et qui pourrait t’aider à t’apaiser. Un peu comme un jardin intérieur. Tu peux également te concentrer sur ta respiration. Prendre de longues inspirations, et de longues expirations, pour forcer ton coeur à ralentir la cadence.

C’était déjà un début. Sauf si elle avait déjà tenté ses stratégies et qu’il était carrément à côté de la plaque.

Alex préféra ne pas revenir sur la conversation qui avait eu lieu à l’intérieur. Il croyait que c’était inutile car, d’une part, il avait oublié ce qui s’était dit précisément et, surtout, il avait compris l’opinion et les intentions de la louve, et espérait que l’inverse était aussi vrai. Ils avaient le droit d’avoir des points de vues vaguement divergent sans que sa tête de mule ne se sente le devoir de convaincre Kada’an, ou n’importe quel autre interlocuteur, du bien fondé de ce qui se trouvait dans son crâne bordélique. De toute manière, la louve semblait bien être du même avis, comme elle ne semblait pas vouloir relancer la conversation sur ce qui s’était dit à l’intérieur.

Le druide se mordit l’intérieur des lèvres, nerveusement. Kada’an semblait sceptique, ou confuse : Alex n’était toujours pas meilleur pour lire les émotions des gens. Le canadien ne pouvait qu’espérer que sa pupille du moment soit naturellement encline avec cette technique. Il n’était déjà pas du tout un pro en méditation. Relaxer était pour lui aussi alien qu’un martien, lui semblait-il, mais Jenny lui avait appris quelques techniques -ou l’avait tenté-, et il devrait bien être en mesure de répéter celles-ci à la rouquine.

- Euhm... débuta le laborantin. C’était bien. Ça respirait la confiance et le contrôle. Kada’an n’allait certainement pas croire qu’elle avait affaire à un imposteur. Alex poursuivit après une brève hésitation, le temps de se reprendre en main.

- Ça aide de fermer les yeux. Pour visualiser. Joignant le geste à la parole, le druide abaissa ses paupières. C’était la première chose que son ex lui avait recommandé de faire. Inspire profondément, lentement. Ce qu’il fit. Et expire doucement. Il répéta l’exercice quelques moments, alors qu’un sillon se creusait à base de son nez : signe qu’il tentait de réfréner son cortex de le bombarder de pensées parasites. Au bout de quelques respirations, il reprit la parole, et manqua de sursauter au son de sa voix.

- Commence à imaginer la cabane. Ou… Ou t’en souvenir, c’est ce que je fais. Il n’avait jamais osé dire à Jenny que son exercice de visualisation constituait en le retour d’un souvenir dans son esprit, et non pas la création d’une image à partir de rien du tout. Qui plus est, le souvenir d’enfance auquel il s’accrochait était quelque peu vieux et usé. Un souvenir d’enfance qu’il s’était d’abord interrogé à savoir s’il ne l’avait pas complètement inventé. Jusqu’à ce qu’il ne réalise l’effort que ceci aurait représenté! Il se doutait bien qu’à son souvenir réel son cerveau avait accolé d’autres images issues de photos d’enfance, ou possiblement même de films, pour combler les manques, mais c’était sans importance.

- On m’a conseillé de commencer par retrouver le sentiment que tu ressens dans ton jardin intérieur, si tu as du mal à le voir. C’était peut-être étrange, mais ça avait fonctionné pour lui. Il avait alors réalisé que, aussi étrange que cela puisse paraître, il se souvenait mieux de ses impressions et de ses ressentis dans une situations que des informations sensorielles, factuelles, du moment. C’était bien le comble, pour un biochimiste qui se targuait d’être objectif et rationnel comme lui. Il se concentrait donc sur le souvenir de sécurité et de plénitude qu’il avait eu jadis, et en oublia presque de poursuivre ses instructions.

- Ta cabane n’a pas à apparaître entièrement comme on claque des doigts. Elle peut se dessiner de plus en plus précisément avec chaque souffle et, avec la pratique, ce sera de plus en plus rapide.  Le radeau se dessinait dans son esprit, puis le ruisseau, et les galets sous l’eau. Les pentes, abruptes en face, et plus douce derrière, où la terre s’emmêlait de pierres et de racines. Il se trouvait quelques taches de couleurs, imprécises, qui devaient être des fleurs des bois. Et, il se souvenait que, une unique fois, il avait vu un toit derrière lui, par-dessus son épaule. Si ce n’était des sons de la forêt autour d’eux, il pourrait être certain de distinguer quelques pépiements.

Le druide n’avait pas envie de mettre de la pression sur la bêta, mais il était curieux de savoir si l’expérience était concluante, mais déconcentrer la louve risquait surtout de lui faire perdre son progrès et l’embêter.

- Prend tout le temps dont tu as besoin pour rejoindre ton sanctuaire, et restes-y aussi longtemps que tu en as besoin.

Cette fois, le Cormier se tut pour de bon, afin de laisser à Kada’an tout le calme dont elle aurait besoin.

Alex restait silencieux, et ne rompit pas sa quiétude malgré le faible grondement qu’il perçut en provenance de la louve. Ses sourcils réagirent toutefois de manière entièrement indépendante, se courbant automatiquement d’un air sévère. Réflexe qui trahissait l’inquiétude, sinon l’anxiété du druide. Le souffle de la bêta de Willem s’accélérait et se désorganisait. Involontairement, Alex l’imita, sa respiration se calquant sur celle de Kada’an. Il lui fallut un moment pour s’en apercevoir et tenter d’en reprendre le contrôle, alors que toutes sortes de pensées parasites lui envahissaient l’esprit, à partir des condiments à ajouter à sa liste d’épicerie, jusqu’au pointage du dernier match de crosse du lycée, en passant par la bouteille d’eau de Civet qu’il devrait bientôt se souvenir de nettoyer.

Alors qu’Alex tentait de se concentrer à nouveau sur sa respiration, et sur les astuces de Jenny qu’il venait de répéter à la rouquine, celle-ci lui posa une question embêtante, et lui fit part d’un sentiment qui ne pouvait être que désagréable. Le druide entrouvrit à moitié un œil. C’était une bonne question, ça. Il hésita, déglutit silencieusement et se râcla doucement la gorge avant de répondre.

- Je suppose que le plus simple est de te concentre sur un souvenir différent, agréable, et une fois que tu l’as, de recommencer à faire le vide.

Changer la cible de son esprit, comme pour détourner son attention. Une diversion à soi-même était un drôle de concept, mais toujours était-il qu’Alex ne savait à quoi penser de mieux, ou de plus approprié. Après tout, il n’était ni maître yogi, ni zen de nature, ni un pro en relaxation comme son ex. L’œil à nouveau clos, Alex porta attention à la respiration de la lycanthrope. Tranquillement, celle-ci sembla s’adoucir et retrouver un rythme de quiétude. L’attention d’Alex migra alors de la respiration de la jeune femme à la sienne, pour que lui-même retrouve cet état méditatif qu’ils recherchaient ensemble.

Un peu plus tard, Kada’an reprit la parole. Alex ouvrit doucement les yeux, pour remarquer qu’il était observé. Un sourire timide aux lèvres, il répondit à la serveuse d’une voix rauque, comme s’il venait de se réveiller. Il tenta toutefois de ne pas afficher sa surprise.

- J’ai aussi l’impression que tu as bien saisi. Ce n’est pas grave si tu as eu du mal aujourd’hui, et il ne faut pas que ça te décourage. Ça ira de mieux en mieux à chaque fois, tu verras.

Du moins, l’espérait-il. Il n’aimait pas avoir l’impression de faire des promesses en méconnaissance de cause, ou sans pouvoir en contrôler l’issue. Il soupira en faisant rouler ses épaules, et étira ses bras en balançant légèrement son torse en un cercle paresseux. Kada’an lui affirma se sentir plus légère, et Alex lui sourit de plus belle.

- Oui, c’est signe que ça a fonctionné et que tu as bien compris. Prends le temps de bien t’étirer, si tu en as besoin. Alex avait toujours l’impression de jouer à être un chat, dans ce temps-là. Il faudrait éventuellement qu’il en parle avec Andy, ou qu’il taquine Mafdet à ce sujet. Tu pourras te pratiquer directement dans la cabane Shepherd, si tu veux. Ça pourrait aider, au départ. C’est plutôt tranquille, dans le quartier de Willem. Quand tu seras à l’aise, tu pourras sortir de la cabane et t’en éloigner graduellement. Si il y a trop de distractions, il n’est pas très loin du bois. Tu pourrais t’y installer. Tu peux toujours venir dans les environs d’ici, si tu préfères : la forêt est assez grande pour que nous la partagions. Et pas besoin de me demander la permission avant de passer, ou de m’aviser. Après tout, il vivait au cœur d’un lieu public. Ce serait ridicule d’en restreindre l’accès ou de policer les gens en prenant une liste des présences ou qu’en savait-il encore.

- Ma porte restera toujours ouverte, si tu as besoin.

C’était évidemment une exagération : il n’était pas constamment chez lui. Toutefois, l’expression lui semblait suffisamment populaire pour ne pas avoir besoin de l’expliquer. Se demandant s’il ne devrait pas offrir à la jeune femme de se balader ensemble dans le bois, afin qu’elle puisse y prendre des repères, Alex interrogea :

- Est-ce que tu penses rester encore un peu?