Douceur à quatre mains [FT Evelyn]

Douceur à quatre mains

Feat : Evelyn

Le professeur savoure ces quelques minutes de calme qui s'offrent à lui. Son cours a été éprouvant, les étudiants sachant se faire plus dissipés que jamais à l'approche des congés. L'anglais a donc serré dents et vis, réprimandé lorsqu'il le jugeait nécessaire, pour finalement sanctionner les éléments perturbateurs qui ont cru pouvoir se permettre de semer la discorde pendant son cours. À présent l'amphithéâtre achève de se vider. Certains de ces jeunes gens portant leur tête haute tandis que d'autres se contentent de mirer le sol, grommelant de navrantes insanités au sujet de celui qui n'est que rarement nominé au titre d'enseignant favori.

Tobias lève une main, caresse son nez qui est toujours douloureux suite à cette rencontre fracassante qu'il a fait la veille. Prit d'un coup de folie, arrivant miraculeusement à trouver la louve presque jolie, il a pourtant poussé le vice jusqu'au bout. Invitant cette agaçante personne qui souhaite se faire appeler maître par ses congénères dans le plus coûteux des restaurants de la ville. L'anglais devine que ce repas partagé sera animé par deux langues acérées maîtrisant l'art du verbe choisi. C'est peut être dans ce but qu'il a agit de cette étrange manière : Tromper son ennui le temps d'un repas, monter de toutes pièces une armistice de carton. Cette agaçante louve entre deux âges pourrait se faire charmante si elle parvenait à se montrer aimable. Le chasseur n'émet que peu de doutes sur ce sujet. Un regard a la clarté remarquable, un visage doté de traits harmonieux et un esprit certainement brillant. Cette femme a des qualités qu'il ne saurait nier.

Evelyn saurait être charmante si elle n'était pas si... Enfin pas tant... Si cette odieuse bonne femme ne donnait pas au britannique l'impression de se retrouver face à une pâle copie de lui même. Nos défauts nous paraissent insupportables lorsque l'on vient nous les coller sous le nez.

En quelques gestes avisés, le professeur redonne à son tableau sa blancheur d'antan. Se saisit finalement de sa vieille sacoche de cuir sombre pour suivre la voie précédemment empruntée par ses élèves. Tobias s'engouffre dans le couloir, grimpe un étage, un second. La première étape de son cheminement est son bureau. Il y délaisse ses affaires de classe pour les troquer contre ses clefs de voiture et un bouquet de lys orangés qui attend sagement sur un coin de son bureau. Un regard vers l'horloge lui confirme sa légère avance sur son planning. Pour ne pas se laisser déborder il décide toutefois de conserver une allure pressée. Le pas vif il redescend les étages précédemment grimpés, traverse son bâtiment, en rejoint un autre pour finalement arriver à l'accueil de l'université.

Regard vers l'horloge. Toujours pas en retard. L'anglais cherche sa convive, ne la trouve finalement pas. L'avocate effarée par la note à payer aurait elle décidé de poser un lapin au chasseur ? Il a dû batailler pour obtenir une réservation en si peu de temps, s'est même permit de jouer de son statut de client régulier pour que le restaurant accepte de leur offrir une table pour deux. Il est clair que Tobias a fait beaucoup trop d'efforts pour une personne qu'il est certain de ne pas apprécier.

-Bonjour professeur Rapier.
-Bonjour. Mademoiselle ?

Il est certain que la secrétaire qui trône derrière son bureau de mauvaise facture a un prénom, est juste incapable de se remémorer ce dernier. Les lèvres du britannique s'efforcent de prendre la forme d'une parodie de sourire avenant.

-J'ai conseillé au Maître Lair de vous attendre près de votre voiture. Pour que vous n'ayez pas toute une partie du campus à traverser.
-Et c'est là une attention des plus charmantes de votre part.

Il ne peut s'empêcher de laisser son regard noir partir une nouvelle fois à la recherche de l'horloge. La trotteuse qui court comme si sa vie en dépendait et ses consœurs plus lentes lui font la nique. Tobias inspire lourdement, ses narines se gonflant alors qu'il tente tant bien que mal de maîtriser son état de calme.

Evelyn n'est pas à l'accueil. Evelyn l'attend près de sa voiture. Si proche de l'endroit où il était il y a encore une poignée de minutes. Tobias se penche vers la secrétaire, lui tend son bouquet coloré.

-Pour votre peine. Au revoir mademoiselle.

Il agit ainsi plus pour se débarrasser de cet encombrant que par politesse. La jeune femme qui lui fait face se fait charmée par ce geste inattendu, salue le britannique alors que ce dernier est déjà reparti.

[...]

Il fume trop. Son souffle rendu lourd par cette course imprévue vient de le pousser à repenser son hygiène de vie pendant un bref instant. Le chasseur respire l'air frais encombré par les gazs d'échappement, progresse sur le parking dans la direction qu'il sait être celle de sa berline noire. Déjà il discerne la silhouette fine et travaillée de celle qui va être sa compagne durant ce repas. Il ouvre les portières de son automobile à distance, faisant ainsi se retourner vers lui sa galante d'un jour.

-Bonjour Evelyn. Je vous ai cherché à l'accueil, je n'aurais pu m'attendre à ce que vous tentiez de me simplifier la vie. Je suis navré pour cette attente que je vous ai imposé mais nous ne sommes pas en retard pour autant.

Sujet: Re: Douceur à quatre mains [FT Evelyn] Lun 1 Mar 2021 - 12:38

Dulce bellum inexperti.

Tobias ac Evelyn

Campus de Beacon Hills, 29 Octobre,

Statut de marbre, tout vêtue de noire et de blanc, Evelyn attendait. Son port était droit, aussi digne qu'une reine bien qu'elle n'ait jamais aimé ce compliment. La droiture de la justice lui saillait bien mieux et sonnait comme une mélodie à ses oreilles. Ses mains resserrées sur son sac à main, une simple sacoche plus utilitaire que coquette, l'avocate observait les différents passants. Professeurs et étudiants se mélangeait dans un méli-mélo incessant. Ces mouvements lui rappelaient le flot éternellement continu de New York. La ville ne dormait jamais, il semblait qu'à chaque instant une destinée se concrétisait. Peu importait le jour, la date ou l'heure, quelqu'un était éveillé dans l'immense métropole et vaquait à ses occupations. Une simple lumière de plus parmi des millions d'autres.

Comme tout ancien étudiant, Evelyn appréciait de fouler à nouveau le sol consacré au nom de la Raison et du Savoir d'une université. Les souvenirs affluaient. Ces premières soirées à l'université de Columbia, ses émois amoureux pour ce jeune français et évidemment les disputes avec ses parents. Tous étaient autant d'étoiles qui brillaient dans ses yeux. Prenant conscience que son esprit s'évadait, Evelyn soupira et reprit le contrôle d'elle même. La louve en son cœur hurlait à l'impuissance, l'avocate s'en rendait bien compte difficilement.

Cette même sœur rebelle était la cause de sa présence sur le campus aujourd'hui. Elle avala difficilement sa salive en repensant à la veille. Sa dispute, pourtant contrôlée, avec le professeur Rapier, la violence de la joute verbale bien vite devenue physique étaient étonnants. D'avoir pu faire décoller l'ignoble britannique pour le fracasser contre le tableau s'avérait une jolie cerise sur le gâteau. A vrai dire, Evelyn se surprenait à soulever l'homme doté d'un foie si garni. Même une grande mère anglaise aurait crachouillé cette dite cerise. Malgré tout, l'avocate appréciait l'homme. La violence et la haine qui l'habitaient la terrorisaient mais elle n'était pas femme à se laisser arrêter aux défauts des hommes. Elle était curieuse.

Ainsi l'attente continuait. Elle s'éternisait lorsqu'enfin le déclic des portières fit se retourner Evelyn. Il trônait là. L'infâme, charmant et insultant professeur Rapier, tel le vampire qu'il était dans son coeur. L'avocate s'attendait à chaque instant à lui voir pousser les canines ou à à se mettre à fumer sous la lumière éclatante du jour. Elle lui accorda à peine un regard alors que déjà la langue acérée de l'homme venait se briser sur le bouclier de vertu d'Evelyn. Se contentant de poser son sac dans la voiture, elle finit par le regarder par dessus le toit, la bouche réduite à une simple ligne.

Bonjour Tobias. Par nature, un avocat est présent pour vous simplifier la vie. J'aurai travaillé pour le procureur si j'avais voulu en faire un enfer.

Evelyn finit par s'asseoir. Elle était curieuse de la tournure des évènements. Alors qu'elle réfléchissait à la nature même de ce repas, une odeur l'attira. Une odeur musquée teintée de fleur d'oranger mais également de bave qui lui rappelait son neveu. Avec un pressentiment, l'avocate jeta un coup d'oeil par dessus son épaule et resta muette. Un siège enfant, des jouets et d'autres fournitures trahissaient un terrible secret pour l'image de Rapier. Le professeur avait un enfant. Evelyn ricana mais lorsqu'elle regarda son interlocuteur, son regard était empreint d'une douceur et d'une once de respect.

Donc sous vos airs de grand méchant loup, vous êtes un papa poule ?

EPSILON

Until the firmament.

Sujet: Re: Douceur à quatre mains [FT Evelyn] Lun 1 Mar 2021 - 18:17

Douceur à quatre mains

Feat : Evelyn

Tobias laisse sa convive s'installer en voiture, ne cherche pas à l'imiter lorsque cette dernière se fige pour répondre à cette maigre salutation dont il vient de la gratifier. Il n'apprécie guère les avocats même s'il peut parvenir à leur accorder une certaine utilité. Il faut bien avouer que ces gens dont il n'irait pas jusqu'à admettre qu'ils puissent être braves peuvent toutefois se montrer comme étant de précieux alliés en cas de pépin juridique. L'anglais n'a pour l'instant jamais eu besoin d'un tel coup de main. Il file entre les doigts de la justice sans jamais laisser son nom être salit par ce qui peut être vu comme un passif sanglant et profondément immoral. Les termes dont use Evelyn ne sont pour lui qu'un charabia destiné à endormir son esprit. Un avocat en vaut bien un autre à ses yeux, et ce quelque soit le nom donné à son employeur.

Le professeur prend place derrière le volant puis étend ses longues jambes dans une position confortable sans perdre de temps. Son regard noir s'attarde sur le rétroviseur intérieur alors qu'il se prépare à faire marche arrière. Il serait dommage d'écraser un innocent passant alors qu'il est encore sur son lieu de travail. Il ne veut avoir à tester les talents d'avocate de Miss Lair immédiatement, en tout cas pas s'il peut l'éviter. Le cliquetis de la ceinture de sa passagère se fait entendre, puis vient le moment où cette dernière flaire que cette voiture sert habituellement de carrosse à une autre représentante de la gente féminine. Evelyn vient de ricaner. Un son agaçant qui a pour conséquence de faire froncer le nez encore douloureux du britannique qui ne tolèrera aucune moquerie au sujet de sa fille. Le point est sensible, en riant de sa fille ou même de leur lien, c'est comme si l'on se permettait de juger cette humanité avec laquelle le littéraire s'efforce de renouer.

La douceur de la voix d'Evelyn ne va pas de paire avec ce son disgracieux qui vient de lui échapper. Ce qui range bien vite ce ricanement que Tobias s'était empressé de juger moqueur dans la catégorie des exclamations nerveuses. Il délaisse sa manœuvre, se fige un bref instant avant de tourner la tête vers la brune. Ses lèvres jusqu'ici pincées prennent un pli plus agréable. Presque charmant durant ce court moment, l'anglais offre un sourire sincère à l'avocate avant de répondre.

-Vous visez juste. Ma fille est chez sa nourrice pendant que son papa invite une femme qu'il ne connaît pas assez au restaurant.

Il ne cherche à nourrir la discussion plus qu'il ne serait nécessaire de le faire pour l'instant. La voiture quitte finalement sa place de stationnement, le ronronnement du moteur fait son nid. Douce mélodie qui trompe ce qui pourrait devenir un silence gênant. Tout à sa conduite, le britannique prend le temps de marquer l'arrêt avant de venir se faufiler sur la route qui va les mener au centre-ville. Ses lèvres ont bien vite retrouvé le pli de la neutralité. Il aimerait allumer une cigarette, y pense un bref instant pour finalement oublier cette idée qui pourrait lui attirer les foudres d'une réflexion médisante de la part de celle qui demeure elle aussi muette. Evelyn se fait plus charmante encore lorsqu'elle prend le soin de garder le silence.

Un feu rouge les met à l'arrêt. La quiétude de cet instant se brise lorsque le professeur se permet de rectifier les précédents dires de la louve.

-Je ne suis pas le grand méchant loup. C'est votre rôle dans ce conte qui n'a rien de féérique, pas le mien. Je me contente d'être le chasseur. Quelques têtes de loups fraîchement tranchées sont un ajout du meilleur goût dans un salon meublé avec soin.

Il ne prend pas de gants pour donner son emplacement dans cette chaîne alimentaire un peu particulière qu'est celle du surnaturel. La démonstration de la veille est une preuve s'il en fallait une que l'homme qu'il est demeure avant tout un combattant que l'on a dressé pour donner la mort et cela sans perdre de temps en remords. La voiture devant eux vient de se mettre en mouvement ce qui ne laisse pas la possibilité à Tobias d'observer les réactions de sa passagère. Il la sait louve, la devine fraîchement mordue. Son comportement de la veille n'était qu'étonnement face à cette force surhumaine dont elle a usé pour l'envoyer voler et finalement s'écraser contre le tableau.

Sujet: Re: Douceur à quatre mains [FT Evelyn] Jeu 4 Mar 2021 - 16:25

Dulce bellum inexperti.

Tobias ac Evelyn

Campus de Beacon Hills, 29 Octobre,

Certains se posaient la question des expressions grinçantes des bouledogues ou encore l'expression à la fois blasée et flegmatique des lévriers. Evelyn vous aurait répondu qu'ils ressemblaient simplement à ceux qui les avaient dressé des millénaires durant : les anglais. Tobias Rapier était l'exploit de l'accouplement de ces races. Doté de la carcasse décharnée de lévrier brisé par dix ans de courses, son regard et ses bajoues étaient aussi tombantes et renfrognées qu'un Churchill sur pattes. Une simple manoeuvre de conduite le conduisait à devenir plus sombre qu'un mois de mars à Londres. Etrangement, son charme résidait là dedans. Evelyn l'observa du coin de l'oeil alors que la voiture reculait lentement. Au moins ils n'écraseraient pas d'étudiants.

Le coin des lèvres d'Evelyn se surélevèrent une seconde durant lorsqu'il se tourna vers elle. Elle avait perçu la lueur lointaine de sympathie du professeur à sa question. Voir un homme, même au bord du précipice, éprouvait un quelconque plaisir à parler de son enfant était toujours agréable. A défaut d'être pédagogue, une once d'instinct paternelle vivait dans un coeur rabougri. Evelyn décida de se montrer aimable. Per se parce qu'il avait raison sur leur méconnaissance mutuelle. Malgré tout, l'avocate avait du mal à imaginer un rendez-vous de cette nature avec le professeur. A moins qu'il ne soit doté d'un fétiche particulier sur le fait d'être dominé, Tobias Rapier ne semblait pas homme à garder une femme au bras ou même dans son lit.

Vous expliquerez à votre enfant que vous discutiez avec la charmante professeur de droit et avec qui vous avez la chance de partager l'amphithéâtre.

Evelyn jeta un regard en coin au professeur. La chance était partagée, le bonheur beaucoup moins. De différences d'opinion jusqu'à leur propre choix de vie, tout les opposaient et rien ne les réunissait. Pourtant, ils se retrouvaient dans une voiture, en route pour un restaurant français, à discuter de loups, bagarres et chasseurs. Evelyn tiqua. Son pouls s'accéléra alors que ses yeux trahissaient sa surprise l'espace d'une seconde. L'homme qui l'amenait traquait et tuait les siens.

Des chasseurs ? L'avocate pesta intérieurement contre Derek Hale. L'ogre de Beacon Hills ne lui avait pas parlé des dangers de mort ! Être un danger pour soi même et les autres était amplement suffisant. Un grondement s'échappa des lèvres d'Evelyn alors qu'un éclair orange traversait ses yeux. Soufflant doucement, elle s'efforça de se calmer. Si il avait voulu la tuer, le professeur l'aurait fait la veille ou ne la préviendrait. L'avocate s'efforça donc d'avoir un sourire forcé, comme si elle était gênée d'avoir mal pris une moquerie.

Vous m'excuserez. Il existe vraiment une catégorie de personne chargée de traquer et tuer des loup-garous ? Parlons franchement monsieur Rapier. Je ne sais rien de ce monde. La perte de contrôle de la veille vous l'aura sûrement appris, je suis une jeune louve. Quelle est la raison de votre souhait de nous tuer ? Vous y prenez plaisir c'est ça ?

EPSILON

Until the firmament.

Sujet: Re: Douceur à quatre mains [FT Evelyn] Jeu 11 Mar 2021 - 14:24

Douceur à quatre mains

Feat : Evelyn

Tout en tachant de conserver sa concentration rivée sur la chaussée et cette conduite simplifiée par la boîte automatique de sa berline, Tobias ne perd toutefois rien des réactions de celle qui est sa compagne d'un jour. La bête vient de gronder, dissimulant bien mal les émotions qui la traversent suite à l'entente de ce qui semble être une révélation qui pourrait sans mal trahir la mauvaise augure de cet instant à deux qu'ils sont en train de vivre. L'anglais n'aime pas se laisser dévorer pas des convenances sociales dont il n'a que faire. Il est donc évident, en tout cas à ses yeux, qu'il n'aurait pas prit la peine d'inviter l'avocate pour un repas qui sera couteux, tout ça uniquement pour aller la tuer après la prise d'un digestif bien dosé. Tobias sourit, cruel. Un gamin espiègle qui s'amuse de sa propre blague, une plaisanterie qui ne fait visiblement que sa joie. Si le sourire de cette chère Evelyn est plus forcé que naturel, celui du britannique demeure tout ce qu'il y a de plus véridique et franc.

Une expression apaisée qui se fend un bref instant tandis que la louve lui quémande plus d'explications. Si la première partie des questionnements de cette femme se fait touchante tant elle est bercée de naïveté, c'est la suite des dires de la justicière en tailleur qui soudainement coupe la chique au chasseur. Adieu le sourire, la bonne humeur et toutes ces émotions futiles qui commençaient à faire leur nid dans l'esprit du tueur. Tobias se tend brusquement, jette un regard noir dans la direction de son rétroviseur pour se donner un peu de contenance. Peu enclin à délivrer une partie de son passé à une inconnue, encore moins après leurs mots de la veille, le professeur se ferme comme une huitre. Lèvres pincées, il prend le temps de réfléchir.

Ils sont bien proches du restaurant lorsqu'enfin il desserre les lèvres. Il passe la pointe de sa langue sur celles-ci, comble le silence tout en demeurant muet. Mime l'assurance pour tromper son hébétude. Puis finalement renonce à parler.

Tobias est en train de se garer lorsqu'enfin il prend la peine de répondre. Un choix de mots douteux, pour ne donner que les informations qu'il juge acceptable de divulguer à son sujet.

-Je ne prend pas de plaisir en tuant.

C'est là la plus stricte vérité qu'il vient de dévoiler. Le professeur coupe le contact, décroche sa ceinture de sécurité puis enfin se tourne vers cette femme qui lui cause bien des tourments.

-J'aime tuer. Comme j'aime manger des biscuits tout en buvant une tasse de thé. Sur un plan émotionnel cela ne m'apporte rien de plus. À vrai dire cela m'envahit d'un sentiment de bien être que je peine moi même à nommer. Pas du plaisir dans le sens propre du terme. Une sorte de jouissance frigide.

Sourcils froncés, l'anglais cherche encore le mot juste qui suffirait à décrire cet état auquel il est devenu accro au fil des années. Son psy serait certainement capable de nommer cela de manière claire en usant d'un terme désagréable. Mais il est évident que Tobias ne peut pas se permettre de quémander son avis à cet homme qui se dit médecin et qui pourtant paraît être incapable de soigner qui que ce soit. Ce serait alors là une ganacherie complète, des aveux qui feraient perdre sa liberté au britannique et ce pour tout le reste de sa vie.

-Par contre je prend du plaisir en torturant. Je trouve ça cocasse car finalement ces deux cas de figure ne sont pas si éloignés. Disons que j'aime entendre les gens crier. Vous êtes prête ? Notre table nous attend.

Dulce bellum inexperti.

Tobias ac Evelyn

Campus de Beacon Hills, 29 Octobre,

Evelyn aurait pu ménager la fierté de son interlocuteur. Elle aurait pu jouer dans le registre de la comédie dramatique et celle de l'innocente femme face à l'inconnu. Ses questions auraient pu être effrayées, ou au contraire pédagogues. Pourtant, son choix s'était porté sur un registre agressif et l'attaque de Tobias. Pareille au procureur, elle avait martelé l'assaut en poussant à la culpabilité. Lorsque venait la question des vies humaines, et potentiellement la sienne, l'avocate ne pouvait éprouver aucune pitié. Son regard s'étrécit lorsque le professeur Rapier se tendit. A l'image des lèvres de son hôte, les siennes se pincèrent à leur tour et un silence mauvais s'installa.

Le silence fautif de l'anglais pesait lourd sur les épaules d'Evelyn. Elle n'était pas dans un tribunal ou un poste de police, protégée par des gardes et autres mesures dissuasives. Elle était dans une voiture d'un illustre inconnu qu'elle avait cherché à vexer. Evelyn ne craignait pas la mort mais souhaitait la retarder au plus tard. Pourtant elle ne céda rien et continua de regarder fixement devant elle, les mains sagement posées sur ses genoux et la nuque droite. Elle se refusait le moindre regard vers la portière et son verrou. Chercher un échappatoire aurait été un aveu de faiblesse autant pour elle que son interlocuteur. Lorsqu'on frappe le loup dans la gueule, il faut être prêt à le combattre.

Lorsque le professeur se gara, Evelyn daigna enfin lui jeter un regard. Juge cynique, elle écarquilla légèrement les yeux, prête à reculer à tout moment. Les mots frappèrent, lourds. L'horreur des actes de l'homme et sa froideur se mêlèrent à une puanteur mélancolique. Elle voit là la version déformée de l'addict. Tous ressentent la même chose. Pornographie, jeu, argent... Ce détachement froid pour goûter encore un peu à cet instant de bien être. La honte survint bien souvent. Les pousse à recommencer en se cachant. Près de vingt ans d'exercice lui avaient appris à reconnaître certains gestes. L'avocate le vit hésiter et chercher ses mots. Elle pensa comprendra. Le visage figé, Evelyn se pencha vers le meurtrier et le fixa droit dans les yeux. Il peut sentir son haleine fraîche, voir les imperfections de l'âge cachées par le fond de teint et même se réchauffer face à ce contact lacunaire.

Vous êtes un assassin. conclut Evelyn. Et par définition, vous êtes un lâche. Votre ivrognerie et votre colère cachent bien des choses autant que ce plaisir que vous prenez à tuer n'est ce pas ? Elle sourit doucement, dévoilant des dents carnassières. La belle affaire, voici près de vingt ans que je côtoie des monstres. Je peux bien survivre à celui qui su s'adapter à la société et devenir professeur.

Evelyn recula enfin et ouvrit le pare-soleil pour s'observer dans le miroir. Ajustant sa chevelure, elle lança un regard en coin à son hôte.

Si vous aimez vraiment entendre les gens crier, vous devriez venir à un tribunal pour fraude. Pour ma part, j'adore hurler. D'une certaine façon, je suis comme vous professeur. J'aime torturer les gens. Cependant, je préfère le faire par les mots et autour d'un bon repas. Et si nous y allions ? Vous devez toujours m'expliquer pourquoi des gens tuent ceux de ma race.

EPSILON

Until the firmament.

Douceur à quatre mains

Feat : Evelyn

Il tente de demeurer droit, inflexible et surtout insensible à ce regard céruléen qui l'observe avec trop d'intensité à son goût. Ce jugement qu'il voit dans ces prunelles qui s'accrochent aux siennes ne lui convient que très peu, à vrai dire il fait habituellement tout pour s'éviter une pareille situation. Tobias ne tremble pas, ne laisse même pas un frémissement venir trahir son trouble intime. Le flegme que l'on dit tout britannique a au moins cet avantage de camoufler les émotions, les loupés d'un cœur qui ne cesse d'être humain malgré tout les efforts de son propriétaire pour se fermer au monde. Il vient de passer aux aveux. Une véritable erreur de débutant mais quelque chose dans le comportement de cette femme lui permet d'espérer que ce n'est pas cet étrange spécimen qui viendra se mettre entre lui et ses rêves de liberté.

La morale, les bonnes mœurs, une vie manichéenne ou noir et blanc sont deux camps nets. Des notions faussées que l'on nous inculque dès le plus jeune âge. L'avocate a dû voir durant sa carrière de nombreuses nuances de gris. L'anglais se range naturellement du côté des méchants. Sa lumière est éteinte depuis des années déjà. Une étincelle qu'Alice a su raviver après que certains soient parvenus à trouver les braises de l'humanité du professeur de littérature. Tobias soupire, un doux éclat passe sur ses lèvres. C'est léger et certainement pas assez pour pouvoir être rangé dans la catégorie des expressions de bonheur. Pour le chasseur ce pas grand chose est toutefois un grand pas en avant.

-J'étais déjà professeur avant de dévier hors de ce chemin que l'on dit droit. Celui que j'ai suivi me semblait être pavé de bonnes intentions.

Il ne polit plus les bancs du temple avec son postérieur depuis de nombreuses années, fâché avec ce dieu qui laisse de jeunes enfants mourir. Mais il reste attaché à ce parfum désuet inimitable que seules les phrasées inspirées de la bible ont. Il faut dire que cela reste un bon bouquin, un best-seller indétrônable. À chaque nouveau chapitre se trouve une péripétie palpitante, un rebondissement inattendu. Du sale, de la trahison, du sang et du sexe... Exactement le genre de lecture qui peut satisfaire un esprit aussi dérangé que celui de Tobias.

Le professeur doit s'avouer amusé par le caractère de celle qui refuse de courber l'échine face à plus fort qu'elle. Plus dangereux en tout cas. Cette femme qui se veut demoiselle au faciès ridé prématurément sait se faire distrayante sans avoir à forcer son talent pour l'insolence. L'anglais ne juge pas utile de préciser qu'il aime éviter les tribunaux. Le flegme se fait une nouvelle fois la belle quand l'audacieuse Miss Lair revient à la charge. Tobias avait eu l'audace de croire qu'en éludant une question gênante, celle-ci ne reviendrait plus jamais troubler ce moment qu'il aurait aimé agréable. D'un geste sec le britannique récupère ses clefs. Tendu, il se penche un peu, dissimulant son trouble de la plus navrante des manières. Se débiner une fois de plus les ferait sombrer vers un mauvais comique de répétition. Ajustant son Windsor déjà parfait du bout des doigts, le chasseur se dresse.

-La peur, la colère, l'envie... Ces sentiments attisent la haine. La haine appelle le sang. J'ai perdu une femme et un fils il y a de nombreuses années. La peur donc. La bouteille et un fou qui savait ce qu'il faisait ont suffit à finir le travail. Le reste n'est qu'une histoire de dressage.

Lèvres pincées il n'ose en dire plus. Probablement parce qu'il est certain d'en avoir déjà trop dit. La culpabilité qu'éprouve l'anglais en songeant à Gabriel et aux quinze longues années d'une fidélité presque parfaite dont il a gratifié ce dernier ne s'émousse pas depuis qu'il a apprit de la pire des manières que celui qu'il avait vu comme un sauveur n'était rien de plus que l'homme qui avait prit la vie de Charles. Ces remords ne quittent jamais l'homme qui a voulu que la mort vienne le délivrer tandis qu'il était crucifié au fond de cette cave qui a été le théâtre de son horreur. Inconsciemment il frémit. Puis quitte l'habitacle de sa berline sans perdre une seconde. Cette situation lui déplaît, cette discussion le rend malade. La nausée fait son nid au creux de son ventre, serre son cœur comme pour pousser ce dernier à l'implosion. Le flegme et la froideur ne sont plus que des souvenirs. Il se doit de rejoindre un lieu de paix au plus vite et le restaurant lui paraît être un excellent candidat pour ce rôle.

Tobias fait le tour de son automobile, tient la portière de son invitée grande ouverte. Il renouvelle l'opération une fois face à la porte du restaurant. La galanterie est une mauvaise habitude dont il peine à se défaire. Deux loups tiennent les rênes de ce commerce qui est ce qui se fait de plus luxueux à Beacon Hills. L'anglais n'a d'autres choix que de fermer son cœur et repousser au loin ces émotions qui parasitent son esprit s'il se veut capable de demeurer digne. Il offre son nom, laisse Monsieur Argent les guider à une table. Par habitude il passe commande pour du champagne sans prendre la peine de s'enquérir des préférences de l'avocate. Puis il se saisit d'une des cartes que l'on vient de leur porter.

-Ma chère Eve l'ivresse vous est désormais interdite. Tout comme les effets de diverses drogues. Un avantage non négligeable qui pourrait également être vu comme un inconvénient. C'est une des raisons qui fait que je n'envie pas votre position. Jugez moi pochtron de bas étage si vous le souhaitez mais sachez que cela ne m'empêchera pas de dormir.

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