Evelyn, la civilisation dans un baril de poudre

Fratrie & famille : Ephraïm – frère aîné et propriétaire de la Compagnie de Californie du Sud
Alfred Junior – son petit garçon de trois ans

Amis - ennemis : Anna – sa meilleure amie
Ludovic le Français – Nouveau tenancier d’un bordel de luxe partenaire de son frère à Beacon Hills

Employés : Esperanzo et les frères Sanchez – pistolero à louer et hommes de main de son frère
Philipe - Vétéran des guerres de l'Empire ; ancien maître d'armes d'Alfred
Enjolras - Jeune révolutionnaire républicaine français exilé par Napoléon - futur précepteur d'Alfred Junior
La bonne Elsa – Nourrice allemande d’Alfred Junior

Amours (passés, présents, secrets) : Alfred Lair – son mari trépassé, poussé dans la tombe pour les plus mauvaises langues

Moyen de transport : Cheval et diligence
Type d'habitation : une chambre au Cabaret Infernal (en français)
Animaux utiles : Une jument
Niveau de vie : Intermédiaire

De sa jeunesse, Evelyn n’est pas disserte. Elle ne considère pas sa vie d’alors comme un jardin secret dont il lui faut garder le secret. Elle n’y voit seulement aucun intérêt. Par bien des aspects, Evelyn Lair est réellement née dans la chaleur moite de la Louisianne une brumeuse nuit de 1830. Peu de choses sont à révéler sur sa famille commerçante aux lourdes origines irlandaises et catholiques. Éduquée sur les belles hauteurs de l’île de Boston, elle a connu l’aisance familiale– et non la richesse. Un luxe suffisant pour être élevée dans un environnement abolitioniste, éduqué et surtout très libéral pour son époque.

Bien évidemment, elle était destinée à devenir la parfaite épouse d’un autre magnat catholique de cette Amérique à la destinée plus que manifeste. Le hasard voulut qu’un lointain cousin ait des accointances dans les plantations de coton non loin des bayous de la Nouvelle-Orléans. Or un jeune hériter venait de reprendre celle de sa famille. Alfred Lair, fils d’immigrés français fuyant la Restauration en France. Éduqué, charmant et doux, Evelyn accepta ce mariage de bon cœur. Certes, elle n’aurait pas eu son mot à dire mais Dieu savait qu’elle aurait fait payer cher cet outrage à sa famille et nouvel époux.

L’union d’Alfred et Evelyn ne fut pas heureuse à ses débuts. Bien que leurs premières caresses eut les élans de la jeunesse et de deux jeunes corps se découvrant, bientôt Alfred découcha. Evelyn ne savait – ou ne voulait savoir – quel bordel son époux pouvait bien fréquenter. Incapable d’enfanter pendant de longues années, elle eut bientôt horreur de cette prison que représentait la plantation. Elle haït profondément les marécages qui l’entourait, les esclaves et tout ce que pouvait représenter son nouveau nom. Amère, ombre d’elle-même à seulement vingt ans, elle refusa bientôt l’accès de leur chambre à Alfred – non qu’il s’en soucie. Evelyn se renferma sur la musique, passant la majeure partie de son temps à tenir des salons musicaux avec les autres épouses de la bonne société de la Nouvelle Orléans. Sa seule réelle amie fut la jeune Anna bien qu’une aigre-douce jalouse naquit de la savoir si heureuse dans son ménage.

Il fallut près de quatre ans de malheur pour qu’enfin Alfred s’ouvre à elle. Ce fut lors d’une de ces nuits aussi sordides que ténébreuses que l’époux rejoignit l’ombre décharnée d’Evelyn. Dans un rare moment de confidence, il confessa sa seule et unique passion. La chasse. Evelyn se rappelle encore aujourd’hui être restée interdite et pleine de questions. Elle s’attendait à un pêché innommable, des traques de pauvres esclaves esseulés dans les boyaux des marais. Ou encore des meurtres de sang-froid dont raffolaient les journaux sordides de l'époque. Evelyn était loin de se douter à quel point allait embrasser le South Gothic.

Son esprit rationnel qui la caractérisait avant son mariage aurait cru à une blague. L'âme brisée et avide de réponses concernant son époux ne demandait qu'à être abreuvé de ce nectar divin servi à même les lèvres honnies. Les explications d'Alfred semblaient pourtant si fantaisistes. L'existence d'un monde sombre, déformé et pourtant ancestral mais également les créatures qui brisaient les règles des hommes, massacrant autour d'elles. Les quelques familles dispersées dans toute l'Europe, un véritable corps diplomatique souterrain, avec chacune leur traditions. Les Lair avaient depuis longtemps décidé de n'abattre que les meutes les plus nombreuses ou les individus les plus meurtriers. Un peu comme le contrôle de la population des esclaves. Un frisson avait parcouru Evelyn à ces mots et malgré l'horreur qu'inspirait cette vie, elle aspirait à s'échapper de son propre tourment.

Elle accepta de servir la cause de son époux. Elle haïssait encore celui-ci mais désormais Evelyn avait une raison d'exister. L'épouse Lair se rempluma et apprit tout ce qui pouvait être appris sur le monde surnaturel grâce à Alfred et les quelques rares visiteurs faisant parti de ce conciliabule meurtrier. Elle n'apprit évidemment jamais à utiliser des armes ou à combattre directement les créatures mais Evelyn devint le cerveau du réseau des Lair en Amérique. La chasse était coûteuse, difficile. Ainsi elle apprit au cours des années qui suivirent comment gérer le patrimoine financier de son époux dans le but d'optimiser l'achat et la vente d'esclaves, le rendement de leurs champs pour mieux réinvestir dans les armements, les caches mais également les poisons. Véritable gérante du réseau, Evelyn devint une érudite doté d'une soif rarement étanche pour le capital. Elle haïssait Alfred, l'esclavage ainsi que la Louisianne. Et pourtant elle en venait à respecter la mission et la passion de son époux... et même son caractère.

Le grand évènement de sa vie fut sa seule et unique grossesse. Surprenante révélation, de part son âge avancé, elle se passa sans encombre. Evelyn aima cette petite créature dès qu'elle put sentir ses premiers remous dans le creux de son ventre. Poussée par son instinct maternel, elle se donna corps et âme dans la protection du monde qui verrait naître son petit Alfred Junior. Après sa naissance, elle ne se reposa que quelques semaines avant de se dédier de nouveau à la cause de son époux mais également de l'éducation de son fils. Elle refusait de le voir devenir un dandy du Sud, gras et arrogant, prenant de jolies demoiselles à la peau caramel dans son lit d'un simple claquement de doigt. Aussi s'engagea t'elle à l'éduquer selon ses principes américains et ceux européens de son père. Elle fit venir d'Allemagne Elsa comme nourrice ainsi qu'un jeune précepteur français, exilé politique du nouveau régime mis en place par la deuxième République et prépara l'éducation de son fils.

La liberté vint pourtant frapper à la fin de l'année 1849. Pourchassant une banshee usant de ses pouvoirs pour 'faciliter' ses visions en tuant les victimes, Alfred eut le malheur de faire face à la jeune femme dans une ruelle étroite de Lafayette. Son époux n'eut aucune aucune chance de se mettre à l'abri. Lorsque les autres chasseurs découvrirent son corps, son tronc avait comme implosé et sa tête avait disparu. Evelyn, malgré les années qui les avait rapproché, ne versa pas une seule larme. Elle comprenait qu'en tant que dame douairière de la fortune d'Alfred, elle pouvait embrasser la vie qu'elle voulait

Aussi elle décida d'en finir avec cette maudite Louisianne. Elle vendit domaine et esclaves, fit ses adieux à l'aristocratie de la Nouvelle Orléans - versa enfin une larme sur l'épaule de son amie Anna - et partout la Californie. Son coeur était léger et sa tête pleine de plans. Elle désirait s'enrichir par elle même et continuer l'oeuvre des Lair grâce à son frère, un commerçant parmi tant d'autres intéressé par l'essor du chemin de fer dans la région. Elle rejoignit ainsi un vieil ami d'Alfred - chasseur également - avec plusieurs autres compagnons de feu son époux. Lorsqu'elle arriva, Evelyn eut comme une révélation. Cette bourgade miséreuse avait le potentiel de devenir meilleure, plus civilisée. Elle pourrait offrir quelque chose, autre que la chasse ou la richesse. La culture.

Ainsi elle acheta un bout de terrain à la sortie de la rue principale de la bourgade et y fit planter un simple panneau : Bienvenu au Cabaret Infernal, toi qui entre ici abandonnes tout espoir. Une simple maison pour le commencement. Le plus grand opéra à l'Ouest de la Nouvelle Orléans pour la fin. Un jour.