Le temps change les loups [FT Alessandro et Andy]

-Bien.

C'est là le seul mot dont il a usé pour faire part à son ami de son accord pour participer à ce procès expéditif censé acter du sort du traître. S'il avait en main le pouvoir dans cette ville, il est certain que l'anglais ne prendrait pas la peine d'installer cette parodie de justice qui aura lieu demain, mais ce n'est pas le cas et en tant qu'invité il ne pense pas avoir le droit de juger les manières dont fait preuve son ami. S'il n'avait pas fait irruption dans ce bureau, nul doute de ce qu'aurait été le sort d'Alessandro et David, mais ça Tobias le tait également pour ne pas mentionner son exploit et attirer à lui une gloire dont il ne veut pas. Il n'était pas venu dans cette ville pour faire couler le sang d'un mutin. Il y a encore deux jours il ignorait si le parrain de sa fille était encore un ami ou non. Il y a un mois il pensait même que ce dernier n'était rien de plus qu'un traitre, un beau parleur dont les dires perdaient toute valeur quand s'imposait une difficulté.

Des erreurs de jugement qui ont eu de tristes conséquences sur la décennie qui vient de s'écouler. Tout aurait été si simple si Tobias avait su et ce dès le jour de son départ de Beacon Hills qu'à LA l'attendait un foyer accueillant. Simple certes mais peut être pas plus heureux que le fut cette vie passée sur les routes. Jamais sa voie n'aurait croisé celle de Patrick, un manque dont il n'aurait alors pas souffert mais à présent il lui semblerait fou de prendre la décision de poser ses bagages dans cet endroit.

Tobias sourit à son ami, puis ferme la porte de sa chambre sans prendre le temps d'expliquer le besoin de solitude qui l'étreint. Il n'a pas aimé agir ainsi, même si l'instant lui demandait de se montrer sans merci. Il a l'impression d'avoir fait un bond de dix si ce n'est pas quinze ans dans le passé en renouant ainsi avec de regrettables habitudes. Il va lui falloir expliquer tout cela à son époux lorsqu'il retrouvera ce dernier auprès de leur fille. Excuser le crime en mentionnant une amitié qui durant dix ans a prit la poussière tout en sachant se préserver des rides. C'est soupirant et en songeant à ce qui l'attend pour son retour à Beacon Hills que Tobias allonge sa grande carcasse sur le lit, prêt à plonger dans les aventures d'un Rouletabille qui lui non plus n'a pas subit les outrages du temps.

[...]

La nuit fut plus douce que la précédente, une chance que l'épuisement ait étouffé les mauvais rêves et permit à l'ancien chasseur de dormir paisiblement pendant plus d'une paire d'heure d'affilée.

Tobias ne s'est pas pressé, a voulu profiter de ces rares moments de solitude qui vont lui être accordés en ce jour étrange. S'il a avec la nette diminution du nombre de ces congénères ces dernières années apprit à mieux tolérer les rares représentants de l'espèce humaine qui ont survécu, il peine encore à supporter les foules et tout ce qui pourrait y ressembler. Il devine que nombreux seront les curieux attirés par ce procès qui va avoir lieu. C'est là que réside la logique de cette décision qu'a prit Alessandro : Montrer qu'une justice est possible, qu'il est fait le choix de sortir de ce qui fut un règne monarchique pour donner au peuple l'illusion d'un fonctionnement dans lequel la voix de chacun à son importance.

Tobias ne croit pas en cette idée, mais ce qu'il adviendra du sort des habitants de cette ville ne le concerne pas. Il croit en la loi du plus fort, celle de la jungle qui s'est révélée être tout particulièrement bien adaptée à ce nouveau monde dans lequel seuls les méritants et puissants peuvent espérer avoir une belle espérance de vie.

Il s'habille avec soin, nettoie ce qui doit être propre pour donner une image irréprochable de sa personne. Taillant les contours de sa barbe de trois jours pour finalement nouer ses cheveux en un chignon bas sans épis ni bosses. Il quitte sa chambre quand enfin le reflet qui lui est renvoyé par le miroir parvient à le satisfaire. Il rejoint la table et ceux qui l'y attendent, grimaçant à peine quand son ami demande sa bénédiction à un dieu mesquin qui se moque du sort de ses créations. Puis se sert largement en restes de la veille et œufs brouillés.

Les discussions se font aujourd'hui rares et Tobias trop occupé à remplir son estomac ne fait rien pour nourrir ces dernières. Il termine son repas dans un silence parfait, entassant sa vaisselle et ses couverts pour finalement rejoindre la cuisine sans prêter attention à la mère de son ami qui lui demande de ne pas s'occuper de tout cela. Il n'a que faire de cette distribution des rôles datée qui pousse les dames à se retrancher dans la cuisine et la buanderie. Il quitte finalement la maison après avoir roulé une cigarette en puisant dans le mélange qui lui a été donné par son ami Chad.

Fumer pour la première fois en deux jours le détend, l'aide à y voir plus clair dans ce bourbier auquel il se retrouve contre son gré mêlé. Le savant mélange de plantes adoucit ses songes et rend son humeur moins amère. Tobias décide de se rendre au tribunal sans tarder plus que nécessaire, heureux d'avoir pu grappiller ce dernier moment de calme avant la tempête.

[...]

Il fut un des premiers à arriver dans ce lieu qui se remplit plus vite encore qu'il ne l'aurait cru. Il s'est installé dans un endroit où ses gestes et mouvements ne seront entravés par personne, sachant qu'il allait devoir se lever à un moment ou un autre pour occuper le devant de la scène. Une situation qui lui déplaît, mais il est prêt à rendre ce service à son ami sans plus jamais en faire mention en sa présence.

Le mutin fait son apparition dans le box des accusés, habillé de ce qui doit être son plus beau costume et sans porter sur sa personne aucun stigmate des supplices qui lui ont été infligés la veille par son ancien patron. Tobias sourit tandis que son regard croise celui du traître, d'un air cruel et doucereux qui trahit toute l'estime que lui inspire ce sinistre personnage.

Démarre alors ce jeu douteux, une démonstration dont tous connaissent la finalité. Si le mutin survit à son procès, c'est de la main de l'ancien professeur qu'il connaîtra sa fin. Hors des barricades et loin de toute civilisation, aucun avocat ni juge ne saura sauver la peau de cette ordure. Tobias se lève à l'arrivée du juge, puis retrouve sa chaise en imitant le reste de l'assemblée.

Accusation et défense se lancent dans un échange de politesses qui semble sans fin au britannique. L'ennui le prend, le poussant à dissimuler un bâillement derrière sa main gauche tandis David répond aux questions qui lui sont posées. L'homme a eu peur pour sa vie. C'est blême qu'il conte sa mésaventure devant tous. L'avocat ne s'attendait pas à vivre une pareille scène et le souvenir de cet instant le hantera encore longtemps. Sans sourciller, Tobias prend la place laissée vacante par le beau-frère de son ami quand son nom est appelé.

Là où David était porté sur l'émotion, Tobias n'offre rien à son auditoire sinon son flegme habituel. Factuel il énonce les faits après avoir juré de ne dire rien de plus que la vérité.

-L'annonce a été faite à Alessandro par Nolan de l'arrivée prochaine d'un tueur dans cette ville le jour où je suis moi même venu. Mon passif a mené vers d'évidentes conclusions dont je n'avais que faire puisque je savais ne pas être concerné par tout cela. J'étais prêt à défendre mon ami, sans toutefois risquer ma propre vie, si le danger se présentait durant mon séjour chez lui.

Il prend une pause bienvenue, laissant assimiler à chacun sa loyauté et les limites dont cette dernière souffre. Puis reprend, sans que jamais le ton de sa voix ne soit faussé par l'émotion et ce même quand il conte le pire.

-J'avais quitté l'enceinte de la bibliothèque pour boire un verre d'eau dans la cuisine. C'est en discutant avec la mère d'Alessandro que j'ai eu le pressentiment que quelque chose se tramait dans la maison. Désarmé à cet instant, j'ai dérobé un couteau dans la cuisine puis enfermé Maria en lui demandant de rester à l'abri. Je savais Alessandro occupé dans son bureau avec David. Je les ai rejoint, égorgé l'homme qui était posté dos à la porte en voyant qu'il tenait mon ami dans sa mire. J'ai menacé Nolan, poussé ce dernier à vouloir prendre ma vie et non celle de son patron. Je savais que si ma vie prenait fin dans ce bureau, Alessandro prendrait soin de sa filleule et mon époux. C'est sans regrets que j'ai donc renié certains de mes principes. J'ai simplement voulu protéger un ami, rien de plus.

C'est sur ces dires que Tobias clôt son témoignage après avoir répondu aux dernières questions qui lui sont posées sans s'épancher plus que nécessaire sur ces dernières. Il rejoint son siège dès que la permission d'agir lui est donnée, puis attend la fin de ce moment qui dure depuis trop longtemps selon lui.

L'avocat chargé de la défense du mutin semble saisir assez rapidement que la situation ne joue pas en sa faveur. Le bougre sans doute commit d'office s'est vu attribuer la lourde tâche de devoir défendre ce qui ne peut-être excusé. Tobias mal à l'aise dans une pareille situation ne peut s'empêcher de souhaiter voir au plus vite arriver la fin de cette sinistre comédie. Il ne croit pas en cette justice, pas plus qu'il ne le faisait dix ans plus tôt en tout cas. Il voit dans cette interruption la possibilité de fuir cet endroit, pour certes rien de plus qu'une poignée de minutes, mais cela devrait lui permettre de tenir jusqu'à la fin de ce moment gênant qu'il a commencé à trouver interminable et ce dès sa première minute passée dans ce tribunal.

Il est rapidement rejoint par son ami qui lui aussi a profité de cette occasion pour fuir l'agitation qui règne dans ce lieu. C'est sans surprise que Tobias le voit tirer d'une de ses poches une boîte de cigarettes archaïques. Elles sont bien moins modernes que celles qu'ils avaient tout deux pour habitude de fumer, mais l'effet procuré est semblable. Cet objet ne sert pas qu'à empoisonner son consommateur, il en occupe également les mains. Lui permettant en cet instant de se vider l'esprit tout en profitant du soleil radieux de la Californie.

Les deux loups demeurent taiseux, replongeant ainsi dans le passé sans juger utile d'entretenir une discussion qui ne serait que futile. Elles le sont toutes ou presque au regard du britannique, mais il sait son ami moins avare de mots qu'il ne l'est lui même. C'est en voyant sa cigarette se consumer plus vite qu'il ne l'aurait aimé que Tobias songe au fait qu'il va devoir laisser cette mauvaise habitude derrière lui. Se poser de manière définitive à Beacon Hills va jouer de manière directe sur les possibilités qui lui sont offertes de pouvoir trouver d'anciens bureaux de tabac désertés par leurs tenanciers. Et il ne veut pas attendre de Chad que ce dernier lui offre de manière régulière un peu de ces herbes à fumer dont il lui a fait cadeau. Patrick va être ravit de voir ainsi son époux délaisser un des derniers vices qui lui reste. Le loup aux manières délicates n'a jamais su apprécier l'odeur de tabac froid que porte parfois son alpha comme un parfum aux fragrances douteuses.

Tobias n'a pas le temps de confirmer les dires de son ami que déjà voilà David qui revient vers eux pour leur apprendre que la conclusion de ce drôle d'exercice auquel ils se plient tous ne va pas être immédiate.

-Aless ! L’avocat de la défense veut t’appeler à la barre.

Cela ressemble au début des emmerdes. Tobias guère confiant envers les capacités à rester calme de son ami se contente de garder le silence pour ne pas enfoncer le clou. Si cette éventualité semble avoir été prévue par les deux hommes, l'anglais lui se souvient du caractère parfois sanguin de son acolyte. Pour ne pas porter sur ce dernier le mauvais œil, le britannique préfère après avoir écrasé sa fin de cigarette entre ses doigts poser une main amicale sur l'épaule du parrain de sa fille.

-Ne doute pas de la justice. Celle des gens qui sont là dedans. Et la mienne en cas de pépin.

S'il a la veille montré qu'il n'avait pas oublié comment se servir des armes des humains, le loup n'a pas aimé que Nolan lui tire dessus. Sans témoins et sans craindre d'effrayer qui que ce soit Tobias pourrait bien se montrer moins doux et souple qu'il ne l'a été. Son faciès généralement neutre s'illumine d'un sourire froid, promesse de cruauté et d'un amusement qu'il ne partagera pas avec sa proie si le verdict du jury se montrait déplaisant.

Ils retournent à l'intérieur du tribunal, Tobias y retrouve son siège tandis que son ami attend qu'on appelle son nom. Quand cela est enfin fait, le britannique ne met que peu de temps à saisir que l'avocat du traître semble connaître les points faibles de celui qui hier a vu la mort de très près.

Les questions sont tordues, pleines de sens divers. L'avocat prend un plaisir malsain à défendre ce qui ne devrait pas l'être, poussant le vice à son paroxysme à chaque fois qu'il a la parole. Nolan quant à lui sourit dans le box des accusés, pour bien vite cesser ce petit jeu lorsque son regard croise celui de l'ancien professeur.

Il a cru au début que la colère éprouvée par ce dernier à son égard était due à la mort de Ryan et de ceux qui sont tombés face aux marcheurs alors qu'on essayait de retrouver une trace de sa personne pour le ramener à bon port. Cela aurait alors été légitime et Tobias se serait contenté de laisser couler, peu amène à l'idée de donner du crédit à ceux dont l'avis ne le trouble pas. Mais en retournant sa veste, en souhaitant rendre l'anglais coupable de crimes qu'il n'aurait pas commit, ce fou a gagné un ennemi qui ne sait pas tendre l'autre joue quand un affront lui est fait.

Alessandro s'agace, l'acharnement dont il est la cible portant ses fruits. Cela relance l'avocat du mutin et ce même si ce dernier commence à manquer de munitions.

Quand enfin il est mit un point final à ce moment devenu gênant, que permission est donnée à Alessandro de rejoindre son siège, Tobias gratifie son ami d'un clin d'œil qu'il espère rassurant.

Seules les voix des enfants présents autour de la table se font entendre durant le repas. Alessandro a fait comprendre à tous qu'il ne voulait pas que soit évoqué le procès en cours. Tobias craint que le verdict donné par le jury ne soit pas celui attendu par ses hôtes. L'avocat du traître est un homme mesquin qui tente par tout les moyens qui lui sont donnés de sauver la peau de son client. Il pourrait être parvenu à semer le trouble dans l'esprit des membres du jury.

Tout cela forcerait alors Tobias à tenir la promesse qu'il a fait quelques heures plus tôt, reculant l'heure de son départ loin de cette ville. Sa fille souffrante lui manque cruellement, son époux le fait presque tout autant. Même s'il redoute le moment où sa proposition rester à demeure à Beacon Hills sera totalement acceptée, il a su saisir en prenant du recul que la vie qu'il mène et qu'il impose à sa famille depuis plus de dix ans n'est pas la plus adaptée qui puisse être à une jeune fille de l'âge d'Alice. Sa princesse est sociable, plus qu'il ne l'a jamais été et ne le sera un jour. Patrick a lui aussi des facilités sociales qui lui permettent de venir au secours de son époux lorsqu'ils sont confrontés à leur prochain.  

Beacon Hills, avec les amis qu'ils y ont déjà et tout ceux qui le deviendront un jour, est un endroit sûr dans lequel chacun pourra s'épanouir. Même Tobias, malgré le fait il peine encore à l'admettre. Il sait qu'un jour tout les odieux petits secrets qu'il dissimule à Patrick finiront éventés, que le mieux serait qu'il lui apprenne de lui même qu'il a longtemps été dans les rangs de l'ennemi. De lourdes confidences au sujet d'un passé qui n'a jamais été source de questionnement.

Patrick doit avoir deviné depuis bien longtemps tout cela. Et il est toujours à ses côtés. C'est ainsi que Tobias se rassure comme il le peut.

Quand arrive le moment de reprendre le chemin qui les mène au tribunal, le loup souffle son impatience de retrouver les siens. Ces quelques jours lui semblent plus longs que ne l'auraient été des mois. En attendant que l'autorisation d'entrer dans le tribunal ne leur soit donnée, l'ancien professeur tire d'une de ses poches un précieux cliché vieillissant de sa fille. Son cœur se serre tandis qu'il pense à celle qu'il a laissé auprès de son père dans la maison d'un inconnu presque parfait. Une petite fille souffrante, sa petite fille désormais malade qu'il n'a jamais eu le courage de mordre de crainte de la tuer en lui dérobant son humanité. Sa santé mentale même si elle est plus vaillante qu'elle n'a pu l'être dix ans plus tôt ne supporterait pas qu'un tel coup ne lui soit porté. Il range le cliché de son trésor pour ne pas abîmer ni perdre ce dernier. Puis enfin suis son ami de longue date pour aller entendre ce qu'il espère être un heureux verdict leur comptant la fin du mutin.

[...]

Nolan sera pendu demain aux premières heures du jour et Tobias ne sera pas là pour assister à ce spectacle.

Les médicaments qu'il était venu chercher dans cet endroit lui sont portés à l'heure de la collation. Et si Tobias a pu sans mal refuser le verre de champagne offert par le beau frère de son ami, il est plus compliqué de lutter contre une Maria bien décidée à le garder pour la nuit. Il s'efforce de rester courtois, poli et aimable tandis qu'il refuse en bloc et à de nombreuses reprises tout les arguments et arrangements qui lui sont proposés par la mère d'Alessandro. Il reste ferme sur ses positions, finissant même par donner un coup qui pourrait être décrit comme étant bas à son interlocutrice en rappelant l'état de sa fille pour justifier la nécessité d'un départ immédiat.

Alessandro n'a pas mit longtemps à saisir qu'il ne pourrait rien faire pour reculer l'heure du départ de son ami. Il se résigne, pliant ainsi à ce qui ressemble à un nouveau caprice de la part du britannique.

-Soit prudent, si tu bouges après la nuit tombée.
-La vie dehors, même de nuit, ne me paraît pas plus risquée que celle que tu mènes dans cette ville. Je ferais preuve de prudence.

Un jour Nolan et son histoire inspireront un nouveau joueur tenté par la place occupée par Alessandro. Et Tobias ne sera plus présent pour voler au secours de son vieil ami.

[...]

Maria a remplit pour lui un sac avec un bon nombre de choses utiles et d'autres qui le sont moins. Tobias l'a laissé faire, conscient que lutter contre cette femme qui lui rappelle sa défunte mère sur de nombreux points ne lui aurait été d'aucune utilité. Il a dit au revoir aux enfants de son ami tout en songeant que ses paroles tenaient plus des adieux que d'une promesse de proches retrouvailles. Il ne compte pas revenir dans cette ville, en tout cas pas sans raison ou obligation qui le forcerait une fois de plus à laisser fille et époux derrière lui à Beacon Hills.

Patrick ne comprendrait pas ce qui a pu lier son mari à l'homme qui tient les rênes de cet endroit et même s'il le faisait cela impliquerait de devoir donner un grand nombre d'explications que l'anglais n'est pas prêt à dévoiler. Vivre au jour le jour sans jamais avoir à justifier auprès de quiconque le lourd passif qu'il traîne derrière lui est un vœu égoïste, un besoin que l'ancien chasseur ne nie pas. Tobias n'a jamais apprécié que des reproches puissent lui être faits, cela est une de ses rares habitudes qui n'ont pas changé durant cette dernière décennie.

Il rejoint son ami auprès de son cheval en étant chargé comme une mule. Et se passe de faire le moindre commentaire au sujet de ces adieux qui se dessinent à l'horizon.

Il monte sur Cheval, flattant la bête pour l'encourager avant de débuter cette chevauchée qu'il lui impose. L'animal est encore jeune mais déjà abimé par les abus de son propriétaire. Cette virée sera la dernière qu'il impose à cette brave bête.

Il détaille le contenu de son baluchon, mentionnant ce qui est connu de son ami mais aussi tout le reste. Maria est même parvenue à lui trouver une vieille carte postale de L.A. Sont aussi rangés dans ses affaires des dessins faits par les deux plus jeunes enfants de son ami, Sonny refusant de se prêter à cet exercice. Un gamin méfiant, copie conforme de son père. Tobias espère que cette qualité suffira à préserver la vie de ce bambin.

Alors qu'ils progressent doucement, Tobias dévoile ce qui a été une surprise venant de la mère de son ami.

-Maria m'a aussi donné des produits pour dame. Quand j'ai mentionné qu'Alice était bien trop jeune pour s'en servir, elle m'a répondu que ce n'était pas pour la petite. Je n'ai pas su quoi lui dire en retour.

Alessandro éclate de rire, Tobias se tait alors en dardant son ami d'un regard encore plus noir qu'à l'ordinaire. Il laisse l'affaire se tasser après avoir saisit que rien ne saurait mettre fin à l'éclat hilare de son ancien compère. La moue qu'il affiche ne semble pas aider, bien au contraire. Il faut de longues minutes à Alessandro pour reprendre ses esprits et quand c'est enfin fait Tobias décide qu'il est plus judicieux de sa part de garder le silence pour ne pas remettre une pièce dans la machine.

Les dix kilomètres prévus se font sans qu'aucun problème ne s'impose à eux. Quand arrive le moment de quitter son ami, Tobias stoppe sa monture et rejoint le sol d'un saut agile.

Alessandro l'imite, la gorge du britannique se serre. Ses doigts effleurent la médaille de sa fille toujours autour de son cou.

-Elle parlait de toi les premiers mois, puis a cessé de le faire quand elle a comprit que je ne lui donnais pas de réponses et que ça continuerait ainsi. Tu nous as manqué. J'ai apprit à détester ton souvenir sans savoir ce qu'il s'était vraiment passé. J'ignore si ça peut être excusé. On est rarement aussi con que quand on pense avoir raison.

Prit d'un élan sentimental, l'anglais passe ses grands bras autour de son ami avant de marmonner une ultime déclaration.

-Prend soin de toi et des tiens. Et surtout fait en sorte de ne pas mourir trop jeune. Adieu mon frère.

Tobias décide d'ignorer cette larme qui est en train de dévaler la pente de sa joue barbue, puis celles qui suivent cette voie.