Sujet: Résister [FT Alessandro] Sam 13 Mai 2023 - 22:42
Résister FT Alessandro Amaro
Treize heure sonne sur le portable de Richard, lui annonçant que sa journée de travail touche à sa fin et qu'il est temps pour lui de retrouver sa vie de père de famille. Depuis son retour au poste de police son implication demeure superficielle, on l'oublie tant il se montre discret et peu motivé par l'idée de se mettre à la tâche. Il renoue avec les joies de la paperasse administrative la plus lénifiante, passe son temps libre à scroller sur la pire des applications qui a été créée pour occuper homme, femme ou même adolescent lorsqu'ils sont sur le trône. Le travail de Richard ne lui donne pas l'impression d'être plus utile que ces moments où tout être normalement constitué file au cabinet pour obéir au plus pressant des besoins. Il éteint son ordinateur daté sans prendre la peine de suivre les consignes de sécurité devant assurer le bon fonctionnement de cette machine qui ronronne plus que ne le fait Mafdet quand arrive l'heure des caresses.
Dick se lève, rince sa tasse Spiderman puis se dirige vers la sortie. Carter ce collègue dont il se passerait bien et qui défie toutes les lois de la bêtise l'interpelle.
-Tu nous quittes déjà l'infirme ? -Treize heures deux. Je devrais déjà être dans ma voiture. -Tu fais même plus semblant d'être courageux.
Dick serre les dents pour ne pas injurier le grossier personnage qui s'adresse à lui comme s'ils étaient fait du même bois. Ce type n'a chez lui aucune responsabilité qui l'attend et trouve dans son métier le moyen de se réjouir en exerçant un jeu malsain de pouvoir avec les malheureux à qui il colle des prunes pour mauvais stationnement. Le regard chocolat du canadien se stoppe sur ce personnage étrange dont il doute qu'il puisse être rangé dans la catégorie des gens fréquentables, puis passe près de lui sans ce soucier de l'avis que cet abruti peut avoir à son sujet.
Les portes du poste de police se referment sur celui qui n'a qu'une envie : retrouver son chez lui et oublier que son métier est plus ingrat qu'il ne le paraît.
[...]
Le linge fraîchement lavé est parti faire un tour dans la sécheuse, l'appartement est propre et inévitablement Richard commence à s'ennuyer. Son état physique actuel ne lui permettant pas de faire les cent pas, il attend que sa fille se pointe pour avoir quelqu'un à agacer. Joanie devrait déjà être là, mais elle ne s'est pas encore fait virer de son poste de serveuse au bar de l'italien. Cela dure depuis trop de temps pour que cela soit innocent de la part d'Amaro : Un gars sain d'esprit aurait renvoyé la gamine au bout de trois jours, après qu'elle ait commencé à grogner sur les clients.
Mais Amaro privilégie le fait d'emmerder le canadien à celui d'avoir du bon personnel. Ce qui en soit n'est pas vraiment surprenant vu le caractère urticant du spécimen. Richard n'est pas loin d'admettre que le fait qu'Amaro aime lui chercher des poux est une vilaine manie qui l'arrange en ces temps compliqués sur le plan financier. Joanie gagne de l'argent et aide les finances de la famille à tourner sans trop de mal. Elle règle elle même ses pleins d'essence, achète ses propres fringues et il en est de même pour ses commandes de maquillage bas de gamme qui remplissent régulièrement leur boîte aux lettres. À force de tourner en rond dans son appartement, Richard finit par craindre de voir arriver le moment de sa transformation en bourrique. Troy est chez un de ses copains de classe, il ne rentrera que dans le courant de la soirée après une virée dans un fast-food.
N'ayant rien de mieux à faire de son mercredi après-midi, Richard attrape sa veste posée sur la patère installée près de la porte d'entrée et quitte ce lieu maudit pour en rejoindre un autre.
Il a soif, un verre de gin lui fera le plus grand bien.
[...]
Le bar est agréable mais malheureusement trop mal fréquenté pour répondre aux standards qui pourraient avoir une quelconque importance au regard du policier. Amaro derrière son comptoir et ses yeux qui deviennent gros comme des billes en voyant le canadien passer devant lui pour aller rejoindre une table pour deux, c'est une chose qui pourrait avoir à côté satisfaisant. Mais cet autre type sinistre qui s'entend trop bien avec Mafdet pour que cela convienne à Richard est trop près du bar pour que la journée du flic puisse devenir bonne. Certes la petite qu'il tient dans ses bras est mignonne mais pas assez pour que Dick ose une salutation à son égard qui lui écorcherait le bout de la langue.
Il attrape la carte posée au centre de la table et manque de s'étouffer quand il voit le prix demandé pour un verre de gin ou encore une simple bière. Trois verres ici valent plus qu'une bouteille ou un pack à la supérette du coin. Joanie n'est pas en vue, c'est son amie Kada'an qui vient prendre la commande de Richard.
-Bonjour monsieur. -Bonjour, tu peux m'appeler Richard même ici. Monsieur me met un coup de vieux.
La pupille de Willem affiche un sourire radieux qui lui est vite rendu par le père de l'autre rouquine qui sévit dans cet endroit depuis maintenant une semaine.
-Vous avez fait votre choix ? -Euh... Oui.
Ou pas. Dick ne voit rien dont le prix pourrait lui paraître justifié et il n'a pas envie de remplir le tiroir caisse du loup qui continue de lui jeter quelques regards curieux sans sembler être dérangé à l'idée d'être surprit en étant en train d'épier sa clientèle. Sa dernière et unique visite dans cet endroit n'avait pas été bonne à placer sous le signe de la cordialité. C'était une mauvaise idée, une pulsion qu'il aurait dû ignorer. Y remédier n'est toutefois pas dans les projets à court ou long terme du canadien. Richard ne côtoie que rarement les bars, n'y voyant qu'une manière de dépenser un argent qu'il ne peut se permettre de dilapider sans songer à la disette qui n'est jamais loin.
-Un verre d'eau ? Un verre d'eau c'est festif et santé. -Un verre d'eau ? -Avec une paille, des glaçons et une ombrelle. Bleue si tu as ça en stock.
Kada'an perd son sourire, cherchant la plaisanterie pourtant inexistante qui pourrait avoir sa place dans les propos de celui qui se montre toujours bienveillant en sa présence.
-Vous êtes sûr ? -J'ai pas tellement soif.
Sentant qu'il commence à devenir dérangeant, Richard se tasse un peu sur sa chaise. La louve qui lui fait face n'est pas une mauvaise personne et il refuse d'être pour elle une cause de troubles. Un grand sourire de sa part suffit à rassurer l'amie de sa fille.
-Vous venez surveiller Jo ?
Richard hausse les épaules, prenant la posture d'un homme qui se veut innocent. Kada'an s'en va sans attendre la prochaine sottise de Dick.
Brumes du Passé : Loup Oméga Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 31 ans
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Sujet: Re: Résister [FT Alessandro] Dim 4 Juin 2023 - 14:25
Résister
Feat : Richard Turner
- C’est ce que vous m’avez commandé ! - Négatif, jeune fille ! Ma femme vous a demandé une eau de Seltz, pas de la San Pellegrino ! - C’est pareil ! De l’eau, des bulles ! - Non ! Reprenez ça et apportez-nous ce que ma femme vous a commandé.
Du coin de l’œil, j’observe la zone de service attribuée à la fille du poulet. Quelle surprise, il y a une semaine de lire son CV donné à Jerry un jour où j’étais à mon bureau penché sur les comptes. Après un bref entretien le jour suivant, j’avais accepté cette candidature incongrue. Turner est un bêta, prompt à la vengeance infantile, mais il n’exposerait jamais sa progéniture ainsi. Joanie avait d’ailleurs vite éludé ma question sur l’accord parental : elle est majeure. Je l’avais jugée dégourdie, plus que son père. Enthousiaste, un peu trop après l’accumulation de superlatifs vantant son intérêt pour le métier de serveuse, comme autant de perles qu’on aligne sur un collier. Joanie est inexpérimentée, impulsive, naïve. Dans la norme de son âge.
Le premier jour, elle a cassé un plateau de verres propres. Le deuxième, ce sont cinq pintes de Guinness qui ont explosé sur le carrelage. Les plateaux sont lourds et il faut naviguer entre les tables et les clients. La patience et la courtoisie sont absentes des qualités que possède la jeune femme. Je la garde d’abord pour emmerder son padre, mais aussi parce que sous ses airs d’adolescente rebelle, se cache une fille qui a le sens de la famille. Joanie s’inquiète beaucoup pour son petit frère qu’elle juge bébé malgré ses dix ans. Elle s’inquiète aussi pour son padre, mais ça, elle tente de le cacher. Une angoisse compréhensible vu l’abruti qui lui a refilé la moitié de son patrimoine génétique. Joanie doit tenir de sa mère, une chance pour elle.
Au fil des jours, son service s’émaille d’incidents où les éclats de voix ne sont pas rares. Heureusement qu’elle n’officie que l’après-midi. Sophie et Dan auraient du mal à tolérer son caractère explosif allié à une mauvaise fois très mal placée.
Joanie pose son plateau avec brusquerie devant moi. Je lève la main avant qu’elle explique son problème à force d’un langage fleuri d’épines. Tout le bar a entendu l’altercation. Je souris à pleines dents et lui lance un clin d’œil charmeur. Le résultat espéré est immédiat : Joanie vire au rouge tomate.
- Pas d’inquiétude, la mia principessa ! Tu ne peux pas tout apprendre en une semaine. En effet, il y a une différence entre l’eau de Seltz et la San Pellegrino. - La taille des bulles ? persifle la rouquine. - Non. La présence de sel et de minéraux. La San Pellegrino est une eau minérale naturelle chargée en calcium. L’eau de Seltz est de l’eau pure à laquelle on ajoute du gaz carbonique pour la rendre gazeuse. Si la cliente insiste, c’est probablement qu’elle doit surveiller sa consommation de sel à cause, par exemple, d'un problème de calculs rénaux. Les clients ne sont pas toujours chiants sans raison. Va dans la réserve trier les bouteilles vides dans les racks, un camion va venir les chercher dans deux heures. Je me paye un surplus quand les bouteilles sont mélangées et ne sont pas rangées par marque. Je me charge du verre d’eau à bulles de la dame. Et si tu as soif, tu peux boire la San Pellegrino qui est ouverte.
Joanie file à l’arrière-salle sans demander son reste. Je reste persuadé que derrière son caractère bien trempé, il y a une fille qui veut bien faire.
(…)
Je pose le whisky commandé par mio amico devant lui, puis je lève les yeux vers la porte d’entrée qui s’ouvre. Je ne cache pas ma surprise en reconnaissant le poulet. Gérer les excès de sa fille est une chose, mais ceux de son padre sont une autre paire de manches. Le poulet passe devant moi sans un salut. Tobias remarque ma contrariété et se retourne. L’Anglais exprime tout ce qu’il pense du flic en levant les yeux au plafond, les lèvres pincées dans un rictus sévère. Je ne me gêne pas pour observer les faits et gestes de ce client particulier. De toute évidence, il vient surveiller sa fille et moi par la même occasion. Je l’entends emmerder Kada : la lecture de la carte a conduit à une accélération de son rythme cardiaque.
- Bonjour Monsieur. - Bonjour, tu peux m'appeler Richard même ici. Monsieur me met un coup de vieux. - Vous avez fait votre choix ? - Euh... Oui. Un verre d'eau c'est festif et santé. - Un verre d'eau ? - Avec une paille, des glaçons et une ombrelle. Bleue si tu as ça en stock. - Vous êtes sûr ? - J'ai pas tellement soif. - Vous venez surveiller Jo ?
J’adore l’innocence de ma serveuse quand elle pose cette question qui embarrasse le poulet idiot. Kada me donne la commande sur un ton désolé. D’une moue de la bouche, je lui dis de ne pas s’en faire et la charge d’un lourd plateau destiné à des clients en terrasse. Je prépare le verre du flic. Je pioche dans les verres en plastique que nous réservons aux enfants pour minorer la casse. Je prends soin de sélectionner le personnage Disney le plus stupide que j’ai en stock, remplis le verre des glaçons demandés, plante une paille baguée d’un clip plastique à l’effigie de Casper. Je termine avec une ombrelle bleue normalement réservée aux coupes glacées.
Tobias se mord la lèvre quand sur le plateau, j’ajoute un puzzle la petite sirène enfermé dans une petite pochette plastique. J’en ai tout un carton comme ça qui m’a été livré avec un nouveau parfum de glace de couleur bleue.
- Et moi ? réclame Alice.
Je file livrer la commande du flic tandis que Tobias ronchonne à ouvrir avec les dents le paquet du puzzle que j’ai donné à ma filleule.
- Bonjour, Monsieur, dis-je en insistant sur le « monsieur » qui d’après le flic le fait vieillir. Voici votre verre.
Je pose la boisson colorée de décoration, le sachet de puzzles, la note dans une soucoupe qui contient aussi une serviette en papier floquée au nom de mon établissement.
- Jo travaille à la réserve. Vous souhaitez que je l’informe de votre présence ?
Le poulet regarde alternativement son verre, le jeu pour enfant et ma troche pour y déceler un soupçon de moquerie. Il ouvre la bouche, mais il n’a pas le temps de répliquer que la porte de service s’ouvre sur une Joanie trempée.
- Aless !
J’aime la haine que je devine dans le regard du père qui entend sa fille nommer un gangster par son surnom.
- C’est le fût de bière, celui qui était en haut qui est tombé et… - Pas de panique, la mia principessa ! Je force le trait sur le mot princesse, y ajoute une touche charmeuse et aussi paternelle. J'arrive !
Les clients autour de nous sourient. Il ne fallait pas venir sur mon territoire, Poulet ! J’emboîte le pas de Joanie tout en lançant un regard noir à Jerry : je lui ai déjà dit de ne pas ranger les fûts en hauteur. Je sais qu’on n’a pas trop de place quand on vient d’être livré, mais je préfère qu’ils encombrent le sol que de devoir éponger vingt litres de bière pression.
Jo s’éternise en explications. De ce que je comprends : elle a escaladé l’étagère pour attraper un rack de rangement.
- La prochaine fois, utilise le marchepied qui est rangé quelque part par là.
Je retire mes chaussures que je pose sur la première marche de l’escalier qui monte à mon appartement et enfile une paire de bottes rangée sur une étagère. Tout le personnel possède sa paire pour nettoyer le sol à grandes eaux. Depuis la rénovation après l’incendie, j’ai fait installer des siphons dans le sol. Cela nous permet de laver le sol au jet.
- Je m’occupe du jet, toi tu racles, ordonnai-je à Joanie en lui tendant le manche de la raclette.
Pendant que nous nous activons, je lui propose ensuite de prendre une douche dans le vestiaire des employés et de lui prêter des affaires. Tout le personnel a des affaires de rechanges dans son casier. Se salir dans la restauration est monnaie courante. J’ai un stock de fringues oubliées par des salariés qui ne sont plus là. Le ménage terminé, j’ouvre la porte qui donne sur la ruelle à l’arrière du bar et bloque la porte battante qui mène à la salle pour qu’un courant d’air aide à sécher le sol. Je ne dis pas à Joanie que son père est présent. Prise dans sa panique, elle ne l’a pas aperçu quand elle est venue me prévenir du dégât.
Je troque mes bottes contre mes mocassins et retourne derrière le bar. Tobias n’est plus là, il a laissé sur le comptoir le puzzle à moitié fait. Au bout du zinc, Jerry astique un verre qui n’en a plus besoin. A sa table, le flic pagaye dans son verre avec son ombrelle. Maintenant que j’y pense, ça fait un moment qu’il n’est pas venu au Fight Club et sa démarche pour rejoindre sa table était loin d’être leste. Ce type m’agace, mais sa fille me semble une bonne petite malgré un tempérament volcanique. Je ne la juge pas : elle me ressemble sur pas mal de points. À son âge, j’étais un peu pareil. Je me sers un café et vais rejoindre le flic.
- Je peux ? demandé-je avant de recevoir l'autorisation et de m’asseoir en face du poulet.
Sujet: Re: Résister [FT Alessandro] Jeu 8 Juin 2023 - 16:09
Résister FT Alessandro Amaro
Dick attend le retour de Kada'an tout en se faisant violence pour ne pas lancer un regard moqueur et curieux dans la direction du bar et de son patron. Sa propre bêtise ne l'amuse déjà plus et il en vient même à commencer à regretter sa venue dans cet endroit. Amaro ne pouvant pas décemment refuser de servir un client et ce même s'il est flic, le canadien juge qu'il est pourtant bien à sa place, assit à cette table faite pour les solitaires. Seuls les gens venant faire leur premier rencard dans un bar et les aigris choisissent ce genre de table quand ils se pointent dans un débit de boissons. Joanie n'est pas dans les environs ce qui évite qu'elle ne fasse une scène dans ce lieu calme durant cette heure de basse fréquentation. Il est trop tard pour que soient encore ici les gens qui sont venus y prendre un repas et trop tôt pour que les premiers poivrots jouent les ventouses de comptoir.
Cela limite en quelque sorte le champ d'action de Joanie. Un bon coup joué par son patron qui ne doit pas vouloir voir sa clientèle fuir son établissement tout en souhaitant réussir à emmerder le père de la jeune femme rien qu'en ayant ajouté le nom de cette dernière à la liste de ses employés. Joanie n'est pas un modèle de calme, elle s'agace facilement et sa langue acérée peut se faire rapidement empoisonnée si on vient la taquiner de trop près. C'est malgré tout une gamine agréable et loyale prête à défendre ses intérêts et surtout ceux de ses proches si elle sent poindre le danger. Son principal défaut est d'avoir hérité de nombreux traits de caractère de son père. Pas les meilleurs cela va de soi. Tout cela lié à l'intelligence de la môme en fait une jeune femme imprévisible avec qui la crise de nerfs n'est jamais loin.
La commande de Richard arrive à sa table avant qu'il n'ait pu se demander si elle ne s'était pas perdue en chemin. Machinalement et sans montrer le moindre agacement, il répond à celui qui vient de le saluer en usant de la plus courtoise des politesses.
-Bonjour, Monsieur. -Bonjour.
Dick baisse les yeux sur le plateau que porte le loup et manque de s'étouffer sous le poids de l'hilarité que fait naître chez lui la vue de ce mélange qui en effet est festif. Plus qu'il n'aurait pu s'y attendre. Ces choses auraient en effet toute leur place à l'anniversaire d'un jeune enfant. Le poulet sur le verre en plastique franchisé Disney, le puzzle avec la version humaine d'une Ariel qui ne ressemble en rien au modèle original que Dick a connu pendant son enfance et le gentil fantôme sont des choses qui pourraient plaire à son fils mais Richard a le sentiment d'avoir passé depuis quelques années l'âge auquel on apprécie ces petites attentions.
le perso Disney ridicule:
C'est chouette, enfin ça le serait aux yeux d'un enfant de six ans.
Sur le point de déclarer au patron de bar que si demain son affaire venait à prendre l'eau il pourrait aisément se lancer dans le secteur des animations d'évènements pour bambins, Richard se tait et perd quelques couleurs quand mention est faite de l'existence de sa tempétueuse progéniture.
-Non, je préfère lui faire la surprise.
Et permettre à Joanie de faire un scandale en public. Il est toujours plus drôle de laver son linge sale devant un auditoire attentif. Dick frôle du bout des doigts le sachet en plastique qui contient le puzzle qu'il va sans doute donner à son fils, fixe ensuite l'italien pour lui demander s'il n'est pas tombé sur la tête. Richard est parfois un peu simplet, par moment il en joue de façon volontaire car il sait que tout cela peut agacer les grincheux, mais là il a comme l'impression qu'on vient de le battre à ce petit jeu dont il était pourtant certain de maîtriser les règles.
Il ouvre la bouche, finalement sauvé par sa fille qui débarque en criant pour appeler son patron au secours. Dick râle sans se cacher en entendant toues ces familiarités dont l'usage est fait par ces deux rigolos qui jouent déjà avec ses nerfs.
Joanie est trempée. Miss catastrophe dans toute sa splendeur. Richard offre une mine compatissante au patron de sa môme quand lui revient le souvenir de cette fois où sa fille a forcé l'ouverture de la machine à laver avant que le cycle ne soit totalement terminé. De l'eau partout, une véritable pataugeoire dans la salle de bain qu'il a dû éponger seul car sa fille avait préféré fuir les conséquences découlant de sa mésaventure.
Loin de l'animation causée par sa fille, Dick joue un instant avec sa paille, triture l'ombrelle qui orne son verre et hésite face au puzzle présent face à lui. Qu'il s'ennuie ici ou chez lui ne change pas vraiment la donne, mais il espère d'une certaine manière réussir à agacer le patron de sa fille en se pointant dans son bar. Entre les misères que lui causent son travail, sa jambe défaillante et le manque d'activité sociale qu'il a à disposition, Richard sent son moral chuter dans ses chaussettes un peu plus chaque jour. Certes il est moins seul qu'il ne l'était lorsqu'il vivait à Sacramento avec ses deux enfants, Mafdet lui apporte une joie sans pareille et il n'est pas sans amis. Mais depuis cette soirée durant laquelle il a bien cru qu'il allait tout perdre, Richard sourit moins et le fait avec moins de sincérité que par le passé. Ses rapports avec son patron se sont fortement dégradés depuis sa reprise du travail.
Même si l'enquête qu'il a mené par le passé à Sacramento commence à porter ses fruits, il reste aux yeux du shérif un gars gentil mais qui fouille trop pour son bien. Un homme qui réfléchit désormais avant d'obéir. Un défaut lorsque l'on est flic.
Dick sort son portable de la poche de sa veste pour envoyer un message à son meilleur ami qu'il sait client régulier du Pink Print. La réponse fuse dans la minute, Willem est en pleine réunion au lycée et craint de se faire gauler en prenant la liberté de répondre à son pote.
Son verre d'eau n'a pas vu son niveau diminuer lorsque la voix du patron de sa fille le force à revenir sur terre. Dick lâche subitement l'ombrelle avec laquelle il jouait machinalement et lève son regard chocolat vers l'italien.
-Oui.
Pas un mot de plus ne sort de la bouche de Richard. Et pas un mot de trop ne lui échappera aujourd'hui. Ses erreurs passées lui ont largement démontré que son implication et le risque qu'il ne dérape sont souvent proportionnels. Rapidement son verre d'eau l'ennuie, le poussant à regretter son choix premier. Ce gin dont la carte faisait mention est tentant. Il boit peu, pas assez pour que cela ne devienne une mauvaise habitude et fatalement un gouffre financier. Ses rares écarts deviennent de mémorables cuites dont il ne se souvient pas toujours avec précision. Là encore il n'a pas tellement changé depuis l'époque de ses quatorze printemps.
Il prend la paille en bouche, soulageant son verre d'une longue gorgée glacée.
-Joanie est contente de son travail ici. C'est sympa de votre part de la laisser se défouler dans cet endroit, elle est plus calme quand elle rentre à la maison.
Et c'est en ce moment la seule personne qui semble s'épanouir au travail dans leur famille. Richard fixe sans chercher à se cacher le loup qui lui fait face. Intrigué il essaie de deviner si ce dernier est au courant pour les récents évènements qui ont secoué la merde bien incrustée dans les rues de Sacramento. Même si c'était le cas il faudrait encore qu'Amaro soit parvenu à additionner A et B pour saisir que le canadien est mêlé d'un peu trop près à toute cette sombre affaire.
-Vous allez bien ?
La question de Dick est étrangement sincère. Généralement il ne se soucie pas des états d'humeur des malfrats. Mais ces temps-ci même savoir de quelle couleur est la pomme qu'Amaro a mangé au petit matin pourrait parvenir à l'intéresser car cela apporterait un peu de nouveauté à son existence. L'italien lui donne une brève réponse avant de lui renvoyer sa propre question dans les dents. Soudainement hésitant Richard cherche ses mots, les manie mentalement avec soin avant de finalement parler à voix haute. Chaque parole a un poids bien précis qu'il ne faut pas négliger.
-C'est pas grandiose. Je m'ennuie au travail, je m'ennuie aussi quand le travail est fini. J'aimais bien danser mais mon dernier partenaire a joué les goujats en me montant sur les pieds.
Dick ôte la paille de son verre, termine de boire ce dernier d'une unique et longue lampée avant de reposer le gobelet décoré sur la table sans faire preuve de délicatesse. Ses manières sont parfois un peu rustres car il n'est pas aisé de maîtriser le naturel.
-Je voulais venir ennuyer mon monde en venant ici mais Joanie n'a pas besoin de ça pour se mettre en rogne. C'est possible de vous demander un verre de gin avant que je règle ma note ?
Il n'a pas envie de s'épancher sur ses soucis plus longtemps dans ce lieu, face à un homme qui n'est pas un psy ou même un ami. Tout juste un malfrat qu'il devrait tout faire pour mettre derrière les barreaux et avec qui il se découvre parfois des points communs. Après tout si l'italien avait été fils de flic, peut-être leur rôles dans la société seraient ils semblables aujourd'hui. Auprès de son propre père Dick a apprit à garder la tête hors de l'eau dans un quartier difficile qui a pour habitude de voir évoluer plus de prostituées que de fonctionnaires. Il est une exception, un exemple hors du commun de la réussite sociale d'un homme qui a su nager dans la vase sans jamais s'y noyer.
Il est heureux de ne pas avoir suivi certains de ses anciens camarades du lycée sur des chemins voués à la perdition. Il en a arrêté lui même un certain nombre sans que cela ne l'empêche de dormir ou de se regarder dans une glace.
Cependant il espère que son fils trouvera mieux à faire que de suivre cet exemple que lui donnent son père et son grand-père.
-Jo est une gamine brillante. Pas méchante pour deux sous mais elle a tendance à réagir au quart de tour quand on la taquine un peu trop. Comme moi. J'espère pour son bien qu'elle arrivera à devenir quelqu'un de plus utile qu'un flic.
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Meute & Clan : Amaro Organizzazione Âge du personnage : 32 ans
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Sujet: Re: Résister [FT Alessandro] Ven 16 Juin 2023 - 18:19
Résister
Feat : Richard Turner
Un peu déstabilisé, le poulet hésite à engager la conversation, puis se lance sur un sujet qui pourrait être neutre, mais sa malice congénitale prend le dessus. Je suis persuadé qu’il ne se rend pas compte de la pique qu’il vient de me lancer. Une gentille pique.
- Joanie est contente de son travail ici. C'est sympa de votre part de la laisser se défouler dans cet endroit, elle est plus calme quand elle rentre à la maison. - Je suis ravi que cela la contente. Même si je tiens compte de son jeune âge, le travail reste fatigant et les clients pénibles avec des commandes parfois surréaliste. C’est l’école de la vie, Jo va s’adapter et reprendre de l’énergie.
Le flic me scrute, peut-être étonné de cet échange courtois et relativement sincère.
- Vous allez bien ? - Je n’ai pas à me plaindre, et vous ?
Mon regard glisse sur sa jambe blessée cachée par le plateau de la table. Le policier réfléchit tout bas, mais son visage le trahit. Quelque chose le chiffonne. Est-ce au sujet de Joanie ?
- C'est pas grandiose. Je m'ennuie au travail, je m'ennuie aussi quand le travail est fini. - Je peux faire un excès de vitesse, si vous voulez. - J'aimais bien danser, mais mon dernier partenaire a joué les goujats en me montant sur les pieds. - On trouve des ingrats dans toutes les professions… - Je voulais venir ennuyer mon monde en venant ici, mais Joanie n'a pas besoin de ça pour se mettre en rogne. C'est possible de vous demander un verre de gin avant que je règle ma note ? - Permettez que j’offre un verre au padre de ma serveuse. Jerry ! Apporte-nous deux verres et la bouteille de Koval, s’il te plaît. - Jo est une gamine brillante. Pas méchante pour deux sous, mais elle a tendance à réagir au quart de tour quand on la taquine un peu trop. Comme moi. J'espère pour son bien qu'elle arrivera à devenir quelqu'un de plus utile qu'un flic. - Je n’ai pas d’inquiétude quant à son avenir.
Je remplis les deux verres et en pousse un devant le poulet abattu. Je ne sais pas sur quel os il est tombé, mais il semble dépité sur l’utilité de son métier. Son boulot est ingrat, il prend les mêmes risques que les malfrats, sans la compensation financière. Le monde du crime s’écroulerait sur lui-même si cela ne rapportait pas autant.
- Joanie possède un fort caractère sans être dépourvue du sens des responsabilités. Elle est encore régie par l’impatience de la jeunesse. Elle apprendra, elle apprend déjà ci. J'aime mieux une bambina qui m’inonde l’arrière-salle de bière qu’une qui a le nez collé à son téléphone en oubliant le reste du monde. Votre fille est du genre à se fixer des objectifs et de s’y tenir.
J’écarte ma tasse de café vide et bois une lampée de gin. Les doutes de Turner sur son métier son sincère, il ne cherche pas à me piéger. Il n’en est pas moins délicat de rebondir le sujet sans admettre de quel côté de la barrière je me situe.
- Un monde sans flics serait voué à sa perte. Qu’est-ce qui vous fait douter, si ce n’est pas confidentiel, bien entendu.
Sujet: Re: Résister [FT Alessandro] Sam 24 Juin 2023 - 14:59
Résister FT Alessandro Amaro
Richard ne partage pas l'avis du patron de Joanie au sujet de l'avenir de cette dernière. Il ne cesse de s'inquiéter sur ce point, craignant que le pire ne puisse arriver sans qu'il n'ait su au préalable préparer sa fille à cette sombre éventualité. Il est assez vieux pour savoir que la vie n'est pas aussi rose qu'on ne le dit aux jeunes enfants pour les rassurer. Malgré cette naïveté dont il a prit l'habitude de faire la démonstration, Dick est lucide sur ce sujet.
Il affiche une mine sinistre quand Amaro pousse vers lui un verre plein, son sourire s'est fait la malle, mangé par la réalité du triste monde dans lequel ils évoluent. Remerciant l'italien du bout des lèvres, il écoute ce dernier qui s'exclame au sujet des qualités de Joanie. Une enfant sage, mais dotée d'un sacré caractère. Une jeune femme stable, bien ancrée dans la réalité malgré la dureté de ses premières années et l'éloignement que sa mère leur a imposé en prenant la fuite. Des évènements qui ont fait grandir et murir cette jeune femme rapidement, une gamine qui n'a eu d'autres choix que de seconder son père dans la rude tâche représentée par l'éducation d'un petit garçon turbulent. Une gentille môme qui a cru il y a deux mois qu'elle allait perdre son père et par la même occasion tout ses repères.
Richard souffle comme le bœuf épuisé qu'il est. Corps comme esprit le lâchent, trahissent son ras le bol général et sa lassitude. Impuissant il offre à ses proches un spectacle désolant, celui qui met en scène l'ébauche d'une dépression en devenir qui semble déjà bien installée. Il soulage son verre d'une gorgée sans bouder ce plaisir que la boisson lui apporte. Sa gorge le brûle, allégeant par un étrange mécanisme le poids de ses soucis dans son esprit.
-Un monde sans flics serait voué à sa perte.
L'avis du truand est cette fois partagé par le flic. S'il sait que certains de ses collègues sont pleins de bonne volonté, le canadien juge toutefois que la présence de brebis galeuses dans ce métier ruine un équilibre déjà imparfait. La donne inégale, l'absence de réaction de la part des décideurs poussent des gens biens à vouloir s'éloigner de cette mission que le pays leur confie. Le père de famille pense trop souvent pour son bien à laisser sa plaque sur le bureau du shérif après son service, seuls ses responsabilités auprès de ses enfants et l'état de ses finances l'empêchent d'agir de cette manière.
-Y a plus rien de secret à partir du moment où la presse en parle. D'anciens collègues ont organisé une petite fête privée à Sacramento, ils se sont fait surprendre. Les journaux ont parlé d'un otage ou d'un témoin selon l'inspiration. Vous l'avez devant vous.
Sans s'attarder sur l'effet de cette annonce, le canadien continue, amer, à donner les raisons de son état de nerfs actuel.
-J'ai failli y passer, ces petits génies qui ont organisé la descente étaient au courant depuis des mois, des années même mais leurs priorités étaient ailleurs.
Les gros noms, ceux qui auraient pu avoir une réelle importance, ont déjà été libérés, moins de 48 heures après le raid auquel Brian et ses camarades ont prit part. Trois hommes ont été abattus avant d'avoir eu l'occasion de visiter leurs cellules respectives. D'anciens flics dont on a eu peur qu'ils ne puissent se montrer trop bavards. Tout cela n'aura donc servi à rien, si ce n'est rendre le shérif et les collègues de Richard encore plus méfiants en sa présence. Il a traîne désormais derrière lui une réputation d'électron libre qui ne joue pas en sa faveur.
Le père de Joanie hausse les épaules, profitant de cette rare cordialité qui s'est installée entre lui et son vis à vis pour admettre qu'il s'est planté sur toute la ligne.
-J'ai longtemps cru que flic c'était synonyme de héros, je voyais en mon père le meilleur des hommes et je voulais lui ressembler. Sauf que même les candidates à Miss USA ne croient pas à la paix dans le monde et l'amour universel, c'est vous dire à quel niveau se situe ma connerie. Je fais ce métier depuis 19 ans, c'est le seul que je sache faire et je pensais être utile. J'ai deux enfants, que j'élève seul. J'peux pas me permettre de mourir bêtement pour défendre un pays qui se moque de l'importance de ce sacrifice.
À ma grande stupéfaction, Turner évoque le magistral coup de filet du FBI à Sacramento. Si la Camorra est la grande perdante, l’action d’envergure des agents du gouvernement a sonné les cloches sur tout le système mafieux. Le flic s’agace du temps de l’enquête. Je comprends qu’à son niveau cela semble démentiel de prendre son temps et de laisser des ripoux et des gangsters mener tranquillement leurs commerces.
C’était donc lui, le fameux « cheveu dans la soupe » ! Les journaux l’ont présenté tantôt comme un otage, tantôt comme un agent infiltré. Connaissant le bonhomme, je crains que ce soit son côté fouille-merde et j’agis-avant-de-réfléchir qui l’ont collé dans cette délicate situation. Sa présence, comme un chien dans un jeu de quilles, n’aura guère changé la donne sinon d’instaurer une guerre des polices qui arrange bien mon camp.
- J'ai longtemps cru que flic c'était synonyme de héros, je voyais en mon père le meilleur des hommes et je voulais lui ressembler. Sauf que même les candidates à Miss USA ne croient pas à la paix dans le monde et l'amour universel, c'est vous dire à quel niveau se situe ma connerie. Je fais ce métier depuis 19 ans, c'est le seul que je sache faire et je pensais être utile. J'ai deux enfants, que j'élève seul. J'peux pas me permettre de mourir bêtement pour défendre un pays qui se moque de l'importance de ce sacrifice.
Je secoue la tête, je ne suis pas entièrement d’accord avec son raisonnement. Je profite du fait qu’il vide son verre pour le remplir à nouveau.
- Celui-là est pour moi.
Je tourne mon verre, et observe le gin tanguer à l’intérieur. Je réfléchis à mes futurs propos. Je ne peux pas me permettre de jouer avec le feu, même si Turner doute de son métier, il reste un poulet avec des réflexes de poulet.
- Le souci du soldat, c’est qu’il ne voit pas le déroulement des batailles. Et souvent, il apprend que la guerre est terminée après les autres. Ne vous fiez pas à l’apparente impunité de ceux qui ont été relâchés. Ils sont grillés et vont vite devenir des pestiférés. Quant à ceux en taule, ils n’y feront pas de vieux os. Je suis d’accord, c’est comme couper la tête d’une hydre : deux autres repoussent à la place. La nature a horreur du vide. Mais il n’empêche que le coup de filet du FBI a éclairci les rangs, brisé une dynamique et mis à mal l’organisation de la Camorra. Vous savez, Richard, les loups se bouffent entre eux. Ce n’est pas la police qui fait le plus de ménage dans le milieu, mais le milieu lui-même. Par contre, il faut à minima être un héros pour risquer sa vie pour un salaire de misère !
Ou un idiot, mais ça ce n’est que mon point de vue d’homme qui ne bouge pas tant que ça ne lui rapporte pas.
- Quoi qu’il en soit, ne vous inquiétez pas pour la sécurité de Joanie quand elle travaille ici. Je protège mon personnel des éventuels imbéciles aux manières indélicates. D’ailleurs à ce sujet, ne vous offusquez pas si un soir, je prends l’initiative de raccompagner votre fille jusqu’en bas de chez vous. On a parfois des bandes d’étudiants qui dépassent les bornes et qui se croient malins d’attendre mes serveuses dehors après leur service. Cela n’arrive pas souvent, heureusement. - Papa ! Qu’est-ce que tu fous là !
Son verre est de nouveau remplit avant qu'il n'ait pu regretter de l'avoir vidé si rapidement. Richard boit généralement peu, une bière après le travail mais rarement d'alcool fort. La bouteille de gin dans le placard de la cuisine y est depuis des mois et son niveau actuel est celui qui permet de ranger dans des cases les pessimistes et les optimistes. Après avoir abusé à un jeune âge de ces bonnes choses, il a freiné des deux pieds sur ce plan en entrant à l'école de police, quelques années avant que ne devienne pour lui légal le fait de consommer des spiritueux. Ses rares écarts deviennent aisément des cuites mémorables.
Il fixe son verre, comme ci ce dernier pareil à une boule de cristal pouvait à tout moment lui révéler de quoi sera fait son avenir. Tout en affichant une triste moue, celle d'un gamin dont les rêves viennent de se faner, il écoute l'avis de cet homme qui lui offre un regard clair et nouveau sur cette situation. L'instinct du policier jamais vraiment mort cherche machinalement un aveu, un mot douteux mais rien ne vient. Amaro est un type futé qui devine que même dans son état proche de la dépression, jamais Richard ne laisserait passer une si belle occasion de faire son métier.
Si les fédéraux, les juges ne parviennent pas à faire le ménage dans le milieu, c'est donc le milieu lui même qui saurait courir à sa fin. De belles paroles, une douce promesse en laquelle Richard peine à croire. Un rire nerveux finit toutefois par lui échapper lorsque son drôle de confident conclue ses dires.
-Par contre, il faut à minima être un héros pour risquer sa vie pour un salaire de misère ! -Ou un sacré con. Ne négligeons pas cette option.
Richard est conscient de ne pas être un génie, mais il croit pouvoir trouver plus bête que lui sans avoir à fouiller longtemps. Il pense se situer dans la moyenne. Une moyenne agréable qui lui permet d'écouter tout ce qui se dit sans que l'on craigne qu'il ne puisse se souvenir de tout et de parler en sachant qu'il ne sera que rarement entendu. Il en joue, trouvant amusante cette manie qu'ont les gens qu'il peut rencontrer de le juger simplet sans jamais se douter qu'il n'est pas aussi sot qu'il ne peut le paraître.
Il soulage son verre d'une gorgée, grimaçant machinalement avant d'apprécier la qualité de ce breuvage, bien supérieure à celle du contenu de la bouteille qu'il a chez lui. Il ne s'inquiète pas de la sécurité de sa fille plus qu'un autre père ne pourrait le faire. Même si la jeune femme est parfois impulsive et pourrait se penser capable de se défendre seule, elle a surtout avec elle régulièrement son amie Kada'an ou encore son petit ami. Mais l'idée qu'une bande de mômes dotés de mauvaises intentions puissent attendre sa fille à la fin de son service n'est en effet pas un soucis auquel Dick avait pensé.
-Elle se croit invulnérable mais ça reste une enfant. Je vous remercie.
Ce mot lui échappe et ce sans même lui écorcher la langue. Dick sursaute alors que sa progéniture, fraîchement sortie de la réserve le voit et lui demande la raison de sa présence dans ce lieu. Joanie n'a pas l'air ravie de retrouver son papa avant l'heure de son retour à leur appartement. Elle fulmine, ses joues prenant une teinte qui se rapproche un peu plus à chaque seconde de la couleur de ses cheveux longs.
-Bonjour Jo. J'étais seul dans l'appart, je m'ennuyais. Donc j'ai cédé à l'appel de la curiosité.
Sa franchise déroute sa fille mais aussi le patron de cette dernière. Il sait que cacher ses intentions premières n'aurait aucun intérêt, sinon celui de pousser sa fille à faire un scandale en plein milieu du bar. Jo le regarde, de plus en plus rouge. Elle laisse son regard vert chuter sur la table. Le gobelet pour enfant, la belle ombrelle qui l'orne et le puzzle encore emballé ne passent pas inaperçu. La honte s'empare de la demoiselle avant que le naturel ne prenne le dessus sur ses émotions.
-Tu bois en plein après-midi ?
L'heure du jugement ne s'est pas faite attendre bien longtemps. Dick ne laisse pas à sa fille la chance de croire qu'elle pourrait gagner à ce petit jeu. Il répond du tac au tac à cette dernière, lui rappelant qu'il n'est pas le seul membre de leur famille à déroger aux règles de leur maison.
-Et toi tu fumes en douce depuis huit mois.
Il a rapidement repéré l'odeur laissée par la consommation de cigarettes sur les vêtements de sa fille. Et sans avoir à prendre le temps de fouiller la chambre de cette dernière pour augmenter le nombre de preuves en sa possession, il a un jour dégoté un briquet oublié dans une des poches de la veste en jean de sa fille alors qu'il triait le linge pour lancer une machine. S'il ignore encore où elle planque ses clopes, ce n'est que par pure paresse.
Dick a lui même fumé, quelques cigarettes à l'âge de quinze ans avant d'être bien vite attrapé en plein délit par son père qui n'avait pas su rire de cette mauvaise blague. Hank l'avait alors forcé à fumer le paquet entier, le rendant malade et faisant passer à son fils cette mauvaise habitude avant que la dépendance ne puisse faire son nid. Jamais la mère de Richard n'a été mise au courant, une bonne chose car elle n'aurait pas toléré que son unique garçon puisse consommer une innocente cigarette. Et les manières du père de ce dernier n'aurait pas su plaire à son épouse.
Depuis Richard n'a jamais été tenté à l'idée de fumer, fronçant le nez quand on le fait à proximité de sa personne. Toujours dégoûté par le souvenir que lui a laissé cette soirée, il repère immédiatement l'odeur du tabac froid. Surtout lorsqu'elle est portée comme un mauvais parfum par sa propre gamine.
Gamine qui imite la carpe, cherchant du secours dans le regard devenu amusé de son patron. Rapidement rappelée par le travail, la rouquine prend la poudre d'escampette sans faire d'autres reproches à son père.
S'en s'attarder plus longtemps sur cette bataille qu'il vient de remporter face à sa fille, Richard retrouve toutefois son sourire et une part de sa légèreté habituelle quand il se retourne pour faire face à son interlocuteur.
-L'éducation d'un enfant est faite de batailles. On mène les essentielles tout en négligeant celles dans lesquelles il n'est pas nécessaire de gaspiller son énergie. Je range la cigarette dans la seconde catégorie même si c'est une sale habitude. Mon ex-femme a prit la fuite il y a dix ans, j'ai dû apprendre à jouer le rôle des deux parents.
Dick était un mauvais mari s'il se fie aux paroles pleines de venin que son ex-femme lui a jeté au visage lors de leurs dernières retrouvailles. Mais il est certain d'être un bon père et ne veut pas négliger la relation qu'il entretient avec Mafdet. Troy gagne un peu plus en indépendance à chaque fois qu'une bougie supplémentaire est ajoutée sur son gâteau d'anniversaire. Le père de famille célibataire a apprit à renouer avec sa vie d'homme amoureux, poussé sur cette voie par cette rencontre inespérée.
-Vous avez un ami commun avec ma compagne. Un type que je n'aime pas beaucoup et qui me le rend sans se cacher. J'ai failli lui aplatir le nez la dernière fois que je l'ai eu dans ma voiture. Mais j'admire le fait que lui aussi parvienne à gérer un quotidien seul avec une môme en bas âge. Toutefois mon job est plus prenant que le sien. Je frôle l'overdose et quand l'heure du sacrifice arrivera je sais que c'est ma plaque que j'abandonnerais. Mon patron sera soulagé. Je suis une épine dans le pied de ce vieux machin depuis que j'ai décidé de réfléchir avant d'obéir.
Le padre pris en flag ne cherche pas à nier les raisons de sa présence. Sa réaction me surprend, elle n’est pas celle à laquelle je m’attendais. Turner est un père rodé. Avec les quelques recherches faites à son sujet, je connais l’essentiel de sa vie, de ses galères. Il possède l’instinct de survie d’un caillou, pourtant il est toujours là. Malgré mes concurrents de Sacramento.
J’ai pas mal de défauts dont celui de la superstition, une déclinaison peu avouable de ma foi en un Dieu sévère. Et la joute familiale qui se joue sous mon nez confirme mon impression. La fille qui sermonne son père et inverse les rôles préétablis, le prétendument adulte qui réplique, revanchard. Cet homme a un don, ou plus vraisemblablement est un protégé de Dieu. Sinon, comment expliquer qu’il soit toujours en vie ?
Joanie, mouchée par son padre, cherche un secours de mon côté. Elle ne trouve qu’un regard amusé. Le système éducatif de Turner me laisse pantois par ses grands écarts entre les règles classiques et un lâcher-prise surprenant. C’est toujours mieux que les baffes de Sonny, Guiseppe Amaro n’ayant jamais osé lever la main sur ce fils imposé dans son nid par un puissant coucou. Comme s’il lisait dans mes pensées, Turner se lâche sur le sujet sans fin de l’éducation.
- L'éducation d'un enfant est faite de batailles. On mène l’essentiel tout en négligeant celles dans lesquelles il n'est pas nécessaire de gaspiller son énergie. Je range la cigarette dans la seconde catégorie même si c'est une sale habitude. Mon ex-femme a pris la fuite il y a dix ans, j'ai dû apprendre à jouer le rôle des deux parents.
Je hoche la tête, la mine attentive. Ce grand naïf ne réalise pas qu’il me raconte ce que je sais déjà. Malgré moi, je commence à le trouver attachant. Est-ce parce que je suis en passe de devenir père aussi ? J’espère ne jamais passer par là où il est passé. Andy n’a rien à voir avec cette Gloria.
- Vous avez un ami commun avec ma compagne. Un type que je n'aime pas beaucoup et qui me le rend sans se cacher. - Tobias Rapier ? - J'ai failli lui aplatir le nez la dernière fois que je l'ai eu dans ma voiture. - Il fait cet effet à beaucoup de monde. - Mais j'admire le fait que lui aussi parvienne à gérer un quotidien seul avec une môme en bas âge. Toutefois, mon job est plus prenant que le sien. Je frôle l'overdose et quand l'heure du sacrifice arrivera je sais que c'est ma plaque que j'abandonnerais. Mon patron sera soulagé. Je suis une épine dans le pied de ce vieux machin depuis que j'ai décidé de réfléchir avant d'obéir. - Stilinski appartient à une génération qui n’a pas su s’adapter aux changements de ce monde. Il ferait un bon shérif… en 1850.
Je souffle mon amusement par le nez. L’inefficacité du shérif m’arrange bien. Turner peut au moins se vanter d’être le deuxième flic à avoir réussi à me coller quelques heures en taule. Le premier n’a eu aucun mérite : j’étais jeune et con. Je souris à ce flic désabusé. Il serait facile à récupérer. D’ordinaire, je plongerai sur l’occasion. Mais ce bougre a réussi à me coller derrière les barreaux. Ça lui a valu ma haine qui s’est vite retournée contre moi : j’ai perdu mon sang-froid. Il a réussi à me pousser à la faute. Avec les méandres tordus de mon esprit, il mérite mon respect. Je vérifie qui est à portée d’oreille avant de me lancer :
- Sacramento est sous la coupe de la Camorra. Je n’aime pas les napoletano qui me le rendent bien. Ils ne respectent pas la propriété des autres. Ils n’ont pas d’honneur dans leur manière de gérer leurs affaires. Ils ne peuvent pas s’empêcher de fouiner ici, à Beacon Hills. J’ai dû prendre des mesures. J’ai un réseau de surveillance qui s’assure qu’ils ne s’approchent pas trop près de mes affaires et de ma famille. Je vais être papa dans quelques mois. La famille est sacrée à mes yeux. Après vos étincelles à Sacramento, je peux ajouter la vôtre dans les rondes de sécurité. N’y voyez pas une surveillance de vos faits et gestes, mais bien de veiller à ce que personne ne vous surveille. Je vous le redis : je n’aime pas les napoletano. Contrarier leur vengeance serait jouissif à bien des égards.
Comme protéger un flic intègre, aux combats clandestins près.
- J’apprécie Joanie au point d’envisager de lui proposer des heures de garde d’enfant dans le futur. Je ne doute pas qu’elle gagnera la confiance de ma compagne. Pour cela, elle ne doit pas vous perdre. Tel est le calcul derrière ma proposition. Je joue cartes sur table, Richard. Avez-vous déjà remarqué des choses étranges autour de vous ? Comme les essuie-glaces de votre voiture qui se retrouvent relevés, la boîte aux lettres bourrées de papiers ou d’excréments. Des méfaits qu’on pourrait attribuer à des bambino.
Si lors de son arrivée à Beacon Hills Richard avait pu trouver appréciables certaines des manières de son patron, ce n'est plus le cas. S'il ne se risquerait pas à admettre que les usages de Stilinski sont aussi datés que vient de le déclarer le patron de Joanie, il peine de plus en plus à serrer les dents quand il est sur son lieu de travail. L'homme ne doit pourtant pas être mauvais bougre, il est même apprécié par un bon nombre de collègues du canadien, mais entre eux deux le courant ne passe plus. L'envie de faire avancer considérablement les choses de Richard fausse le contact entre ces deux personnes qui souhaitent pourtant la même chose lorsque l'on se préoccupe uniquement du fond de leur pensée.
Dick affiche une moue sinistre et défaitiste, comme s'il venait de découvrir que dans cette histoire tout est joué depuis longtemps. Au fil des mois et même des années le père de famille se fait de moins en moins naïf. Il ne réagit d'ailleurs pas beaucoup lorsque son vis à vis se dévoile, avançant mots après mots sur un chemin glissant en évoquant des choses qui ne devraient pas être connues par un simple patron de bar. Si Dick savait déjà de quel côté de la loi se plaçait Amaro, jamais il n'aurait cru que ce dernier se dévoilerait ainsi face à lui sans craindre que ses paroles puissent être enregistrées. Tout en étant conscient qu'il loupe une belle occasion, Richard fronce un sourcil sans se soucier du tic nerveux qui vient de traverser son visage qui était jusque là impassible.
Sa bouche s'ouvre, exprimant muettement sa surprise à l'annonce de la future paternité de l'italien. Il est dangereux de devenir père dans ce monde, plus encore que ça ne l'était il y a dix ans. Les flics comme les voyous vivent avec le risque qu'un esprit dérangé ne puisse avoir la sombre idée de se servir de leur progéniture pour les atteindre.
Une proposition en suit naturellement une autre, Richard passe de surpris à amusé quand est mentionnée la possibilité que Joanie puisse s'occuper d'un bambin. Elle a eu sa dose avec son petit frère qui commence à grandir et devenir plus facile à gérer. Si jamais au grand jamais Dick ne signerait à nouveau pour le combat des biberons et des Pampers, il se peut que sa fille par amitié et respect pour son patron accepte cette proposition. Ne pouvant décemment répondre à la place de sa fille, Dick attend la chute inévitable de cette histoire.
Quand mention est faite de mauvaises farces, le visage du policier se rembrunit, il ferme la bouche après avoir vidé son verre en sachant que ce sera son dernier car il veut être capable de rentrer chez lui en marchant droit. Son sourire n'est plus qu'un souvenir, un rare sérieux s'emparant de lui quand enfin il répond à l'italien.
-J'ai à aucun moment pensé que le fait que mon téléphone sonne plusieurs fois par nuit puisse être l'œuvre d'un enfant farceur.
Il n'a pas encore trouvé de parade pour lutter contre ce nouveau fléau qui vient de s'abattre sur lui et fatalement sa famille. Il a dû expliquer à Mafdet ce qui se tramait, tout en faisant promettre à cette dernière qu'elle ne tenterait rien d'inconsidéré pour le protéger. Persuadé qu'un jour ou l'autre ces gens qui s'immiscent dans son existence finiraient pas se lasser. Après tout il était resté sans nouvelles depuis son arrivée à Beacon Hills avant que ses âneries ne le ramènent à son point de départ pour une semaine qui a bien failli lui être fatale.
-Jo va débuter la fac à la prochaine rentrée, c'est une môme brillante. Son petit frère aime notre vie ici et j'ai rencontré la femme de ma vie dans cette ville. Je ne veux pas avoir à déménager tout en sachant qu'ils sauront toujours me retrouver. Je suis prêt à me ranger de votre côté tant que nos intérêts iront dans le même sens, mais ne comptez pas sur moi pour fermer les yeux sur tout le reste. Je reste un flic, fatigué certes, mais il est hors de question que je change de trajectoire sur le plan moral. La justice même si elle a comme défaut d'être trop laxiste et lente représente encore des valeurs qui sont les miennes.
Il refuse d'un geste clair ce verre que l'italien était sur le point le lui resservir. S'il juge ses paroles encore sages, il sent toutefois que son esprit commence à s'embrumer sous l'effet de cet alcool fort qu'il ne consomme que rarement.
Son ton se durcit, il veille à ce que sa fille ne soit pas dans les parages avant de reprendre.
-J'ai deux enfants et mon amie à protéger, vous avez la future mère de votre enfant à laisser hors de tout danger. Si j'étais seul je n'accorderais que peu de crédit à l'importance de ma vie, mais ce n'est pas le cas. J'aimerais ne pas parler de tout ça ici. Près de ma gamine ou même d'autres gens. On pourrait peut être se revoir dans ce spot pour chasser le lapin que vous aviez repéré lors de notre première rencontre.
Richard est certain d'être entré dans ce lieu depuis déjà trop longtemps. Il ne veux pas que son image soit liée à celle d'un homme dont tout le monde se doute qu'il mène des activités illicites en plus de son métier de gérant de bar. Même si son image de flic intègre s'est prit du plomb dans l'aile ces derniers mois, Richard tient encore à conserver cette chose que même les plus démunis peuvent chérir. Sa fierté. Ainsi que sa capacité à se regarder dans une glace sans fléchir. Il tire de son portefeuille un billet de dix dollars, le laissant sur la table après l'avoir glissé sous le puzzle la petite sirène qui n'aurait pas su plaire à son garçon.
-Pour le verre d'eau et au moins un de gin. Et mes félicitations pour le bébé. J'ai eu l'occasion de rencontrer votre future femme dans le cadre de mon travail, j'avais été chargé de prendre sa plainte contre un de mes collègues qui l'avait malmenée après qu'elle ait interpellé un agresseur de rue. Du caractère. Je devine que chez vous aussi ça doit feuler fort les soirs de dispute.
La jeune femme avait laissé ses yeux prendre une nuance verte, trahissant sa nature volontairement pour terrifier l'agresseur lorsqu'ils s'étaient trouvés dans la même voiture pour se rendre au poste. Richard avait alors sourit, puis choisit de ne pas mentionner cet écart dans son rapport quand le bougre lui avait conté la scène.
Ma question trouve un écho. Le policier me confirme être harcelé la nuit par des appels anonymes. Technique classique pour amener quelqu’un à bout, l’affaiblir, jouer sur l’anxiété et la fatigue qui en résultent.
- Jo va débuter la fac à la prochaine rentrée, c'est une môme brillante. Son petit frère aime notre vie ici et j'ai rencontré la femme de ma vie dans cette ville. Je ne veux pas avoir à déménager tout en sachant qu'ils sauront toujours me retrouver. - C’est certain. Il n’y a que le protocole de la protection des témoins qui donne du fil à retordre à ce genre de personne. - Je suis prêt à me ranger de votre côté tant que nos intérêts iront dans le même sens, mais ne comptez pas sur moi pour fermer les yeux sur tout le reste. Je reste un flic, fatigué certes, mais il est hors de question que je change de trajectoire sur le plan moral. La justice même si elle a comme défaut d'être trop laxiste et lente représente encore des valeurs qui sont les miennes. - C’est ce que j’avais en tête. Enfin… à mon prochain excès de vitesse, si vous pouviez vous contenter de la prune et garder le coup de boule…
Je lance un rapide coup d’œil au flic. J’ai ma part de faute sur ce qui nous avait opposé. Chacun sait qu’il a merdé, on est adulte. Puis le fait que Turner se soit battu sur mon ring et que sa fille bosse au Pink nous permet de ranger les anciens griefs là où est leur place : dans les affaires classées. J’attrape la bouteille de gin, mais le flic refuse mon offre, je me ressers et bois en solitaire.
- J'ai deux enfants et mon amie à protéger, vous avez la future mère de votre enfant à laisser hors de tout danger. - Votre amie se protège toute seule, non ?
Je ne lui raconte pas le jour où la collègue de Rapier est venue boire un verre ici. Elle s’était installée au comptoir. Tous les mâles présents s’étaient dévissé la tête pour mater ses mollets fermes et ses cuisses galbées sous son cuir de motarde. Elle n’avait pas prononcé un mot de plus que sa commande et le merci qui allait avec. Polie, courtoise, souriante. Effrayante ! J’ai compris le message quand Jerry m’a fait remarquer cinq sillons gravés sur le zinc. Mon barman ne comprenait pas avec quel outil de tels dégâts avaient pu être commis.
- Si j'étais seul je n'accorderais que peu de crédit à l'importance de ma vie, mais ce n'est pas le cas. J'aimerais ne pas parler de tout ça ici. Près de ma gamine ou même d'autres gens. On pourrait peut-être se revoir dans ce spot pour chasser le lapin que vous aviez repéré lors de notre première rencontre. - Entendu. J’ai votre numéro de téléphone. Je vous envoie un SMS pour que vous ayez le mien. C’est le portable du gérant du Pink qui emploie votre fille.
Le flic comprend le message subliminal : Rien ne peut lui être reproché de posséder ce numéro dans son répertoire. Turner s’agite, il reste mal à l’aise, ce que je conçois avec son état d’esprit. Je reste étonné que nous ayons pu avoir cette discussion.
- Pour le verre d'eau et au moins un de gin. Et mes félicitations pour le bébé. - Merci, je ne sais pas dans quoi j’ai mis les pieds… Ce n’était pas calculé. - J'ai eu l'occasion de rencontrer votre future femme dans le cadre de mon travail, j'avais été chargé de prendre sa plainte contre un de mes collègues qui l'avait malmenée après qu'elle ait interpellé un agresseur de rue. Du caractère. Je devine que chez vous aussi ça doit feuler fort les soirs de dispute. - Hum… Elle s’est bien gardée de me raconter cette mésaventure ! Sage précaution.
Ce flic ne serait plus de ce monde, si je l’avais su. Maintenant, il serait dangereux de corriger l’homme qui a osé ennuyer mio gattino.
- Effectivement, je ne suis pas quelqu’un de docile et parfois j’ai la vilaine impression qu’elle me considère comme une souris.
Là aussi mes paroles semblent trouver un écho chez mon vis-à-vis qui se lève de sa chaise. Je fais de même, en débarrassant la table.
- Ce fut un plaisir de rencontrer le papa de mon employée ! m’exclamé-je innocemment.
Turner peut sortir la tête haute en flic intègre. Lorsque j’ai rangé et essuyé la table où nous étions, je lui envoie le SMS convenu avec un lapidaire « Alessandro Amaro, employeur de votre fille Pink Print. »
- Il est parti ? - Oui, à l’instant. - Je suis désolée, s’il vous a embêté. - Pas du tout. Cela me soulage même qu’un père se préoccupe des conditions de travail de sa fille.