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Sujet: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Ven 3 Fév 2017 - 1:10
Our broken Family
Avez-vous un jour connu un tel désespoir qu'il semble littéralement vous ronger ? Ruby et moi avons perdu Lilia. Nous connaissions la douleur la plus épouvantable du monde. Si forte que les tourments de nos cœurs heurtaient nos corps.
Chaque heure, chaque seconde, nous nous rappelions à quel point la mort nous était familière.
Ian était trop faible pour dormir près de sa mère. Jusqu’à cette première nuit. Melissa avait dû faire preuve de beaucoup de persuasion pour que l’infirmière ne fasse pas un rapport. Ruby avait insisté pour que notre bébé dorme contre elle. Sa réaction face à la recommandation de la sage-femme avait été sauvage. Elle n’aurait pas changé d’avis.
J'étais resté avec elle jusqu’au lever du jour. Et ainsi, chaque nuit, jusqu’à ce que ma louve et mon fils soient autorisés à sortir.
Rentrer chez nous. Où était-ce ? À l’évocation du manoir, la réponse de ma louve avait été catégorique.
Nous sommes restés enfermés dans la maison de Ruby. Beaucoup trop grande pour nos âmes en peine. Beaucoup trop étroite pour contenir notre chagrin.
Pendant plusieurs jours, peut-être semaines, nous sommes restés prisonniers entre deux vies. Celle qui nous avait été volée, celle qui nous restait à parcourir.
Il n'y avait eu que peu de mots pour la disparition de notre fille et pas de cérémonie. À quoi bon dire ce qu'il était si difficile à entendre. Il n'y avait eu que des pleurs. Des larmes brûlantes. Et une colère noire qui empoissonnait nos cœurs.
Contrastant avec nous tous, Ian était un bébé calme. Il ne pleurait pas. Était-il conscient que sa sœur jumelle lui avait été arrachée ?
Je ne dispensais plus de cours. Je savais ne pas réussir à rester calme devant l'ignorance et l'indiscipline de mes élèves. Je croyais revoir le visage de l'assassin de Lilia en chacun d'eux. Il avait leur âge et je me délectais encore de sentir mes griffes lui arracher la gorge.
Depuis ce terrible jour, ce souvenir m'apportait un réconfort morbide.
J'avais tenté de retourner sur les lieux, de chercher une piste parmi les ruines de l'église. Je voulais retrouver William, quoi qu'il m'en coûte. Mais tout était partie en fumée. Il ne restait rien de sa monstruosité. Mon propre reflet dans la vitrine d'un apothicaire me renvoyait l'image d'un homme que je pensais disparu.
Mes pas m'avaient mené à de nombreuses reprises sur le trajet de l'hôpital. J'avais porté Ruby, senti l'odeur de son sang puis son cœur ralentir terriblement. Il avait été si forte. Et brisée pour toujours.
Immobile devant les portes des urgences, je revoyais ces instants comme je visionnerais un mauvais film, une apologie de la souffrance.
Et je parcourais ce chemin chaque jour, encore et encore, sombrant un peu plus dans la noirceur qu'appelle le deuil.
/ / /
Derek avait fini par emménager au manoir. Je crois qu’il a pris son temps, en partie dans l’espoir que Stiles prenne la même initiative. Il avait toujours été très attaché à notre demeure. Même lorsqu’il avait suivi Laura pour ses études. C’est ce qui lui a sans doute sauvé la vie lorsque l’incendie a tué notre famille.
J’en suis le seul survivant. Est-ce une bonne chose ? Aujourd’hui, cette question n’a plus de sens.
Nous aurions pu célébrer la vie, mais la mort a fait irruption. Encore.
Alors que j’agonisais, brûlé jusque dans l’âme, je pensais ô combien la mort pouvait être belle.
Alors que nous nous unissions, elle s’était présentée à nous dissimulée et depuis cet instant, son masque nous épouvantait.
Notre petite fleur n’était plus. Ruby n’avait pas pu la serrer dans ses bras avant qu’elle nous quitte. La douleur l’aurait brisé sans aucune chance de guérison.
Et si nous survivions plus que nous vivions, nos cœurs battaient à l’unisson. Lourdement. Ensemble.
Le manoir des Hale, reconstruit,porteur de promesses, nous faisait face.
Je serrais la main de Ruby dans la mienne. La première marche du perron ne craqua pas, comme elle le faisait avant. Ian remua doucement contre la poitrine de sa mère.
La porte était ouverte. Devant nous. Mais en franchir le seuil était une décision riche de sens.
Nous ne laissions rien de côté. Ni la terreur, ni l’horreur ni même la mort. Lilia était avec nous. C’était aussi sa maison. Du moins, ça l’aurait été.
La porte était ouverte. Derrière nous.
D’un sourire réconfortant, Derek était venu à notre rencontre. Il embrassa Ruby et caressa la petite main de Ian qui se réveillait paisiblement.
Notre famille, brisée, retrouvait un foyer pour guérir.
/ / /
- Alors quoi, Derek ? Fustigeai-je. C'est par orgueil que tu as laissé tomber ?
- Sa crise de jalousie est puérile, s'agaça-t-il.
- Il est plus jeune que toi, je suppose que ce n'est pas si anormal, déclarai-je. Pourtant tu connais son âge et sa personnalité depuis que tu t'es engagé avec lui. Tu es un idiot de faire fi à ce point d'une saute d'humeur.
Derek grogna d'être pris par ma critique.
- Je pense que le problème vient de toi, dis-je en me levant.
Un souffle imperceptible m’appela.
- Surveille Ian, déclarai-je d'un ton péremptoire.
Le regard du neveu souleva son interrogation.
- Encore cette nuit, précisai-je.
Je savais qu'il n'était pas dupe. Ruby dont les nuits étaient peu reposantes depuis notre arrivée, tant par les cauchemars qui la terrassaient que par les longs moments passés avec Ian, était parti se coucher dès lors que le sommeil semblait l’avoir enivrée.
Notre chambre était plongée dans l’obscurité. Je savais que Ruby ne dormait pas. Je le savais car deux grands yeux flamboyants m’observaient.
Et le feu ardent invoqua mon regard de glace.
La fenêtre ne fît pas de bruit lorsque nous l’ouvrîmes. Alors que l’air encore chaud envahit la pièce, la nuit nous cueillit elle aussi en silence.
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 9 Fév 2017 - 13:38
Our Broken Family
L
e manoir m’entoure de ses bras faits de cèdre rouge et de pins Douglas. Cela fait quelques jours que j’ai définitivement emménagé. Peu à peu je commence à prendre mes marques, pourtant j’ai toujours cette étrange impression que ma mère va ouvrir une porte et surgir devant moi. Y étant encore seul, la grande demeure reste silencieuse. Je me prends à guetter les bruits, j’écoute la forêt qui entoure le manoir et j’imagine les rires d’avant, la vie remuante d’une meute. Bientôt avec le petit Ian, cela devrait s’animer à nouveau.
Je ne boude pas le confort de ce manoir dans sa deuxième version. Chad, sur ma demande et celle de Peter, a totalement ré-agencé les pièces. A l’origine, nous étions plusieurs familles à vivre là, créant une certaine promiscuité pas vraiment gênante dans une meute de loups. Mais depuis, Peter et moi avons vécu autre chose, souvent seuls. Mon loft offre des espaces immenses et je me suis habitué à avoir de l’espace autour de moi. Les lieux ont entièrement été revisités pour accueillir Peter, sa famille et moi… célibataire à nouveau.
Comment ai-je pu encore me tromper sur ce point ? Stiles semblait être cette âme sœur, cet autre fait pour tenir entre mes bras. Mais le fait est que nos différences nous éloignent. J’ai mis de la musique en sourdine et me prépare un café. Je me réinstalle dans la pièce qui me fait office de lieu de travail, de bureau. Le bois est très présent, le sol est en béton ciré. Le mobilier est comme j’aime, minimaliste et sobre. Quatre nouveaux mails sont arrivés le temps de ma courte pause. Je me replonge dans les comptes. Je m’occupe en mettant en pratique ce que j’ai appris lors de mes études à New-York et je fais fructifier mon héritage. Mais je sais qu’il est temps pour moi que je m’externalise. D’ailleurs dans un des mails que je viens de recevoir, il y en a un de Stephan Wilder, le père de Chad.
Sa réponse me fait sourire et efface mes tracas de ces derniers jours… ma rupture avec Stiles. Je n’ai pas eu de contact avec Alex depuis. Je devine que mon ami est mal à l’aise, pris entre deux feux, dans l’ignoble rôle d’un prétexte fallacieux qui arrange Stiles… comme moi également. C’est ce que j’ai tenté d’expliquer à Ruby. Notre rupture est un acte mutuel et non une décision unilatérale.
Je me plonge dans l’étude du projet que me propose Stephan. Je suis honoré de sa confiance et bien conscient que je dois cette offre grâce au lien qui me lie à son fils. C’est en rédigeant ma réponse, comme quoi j’accepte sa proposition que j’entends le ronronnement d’une voiture qui approche. Je reconnais les ratés du carburateur de la voiture de Peter. Étonnant de la part d’un maniaque tel que lui, que de laisser cette dysharmonie perdurer dans le moteur de sa voiture. Je guette leur pas, ils prennent leur temps. Je sais ce que cela leur coûte et décide de leur laisser ce moment en privé, en terminant mon mail pour Stephan.
|•|•|•|
Ruby est magnifique malgré le drame récent, malgré qu’elle ait accouché il y a peu. Je m’avance vers elle, accueillant et réconfortant. Je l’embrasse délicatement. Je me souviens d’avoir été amoureux d’elle plus jeune. Mais c’est un passé d’adolescent révolu. Je comprends le choix de Peter et je sais ce qui l’a charmé chez la louve rouge.
Le petit Ian s’éveille d’une longue sieste. J’attrape sa petite main et le regarde attendri. Ses parents peuvent être assurés que je ferai tout pour cet enfant, comme s’il était mon propre fils. Je sais aussi que Mick, son parrain, fera de même, ou Chad, Miyavi ou encore Matrim. Même la féline Mafdet sortira les griffes pour protéger la progéniture de Ruby et Peter. L’instant est serein et paisible, mais c’est sans compter sur le frère de ma mère.
- Alors quoi, Derek ? Fustige mon oncle. C'est par orgueil que tu as laissé tomber ?
- Sa crise de jalousie est puérile, répliqué-je, acide.
Il n’a pas à juger d’une situation qui ne le regarde pas. D’ailleurs, n’était-il pas l’un des premiers à s’agacer de l’hyperactivité de Stiles ? Son seul regret quant au fils du sheriff, c’est de ne pas l’avoir mordu à la place de Scott.
- Il est plus jeune que toi, je suppose que ce n'est pas si anormal, ajoute-il. Pourtant tu connais son âge et sa personnalité depuis que tu t'es engagé avec lui. Tu es un idiot de faire fi à ce point d'une saute d'humeur.
- Ne me donne pas de leçon de sociabilité ! Venant de ta part, c’est parfaitement risible, mon oncle.
Nous voilà partis ! Quand nous nous frittons, Peter devient « mon oncle » et moi, « le neveu ». J’aperçois Ruby qui lève les yeux au plafond et s’éloigne de nous. Notre alpha s’attend bien à ce que la cohabitation soit parfois houleuse. Peter et moi avons des caractères forts et féroces. Ce manoir a survécu à une meute bien plus nombreuse et avec autant de caractères de cochon. Les loups ne font pas des chats !
- Je pense que le problème vient de toi, affirme-t-il péremptoire en se levant.
- Tu parles comme un prêcheur luthérien, mon oncle.
Un soupir, une aura vacillante, je lève le museau vers le plafond, dans la direction où se situe la chambre de Peter et Ruby. Pendant que nous nous chamaillons, la louve était montée, laissant Ian dans les bras de son père. Est-elle passée devant la chambre de son fils que j’ai entièrement aménagée, effaçant la présence manquante de sa sœur ? J’ai pris ce fardeau à ma charge, ils sont bien assez éprouvés.
- Surveille Ian.
Je lève un regard interrogatif vers Peter.
- Encore cette nuit, précise-t-il.
Je hoche la tête, comprenant les sous-entendus. Et attrape délicatement l’enfant, mon cousin. Peter rejoint sa femme à l’étage, pendant que je tourne un peu en rond, ne sachant pas trop quoi faire avec ce jeune bébé dans les bras. Ian emprisonne mon petit doigt dans sa menotte. Je lui souris et babille comme un idiot.
Il n’y a pas grand-chose à faire avec un aussi jeune bébé. Alors je tourne dans la maison, le faisant visiter les lieux comme s’il pouvait comprendre. Peu à peu, je m’habitue ce petit être fragile et m’enhardis à lui faire faire l’avion. Mince, il ne tient pas encore sa tête. Je le colle à califourchon sur mon bras et voilà Ian en capitaine de vaisseau qui traverse le salon pendant que je fais un bruit de moteur. L’enfant réagit et babille. Puis nous partons dans une partie de cache-cache. Le bébé allongé sur mes cuisses, je me cache les yeux lui tirant des areu assez drôles.
- J’ai hâte que tu puisses gambader toi.
Soudain mes sens sont en alerte maximale. La puissance destructrice de ce nuage qui m’assaille est colossale. Mes yeux s’écarquille de stupeur, j’ai beau plaquer ma main sur mon nez et ma bouche, rien n’arrête ce fléau. Perter ! Ruby ! Au secours ! Je meure !
- Punaise ! Puissant le cousin ! Ça fouette toujours autant quand tu pousses une mine ?!
Une pression sur les fesses du bébé me confirme qu’il vient de nous livrer un cadeau. Ruby ! Je te rends ton gosse ! Cependant, je ne l’appelle pas et à la place j’attrape le sac à lancer.
- Je devrais peut-être appeler Jordan ! C’est explosif !
Bon, même avec toute la bonne volonté du monde, il n’y a rien à faire. L’odeur est pestilentielle ! Je dépose Ian en sécurité dans son couffin et vais m’entourer le museau avec une double épaisseur de torchon. J’ai l’air d’un hooligan, mais au diable, personne n’est là pour me voir. Je reprends le sac à caca qu’est mon cousin et dépiaute le bébé. Mince, ça s’enlève comment ça ?
- Et si je tire là ? - Crac… - Oups… Mais arrête de gigoter! Ruby! Ton fils semble avoir six jambes et huit bras.
Après une rude bataille, j’arrive à ouvrir la couche. Âme sensible s’abstenir ! C’est inhumain ! Cinq lingettes plus tard et il y en a toujours. Cela fouette d’une force, malgré le torchon qui me protège le nez. Après un rude combat qui crée une montagne de lingettes pleines de caca puant, je colle enfin une couche propre sous les fesses du bébé. Je pose le bébé torse poil dans le couffin, il faut que j’enferme les déchets dans au moins trois sacs poubelle ! C’est à ce moment-là que les parents du chieur de compétition montrent le bout de leur nez.
- C’est pire qu’Hiroshima quand il en lâche une ! Dis-je la voix étouffée par le torchon qui me masque encore le bas du visage.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 9 Fév 2017 - 22:33
C'est donc ça la peur de la mort
— « Mon bébé va dormir avec moi. — « Adjointe Volpha — « Hale ! — « Madame Hale, votre enfant… — « Dormira contre moi, ce soir.
J’étais hors de moi. Cette humaine ne pouvait comprendre. Mon fils a besoin de me sentir contre lui. Les louveteaux cherchent la chaleur de leur mère. Il n’y a qu’ainsi qu’ils peuvent dormir correctement. J’ai besoin de sentir mon fils contre moi. J’ai besoin de le sentir respirer. D’entendre son cœur. Sans l’intervention de Melissa, cette infirmière ne serait plus de ce monde. Cette nuit-là fut la première nuit que Ian passa contre moi. Mon enfant. Mon prince. Ma vie.
*-*-*-*
À la sortie de l’hôpital, je n’ai pu rejoindre le manoir. Il m’était impossible d’envisager mettre un pied dans cette bâtisse qui devait accueillir deux enfants. Alors nous nous sommes réfugiés dans ma maison. Mais nous y avons aussi tous les souvenirs de grossesse. Peter et moi ne savons plus comment agir. Tout en ce monde nous parait surréaliste, irréel. Nous ne parvenons plus à être naturels. Sauf avec Ian. Avec lui, nous oublions tout. Il n’y a que lui qui compte.
*-*-*-*
Nous osons. Car il le faut, pour Ian. Il mérite d’avoir une vie. Nous avons, envers lui, le devoir de ne pas rester emprisonnés dans le passé. Il a un futur et nous devons l’y accompagner. Alors nous emménageons enfin. Derek me sert contre lui lorsque je passe le pas de la porte avec hésitation.
Rien n’a changé entre Peter et lui. Enfin…si, mais chassez le naturel et il revient au galop. J’en ai bien conscience lorsqu’ils entrent dans une n-ième battle de taquineries. La meute surveille les agissements de mon époux. Ils craignent qu’il se perde. Ils ont ce regard lorsque Peter n’est pas à mes côtés. Ils me prennent pour son ancre, les chaînes qui le retiennent de franchir la limite. Mais cette ancre c’est Ian. Tempérance, ce doit être le nom de sa fée. Mon bébé est toujours calme. Il nous calme. Il ne pleure pas. Il sourit. Et il y a tant de choses dans son regard. Il communique à travers ses yeux gris. Ces deux billes brillantes de malice sont comme des perles de Tahiti, précieuses, et incroyablement sublimes.
La fatigue vient alourdir mes paupières. Je confie Ian à son père qui le prend tout naturellement tout en continuant sa joute avec son neveu et je monte rejoindre notre chambre. Je m’arrête un instant avant de passer devant la chambre de notre enfant, la chambre qui aurait dû accueillir nos deux enfants. Je reste un moment sans être capable de faire un pas de plus, mais il le faut, pour mon fils. Je pousse la porte. Je n’ose pas entrer. Je reste dans l’encadrement, mais je découvre ce que Derek a fait de cette pièce. Et je l’en remercie. Cette chambre sera un petit nid douillet pour notre petit Ian. Je vois que Derek a demandé à chaque membre de la meute d’apporter sa touche personnelle. Je note les attentions de chacun. Ian sera un enfant choyé par toute une meute. Ils pallieront à l’absence de notre fille.
Je laisse la chambre d’enfant derrière moi et je rejoins celle que Peter et moi allons habiter. Je me glisse entre les draps frais et je sombre, il me semble. Quelques instants plus tard, je souffle son nom. J’inspire longuement. Ma fille n’est plus, et je ne pourrais jamais me remettre de cette perte. Le temps n’y changera rien car l’homme qui a fait ça est en liberté et je ne pourrais jamais effacer de mes tripes l’envie de réduire ce monstre en charpie. Ma louve veut se repaître de sa chair.
Lorsque Peter me rejoint après avoir confié Ian à son cousin, mes yeux luisent déjà d’un feu ardent. L’instant suivant, nous quittons le manoir pour laisser notre bestialité prendre le dessus. Je ne suis pas l’ancre de Peter, il est la mienne. Ce n’est pas la première fois que nous nous abandonnons à nos loups. Nous profitons des instants où nous savons Ian en sécurité avec Mick ou Derek pour lâcher prise.
Jusque-là, nous n’avons fait que courir, chasser quelques gibiers, ou faire l’amour, sauvagement. Mais aujourd’hui, c’est différent. Très différent. Nous venons de nous installer dans notre futur. Un futur que devait partager notre fille. Ma rage gronde et là où nous nous lâchons petit à petit habituellement, j’abandonne les chaînes dès que nous sommes à l’abri des oreilles de son…notre neveu. Je sens la peur. Une biche a dû nous entendre. Parfait ! J’accélère. Je suis avide de mort. Soudainement je me stoppe. Oui, nous sommes tombé sur du gibier, mais lui ne nous a pas senti. La peur ne vient pas de lui.
Un cri me fait inspirer profondément. La peur. Elle me gêne. Je n’aime pas cette peur. Je tourne mon regard de braise vers mon tendre et sans un mot, nous décidons d’en trouver l’origine. C’est une fille. Une fille terrorisée car elle se retrouve forcée de faire ce qu’elle ne veut pas. Une pauvre jeune fille qui s’est fait embobiner par une belle gueule et qui va le payer le prix fort car elle n’a pas la force de repousser cet et ces copains ….ces proies.
Car c’est ce que ces hommes viennent de devenir pour nous. Des proies. De faibles proies. Je prends ma forme complète. Je suis un animal frémissant d’excitation. J’avance lentement. Un bruit, une branche qui craque sous ma patte. L’un est envoyé. Il finit entre mes mâchoires. Son cri sonne l’alarme. La fille s’enfuit. Deux s’approchent. Quand ils me voient baigner mes crocs dans le flot sanglant, ils veulent fuir. Mais ils sont trop lents. Nous sommes sauvages, sans une once de pitié ni même de délicatesse. Nous ne prenons pas garde à comment nous le faisons. Comme c’est bon !
Un sursaut, un cri étouffé. Je me redresse en sueur. Je porte mes doigts à mes lèvres. Je suis dans mon lit. Peter est à mes côtés. Je dors mal si je dors seule.
— « Ruby ! Ton fils semble avoir six jambes et huit bras.
Je souris. Quand je m’apprête à me lever, Peter grogne. Je l’embrasse tendrement sur la tempe et je passe par la case salle d’eau pour me rafraîchir le visage avant d’aller sauver le neveu de ma progéniture.
— « Il faut se méfier le neveu, les silencieux sont les plus mortels ! Coucou toi.
Je récupère Ian dont j’embrasse le bout du nez. Puis je lui demande si son cousin s'est bien occupé de lui pendant ma bien longue sieste. Il va être l'heure de manger pour ce petit faiseur de bombe puante. Je regarde vers la cuisine. J'irais faire des courses demain, il est temps que je prenne mon rôle de femme habitant dans une belle maison au sérieux ! Granny aurait honte si je ne faisais honneur à cette cuisine fabuleuse.
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 16 Mar 2017 - 22:51
Our broken Family
- Ne la touchez pas ! Grogna Ruby.
Elle s’était assoupie et le sommeil était venu accompagné de cauchemars. Je songeais de plus en plus à demander à Mafdet si une décoction de plantes spéciales ne pouvait pas l’aider à dormir. Notre druide, et collègue pour ma part, devrait nous rendre visite dans les prochains jours. J’aborderai certainement ce sujet avec elle.
Ce fut l’appel au secours de Derek qui nous força à quitter la chambre.
- C’est pire qu’Hiroshima quand il en lâche une ! S’étouffa-t-il à travers le linge qui lui couvrait la bouche et le nez.
- Il faut se méfier le neveu, les silencieux sont les plus mortels ! Répondit Ruby en arrivant derrière moi. Coucou toi.
J’aimais tant le sourire radieux qu’elle retrouvait à chaque fois qu’elle prenait Ian dans ses bras.
Alors qu’elle allait nourrir notre fils, j’hésitais à aider Derek à se débarrasser des couches sales et des lingettes nauséabonds qu’il respirait depuis un moment qui lui semblait interminable et épouvantable. Il maudit son cousin pour la tâche suspecte qu'il avait faite sur son pantalon.
Quand nous nous sommes retrouvés tous le deux pour aller jeter aux ordures ce qui devait l’être, nous avons réalisé combien cette bâtisse avait vécu. Je ressentis la fierté de Derek de vivre à nouveau dans la demeure familiale. Il souhaita que sa mère puisse nous voir y vivre heureux, sans nous entretuer.
Je ne répondis pas mais je n’en pensais pas moins. Il y avait des instants où Talia me manquait aussi.
/ / /
J'étais seul au manoir. Derek et Ruby étaient sortis. Le neveu n'avait pas pris sa voiture et était parti en petites foulées. Ma douce souhaitait rendre visite au shérif et faire suffisamment de courses pour avoir le plaisir de cuisiner pendant plusieurs jours.
Mon fils dormait paisiblement. J'étais resté un long moment contre le montant de la porte pour l'observer, sans interférer. Petit loup. Si fragile que le craignais parfois de le briser. Il gassouillait sans jamais pleurer, bougeait sans s'énerver. Il observait le monde de ses grands yeux.
Quand il se réveilla, je tirai une couverture de l’armoire et le pris dans mes bras. Je me dirigeais lentement vers le salon pour qu’il puisse s’habituer à la lumière du jour, trop vive, lorsqu’on quittait la pénombre reposante de sa chambre.
C’était une belle journée, je voulais que Ian découvre le monde extérieur, celui qui s’étendait derrière le manoir au cœur de la forêt.
À quelques mètres de la terrasse, j’installai la couverture à même le sol rendu sec par l’arrivée de l’été.
Ian était contre moi lorsque Derek nous rejoignit doucement, demandant à voix basse s’il dormait. En guise de réponse, il fut accueilli par un babillage aigu de son cousin lorsqu’il s’installa à côté de nous.
La curiosité me fit orienter mon odorat à la recherche d'une quelconque fragrance. Derek côtoyait le fils Cormier. Ils n'étaient qu'amis. Et même si leur relation était plus intime, je me plaisais à imaginer que mon père se retournait dans sa tombe. Talia avait maintes fois affronté ses foudres pour avoir côtoyer Gabriel.
Ruby fut grandement surprise de nous retrouver ainsi. Avant de rentrer pour remplir les placards de la cuisine et le réfrigérateur, nous voulions profiter de ce moment. Elle se lova contre moi.
- C'est calme, dis-je.
- Y'a personne pour piailler et gesticuler, ajouta Derek dans sa barbe.
Ruby et moi échangeâmes un regard entendu. Le neveu évoquait sans nul doute Stiles. Mais aucun de nous n'avait vraiment envie de parler de ce sujet.
L'instant était tellement paisible que nous ne voulions pas nous laisser envahir l’esprit par des mauvaises pensées.
Le vent léger balayait la cime des arbres. Ian avait les yeux grands ouverts et son bras tendu vers le ciel. La lumière du soleil dessinait des formes au travers du feuillage. Un rayon se posa sur mon fils.
- Tu as vu ça ? M'exclamai-je.
- Quoi ? S'affola Ruby soudain redevenue si inquiète que je regrettai aussitôt mon exclamation de surprise.
- Ian...ses yeux ont changé, annonçai-je.
Un piaillement et un clignement de paupières plus tard, ses iris perdirent la couleur d'or qui marquait notre nature lupine.
C'était la première fois.
Je caressai la main de ma douce qui s'apaisa à nouveau. Notre fils allait bien. Tout irait bien à l'avenir.
Nos vœux échangés lors du mariage étaient sincères. Ils avaient consolidé notre couple avant que tout s'effondre. Le pire était derrière nous et pesait encore terriblement sur nos vies. Et ce, à jamais. Il fallait nous battre pour le meilleur.
Le craquement d'une brindille réveilla nos instincts. Quelque chose avait bougé dans un amas de fougères en face de nous.
- Sûrement un lapin, conclut Derek.
- Plutôt un renard, déclarâmes Ruby et moi d'une même voix.
Il était peu probable qu'il s'agisse d'un renard qui s’approcherait autant mais nous étions sûrs de nous. L’animal devait croire qu'il pourrait bénéficier des restes d'autres prédateurs. Mais les loups n'aimaient pas les renards.
Un grognement suffit à le faire fuir.
Nous étions rompus à l'art de la chasse depuis plusieurs nuits. Derek n'était pas dupe sur nos échappées nocturnes. Elles étaient nécessaires pour ne pas imploser. Car si Ruby et moi semblions reprendre goût à la vie et retrouver le sourire, notre cœur et notre âme hurlaient encore la perte de notre fille. C'était cette rage que nous exorcisions chaque nuit. Combien de temps faudra-t-il encore ?
/ / /
Ma douce se laissa porter vers un état second, devenant un peu plus louve, un peu moins femme. La nuit, l’espace de courts instants, quand nos instincts supplantaient nos souvenirs, nous oubliions. La mort. L’absence. Le désespoir.
Alors nous consumions nos forces à la chasse sauvage et brutale. Beacon Hills connaissait deux prédateurs impitoyables. Mais nous ne sortions jamais du bois ni ne croisions d’être humain. La faune constituait un festin mais avant tout une échappatoire, une Némésis.
Ainsi, chaque soir, la proie achevait son agonie entre nos griffes ou nos crocs, le regard voilé tourné vers ses bourreaux. Entre nous deux, ce corps chaud était une relique.
Ce soir-là, éclairés par un ciel nimbé d’étoiles et le faible croissant de la lune, nous retrouvâmes notre proie. Les loups n’aimaient pas les renards.
L'acte mortel accompli, les yeux flamboyants de Ruby plongèrent dans les miens. Puis mes lèvres fusionnèrent avec les siennes et le goût du sang nous enivra.
Quiconque regarderait sous le couvert du bois sombre découvrirait un homme embrassant une louve. Féroces.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 23 Mar 2017 - 20:57
Avancer
Le soleil me chauffe l’échine. Patiemment allongée sur la murette, je guette la musaraigne deux marches plus bas qui pense faire un cadavre acceptable avec son cœur qui bat à la chamade. Je ne bouge pas, elle ne bouge pas. Une bonne heure que ce cinéma perdure. Du coin de mon œil pratiquement clôt, je vois arriver une troupe de fourmis en quête de nourriture. Ces insectes ont une discipline militaire. Cela avance en ordre rangé, tel des bataillons de fantassins. Le faux cadavre du rongeur est dans leur axe de progression. Je sens que la partie du « je ne bouge pas, moi non plus » va devenir intéressante.
Le rongeur était resté bravement stoïque quand la colonne de fourmis avait commencé à l’escalader afin de voir ce qu’il y avait à charogner. Mais l’affaire s’arrêta nette avec un ballon perdu qui heurta le muret faisant bondir et déguerpir tout le monde, moi comprise.
- Meow ! Sale gosses !
Je trouve les mioches particulièrement insupportables. C’est d’ailleurs pour cela que j’évite de pointer mon museau au manoir des Hale. Surtout depuis que j’ai aperçu Derek avec du vomi sur l’épaule. Car avec cette bande de clébards, on a vite fait de se retrouver avec une étiquette de Tatie Maf’ et de corvée de garde d’enfant. Et bien, sans moi les loulous ! Sauf s’ils veulent que j’apprenne à leur mouflet comment perdre ses poils sur le canapé en nubuck et faire ses griffes sur le mobilier précieux.
Mais voilà que mon très honorable confrère, professeur de littérature de son état, Peter Hale, m’avait glissé un mot en salle des professeurs. Ruby est astreinte à d’incessants cauchemars et que si j’avais la bonté de trouver dans mes poudres de perlimpinpin de quoi la calmer, il m’en serait reconnaissant. Poudre de perlimpinpin…
- C’est qu’il va me falloir des fraises et des framboises fraîches…
- Mais ce n’est pas la saison Mafdet !
- Rhaaa ! Que c’est ballot mon Jojo !
Mon rire de fouine le fit voir rouge quand il comprit que je le menais en bateau.
- Groah !!
- Meow ! On dirait un Bichon à son papa !
La dispute s’était éteinte avec l’arrivée de Finstock qui nous avait toisés avec son regard de fou. J’avais filé en salle de travaux pratiques sans demander mon reste. L’après-midi avait été égaillée par quelques explosions intempestives sur les paillasses. La routine. Je suis d’ailleurs déçue que le jeune canadien n’ait finalement pas accepté l’offre de poste comme aide de laboratoire. Il aurait fait une agréable petite souris à tyranniser. Une souris au sirop d'érable. Cela me navre de le laisser aux griffes d'autres prédateurs.
Les cours sont finis. Peter manque de se casser la figure quand je lui file entre les jambes, la queue droite comme un I. Mon premier arrêt est sur les genoux de Jordan au poste de police. L’adjoint semble dépité. Son « nonos » est malade. Ah les hommes ! Ils sont à l’agonie au moindre bobo ! Que des chocottes. Je lui malaxe les joyeuses dans un gentil pitatage, preuve de mon affection infinie. J’arrête mon manège quand je sens le Hellhound faire surface. Je suis joueuse, mais pas suicidaire. Je bondis dans un dérapage mal contrôlé qui fait tomber un ou deux dossiers du bureau de Jordan. Arrêt suivant, la grande surface, car même les anciennes déesses égyptiennes ont besoin de se nourrir et d’acheter des rouleaux de papier hygiénique. Deux jours que je tourne au sopalin par flemme d’aller faire les courses.
***
Mon infusion s’infuse sur la table basse. Je me suis emmitouflée dans mon peignoir, les cheveux enroulés dans une serviette. Je consulte un de mes carnets de notes à la recherche de quelque chose qui pourrait soulager Ruby. Dans son état, il y aurait bien la weed, mais son organisme de louve éliminerait la drogue dans la seconde. Soigner un être surnaturel n’est pas une sinécure, car son organisme bloque beaucoup de molécules. Je cherche une autre approche en pensant à une discussion avec Matrim. Le jeune photographe m’avait parlé de ce qu’il avait fait à Chad et sa médaille de baptême. Il avait isolé les mauvais souvenirs qui torturaient le jeune architecte dans son collier. Je referme mon carnet dans un claquement sec. Je sais ce que je vais faire.
***
J’arrive au manoir à cheval sur ma Kawasaki vert pomme. Comme je prends tout mon temps pour descendre de mon perchoir, Peter fini par ouvrir la porte. Nul doute qu’il sait que c’était moi bien avant qu’il ne me voit. Ses oreilles de loup font parfaitement la différence entre la moto de Miyavi et la mienne. Attaché à la diable vauvert sur ma selle, un petit chaudron de cuivre et tout un tas d’ustensiles dignes d’une sorcière honorable.
Sans un bonjour, ni un « je peux entrer », je passe sous le nez du loup avec mon barda qui tintamarre et j’investis le manoir telle une reine de Saba, avec un jeté de chevelure digne d’une pub pour L’Oréal car je le vaux bien.
- J’ai besoin des deux hochets que je vous ai offerts à la réunion de la meute, dis-je d’un ton péremptoire.
Je me suis habillée de noir avec une tunique qui donne un effet de cape. Sous mon air sérieux et mon sourcil levé, l’ainé des Bichons court voir après sa Douce pour savoir où sont rangées les précieuses breloques. Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au plafond quand je l’entends parler avec une voix de fausset à Ruby. Quand la louve apprend ma venue, elle descend de sa chambre avec ce que j’ai demandé. Je n’échappe pas à l’embrassade avec un grand smak sonore sur chaque joue. Dieu que j’ai horreur de ces effusions intrusives.
- Meow aussi….
Ruby me parle de trucs de bonnes femmes auxquelles je suis totalement hermétique comme la coupe de mon haut de corps ou ma superbe coiffure qui soit dit en passant n’est qu’un brassage vigoureux avec les doigts. J’ai cela en commun avec Chad, j’ai une sainte horreur des peignes.
Je prends un air concentré de grande prêtresse. Je n’ai aucun mal à rentrer dans le rôle, vu que je l’ai fait un bon millénaire ou deux en Egypte. Je colle mon chaudron sur la gazinière, en veillant à masquer le logo « Poudlard » à la vue des loulous. En lieu et place de précieuses reliques de druide, mon bric à broc vient d’un achat impulsif sur EBay… Rien de magique ou de druidique dans ces affaires, rien que du made in China mais très réaliste. Mais ça la familles des Bichons n’est pas censé le savoir, de même que la totale inutilité des herbes que j’ai apportées. Il n’y a pas de remède contre la mélancolie. Ce que j’apporte à Ruby et son corniaud d’époux, c’est un placébo un peu amélioré.
Je dévisse le manche des deux hochets. En faisant cela, ils émettent ce tintement si particulier qui attire et charme immédiatement les deux loups. D’ailleurs, Bichon junior fait son apparition dans les bras de Derek, lui aussi attiré par le tintement léger.
Mon eau bout dans son chaudron. Je commence par une pincée de sciure de bois de camphre. Cela pue à souhait et éloigne les mites… J’ajoute trois clous de girofle. Très bon désinfectant… Je marmonne une vague formule en haut égyptien, souligne le tout d’un signe cabalistique en direction du nord.
Croisant le regard septique de Peter, je hausse un sourcil le défiant d’ouvrir le museau et de faire foirer ma séance de magie. Il me reste quelques composés de mon TP de l’après-midi que je jette dans le chaudron. J’y suis allée au pif, la concentration n’est pas stœchiométrique, mais la réaction se fait tout de même. Une épaisse et lourde fumée verdâtre monte dans le chaudron et retombe en lourdes volutes sur le plan de travail sous le regard stupéfié des trois Bichons et demi. Cela sent l’œuf pourri.
- Agah ! Fait le petit Ian.
- En voilà au moins un qui apprécie la qualité de mon travail ! Dis-je d’une voix snobinarde.
Dans l'infâme mélange, je place les deux parties des hochets qui forment un bracelet une fois le manche retiré. J’ai un doute quant à la compatibilité du métal avec ma mixture, mais il est trop tard pour y réfléchir. Je regarde ma montre avec une attitude obséquieuse.
Cela s’impatiente coté Bichons. Je laisse traîner une demi-minute avant d’éteindre le feu sous mon chaudron. Avec une longue pince en bois, j’extrais les deux bracelets. Avec soulagement, je constate qu’ils n’ont pas changé de couleur. Religieusement, je les pose sur un torchon propre et nous les regardons refroidir. Une fois cela fait, je les redonne à Ruby.
- Tu en mets un dans le berceau de ton fils et tu portes l’autre. Cela créera un lien psychique avec ton enfant et celui qui a disparu. Cela devrait apaiser tes nuits.
En fait je compte surtout sur la particularité sonore de ces hochet-bracelets. Quand je les avais sortis le jour de la fête de la meute, les loups s’étaient presque mis à faire les beaux en entendant ce singulier carillon.
- Voilà. Y a moyen de boire l’apéro ici ? Dis-je en m’affalant sur le canapé. Et interdiction de toucher à mon chaudron sacré ! Ajouté-je en voyant Derek s’approcher de la gazinière.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mer 19 Avr 2017 - 22:45
Sweet dreams
Le sommeil me fait défaut, et lorsqu’il me gagne enfin, ce n’est jamais sans mauvais rêves. Vivre au manoir me permet d’avancer. Il est nécessaire que j’avance pour Ian, pour Peter, pour la meute. Mais ça ne rend pas cela plus facile.
Derek a fait un travail remarquable avec la chambre d’enfants. Nous n’oublierons jamais Lilia. La cérémonie d’adieu était ce qu’elle était. Dire adieu ne signifie pas oublier. J’ai incinéré une partie de ma robe de mariée en même temps que le bébé. L’enfant était enveloppé dans l’amas de taffetas et de flanelle qui m’a vu devenir accompagné lorsque je devenais mère. J’ai cependant gardé le pardessus en dentelle. Cette dentelle a été faite dans la tradition de ma famille et le sang qui l’en imprègne désormais ne la fait que coller un peu plus à ma vie. Je suis Ruby, je suis la fille au chaperon rouge, je suis Red.
Petit à petit ma vie prend des allures de mère au foyer. Je n’ai pas l’intention de rester loin du bureau trop longtemps, je deviendrais folle. Mais Ian est encore trop petit et je n’ai pas une seconde pour même songer à reprendre le travail.
La maison est somme toute moins mouvementée que ce à quoi nous nous attendions. Sur ce point, l’absence de Stiles se fait ressentir. Je ne sais pas ce que veut vraiment Derek, mais c’est à lui de choisir. Les histoire se font et se défont. Ainsi va la vie. Nous respecterons son choix quoiqu’il décide et quelle que soit notre opinion.
J’essaye de contrecarrer la fatigue en me faisant active. Nous ne sommes que trois à vivre ici, mais de un, nous avons tous une faim de loup, et de deux, il n’est pas rare qu’une tierce personne se joigne à nous pour dîner. Miyavi en tête qui supporte finalement assez mal de vivre seul, et Mick et Chad juste après, que je force à rester dîner à chaque fois qu’ils viennent voir Ian. Pongo est resté avec nous. Il est devenu gaga d’Ian et de Mafdet. Un vrai chien de garde pour le manoir et une vraie nounou pour le petit. Je sais que sa présence rassure Peter qui n’aime pas me savoir seule.
Mon mari me lance des regards à la dérobée. Derek nous lance des regards à la dérobée. Parce que nos activités nocturnes ressemblent de moins en moins à une lubie ponctuelle. Parce que malgré ça, je dors toujours mal. Ce n’est que lorsque j’entends la moto de notre Druide que je comprends que Peter a décidé d’agir. Elle ne vient pas de peur que je lui propose de prendre Ian dans ses bras je crois. Un regard échangé me fait comprendre que mes nuits sont littéralement agitées, suffisamment pour l’inquiéter.
Elle entre en grande pompe comme elle aime tant le faire. Elle n’est peut-être plus une sentinelle mais la savoir à nos côtés me rassure. Ian sera toujours en sécurité avec elle aux alentours. Derrière ses airs dégoûtés, je sais qu’elle renverserait le monde pour sauver l’enfant.
Je la regarde investir la cuisine d’un œil, je l’avoue, suspect. J’essaye de me rassurer en entamant une conversation anodine, mais je n’ai soudainement plus du tout confiance. Que nous concocte-t-elle ? Une potion magique à la panoramix ? Un cours magistrale à la Snape ? Une infusion pour retourner le cerveau ? Ou une intoxication alimentaire ?
Je l’observe attentive tandis qu’elle manipule les hochets qu’elle a offerts aux enfants. Celui de Lilia n’est que partiellement en notre possession. Peter m’a confié que Luka l’avait en sa possession lorsque la disparition de notre fille nous a été apprise. Je soupçonne malheureusement qu’il a gardé le manche avec lui pour partir avec Lilia de la plus triste des façons. Une fois détaché de l’arceau, le manche ouvragé semble aussi effilé qu’un pic à cheveux….ou à glace. Je ne comprends qu’aujourd’hui qu’il n’a sans doute pas gardé l’objet juste pour quitter ce monde avec un souvenir, mais peut-être bien, par un souvenir. Je ne sens plus sa présence, pourtant, je ne cesse d’espérer le voir débarquer sur notre terrain. Tout comme je ne peux m’empêcher d’imaginer le rire de ma fille.
Ian babille puis grimace. Les volutes de fumées l’amusent, mais il n’est pas plus fan de l’odeur que nous. Nous la regardons procédé dans un silence religieux. Même Ian est fasciné. Elle dépose les bracelets sur un torchon le temps qu’il refroidisse et elle en profite pour nous expliquer comment le résultat de ses manœuvres va m’aider. L’émotion me prend. J’esquisse un sourire les larmes aux yeux.
— « Merci »
Je ris franchement et j’essuie mes larmes quand elle parle de prendre l’apéro. Je laisse Peter la servir et je confie Ian à Derek le temps de préparer quelques amuse-bouche pour accompagner les boissons. Je coupe des panis que je passe à la poêle, et je prépare des galettes de maïs avec du fromage et du chorizo que je fais chauffer à la poêle également.
*-*-*-*
— « Aïe ! »
Je porte mon doigt à mes lèvres. Le temps que j’éponge le sang de ma langue, la coupure n’est déjà plus. Des pleurs résonnent dans le manoir. Ian. C’est un bébé à la sensibilité accrue. Il pleure dès que quelqu’un se tape un orteil contre le coin d’un meuble, mais étrangement, il ne pleure jamais pour lui. Mais il est plus ou moins réglé comme sa sœur, alors quand il pleure et qu’elle pleure parce qu’elle a faim, je sais que je peux le nourrir immédiatement après elle.
Je réduis le feu et j’attrape un torchon pour essuyer mes mains avant de monter pour le rassurer. Quand j’arrive à la chambre, il ne pleure déjà plus. Je me penche au-dessus du berceau pour assister à la scène la plus attendrissante qui soit. Ian est blotti contre sa sœur ? C’est elle qui a hérité de l’esprit combattif et enflammé de son père…et de moi aussi je dois bien l’avouer. Je plains déjà les malheureux qui se mettront en tête de chahuter mon fils. Ma fille n’en fera qu’une bouchée !
On m’appelle. Je me tourne pour faire face à l’homme de ma vie, le père de mes enfants, mais se faisant, j’ai un étourdissement et l’étrange sensation de changer de dimension ; Je ferme les yeux et je porte une main à ma tête pour tenter vainement de contrer ce vertige. Quand j’ouvre à nouveau les yeux, je suis allongée sur le sofa, Peter au-dessus de moi.
Il me faut plusieurs instants pour comprendre que je dormais, que ce n’était qu’un rêve. J’ai retrouvé le sommeil grâce à Mafdet. Un délicieux sommeil. Je n’ai plus peur de dormir, bien au contraire, je fais la sieste dès que possible, pour la voir. Peter m’aide à me redresser. Il faut que je nourrisse Ian.
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mer 3 Mai 2017 - 21:06
Our Broken Family
L
a vie s’organise à nouveau au manoir. Je me tiens sur la terrasse qui est à l’opposé du chemin d’accès. L’endroit fait une courte clairière rapidement cerné par les arbres. Avec Peter nous avons choisi de ne pas élaguer plus. Cela aurait été possible lors de la reconstruction, mais dans notre enfance la forêt entourait déjà le manoir comme si elle l’entourait de ses branches, comme d’immenses bras. Nous avons souhaité garder cette proximité. Là où certains s’en trouveraient oppressés par cette masse végétale dense et proche, nous, nous nous y sentons à l’aise. Cela vient que nous sommes des loups. Nous n’avons pas besoin de voir pour détecter une présence à proximité comme un humain ordinaire qui a besoin de s’entourer d’une zone franche, vierge de tout obstacle visuel. Nous ne vivons pas dans la forêt, mais avec la forêt.
Mon oncle et Ruby sortent souvent la nuit se mêler aux ombres de la nuit. Il n’y a que quelques pas à faire pour être cerné par le règne végétal. Pour le moment ils dorment encore, le soleil pointe à peine le bout de son disque lumineux effleurant la cime des arbres. Sous mes pieds nus, je sens la rosée sur les veines rugueuses des planches qui constituent la terrasse. Vêtu d’un bas de survêtement et d’un simple t-shirt, je prends l’air en faisant quelques exercices d’assouplissement, mon mug de café posé sur le rebord d'une fenêtre. Il fait encore frais, mais bientôt le soleil chauffera le sol, vaporisant l’humidité de la nuit.
Un bruit, un regard sombre qui me fixe. Le cornu est un beau mâle d’une dizaine d’années. C’est plutôt rare qu’un si beau cerf s’aventure si près du manoir. Depuis des semaines, Ruby et Peter font des ravages parmi le gibier. Je reste immobile pour ne pas rompre cet instant fugace. Un lapin détale dans les fourrés donnant le signal de la fuite.
Il n’est pas rare que je me réveille avant que le soleil ne soit levé, ainsi que les autres occupants du manoir. Souvent Ian m’entend, ou plutôt le sens car je veille à ne pas faire de bruit. Je passe dans sa chambre le rassurer avant de descendre. J’aime profiter de la quiétude matinale avant que la maisonnée ne retentisse de vie, de boucan et des niaiseries intersidérales de mon oncle. « Ma douce tu veux un nuage de lait dans ton Thé » « Ian deviendra un homme très instruit, il vient d’attraper le journal dans le bon sens »… Je termine mon café avant qu’il ne refroidisse, puis vais me chausser pour mon footing matinal.
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Elle portait des culottes, des bottes de moto Un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos Sa moto qui partait comme un boulet de canon Semait la terreur dans toute la région.
Constamment elle se coiffait, constamment elle se lavait Comme la chatte de gouttière qu’elle était. Un tatouage d’une cabalistique mystique sur sa peau blême Et juste à l'intérieur, on lisait "infini"…
Je ne sais pas l'a conviée, enfin je crois surtout que personne ne l’a invitée, vu qu’elle avait décliné toutes les tentatives de Ruby pour la sociabiliser.
Mafdet apparait tel un orage d’été, brusque, soudain et violent. Sa moto fait un bruit infernal, mais derrière ce tintamarre se cache une mécanique bien huilée. C’est Peter qui s’y colle pour l’accueillir.
Et voilà la reine de Saba en personne qui nous fait l’aumône d’entrer dans notre misérable chaumière. C’est l’impression que donne la scène à laquelle j’assiste. Dans un jeté de cheveux elle déclare avoir besoin du hochet d’Ian avant de se diriger vers la cuisine. Je doute qu’elle vienne nous faire le repas, cependant je me tiens coi, la regardant avec suspicion.
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L’odeur est immonde, pourtant Mafdet qui a pourtant le museau juste au-dessus de son chaudron de sorcière reste régalienne. J’ai l’impression de voir ce professeur de potion dans la série de films que Stiles affectionne, un navet qui parle d’école de magie. J’ouvre le bec pour la sommer de nous expliquer ce qu’elle fabrique quand j’intercepte les regards de Peter et Ruby fixant le chaudron comme si un génie allait en sortir.
La chatte de gouttière marmonne des mots incompréhensibles et touille sa tambouille pour finir d’y plonger le hochet. Pauvre Ian ! L’odeur ne va jamais partir !
- Tu en mets un dans le berceau de ton fils et tu portes l’autre dit-elle. Cela créera un lien psychique avec ton enfant et celui qui a disparu. Cela devrait apaiser tes nuits.
C’est donc bien ce que je pensais. Je ne sais pas si Ruby gobbe l’affaire, mais l’aplomb de Mafdet fait son effet. Finalement c’est une autre façon qu’a la féline de lui dire « arrête de faire ta chochotte et avance ».
- Voilà. Y a moyen de boire l’apéro ici ? Dit-elle en s’affalant sur le canapé. Et interdiction de toucher à mon chaudron sacré !
Je me fige sur place alors qu’elle me menace d’un sourire carnassier.
- Impossible d’avaler quoi que ce soit avec ton truc qui sent la station d’épuration !
D’autorité, je m’empare du chaudron "sacré" et vais le déposer dehors. Je place soigneusement l’inscription « made in China » de façon à ce qu’elle ne soit pas visible si Ruby ou Peter venaient à sortir.
- Alors ? Tortillas ? Dis-je. Peter sort donc tes bouteilles que tu planques dans ton bureau. Ruby jus d’orange ?
|•|•|•|
Une routine s’installe au manoir. Comme je travaille à domicile sur mes placements financiers, je fais office de nourrice quand Peter est au lycée et Ruby sortie pour faire des courses. Loin d’être une contrainte, j’apprécie ce rôle, surtout que le tempérament calme de mon petit cousin colle à merveille avec le mien.
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 18 Mai 2017 - 22:17
Our broken Family
S’il y avait bien un exercice du corps professoral que j’exécrais à faire, c’était la correction des devoirs rendus par mes élèves. La déception de voir à quel point certains étaient souverainement hermétiques la littérature me rendait d’humeur impitoyable. D’ordinaire taciturne parmi mes collègues dans la salle des professeurs, cette tâche me rendait pour le moins peu abordable. D’aucun ne se serait risquer à venir me déranger. Excepté Mafdet qui s’installa souplement à côté de moi en faisant racler sa chaise sur le sol. Aussi discrète qu’elle pouvait l’être, je sus que le dérangement était intentionné.
Prenant sur moi pour ne pas lancer de remarques acerbes, je saluai poliment la druide de notre meute. Notamment parce que ce fut le moment propice pour évoquer un sujet délicat avec elle.
Ruby éprouvait de plus en plus de difficultés à trouver un sommeil apaisant. Ses nuits étaient agitées de cauchemars et son réveil toujours baigné de larmes ou de grognements sauvages.
- Dans tes vieilleries ou tes antiques produits et autres poudres de perlimpinpin, n’aurais-tu pas un remède pour adoucir ses nuits ? Demandai-je en accentuant sur ce qui la faisait rugir.
- C’est qu’il va me falloir des fraises et des framboises fraîches… Énuméra la chimiste.
- Mais ce n’est pas la saison Mafdet ! M’insurgeai-je.
- Rhaaa ! Que c’est ballot mon Jojo ! S’amusa-t-elle à répondre avec un rire presque diabolique.
Je grognai mon assentiment sous le regard courroucé des autres professeurs que nous dérangions durant leur pause.
- Meow ! On dirait un Bichon à son papa ! Se moqua la druide jusqu’à m’en rendre crispé d’agacement.
Lorsqu’elle s’enfuit, je ne fus pas sûr qu’elle ait prit ma demande au sérieux. Pourtant, Ruby avait réellement besoin d'aide.
Ce fût mes élèves qui subirent l’effet Mafdet sur mon humeur. Le proviseur fermait les yeux sur certains écarts et haussement de ton. Fort heureusement, aucun désordre n’était à déplorer.
Pourtant, les premiers jours de ma reprise après le drame que Ruby et moi avions vécu avaient été particulièrement délicats.
Un pan de mur dans le hall de l’établissement avait été orné d’affiches à l’effigie des adolescents décédés dans l’incendie de l’église. Ce fut la première chose que je vis en revenant au lycée. À mes yeux, les victimes n’étaient que des meurtriers. J’avais reconnu celui qui avait poignardé Ruby et déchiré d’un geste féroce le portrait exposé sur ce lieu de recueillement. Les petites bougies avaient fondu depuis longtemps.
« As-tu été suffisamment stupide pour croire que je vous laisserais faire renaître la famille Hale comme elle l'était autrefois ? »
La satire de William ne quittait pas mes pensées. Mon désir le plus fou était de serrer son cœur sanglant au creux de mon poing.
- Il faut se débarrasser de tout ça ! Et vite ! Grognai-je à l’attention du concierge qui était passé au même moment.
Me retrouver dans une salle de classe en sachant pertinemment que j’y avais côtoyé celui qui nous avait privés de Lilia fut une seconde épreuve.
J’avais manqué de sauter à la gorge d’un élève qui s’était levé de sa chaise et s’était trouvé derrière moi alors que j’écrivais au tableau.
Mais ce ne fut pas aux yeux de tous que je laissais s’exprimer la rage qui me broyait. Mon loup était redevenu un monstre assoiffé de violence à laquelle il pouvait laisser cours dans les profondeurs de la forêt qui bordait le manoir. Pour maintenir l’équilibre, le professeur que j’étais demeurait canalisé et focalisé sur la reprise d’une vie normale mais à jamais meurtrie. Telle était la douce folie qui m’habitait à nouveau. Qui ne m’avait peut-être jamais quitté.
Bien qu’elle fût désagréable pour mon ouïe lupine, la sonnerie qui indiquait la fin des cours s’avéra salvatrice.
Sur le chemin parking, une forme noire se faufila entre mes jambes, manquant de me faire louper les quelques marches qui descendaient vers la chaussée.
Mafdet ! Elle avait intérêt à se rendre utile auprès de Ruby, sinon je saurais parfaitement trouver moult agaceries pour lui faire regretter de m’importuner, et ce, jusqu’à la fin de ses neufs vies de chat.
/ / /
Je connaissais l’esprit de contraction de l’ancienne sentinelle mais je me surpris à m’étonner encore de sa capacité à me faire enrager par plaisir. Elle vint au manoir sans s’annoncer et au moment où elle le souhaitait et non lorsque ça m’aurait arrangé. Surtout lorsque ça ne m’arrangeait pas en réalité. Elle était ainsi. Mais c’était une amie proche de Ruby et la druide de notre meute. En ces termes, elle était toujours la bienvenue selon ma louve.
Notre fils ne dormait pas, il échappa donc à un réveil rendu désagréable par le moteur de la moto de Mafdet. J’avais fini par reconnaitre le ronflement caractéristique de l’engin. Le matin, certains professeurs jasaient également de la nuisance sonore qu’elle provoquait en venant pour dispenser ses cours.
Je tempêtais mentalement dans le salon en attendant qu’elle éteigne le moteur et daigne se joindre à nous. Ce fut un duel implicite au bout duquel je perdis patience et ouvrit la porte pour la foudroyer du regard.
Lorsqu’elle passa la porte, elle afficha un air victorieux à peine perceptible mais dont la suffisance fit renaître un agacement profond et jamais totalement tari à son égard.
Si elle eut été Medusa, j’aurais juré que sa chevelure avait tenté de me mordre sinon de me fouetter le visage.
- J’ai besoin des deux hochets que je vous ai offerts à la réunion de la meute, ordonna-t-elle en se dirigeant vers la cuisine comme si elle était en terrain conquis.
Coopérer revenait à échapper le plus tôt possible à ses airs de grande prêtresse. J’appelai donc ma douce depuis le pied de l’escalier en lui demandant d’apporter les grigris que notre émissaire avait offerts aux jumeaux. Celui de Lilia n’était plus entier. Son parrain, Luka, avait emporté avec lui l’un des morceaux, comme le fragment de l’âme de notre fille qu’il avait fini par rejoindre et qu’il ne quitterait plus.
Ce fut à mon tour de sourire sournoisement lorsque Mafdet se retrouva aux prises avec Ruby qui ne manqua pas de lui exprimer toute son amitié. Indépendante et fière, la druide supportait très peu les marques d’affection. Hormis sous sa forme féline la moins imposante. C’était encore là toute la complexité de sa personnalité.
Et elle se donna à cœur joie de mettre en scène une étrange préparation qui dégagea une odeur nauséabond dans toute la maison. Il fut incontestable que la spécialité qu’elle enseignait à ses élèves lui ait déjà permis de leur faire cette farce. Comment cette mixture pestilentielle pouvait-elle aider Ruby ?
Nous étions tous stupéfaits des réactions de son expérience. Je me retins de lancer un avertissement quant à l’état du plan de travail et de la cuisine après son passage.
- Agah ! Balbutia Ian en grimaçant.
- En voilà au moins un qui apprécie la qualité de mon travail ! Se vanta la druide avant je plonger les hochets dans le chaudron qui avait disparu sous une épaisse fumée.
Je craignis un instant que ce dernier ingrédient ne fasse exploser la substance. Mafdet en serait capable pour ajouter de l’effet à son intervention. Mais ce ne fut pas le cas.
Elle finit par sortir les deux jouets et attendit qu’ils refroidissent avant de les offrir une seconde fois à Ruby.
- Tu en mets un dans le berceau de ton fils et tu portes l’autre, expliqua-t-elle. Cela créera un lien psychique avec ton enfant et celui qui a disparu. Cela devrait apaiser tes nuits.
Ma louve la remercia d'une voix faible. Évoquer Lilia était encore difficile. L’espoir d’éprouver encore le lien maternel avec notre fille fut plus émouvant encore.
- Voilà. Y a moyen de boire l’apéro ici ? Réclama la féline, en se jetant sur le canapé sans ménagement. Et interdiction de toucher à mon chaudron sacré !
- Tout comme il est interdit de maltraiter le mobilier, fustigeai-je.
En guise de réponse, elle posa ses pieds sur la table basse puis s’étira en sortant ses griffes pour mimer qu’elle s’attaquerait volontiers au cuir tout neuf.
- Alors ? Tortillas ? Demanda le neveu en refermant la porte qui menait à la terrasse. Peter sort donc tes bouteilles que tu planques dans ton bureau. Ruby, jus d’orange ?
- Plutôt jus de goyave, répondit ma louve. Je vais vous préparer quelques amuses bouche. Tu veux bien prendre Ian ?
Derek s’exécuta comme il le faisait presque systématiquement lorsque nous lui demandions de s’occuper de notre fils. Il ne le disait pas mais il appréciait ce rôle.
- Dis cousin, c’est quoi ce pyjama ? Demanda-t-il.
- Ne t’avise pas de critiquer, le neveu, dis-je pour couper court à sa raillerie. Ou bien je serai contraint de ressortir de vielles photos de toi lorsque tu étais enfant. Dont celle où tu arbores fièrement un costume que tu avais réclamé à ta mère.
Derek sembla se souvenir de ce dont je parlais. Il avait subi les moqueries d’autres enfants quand il s’était présenté à une fête d’anniversaire avec une trompe et des oreilles d’éléphant sur la tête.
À cette époque, pour le réconforter, je lui avais suggéré de faire peur à ses petits camarades en venant littéralement en loup. Pour sûr, les yeux brillants et les crocs auraient eu l’effet escompté. Mais ma sœur m’avait entendu et avait formellement rappelé à Derek toute la discrétion dont nous devions faire preuve quant à notre nature.
Ça ne l’avait toute de même pas empêché de me murmurer plus tard que si on l’embêtait il serait toujours plus fort que les petits malins qui s’en prendraient à lui. Fort heureusement pour eux, Derek n’avait pas souffert de son adolescence. Il avait un caractère fort et de bonnes aptitudes qui l’avaient aidé à être populaire. Plus tard, après l’incendie du manoir, l’ombre de la colère qu’il portait comme un masque dissuadait quiconque de lui causer des ennuis.
Lorsque le moment de convivialité toute relative toucha à sa fin, je revins de la cuisine avec l’intention de tourmenter Mafdet en contrepartie des agaceries qu’elle se plaisait à me faire subir.
L’aspirateur à miettes et accessoirement à poils de chat fut l’outil idéal. Quand l’appareil, malsain aux yeux des félins tant pour le bruit que pour son effet, s’attaqua intempestivement à la druide, celle-ci émit un feulement de mécontentement qui m’emplit de satisfaction.
Ruby m’adressa un regard amusé mais réprobateur et remercia encore chaleureusement son amie pour sa visite.
J’avais l’espoir que la solution apportée par la professeur de chimie ne soit pas uniquement de la fumisterie. Parmi toutes les herbes qu’elle avait incorporées à sa décoction avant d’y noyer les hochets, peut-être que l’une d’elles permettraient de calmer le sommeil de ma louve.
Cette première nuit allait être révélatrice. Ma douce s’était lové contre moi en serrant le petit objet contre son cœur.
/ / /
La chasse sauvage permettait à Ruby et moi d’expier notre tristesse et notre colère. Depuis l’intervention de Mafdet, ma douce trouvait plus facilement le sommeil. Parfois même, je savais qu’elle espérait que ses songes l’emportent si loin que l’absence de notre fille lui soit moins douloureuse. Puis elle me confia que, dans le secret de ses nuits, nous vivions une vie de famille heureuse dans laquelle Ian et Lilia n’avaient pas été séparés.
Quelques jours plus tard, avant l’aube, je fus réveillé par un petit cri. À côté de moi, ma louve s’était redressée comme si un fantôme venait de l’appeler.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mer 26 Juil 2017 - 23:18
Ils grandissent si vite
Mon cœur bat à tout rompre. Cet appel m’a extirpée d’un rêve bien trop merveilleux pour que le réveil soit agréable. Je me sens grogy et pourtant, je suis en alerte maximale, prête à bondir sur le moindre mal qui oserait s’en prendre à mon petit. Je suis à la fois en rage d’avoir été arrachée à cette illusion de vie de famille parfaite et en nage à l’idée que pire c’est encore possible…mais surtout, je suis stupéfaite. Car cela ne peut être vrai. C’est absolument impossible. Je ne peux avoir entendu ce qu’il m’a semblé entendre. Cela défierait toute logique. Mais qu’est la logique dans notre monde. Je suis un loup-garou, je viens d’un autre monde et mon nom a servi de base pour un conte de fée, comme tous les contes, un peu glauque.
Je n’ose bouger. J’attends que le son fasse écho. J’attends de l’entendre à nouveau. D’être sure qu’il ne s’agit pas d’une fabulation. Peter me fixe. Je peux le sentir. Mais je n’ose détourner le regard de la source de mon réveil. Mon époux s’inquiète, je le sais bien, mais je ne peux pas détourner mon regard, pas sans être sure…
Et puis ce son retentit à nouveau. Cette fois-ci, c’est moi qui fixe mon loup aux yeux de glace alors que lui fixe la source de notre surprise. Ses sourcils se froncent d’incompréhension puis se haussent de stupéfaction en même temps que le bord de ses lèvres. Il est magnifique, ce père qui s’ignorait. Nous nous levons dans le même mouvement pour nous approcher du berceau de notre enfant. Ses petites mains sont tendues vers le ciel.
— « Maman ! »
Je sens la main chaude de mon loup de mari se poser sur mon dos alors que je porte mes mains à mon visage. L’émotion est telle que des larmes s’invitent aux coins de mes yeux. Il faut qu’Ian m’appelle une troisième fois pour que je me décide enfin à le prendre dans mes bras. S’il n’est pas compliqué de le porter avec ma force lupine, j’ai l’étrange sensation que son poids n’est plus le même que lorsque je l’ai couché. Il est aussi plus allongé et plus vif. Je me tourne vers Peter.
— « Tu ne trouves pas qu’il a…grandi ?
Peter reste sans mot. Je suis persuadée que lui aussi l’a remarqué mais que son inconscient a refusé l’idée d’entrée de jeu. C’est impossible qu’il prenne une telle poussée de croissance en une nuit. Pourtant, je jurerais que c’est le cas. Et puis, il ne faut pas oublier qu’il est mon fils. Nous avons supposé que ma magie avait été consumée lorsque Chad est devenu un alpha à Boston, mais et si il en restait un peu, juste un tout petit peu et qu’elle avait été transmise à mes enfants ? Cela n’a peut-être pas empêcher le destin de nous enlever Lilia, mais cela influe peut-être sur la croissance de mon fils ?
Je tends Ian à Peter. Une expression de surprise fugace marque son visage. Lui non plus ne s’attendait pas à un tel poids. Notre fils reste une crevette, mais une crevette qui semble avoir pris plusieurs mois en l’espace de quelques heures. J’envoie un message à Mafdet sans entrer dans les détails. Quelque chose d’étrange se passe, je ne veux pas tirer de conclusions hâtives, je préfère me fier à un jugement qu’elle aura sans l’influence de nos idées.
Impossible de nous rendormir dans ces conditions. Nous descendons, mais il est tôt et notre agitation alerte Derek. Lorsque les marches craquent sous ses pas, j’ai abandonné l’idée de donner le sein à Ian. Il est trop grand et le lait ne suffira pas à le sustenter, je le sens. Alors, je tente de lui donner un petit pot. Derek se moque d’une supposée envie de voir mon petit précoce, puis il s’arrête net en voyant l’enfant, car Ian n’est plus un bébé…
ouvre un œil, puis l’autre. De la fenêtre une lueur blafarde annonce le jour qui arrive. Je m’étire, me retourne dans le but de me rendormir, seulement je sais bien que cela n’arrivera pas. Alors je repousse le drap, m’assois et pose les pieds sur le plancher. J’ai encore fait ce rêve étrange où Chad apparaît. Je ne sais pas si c’est mon cerveau qui agence les bribes de ma mémoire de manière fantaisiste ou si ces songes ont valeur de prophétie. Mon frère de meute m’inquiète. A plusieurs reprises j’ai noté son regard dur, lui qui d’habitude était le plus doux d’entre nous. Je suis bien placé pour connaitre l’impact des drames familiaux.
D’une impulsion, je me lève et ouvre la fenêtre en grand. Dehors la faune nocturne va se terrer pour dormir, alors que les diurnes profitent malgré la nuit encore présente, de ce moment de calme avant que les humains s’éveillent dans un raffut insupportable pour les fines oreilles animales. Un écureuil détale sous le pas d’une biche qui se fige comme une statue alors que je viens de faire craquer les os de mes épaules. Le cervidé ne m’a pas repéré, mais sent la présence du prédateur naturel que je suis. Il se décide à filer, son sillage marqué par son popotin blanc qui ondule en cadence de sa foulée. C’est une invitation à la course. Je n’éprouve pas le besoin comme mon oncle ou mon alpha de faire un carnage dans la forêt pour calmer mes angoisses. Le simple fait de courir me suffit. C’est sans bruit que je quitte le manoir pour une bonne heure de course.
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C’est couvert de sueur que je rentre. J’avale un verre de jus de fruit puis monte me doucher. J’entends Ian remuer dans son lit. Peter et Ruby sont encore dans leur chambre mais ils sont également éveillés.
L’eau qui ruisselle sur ma peau emporte la crasse et les mauvaises pensées. Je n’ai pas reparlé à Stiles depuis notre altercation. Je reste perdu à ce sujet. Je sais que Stiles a toujours fait un complexe d’infériorité dans notre couple, lui pas assez cela et moi bien trop ceci. Pour ma part cette différence de « poids » avait été balayée quand je m’étais aperçu de mon attachement pour lui. Cependant avec le temps cette différence avait refait surface. Contrairement à ce que pense cet abruti d’humain, je n’y vois pas une différence de valeur, mais la pertinence pour lui de vivre avec un type comme moi qui aura toujours, quoi que j’y fasse, des chasseurs aux fesses ou au mieux ma nature de loup à masquer. Stiles a le droit de vivre sereinement sans devoir mentir ou camoufler la nature de son compagnon. Il a le droit d’avoir une vie normale, celle qu’il avait avant que Peter ne vienne foutre le bordel en mordant Scott. La voix grinçante d’un Gemini cricket intérieur me souffle que sans la morsure de Scott, sans les dangers qu’ils ont vécus ensemble, Stiles serait encore au stade de larve, l’éternel loser. Et que finalement, ce que je lui refuse aujourd’hui est ce qui l’a révélé et grandi.
En bas de jogging et T-shirt à la main je descends pour prendre le petit déjeuner en famille. Surpris je trouve Ruby tenter de donner un petit pot à Ian. Tous les mêmes ces parents, pressés de voir leur nourrisson grandir, puis gémir lorsque le même enfant prend son envol vingt ans plus tard. Alors que j'enfile mon vêtement, je me moque de mon alpha pour m’arrêter sidéré.
- ‘Ton ‘ek !
- Hey ! Il parle ! M’exclamè-je.
A la trogne renfrognée de l’oncle, je devine que la prunelle de sa vie n’a pas choisi son père pour ses premiers mots. Trop heureuse et fière Ruby en remet une couche disant qu’Ian a dit « maman ». J’attrape le prodige avec un sourire grognard pour Peter.
- Toi tu comprends tout de suite l’importance des gens de cette maison affirmé-je, en soulevant ce bébé qui l’est de moins en moins.
Je n’en reste pas moins surpris. Son poids a effectivement changé. Comme à mon habitude, je lui fais faire le tour du salon en mode superman. Ian adore que je le fasse voler. Le bébé gazouille sa joie et communique son bien être à grande force de « ‘Ton ‘ek ! », faisant grincer un peu plus Peter.
Reprenant un peu mon sérieux, je colle Ian contre mon épaule et le renifle. Il a la même odeur que d’habitude, celle du lait caillé et de la couche pleine. Sa menotte m’attrape l’oreille, son regard se fixe au mien.
- Qu’est-ce qu’il t’arrive toi, lui demandé-je.
- ‘Ton ‘ek !
Ian a grandi, mais pas assez pour me répondre. Je ne sais quoi penser de ce qui arrive à cet enfant. Ruby est tout autant perdue, et Peter… reste Peter, vexé comme un pou que son fils n’ait pas encore dit son nom.
- ‘Pa !
Mieux vaut tard que jamais ! L’oncle s’illumine comme un sapin de noël et m’arrache presque son fils des bras. Peter fait comme si Ian venait de prononcer son premier mot, effaçant l’affront que lui a fait sa progéniture par un total déni. Scène étrange que de voir ce professeur de littérature qui a la sale manie de reprendre son entourage à la moindre faute de français gazouiller dans un langage totalement débile.
- Parle lui correctement à ce pauvre gosse, m’exclamé-je.
Un grognement me suit alors que je file à la cuisine pour préparer le petit déjeuner. Nous avons un mystère à éclaircir, mais nous ne le ferons pas le ventre vide.
J’entends Ruby appeler notre druide. J’hausse les sourcils en remplissant la cafetière d’eau. Si Mafdet rapplique, ça promet d’être encore le cirque. Cependant je comprends l’inquiétude de Ruby. Il ne faudrait pas qu’Ian brûle sa vie avec cette croissance accélérée.
Le manoir raisonne de gazouillis et d’exclamations de fierté de la part d’un père et d’une mère aux anges.
- Le bon côté des choses, est que je vais pouvoir lui apprendre des conneries à faire plus rapidement…
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Ven 11 Aoû 2017 - 13:31
Les zinzins de l’espace
HRP:
Ce post est pavé de mauvaises intentions et de private joke. Ce qui expliquera que certaines blagues ne parlent pas à tous.
Des fous ! C’est une famille de cinglés ! Avec l’acariâtre pathologique qui surnomme sa femme « Ma douce ». Qu’il y a-t-il de doux chez cette ex-sanguinaire ? Ce fabuleux mensonge où l’on a fait croire à des générations de bambins que le petit chaperon rouge était une adorable petite fille à sa mère-grand ?! Tromperie ! Non seulement elle zigouille son premier amour – L’autre fanatique de Shakespeare devrait veiller ses arrières –, Ruby était la plus zélée des captains de Lyacon. Ses trophées de chasse se comptent sur le nombre de paillettes argentées de ses prunelles. Autant dire que son regard brille ! Un vrai spot, que dis-je un phare ! Très assorti avec la péninsule que « son tendre » a à la place du tarin. J’ai des envies de meurtres à chaque fois que je les entends s’appeler par leurs petits noms intimes. Ils ne peuvent pas garder ces niaiseries pour l’intimité justement ?
Et ce fameux « tendre » qui est tout sauf tendre ! C’est un paquet de frustration, doublé d’un schizophrène. Il suffit de le voir vous regarder, le menton bas, ses petits yeux de fouine vous scrutant à la recherche d’un défaut, d’un pixel qui dépasse. Je m’en donne à cœur joie avec ce sociopathe du rangement. L’autre jour il a failli faire une attaque lorsque j’ai osé poser les talons de mes bottes de moto sur la table basse.
Puis il y a le neveu ! C’est un pur autiste ce gars. Dommage, car lorsqu’il se fend d’un sourire, ce qui arrive uniquement les années bissextiles lorsque le 29 février tombe un soir de pleine lune, il devient carrément canon ! Mais il ne m’aime pas, je lui rends sa méfiance. Il a le don de me percer à jour, ce qui m’irrite au plus haut point. Chaque fois que l’on se croise, il me cause avec ses sourcils. Ils se sont bien trouvés avec le druidon d’ailleurs et leur langage de films muets. Ils formeraient un couple bien plus probable qu’avec l’autre agité de Stilinski. Il me frise les moustaches à toujours brasser de l’air le Stiles. Jamais il n’arrête une seule seconde. Fatiguant !
Enfin ! J’espère que ma tambouille de l’autre fois aura suffi à les calmer pour au moins six mois. Ils avaient été chiches sur l’apéro les Hale. « La douce » cantonnée au sans alcool… Depuis quand un loup fait attention à ce qu’il boit ? Quoi que c’est calorique et les louves sont aussi sujettes à la culotte de cheval que les humaines. C’est vrai qu’elle n’a pas perdu tous les kilos pris pendant sa grossesse la Ruby. Faudrait que je parle à Peter des grosses fesses de sa femme. Il aime peut-être ça, la période renaissance, les femmes bien en chair. J’imagine sa tête si je lui parle du centre de gravité un peu bas de « sa douce ». L’image m’amuse tant qu’elle me fait ronronner. J’ajuste le plaid qui m’entoure les épaules et me cale mieux dans mon canapé.
Je mange de la purée au pâté en regardant un film d’action. Posé à côté de moi en guise de cacahuètes, un paquet de croquettes extra au saumon. Des semaines que je n’ai pas aperçu Erick, mon courant d’air de compagnon. Je sais que son rôle de sentinelle passe avant notre relation. C’est une liaison bien déraisonnable que je m’accorde. Il est hors du temps, je l’ai été aussi. Je sais parfaitement ce à quoi je m’expose. Cependant, j’étais encore une sentinelle lorsque je lui ai permis de voler mon cœur. La donne a changé, je suis à nouveau simple mortelle. Le temps n'a pas la même valeur pour lui que pour moi. Ses secondes sont des jours pour moi, des jours sans sa présence. C'est ainsi et quand il s’apercevra que le temps aura filé pour moi, il sera trop tard. Je devrai lui en vouloir, mais pour avoir été comme lui, je sais qu'il ne se rend pas compte de la longueur de ses absences. Les dés sont joués, impossible de revenir en arrière. Alea jacta est, comme le disait un empereur célèbre.
Ruby s’obstine à vouloir me sociabiliser. J’ai les cheveux qui se hérissent lorsque je reconnais sa Shelby qui se gare devant chez moi. Elle me colle toujours deux bises claquantes, là où un salut de loin suffi bien à dire « oé je t’ai vu, t’as pas grossis au fait ? »
La voilà qui débarque comme un viking qui vient envahir la Bretagne. Elle me colle son lardon dans les bras. Je tiens le louveteau comme une maman chat : à bout de bras par le col de son body, priant pour que les pressions à l’entrejambe tiennent. Ruby dégage une aura parfumée, genre monoï ou jasmin. La chose pas discrète, un de ces trucs en bougie qu’elle affectionne, posés autour de sa baignoire. Quand tu prends un bain, t’as l’impression d’être en concert avec toutes ces lueurs tremblotantes ! J’ai mis la bougie qu’elle m’a offerte à Noel dans le cabanon du jardin. C’est très efficace contre les termites !
- Blabla…Ian par-ci, blabla, Peter par-là. Et Derek qui n’a toujours pas reparlé à Stiles.
- Normal, le fils du sheriff lui a déjà parlé pour au moins deux vies entières !
- Ils sont faits l’un pour l’autre Mafdet ! C’est évident, mais trop butés pour...
- Cormier junior a plutôt un joli p’tit cul et un joli minois. Enfin, je dis ça, je ne dis rien…
- Ils sont juste amis ! Bon, on y va ?
- Où ?
- Bien t’acheter deux ou trois robes. Tu te rappelles de notre discussion ?
- C’est pour les filles les robes !
- Tu en es une !
- Meow ! Je suis un chat !
Je crois que Ruby est l’équivalent d’un Stiles au féminin. J’ai abdiqué et me voilà à essayer des robes dans une cabine d’essayage. La vendeuse est sur le point de craquer nerveusement. Absolument tout ce qui a touché ma peau ressort plein de poils de chat. Je me transforme à chaque fois que je tire le rideau de la cabine.
Au bout d’une heure, la louve admet que, mises à part les robes de soirée qui me vont comme un gant, le reste fait sac à patate sur moi. On est une ex-déesse ou pas ! Nous sortons du magasin sans rien pour moi, mais pas sans sacs de course. Ian est habillé pour dix ans. A condition qu’il reste en taille bébé. Je porte la descendance Hale car Ruby fait la mule, les mains occupées à tenir chaque sac avec un doigt. On sent l’expérience du shopping et de la fièvre acheteuse. Nous nous affalons dans un salon de thé.
- Oh qu’il est mignon votre bébé, niaise la serveuse en me regardant et se penchant vers Ian.
- Ce clébard n’est pas le mien ! Répliqué-je. Et bat les pattes !
Je feule lorsqu’elle tente de lui caresser le haut du crâne. Je lui croque la main si elle le touche !
Le téléphone sonne. Je grogne. C’est le weekend et neuf heures est vraiment trop tôt pour que j’ouvre un œil ! Je colle mon oreiller sur la tête et maudits le chieur qui ose réveiller un chat qui dort.
- Dring !
- Meow !
- Dring !
- Groahhhh !
C’est entortillée dans ma couette que je sors le nez de ma chambre et me dirige au radar vers la source du vacarme avec la ferme intention d’éteindre ce maudit téléphone.
« Cinq Appels manqués : Ruby Hale »
- Tss, qu’ont-ils encore les fadas ?
Mon doigt appuie longuement sur la touche de côté, le menu d’arrêt apparait. J’hésite à cliquer sur le carré rouge quand mon appareil sonne à nouveau. Grrr !
- Ouais ? Dis-je sans ambages.
Des fous, je vous dis que c’est une famille de cinglés ! Ian aurait brusquement grandit en une nuit ! Et moi je suis reine d’Égypte ! Le louveteau ne semblant pas courir un danger immédiat, je croasse que je passerai dans la journée. Un bâillement plus tard et me voilà repartie au pays de Morphée, roulée dans ma couette et allongée sur le canapé car ma chambre est trop loin.
- Zzzz.
11h, une voiture qui passe bruyamment dans la rue me réveille. En mode zombi je file à la cuisine et bois mon lait à même la bouteille devant le frigo qui est désespérément vide. Nous sommes samedi matin, ça va être l’enfer au centre commercial. Le corollaire de vivre pratiquement seule, personne ne pense à votre bien être à votre place.
- Meow !
Je me souviens de l’appel de Ruby et décide de m’inviter chez les fadas. Une toilette de chat plus tard, j’enfourche ma Kawasaki et file en direction du manoir. C’est Derek qui vient m’ouvrir. Je lui fais mon regard de chat, il lève les yeux au ciel. L’intérieur de la bâtisse retentit de rires de bébé. Il faut dire que la situation est franchement burlesque avec Peter à quatre pattes sur le tapis, imitant je ne sais quel animal. Au barrissement qu’il vient de faire, je pense pour une interprétation très personnelle de l’éléphant. Trop occupé à « communiquer » avec son fils, le plus âgé des Hale ne m’a pas entendu entrer. Je prends donc mes aises et m’installe comme si j’étais au cirque Barnum. C’est Derek qui me trahit en se raclant la gorge pour avertir son oncle qu’il a une spectatrice plutôt narquoise. Spectaculaire comment un loup peut passer de la position quatre patte à debout sur ses deux jambes. Le malaise du professeur est jouissif à regarder. Je secoue la tête comme un vieux sage pour apprécier sa prestation.
- C’est la version préhistorique de l’éléphant, non ? Demandais-je d’une voix mielleuse.
Un grognement me répond et me fait remarquer qu’il est impoli de se pointer chez les gens à l’heure du repas sans prévenir.
- Je peux repartir… Répliqué-je d’un ton pincé.
Ruby arrive et calme le jeu, affirmant avoir fait bien assez à manger pour contenter une personne de plus. Je lui fais un sourire « meilleures copines du monde » qui rembrunit Peter un peu plus. Je tais ma demande suivante qui était de savoir s’il était possible d’avoir un petit apéro avant de passer à table. Puis l’autiste de neveu me rappelle qu’ils m’ont appelée pour que je me penche sur le cas de Ian. Je me rapproche donc du bambin qui agite ses menottes dans ma direction.
- ‘Af !
- Mafdet loupiot ! Ho ! Mais c’est qu’il cause le petit chiot !
- Ce n’est pas un chiot, précise une voix dans mon dos.
- Toujours cette irrépressible envie de préciser cher confrère ?
Un regard meurtrier m’accueille et un doigt péremptoire m’incite à user de mes connaissances pour expliquer le prodige de la nuit. Car effectivement Ian a pris quelques centimètres et développé le sens du langage de manière précoce. Je n’ai jamais été confrontée à ce phénomène. J’attrape le bébé, et le soulève. Vue de dessous, rien à signaler. Je le redescends, son museau au niveau de mes cuisses. Vue de dessus, rien à signaler non plus. Je le tourne sur la droite, puis sur la gauche. Rien.
- Ouvre le bec, toi !
Une bulle de bave claque dans un areuh caractéristique.
- Tient !
- Tu as trouvé quelque chose, demande Derek.
- Non ! Je note que Peter n’a pas précisé que son fils n’était pas non plus un oiseau.
« Soupir collectif des Hale dans une harmonie parfaite. »
Je calle le bébé contre mon épaule et questionne les occupants du manoir sur ce qui s’est passé depuis la veille. Ils ne m’apprennent rien sinon que Ian a dit Maman, puis ‘Ton ‘ek et enfin ‘Pa.
- ‘Pa en dernier ? Soulevé-je bien malgré moi. Donc si je résume, vous l’avez couché hier soir, il n’y avait rien d’anormal. Ce matin il a appelé sa maman dans son berceau. Il avait grandi significativement. Puis il a nommé Derek et enfin son père.
Ruby acquiesce. Grattouillant le cou de l'enfant, je tourne en rond dans le salon, marcher m’aide à réfléchir. Une croissance qui change brusquement… Une idée m’effleure l’esprit, et si… Je regarde Derek, puis Ian, puis Ruby et enfin Peter. J’hume le bébé, puis m’approche de Derek pour le sentir à son tour. Je colle à nouveau mon nez sur le bébé sous le regard agacé de Peter. Derek a subi il n’y a pas si longtemps un changement de taille assez drastique, le faisant reculer d’une bonne dizaine d’année en taille, mais également dans sa tête. Il n’a jamais voulu dire ce qui avait déclenché son retour à la normale. Je suspecte une partie de jambes en l’air avec l’autre bavard. Donc si Ian est aussi capable de ce genre de prouesse et comme un plus un font deux…
- Ruby ? Tu es sure que c’est Peter le père de Ian ? Car côté odeur y a des similitudes avec Der…
J’ai juste le temps de lancer le bébé au neveu, qui heureusement a d’excellent réflexe, et d’aller me percher en vitesse subsonique au-dessus de l’immense armoire normande qui trône dans le salon. A se demander ce qu’une armoire normande fait dans un manoir au fin fond de la Californie. Au passage j’ai perdu ma forme humaine au profit de celle de chat de gouttière bien plus leste et agile pour échapper aux crocs d’un bichon enragé.
Peter vient de se transformer en poilu baveux et grogneur pour me bondir dessus. La scène est assez ubuesque avec moi qui feule sur mon armoire, le dos rond et le poil hérissé, avec un fauve enragé qui tente de m’en déloger. Personne ne rit, sauf un bébé tout content de cette animation. Je l’aime bien ce loupiot, il a le sens de l’humour, lui. Je crois que je viens de trouver le maximum de ce que Peter peut encaisser en agaceries. Le pire est que ma dernière répartie était sérieuse ! Ian et Derek ont une odeur commune… qui peut s’expliquer par le lien de parenté, mais bon…
- Meow !
- Groah !
Une maison de cinglés ! Je l’avais bien dit ! S’il continue à grogner, le tonton bichon va se prendre une panthère sur le coin du museau. Pas certaine que le plancher résiste à mes griffes acérées, ni l’armoire normande au brusque changement de masse… Il semble me rappeler que jeunot, Derek en pinçait pour Ruby. Mon raisonnement se tient. Je feule et crache vers la main griffue qui tente de m’attraper.
L’intonation ne manquait pas d’assurance. Et le mot était clair. Ni Ruby ni moi ne rêvions. Son regard tourné vers nous était plus éveillé. Il agitait ses bras pour venir à notre rencontre. C’était bien notre fils que nous observions dans son berceau. Nous reconnaissions son odeur avant tout autre signe distinctif. Mais notre bébé loup, aussi incroyable que ce fût, avait vieilli de plusieurs mois.
Dans nos bras, il paraissait plus grand. Ses mouvements avaient plus de force. Ce fut l'inquiétude qui nous balaya avant la stupeur d'un tel phénomène. Nous avions perdu Lilia avant même qu'elle n’arrive au monde. Il était inconcevable pour nous que Ian soit atteint d'une quelconque pathologie. Mais nous eûmes beau l'observer attentivement, écouter son cœur, être attentif à sa respiration, rien ne semblait anormal. Il allait parfaitement bien. Ce réveil nocturne aurait pu être semblable aux dizaines d'autres que nous vivions depuis sa naissance s'il n'avait pas sans l'ombre d'un doute grandi de plusieurs mois.
Nous descendîmes dans la cuisine. Ian avait certainement faim et nous savions que retrouver le sommeil serait peine perdu. L’instinct maternel de Ruby lui fit rapidement sentir que les changements qui opéraient sur notre fils étaient également physiologique.
- Mon tendre, il reste l’un des petits pots que nous avons achetés pour essayer, demanda-t-elle.
La veille, j’avais promis à Derek de lui enfiler une cuillère dans le gosier s’il ne cessait pas de m’agacer. Par chance et contre toute attente, il restait de quoi sustenter notre fils.
Une ouïe surdéveloppée oblige, le neveu finit par nous rejoindre, réveillé par notre présence dans la cuisine.
- ‘Ton ‘ek ! Prononça son cousin.
- Hey ! Il parle ! S’exclama Derek.
- Oui, c’est incroyable ! Répondit ma louve. Ce matin, il nous a sortis du lit en appelant « maman » !
Je sentis le regard moqueur de Derek à mon égard et n’en compris la raison que lorsqu’il s’adressa à Ian qu’il venait de prendre dans les bras. Bien évidemment, il avait tort.
- Toi tu comprends tout de suite l’importance des gens de cette maison, ironise le neveu.
- Ton ‘ek. Ton ‘ek. Ton ‘ek, s’esclaffait Ian, aux anges lorsque son cousin le faisait planer dans le salon.
- Derek, ça suffit ! Tempêtai-je. Il vient de manger, il va tout régurgiter.
Cet argument eut raison de ses pitreries. Il reprit son sérieux et Ian son calme.
- Qu’est-ce qu’il t’arrive toi, lui demanda-t-il.
- ‘Ton ‘ek ! Continua mon fils.
Ian communiquait sommairement avec nous. Et lorsqu’il prononça « ‘Pa ! » en me regardant, mon inquiétude fondit comme neige au soleil.
- Mon fils, mon petit loup, mais oui tu as prononcé papa ! Attestai-je.
- Parle lui correctement à ce pauvre gosse, se moqua Derek, sans doute vexé de ne plus être le centre d’attention.
- Je vais appeler Maf, prévint ma douce. Elle aura peut-être un soupçon de réponse sur ce qui se passe.
Tout ce qui était étrange et inconnu requérait très souvent l'avis d'un druide. Il en allait ainsi de tout temps au sein d'une meute. Si l'émissaire était un être humain, il n'en demeurait pas moins légataire de la sécurité de tous. Au même titre qu'un alpha. Il était le pendant naturel parmi les surnaturels. Le genre d'équilibre vital que mentionnait souvent Mafdet.
Et ce fût à elle que nous pensions pour éclaircir le mystère. Elle ne l'avouerait pas en public mais elle tenait énormément à notre enfant. Que sa mixture ait pu empoisonner Ian était à exclure. Néanmoins, l'erreur était humaine. Et Mafdet, dorénavant, pouvait être un peu...rouillée. C'était une image explicite lorsqu'elle se montrait justement grinçante.
Ruby faisait les cent pas autour de nous. Son amie ne répondait pas malgré ses multiples tentatives.
- Combien de fois as-tu essayé de l’appeler au juste ? Demandai-je.
- Cinq fois. Sans réponse, s’enquit ma louve.
- Et bien essaie une sixième fois, dis-je. Ces maudits félins ont sept vies, je parierais qu’il en faut au moins autant pour les réveiller.
J’eus confirmation que ma collègue professeur avait décrochée lorsque je tendis l’oreille pour entendre sa voix encore prise par le sommeil.
- Le bon côté des choses, est que je vais pouvoir lui apprendre des conneries à faire plus rapidement…
- Derek…, grognai-je dans un souffle rauque.
/ / /
- Qu’est-ce qu’il fait papa ? Demandai-je à Ian assis sur le tapis, le dos contre le canapé.
Depuis ce matin, je tentai de savoir à quel point la capacité de compréhension de Ian avait pu évoluer dans la nuit. Ainsi, après avoir fait le tour du manoir pour nommer les objets et les pièces qui s’y trouvaient, j’imitai toute sorte d’animaux.
Derek m’interrompis par un bruit de gorge et me donna un coup discret dans les talons.
Je levai les yeux pour découvrir un sourire carnassier autant que moqueur penché au-dessus de moi.
- Mafdet ! M’exclamai-je de surprise.
- C’est la version préhistorique de l’éléphant, non ? Demanda-t-elle en feignant d’être sérieuse.
- Je sais que Ruby t’a appelé mais tu aurais pu prévenir de cette visite en pleine…expérimentation familiale, grognai-je.
- Je peux repartir… Riposta-t-elle, sûre d’être la bienvenue pour élucider notre mystère actuel.
- Mon tendre, j’ai préparé le repas pour la meute entière, intervint ma louve. Ça ne pose aucun problème à ce que Mafdet se joigne à nous.
Elle se sentit confortée et pris davantage ses aises. Encore une fois, ce fut Derek qui retint la goupille.
- Maf, on t’a appelé pour Ian, intervient-il.
Comme si mon fils comprenait que nous parlions de lui, il agita son nez en direction de notre druide et sourit de plus belle.
- ‘Af ! Bafouilla-t-il.
J’aurais admiré que Ian l’appelle « tati ». Je fus persuadé que plusieurs plis, de contrariété et non de sagesse, apparaitraient instantanément sur son visage.
J’imaginais son visage affublé de ridules et un gilet rose défraichi sur le dos. La parfaite panoplie de l’attendrissante et collante nounou gaga. Dolores Ombrage à Beacon Hills. Mais pour le moment elle n’en revêtait que le nom, si on se référait à son apparence et à la couleur des poils qu’elle semait dans le manoir à chaque visite.
- Mafdet loupiot ! Ho ! Mais c’est qu’il cause le petit chiot ! S’étonna l’ancienne sentinelle.
- Ce n’est pas un chiot, précisai-je d’un grondement.
- Toujours cette irrépressible envie de préciser cher confrère ? Insista la chimiste.
Je tendis l’index, accusateur, pour lui signifier mon agacement mais ajouter quoique ce soit lui aurait assuré la victoire sur mes nerfs.
Mafdet prit Ian dans ses bras et le manipula comme une poupée de chiffon. Ruby avait parfaitement confiance en elle. Ce n’était pas tout à fait le cas pour moi. Je la savais agile et malgré tout protectrice envers notre fils.
- Ouvre le bec, toi ! Demanda-t-elle en mimant le geste.
En gazouillant, Ian s’exécuta, perplexe quant à l’examen qu’il subissait.
- Tient ! Réagit la druide.
- Tu as trouvé quelque chose ? Demanda Derek.
- Non ! Je note que Peter n’a pas précisé que son fils n’était pas non plus un oiseau, médit-elle.
Son trait d’humour fut accueilli par un soupir familial. Amusé pour Ruby, blasé pour Derek et courroucé pour ma part.
Je savais que la couleur rouge seyait à ma douce mais il était fort probable qu’elle obtienne incessamment sous peu une écharpe noire en fourrure de chat !
Ruby répond avec douceur aux questions de son amie, rappelant notre emploi du temps de la veille et s’attardant sur ce qui aurait pu sortir de l’ordinaire.
- ‘Pa en dernier ? Insista Mafdet avec sournoiserie. Donc si je résume, vous l’avez couché hier soir, il n’y avait rien d’anormal. Ce matin il a appelé sa maman dans son berceau. Il avait grandi significativement. Puis il a nommé Derek et enfin son père.
Cette explication ne donna pas l’ombre d’une piste à la druide. Il ne s’était absolument rien produit. Lorsque Derek avait subi le phénomène inverse, une blessure avec une arme spéciale en était la cause. Notre fils allait bien, dieu soit loué.
Mafdet nous scruta tour à tour. Puis, comme pour confirmer un soupçon, elle nous huma avec profondeur, s’attardant davantage sur Ian et Derek.
- Ruby ? Tu es sure que c’est Peter le père de Ian ? Demanda l’inconsciente. Car côté odeur y a des similitudes avec Der…
Je grognai plus que jamais face à cette accusation, sautant au dessus d’un fauteuil pour me précipiter sur elle.
La première fois elle a menacé de se faire les griffes sur le canapé. À présent, c’était moi qui allais dessiner avec plaisir des sillons sanguinolents sur sa peau !
- Meow ! Se plaignit la proie acculée.
J’en ferai non pas une fourrure mais un rôti ! Peu importait qu’elle soit savoureuse ou non tant qu’elle disparaissait dans la douleur !
- Peter…, m’interpela Ruby.
Mafdet feulait, je grognai. Elles sortaient ses griffes, je montrais les crocs.
- Peter ! Accentua l’alpha, me forçant à faire taire mon loup qui mourrait d’envier d’étriper CE chat.
Mafdet fit un bond depuis le haut de l’armoire pour atterrir aux côtés de son amie en retrouvant sa forme humaine avec souplesse. Si elle avait nul besoin de la protection de Ruby, l’autorité dont mon épouse venait de faire preuve suffisait à taire le conflit.
Alors que Ruby retournait à la cuisine, Mafdet et moi nous toisions, prêt à ce que notre animosité mutuelle relance la querelle.
- À table, lança ma douce.
Derek me tapota l’épaule en me soufflant qu’il fût préférable que nous nous installions. Les félins étaient pires lorsqu’ils étaient affamés. Mafdet, plus qu’une autre, n’échappait pas à la règle.
Je fulminai intérieurement. Son aide était vaine. Pire, elle venait semer le trouble dans notre foyer. Son dernier affront ne resterait pas impuni. Si j'avais pu préparer en silence mon retour à la vie et une vengeance aussi brûlante que le feu qui m'avait consumé, j'étais parfaitement capable d'intriguer froidement pour moucher l'impétuosité de la femme féline à mon égard.
Nous nous croisions tous les jours sur notre lieu de travail. Un terrain sur lequel je ne risquais pas d’être entravé par l’amitié entre ma douce et Mafdet. Et où la retenue serait de mise. Ni le chat ni la panthère ne pourraient se sortirent des agaceries d’un collègue au sein du lycée.
/ / /
Le lendemain, nous fûmes reçus par le proviseur. Il évoqua l’un des faits divers marquants de ces derniers jours. Dans un autre établissement scolaire californien, une personne mal intentionnée avait ouvert le feu dans la foule. Plusieurs élèves furent tués.
Des dispositions furent prises dans les lycées de l’état, obligeant les conseils d’administration à transmettre une fiche d’information sur l’ensemble du corps professoral.
La formalité dérangea plusieurs d’entre nous mais il fût rappeler quel était l’objectif de la démarche et sa nécessité pour la sécurité des élèves.
Focalisé sur le plan d’agaceries que je comptais déployer pour ma confrère et druide, je m’assurai qu’elle n’ait plus qu’un très stylisé stylo à froufrous rose pour écrire. Première goutte d’eau dans le vase de la patience et de la sérénité.
L’un des autres professeurs détailla la fiche qu’elle venait de remplir. Lorsqu’il s’apprêta à faire une remarque, la diatribe cinglante de Mafdet et son regard de tueuse lui serra tellement la gorge qu’il fut incapable de finir sa phrase.
Elle s’éclipsa de la réunion me laissant tout le loisir de découvrir ce qui avait provoqué la surprise chez mon confrère.
Alors, je compris ce qui, peut-être, impactait autant sur notre druide : Mafdet prendrait bientôt une année supplémentaire. Quelle nouvelle !
Je l’imaginai alors acariâtre et vieille. Je me demandais vers quel âge il deviendrait nécessaire qu’elle ne se nourrisse que de purée au pâté pour chat, incapable d’user de ses crocs élimés ou manquants.
Quelque part, dans des pensées lointaines, très lointaines, je compatissais avec la solitude et la rancœur qui la blessaient. Jadis incontrôlée et divinement puissante, elle acceptait difficilement la prise que la vie avait sur elle.
Mais pour mon plus grand plaisir, tout ce qui pouvait exacerber sa colère et animer sa mauvaise humeur avait un effet parfaitement contraire et de même ampleur sur ma journée.
Quand il s’agissait de trouver de multiples stratagèmes pour que les élèves les plus récalcitrants se montrent moins hermétiques à la littérature et obtiennent des notes correctes, je manquais parfois d’imagination. Mais pour rendre la monnaie de sa pièce à cette très chère Mafdet, j’étais une source inépuisable d’idées.
Je savais combien les « trucs de fille » pouvaient l’agacer. Mais le romantisme de Shakespeare inspira une facétie qui allait malicieusement faire disparaitre le sourire narquois qu’elle affichait depuis cet incident au manoir.
Ô Mafdet, comme la couleur rose te va à ravir. Et ce, pour toutes ces choses que je mettrai bien en vue afin que tu n’en loupes rien.
Des copies rangées dans une pochette rose, une pimbèche venant la solliciter à ma demande, un mot d’un admirateur secret, un bouquet de pivoines roses impromptu.
Et si elle tentait de savoir que j’étais derrière ces quelques faits, écoutant les battements de mon cœur, elle pourrait très bien mettre ça sur le compte de l’énervement qu’elle m’inspirait. Et le doute ne ferait que l’agacer davantage.
À la sortie des cours, quand je me dirigeai vers la voiture, je perçus très nettement une présence qui m’observait. Soudain, une forme sombre et furtive se faufila dans mes jambes avant de disparaître.
- Mafdet ! Grondai-je. Elle se faisait un malin plaisir à constamment faire irruption là où je ne l'attendais pas.
Je me tournais pour découvrir qui semblait m’épier mais je ne vis personne. Maudit chat, au mauvais endroit, au mauvais moment.
Il y avait toujours eu des élèves perturbés à lycée de Beacon Hills. Comme partout ailleurs, présumai-je. Mais cet établissement sortait lui aussi de l'ordinaire.
Parmi eux, très rares étaient ceux qui désiraient m'adresser la parole en dehors des heures de cours. Je prenais ce comportement pour une illustration respectueuse de l'autorité que j'imposais à mes étudiants. Je me souvins d'une jeune femme, Isabella, qui s'était entretenu avec moi de plusieurs sujets par le passé. Elle avait mystérieusement disparue quelques temps plus tard.
Aussi, fier de cette aura qui empêchait quiconque de m'importuner, je fus gagné par la consternation lorsque le sentiment d'être suivi et épié dépassa la simple paranoïa les jours suivants. Mêlé dans la foule des étudiants et le brouhaha qui régnait dans les couloirs, le coupable pouvait passer inaperçu.
/ / /
Si certaines personnes mal pensantes qualifiaient le manoir de maison de cinglés, je râlais pour ma part qu’il s’agissait davantage d’un moulin. Ma relation avec Malia n’était pas ordinaire. Il semblait que la situation nous convenait à tous les deux. Le lien père-fille nous avait été arraché par Talia qui avait fait disparaitre mon premier enfant de mes souvenirs et de ma vie. Malia était indépendante et encore sauvage. Malgré son passé et bien qu’elle ait grandi en pleine nature à l’état de coyote, je percevais en elle des traits qui m’étaient propres. Cette sauvagerie était en partie innée.
Ce jour-là, Alex Cormier, un jeune homme que je ne portais pas dans mon cœur et qui ressemblait de plus en plus à son père rendit visite à Derek. La relation du neveu avec cet apprenti druide soulevait toujours la curiosité de ma louve. Mais si Ruby n’en disait rien par respect pour son bêta, je taquinais quelque fois Derek sur le calme apporté par l’absence de Stiles.
Le fils du sheriff fit également irruption chez nous, manquant de s’étouffer lorsqu’il découvrit son ex petit-ami en compagnie d’un autre.
J’écoutais, bien malgré moi, leurs échanges d’une oreille distraite, guettant le moment où la discussion deviendrait houleuse pour leur demander de quitter le manoir.
Ian dormait paisiblement, sa croissance anormale nécessitait plus de repos qu’un enfant de son âge. Cette constatation n’était pas sans nous inquiéter.
- Je crois qu’une discussion s’impose entre nous, déclara Derek. Mais sans oreilles indiscrètes.
- Et merde, râlai-je à mi-mots.
- Chut, mon tendre, répondit Ruby assise sur un sofa.
La discussion entre les trois garçons fut sans aucun doute riche. Lorsqu’ils revinrent dans le salon, l’ambiance fut maussade et les visages tirés.
Un grand fracas résonna dans la cuisine. La maladresse de Stiles était remplacée par celle de Malia qui venait de faire tomber les casseroles sur le sol.
- Le prochain qui entre ici sans y avoir été invité ne ressortira pas entier, grognai-je, saturé par le manque de calme au manoir.
Ce fut le moment que choisit un intrus pour s’immiscer dans la scène.
Personne ne remarqua que quelqu’un nous observait depuis le seuil de la porte restée ouverte et venait juste de toquer.
Therence Garnet.
Je lui avais pourtant déjà dit de ne plus croiser notre route. Avant que Ruby ne le mette en contact avec Miya pour un voyage à Boston, je m’étais entretenu avec lui. Je me souviens distinctement de mon avertissement : « N'oublie pas, Therence. Si j'ai pu survivre aux flammes, rien ne m'empêchera de te retrouver si tu t'immisce encore dans notre vie. »
Mais ce jeune homme semblait enclin à ne respecter aucune règle ni code de conduite. Sinon celui qu’il a lui- même édicté.
Il était vêtu différemment. La chemise semblait neuve, peut-être une coupe italienne. Voulait-il faire bonne figure et éviter de se faire éviscérer en adoptant un style vestimentaire plus digne du parfait gentlemen que sa traditionnelle veste en cuir ?
En voyant cet air troublé sur son visage, je mis enfin un nom sur l'étudiant qui m'avait pris pour cible tel un paparazzi. Je grognais, mâchoire ouverte, de ne pas avoir découvert son identité plus tôt. Toutes ces fois où il se trouvait à proximité ou dans mon champ de vision. Des images en saccades dans lesquelles il figurait toujours me revinrent en mémoire.
À la sortie de la salle des professeurs, le jour où Mafdet s'était éclipsée de réunion. Après un cours tardif pour des rattrapages auquel il n'avait pas participé mais déambulait sans raison dans la cours du lycée. Sur le parking, à la cafétéria, dans le couloir, dans les toilettes, dans...
C'était lui qui me suivait, m'épiait.
- Peter ? S'inquiéta Ruby.
Mes griffes étaient sorties, accueillant l'adolescent comme il se devait. Qu'il se manifeste ici était la goutte d'eau.
Notre quotidien était trop envahi à mon goût. Et la menace que j'avais prononcée une minute plus tôt n'était pas factice.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mar 10 Oct 2017 - 0:02
Broken familly
-C'est vrai que je suis un orphelin?
Maman lève le nez de ses notes et manuels d'art, étalés sur ses genoux.
-Qui t'as dit ça?
-Nelly, à l'école.
-Bien sûr que non chéri. Je suis là. sourit-elle gentiment.
-Oui, mais Nelly dit que orphelin, c'est aussi quand on a pas l'un de ses deux parents. grimpè-je le sofa pour m'installer à côté de maman qui pousse ses papiers et m'ouvre ses bras. Je me cale contre elle avec ma brusquerie de petit garçon contrarié puis dresse un petit air triste vers elle. Il est où mon papa?
Maman ne dit rien. Une mèche souple me cache son regard céruléen. Ses lèvres restent immobiles plusieurs secondes.
-Ne pose pas de question dont tu ne veux pas connaitre la réponse, Therence.
-Ça veut dire quoi?... froncè-je des sourcils.
-Ça veut dire que tu n'es pas orphelin parce que je suis là, et que je serais toujours présente pour mon petit garçon. chuchote t-elle en caressant affectueusement mes cheveux et embrassant mon front. Et elle se replonge dans ses papiers comme si de rien n'était. Mes questions restent en suspends, mais pas bien longtemps avant de l'imiter et suivre mon dessin-animé à la télé. Sans apercevoir le regard de maman qui tout en câlinant ma tempe, s'évade quelque part par delà les rideaux opaques de la fenêtre.
* * *
Debout devant la vitrines dans le hall du lycée, hermétique au mouvement des élèves dans mon dos, je fixe une photo dont la plaque dorée célèbre fièrement Peter Hale, meilleur attaquant.
Je lève les yeux du portrait de l'adolescent pour diriger mon regard vers l'homme qui se tient dans le couloir devant sa classe. La circulation d'élèves me parait flou autour du professeur de littérature, statique au cœur de la mouvance. Je reste méfiant, interrogatif sur notre lien. En dehors de ça, est-ce que lui m'a déjà remarqué? Qu'est-ce qu'il pense de moi? Est-ce que je ne suis qu'une mauvaise graine aux yeux d'un prédateur échaudé, ou est-ce que le professeur perçoit quelques qualités chez l'élève effronté mais intelligent?
Il n'y a qu'une façon de le savoir. Je prend mon courage à deux mains, fait un pas en avant, résolu... ...Quand Peter se fait ravir par la prof de chimie. Je ravale ma témérité et recule maladroitement avant de faire demi tour et disparaitre en direction des escaliers qui mènent vers le toit de l'école.
Mon voyage à Boston afin de découvrir l'identité du Loup-Rouge de mon tableau, seul indice concernant mon paternel laissé par ma mère, ne laisse pas beaucoup de doutes malgré le quota de loups potentiels. Le kamiga est trop jeune pour correspondre au profil que je recherche, Ruby est une femme, le père de Miyavi un japonais pur souche, et le dernier se révèle être un mythe vieux de plus de deux siècles réveillé depuis peu. Tout me renvoi vers Peter Hale. Peter Hale le loup survivant de l'incendie du manoir, Peter Hale au tempérament sanguinaire, Peter Hale dangereusement assoiffé de puissance, Peter Hale coureur de ces dames et aux assauts fertiles. ... Mais Peter Hale aux yeux lupin d'une couleur glace absente de la peinture. Peter Hale qui n'a rien de si sage contrairement à l'analyse de Derek...
Qui est-il pour moi?
Qu'elle relation ce type aurait eu avec ma mère? Est-ce que c'est lui qui l'aurait incité au silence?... Ou n'est-il que l'objet involontaire de ses secrets, au même titre que moi? Nous a t-il fuit, nous a t-il chassé? Je vis dans sa ville, j'ai arpenté les mêmes couloirs et salle de cours que lui, nous nous sommes regardés dans le blanc des yeux. Est-ce qu'il m'a sciemment ignoré, tout ce temps? Ou bien ignore t-il réellement mon existence?...
Ma mère, elle, quoiqu'elle se soit tu ne l'a pas oubliée. L'écran du téléphone entre mes doigts affiche la peinture d'un loup à l'expression sauvage et aux teintes embrasées quand dans l'encadrement d'une fenêtre de salle de classe, le professeur apparait, le nez dans son recueil. Assis sur un banc avec des camarades, la cours tranquille en cette fin de journée, sent-il les yeux qui interrogent chacun de ses mouvements?
Le professeur soupçonne t-il cette ombre qui ralentie au passage de la porte entrebâillée pendant qu'il débat avec ses collègues? Se doute t-il qu'il est le sujet d'une étude minutieuse chaque fois qu'il traverse le réfectoire bondé? Sa nuque se hérisse t-elle avec l'impression qu'une présence l'observe depuis le toit de l'école? Discerne t-il les battements anxieux, comme un avertissement, dans la cacophonie cardiaque d'une interclasse? Remarque t-il, perdu parmi une foule d'autres adolescents aux problèmes existentiels aussi intenses que futiles, le blouson noir à la renommée écarlate?! A t-il conscience de cette existence hésitante qui gravite autour de la sienne, qui cherche à appréhender chaque aspect de l'homme et de l'animal, espère se faire remarquer, s’immiscer dans son champs de visions obstrué et se rappeler à sa conscience?...
Il sort les clefs de la poche de sa veste en s'engageant dans le parking. J'émerge d'un coin, obstiné mais nerveux. Je piste un prédateur. Combien en a t-il traqué des comme moi? Derek m'avait parlé de son état après l'incendie, et lui-même m'avait raconté les conséquences terribles de sa folie. C'est un tueur redoutable. Et a Beacon Hills, une mort de plus ou de moins... Mais j'ai espoir de l'attraper quand il sera enfin seul à l’abri des regards, et d'avoir une conversation. Faut pas croire, je suis pas assez dingue pour régler mes comptes à grands coups de gueule. Ce serait trop facile pour un géniteur de nier avoir un fils en sachant que ce dernier est juste là, en quête d'assentiment. Il faut le prendre à revers, lui tendre un piège! Qu'il se souvienne de ma mère, qu'il admette avoir couché avec elle, qu'il ne puisse pas nier être le loup du tableau... l'obliger à me regarder, moi, à me reconnaitre, et à m'expliquer enfin le mutisme de ma mère et la raison de son absence qui me pèsent depuis toujours. Je tire le nez de derrière le mur quand il arrive à sa voiture. Mais en l'espace d'une seconde, tout bascule. Il se tend, je peux sentir une menace faire vibrer l'air. Je m'affole, et aussi vite qu'un chat noir me frôle les chevilles, je prend la fuite.
M*rde, m*rde! M*RDE! J'y arrive pas! Il suffirait de faire un pas en avant, ouvrir la bouche, et engager la conversation!... Sauf que non, ça ne sera jamais aussi simple. Parce que c'est Peter Hale, glaçant, inabordable... meurtrier! Et que je viens réclamer les réponses d'un père...
Père affranchi. Ou père ignorant. Un père qui en est déjà un... Un loup. Qu'est-ce que je suis? Un accident dont ma mère a pris la charge? Ou aurait-il eu des raisons, ce fauve de naissance, de refuser une descendance dénué de bestialité?... Je peux difficilement deviner la réaction d'un tel paternel de se découvrir ou redécouvrir un rejeton sans puissance. Est-ce que les plus faibles de la portées ne sont pas mis de côté quand ils ne se font pas bouffés? Où est-ce que je me situerais d'un point de vu lupin entre un marmot aux dents de laits aiguisées et une espèce de sauvageonne?!
Je ne suis pas un loup, moi. Pourtant, je pourrais devenir bestial s'il le faut.
* * *
Chez moi j'ai retourné le tableau de ma mère la face contre le mur contre lequel il est posé. J'ai pas la conscience tranquille. Je suis pas superstitieux, mais sait-on si dans ce monde de dingue un bout d'âme pouvait connecté le loup à la peinture et qu'à la façon dont je l'observe, je ne me face pas moi-même observé en retour. Mon imagination me joue des tours. Et je bois pour m'en convaincre et surmonter ma flippe et mes frustrations.
Je fais les cents pas dans mon coin parce que je ne n'ose pas confronter le loup, ni recevoir les réponses du père. Ne pose pas de questions dont tu ne veux pas connaitre la réponse, Therence. Mais je veux ces p*tain de réponses! Je les aient voulus toute ma vie... Je peux pas continuer à l'épier comme un pervers, je me fais honte. HONTE!
La bouteille rebondie contre le mur de la chambre en rependant le reste de boisson sur son passage. Elle n'éclate pas, elle rebondie. Bêtement.
Je vais aller lui parler! Chez lui, là où il pourra pas fuir. Il sera obligé de me voir, non! de me regarder! Maman était douée pour faire l'aveugle, j'ai fini par savoir comment me faire remarquer avec le temps... Et s'il me tourne le dos, s'il me ferme la porte au nez, je lui hurlerais mes quatre vérités! Ouais Peter! Ton fils est là, et il te cause!... Quitte à foutre sa parfaite petite famille en l'air. Ah! Je le tiens le loup. Et je la tiens la fin de tous mes maux.
Je ris joyeusement de ma bonne résolution. Mais mon sourire se meurt... Je peux pas y aller comme ça... je suis pris d'une frénésie subite de trouver quoi me mettre. Je farfouille dans mes affaires en me demandant ce qui me mettrait le plus en valeur aux yeux d'un père. Le père a des exigences pour sa progéniture! Sois un homme mon fils! Habille toi comme un homme. Pas un ado au sweat épais et négligé, pas un m'as-tu-vu au débardeur qui met trop en valeur sa musculature. Pas un rebelle qui s'affiche avec un blouson noir significatif... J'ai peut-être grandi sans lui pour me donner l'image d'un homme, un vrai, je sais quand même me rendre présentable... Ma main tire une manche et s'y attarde dessus. La chemise d'Alessandro, qu'il m'avait donnée en dédommagement pour mon t-shirt déchiré par ses soins le soir où... bref. Je sors le tissus cotonneux de mon armoire, le contemple nonchalamment en caressant la texture douce et compacte entre mes doigts. Je ne l'ai pas porté depuis ce soir là et l'ai gardé cachée dans mon armoire à l’abri de la visite impromptu d'un wendigo. Elle a toujours une légère odeur de tabac froid.
Je me dessape et me couvre du rouge de la chemise de l'italien. La couleur du courage dont j'ai besoin. Pas criarde mais une teinture sombre, sobre, mûre, qui tire d'avantage sur le bordeaux. Non...
Le grenat.
* * *
Quand j'arrive devant le manoir, je reste bouche bée. Les ruines que j’avais visité pour obéir à un gage de Derek ont laissées place à un manoir grandiose. L'espace d'un moment, je me demande si je suis au bon endroit. Imbibé d'audace, je fais un demi tour chancelant sur moi-même, reconnais pourtant vaguement la structure de la végétation qui entoure les lieux... le petit chemin que j'ai pris pour venir... la Shelby rouge de Ruby, la caisse de Peter...
Il n'est pas trop tard pour faire marche arrière. D'ailleurs, je refais marche arrière. Plusieurs fois. Je maltraite ma chevelure en revenant précipitamment sur mes pas, tiraillé par l'appréhension de ce qui m'attendra après que j'ai franchis ce porche, et un désir intrinsèque, vorace, de régler mes interrogations de toujours. Je pourrais pas continuer à vivre en me demandant milles "pourquoi?", alors qu'il est là, juste là... Quelque chose s'embrase en moi. Et avant même que je prenne conscience que mes jambes mon portées ailleurs, je me retrouve à sauter la dernière marche vers la porte d'entrée.
-Le prochain qui entre ici sans y avoir été invité ne ressortira pas entier!
Toc Toc
Mon point reste bêtement levé face à l'encadrement de la porte que je regrette d'avoir heurté. Le salon est bondé et l'atmosphère tendue. Un dernier ustensile raisonne avec un petit bruit métallique contre le sol de la cuisine en écho à mon malaise. Ruby, Derek, ils sont tous là. Malia aussi, et Stiles et un autre quidam se sont joint à la famille... Il est là.
Je reste cloué sur place, mon envie de fuir la maisonnée beaucoup trop pleine douchée lorsque mon regard croise celui du paternel. Mon regard reste vissé sur lui, mon cœur s'emballe. Les symptômes d'une peur croissante pour le flair lupin. Une émotion trouble qui ne doit pas être étrangère aux effluves d'alcool qui m'échappent, non plus.
Peter semble prêt à bondir, les griffes apparentes, Ruby le retient délicatement. Les yeux ronds d'appréhension, je fais un pas en arrière avant de me ressaisir. Je ravale ma peur. Je partirais pas, je suis un p*tain de roc, et je mérite ces réponses! Je prend une grande inspiration.
-'Faut que je parle au professeur H-
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que je me fais faucher par le fauve. Il m'embarque hors de la maison d'un pas vif. Je crois qu'il va m'envoyer valser à travers le porche et regagner l'intérieur, mais il me traine loin des curieux, du côté de ma moto que j'ai laissé à l'entrée du terrain. Mes hanches heurtent violemment le flanc du bolide quand il me relâche, et il tourne les clefs que j'ai laissée dans le contact pour allumer le moteur. Mon regard passe de sa main aux gestes agressifs à son regard couroussé, malassuré, puis d'un même mouvement que lui, aux fenêtres du manoir où s'agglutine peut-être des oreilles indiscrètes. Je n'ai pas pensé que trouver Peter chez lui ce serait débarquer au beau milieux d'une réunion de famille avec petit copain et autre genre de copain inclus. Le loup vient de nous éviter un scandale public. Je crois... Mais ça me rassure rien du tout que le carnassier s'isole avec moi pour empêcher les autres d'assister à notre entrevue.
-... Vous... vous êtes pas facile à aborder... tentè-je de reprendre contenance, petit à petit.
S'il veut me bouffer je doute de pouvoir l'en empêcher. Mais s'il voulait vraiment le faire, il ne se serait pas arrêter aux abords de la maison avec les autres qui surveillent de loin. Pas vrai?...
La Harley grogne bruyamment et couvre nos voix. Mes yeux restent accrochés à ceux de l'homme comme si je ne voyais plus que ça, inquiet, mais émus aussi. Effronté, un peu... j'ai intérêt à l'être si je veux pouvoir le faire parler. Les mains et les fesses appuyées sur la scelle de la bécane, je me redresse lentement malgré la proximité effrayante du loup.
-... Vous... Vous avez les yeux bleu. Mais vous ne les avez pas toujours eu de cette couleur, n'est-ce pas?
Il a eu les yeux rouge. Rouge Alpha. Je jette un œil nerveux côté manoir puis en reviens à ses glaçantes.
-Les femmes, vous les aimez précieuses?
A sa tête, un petit rire m'échappe et je précise le fond de ma pensée.
-Ruby.
Une gemme écarlate.
-Ça ce comprend, elle est belle... Vous l'aimez?
Je ne le lâche pas des yeux. Je veux voir chacune de ses expressions, le moindre sourcillement, je veux saisir l'ombre d'un doute, l'éclat d'une prise de conscience dans ses iris claires qui contrastent d'avec les miennes, brunes et rendues humides par l'alcool.
-Vous... vous avez déjà aimé une autre femme? Avant elle. Avant Ruby. La mère de Malia?
Ou n'était-ce qu'une erreur?...
-Qu'est-ce qu... qu'est-ce que ça vous a fait quand elle a débarquée dans votre vie? Qu'elle se tenait là. Juste devant vous. Après toutes ces années.
Qu'elle vous dévisageait, fébrile, le cœur prêt à rompre sous la pression.
-Est-ce que vous vous êtes rappelé d'elle? Le visage de sa mère? De toutes les femmes que vous avez croisé?!
Mes points trembles, ma voix aussi, et à la réputation du père qui se tient devant moi je ris, d'un rire purement nerveux.
-Parce que parait que les femmes, ça vous connait!
Dernière édition par Therence Garnet le Jeu 8 Fév 2018 - 23:54, édité 1 fois
Invité Invité
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Sam 9 Déc 2017 - 1:05
One Big Family
Malia s'en sort plutôt bien avec son demi-frère. Même si elle est plutôt brute de décoffrage, elle est toujours extrêmement douce et précautionneuse avec lui. Parfois, j'ose imaginer comment elle aurait été avec sa demi-soeur. Je pense ue cela aurait été explosif. Je m'muse à les imaginer, se disputant parce que la plus jeune n'aurait cesser de vouloir imiter la plus vieille et pourtant, nul n'aurait eu le droit d'insulter l'une des deux sans se retrouver enserré dans les griffes de l'autres. Je compte beaucoup sur Malia pour prendre soin d'Ian. Je peux le sentir, mon fils sera calme, timide, probablement peu loquace et surtout très sensible. Peter et moi allons devoir le protéger mais aussi l'aider à se lancer, et à l'heure actuelle, je me demande si je vais en être capable. J'ai tellement peur qu'il lui arrive quelque chose.
Il m'arrive souvent de laisser Ian avec Derek. J'ai une entière confiance en lui, parfois plus qu'en moi-même. Souvent, je fais cela lorsue je ressens le besoin de me réfugier dans mes rêves, ce qui arrive de plus en plus souvent. Parfois, je le fais lorsque la faim, sa faim, se fait trop grande. Contrairement à moi, Peter, ne peut se reposer pendant la journée. Je ne peux décemment pas le faire sortir toutes les nuits. Et puis, sans doute, qu'inconsciemment, je ne veux pas non plus qu'il suive mon chemin. Nous ne ferions qu'aller de plus en plus loin... Ou peut-être que je ne veux pas qu'il m'empêche d'aller plus loin... Non, vraiment, en fait, je préfèrerai qu'il soit avec moi à chaque fois, mais parfois, j'ai bien trop envie de...jouer ou de manger, pour l'attendre.
Mais pour le moment, ça va. Pour le moment. Stiles repasse par le manoir et s'en va. S'il me semble que le malaise qui le tenait à l'écart de Derek est dissipé, quelque chose s'est brisé. Les choses changent. Ils vont devoir avancer désormais. Passer à autre chose. Evoluer. Grandir. Je ne peux pas aller me reposer. Peter est toujours dehors avec Therence. Que veut l'adolescent ? Quel est ce trouble qui vient jouer avec son poul. Que se passe-t-il, mon tendre ? Qui est ce garçon pour toi ?
Je ne peux m'empêcher de me demander. A-t-il eu un autre enfant ? Pour être honnête, cela ne me gênerait pas le moins de monde. Peter a eu une vie bien remplie. Tout comme moi. Et je protègerai et chérirai Therence, comme je protège et chéri Malia et mon fils. Malia me regarde. Elle aussi se questionne sur la présence du rebel au manoir. Je lui souris et j'embrasse sa tempe.
- « Ce manoir est conçu pour accueillir une grande famille ma chérie. Et les cerfs de cette forêt sont de bonnes bêtes faites pour nourrir de nombreuses bouches !
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Jeu 11 Jan 2018 - 21:16
Sour Wolf
- Faut que je parle au professeur H., déclare Therence, le poing encore suspendu contre la porte d'entrée.
S'il avait toqué, ce qui était la moindre des politesses, il se présentait à un mauvais moment.
Je me précipitai à l'extérieur, l'attrapant vigoureusement par l'épaule, si vite que nous descendions les quatre marches du perron en deux pas.
Je distinguais la moto avec laquelle il était entré sur notre propriété. Avec les effluves d'alcool qu'il dégageait, le risque de ne pas arriver à destination était grand. Bien mal était donc qu’il soit arrivé de manière inopportune alors que le manoir grouillait, un peu trop, de vie, et de bruits !
L'imprudent avait laissé les clés sur le contact de son engin. Un tour et le moteur démarra, nous assurant une certaine intimité sur le territoire de loups dont l'ouïe était fine.
Je m’assurais ainsi que notre conversation soit confidentielle. Tout comme la couleur grenat de sa chemise masquerait d’éventuelles traces de sang.
-... Vous... vous êtes pas facile à aborder...bafouilla-t-il.
- C’est l’objectif que je poursuis en vivant dans un manoir au cœur de la forêt, rétorquai-je.
-... Vous... Vous avez les yeux bleus. Mais vous ne les avez pas toujours eu de cette couleur, n'est-ce pas ? Demanda-t-il en me dévisageant.
Je n’appréciais guère être questionné de la sorte par un gamin qui arrivait inopinément chez moi. Qui plus est alors qu’il rôdait mystérieusement autour de moi au lycée. Je ne flairais aucune menace. Pour ma famille et pour moi-même, je n’aurais pas hésité à l’étriper si tel était le cas.
- Tu connais la réponse à cette question, fustigeai-je. Si tu as quelque chose à dire, ne tergiverse pas. La rhétorique fend l'âme des hommes comme la hache le bois mort.
À la grimace qu’il m’adressa, je sus qu’il n’avait pas saisi le sens de ma seconde phrase.
- C’est une citation de Lycophron, expliquai-je sans qu’il ne comprenne davantage.
Son regard se détourna vers le manoir, l’esprit confus par ce manque cuisant de culture littéraire.
- Pourquoi la poésie en grec ancien n’a plus sa place dans le cursus scolaire, maugréai-je.
- Les femmes, vous les aimez précieuses ? Reprit-il sur un sujet encore plus personnel.
Cette fois, je fus celui qui ne voyais pas où il voulait en venir précisément. Les propos inintelligibles d’un élève mettaient toujours mes nerfs à rude épreuve.
Venait-il quémander des conseils amoureux ? Les jeunes d’aujourd’hui ignoraient tout de la véritable séduction, du romantisme, de la fusion intellectuelle bien avant l’union charnelle.
- Ruby, précisa-t-il. Ça ce comprend, elle est belle... Vous l'aimez ?
Je sentis qu’il scrutait mes faits et gestes autant que mes paroles. Peu de personne avait assisté à la folie qui m’avait à nouveau submergé le jour de mon mariage. Pour Ruby, je brûlerais l’enfer même et tuerais ces démons à mains nues s’il le fallait.
- Plus qu’il est humainement possible de le comprendre, déclarai-je.
- Vous...vous avez déjà aimé une autre femme? Avant elle, précisa-t-il. Avant Ruby. La mère de Malia ?
Je commençais à formuler des hypothèses sur l’objet de ses requêtes. Souhaitait-t-il ma bénédiction pour être le petit ami de Malia ? Ceci expliquerait qu'il se soit présenté à un moment où elle était au manoir.
Si elle était ma fille, je n’étais pas le père qui l'avait élevée ni celui qui possédait une quelconque autorité sur elle. Je doutais d'ailleurs que qui que ce soit puisse avoir l'ascendant sur Malia. Aussi libre et indomptable que je l'étais à son âge.
Je m'apprêtais à lui souhaiter narquoisement du courage lorsqu'il poursuivit.
-Est-ce que vous vous êtes rappelé d'elle ? Déblatéra-t-il. Le visage de sa mère ? De toutes les femmes que vous avez croisées ?!
Je savais où menait ce genre de relation entre être humain et loup-garou. Notre famille avait toujours été ouverte, mais il était incontestable que les difficultés ordinaires d’un couple s’en trouvaient multipliées lorsque le surnaturel y était mêlé. Preuve en fut de Talia dans une relation que notre père avait contestée, ou de Derek et Stiles plus récemment. J’avais même personnellement gouté la complexité d’une telle rencontre bien des années auparavant. Ce fut d’ailleurs la première fois.
À cette époque, j’affrontais l’autorité de mon père en sortant dans la forêt à toute heure. La prise de risque ne m’effrayait pas. Je préférais nettement aller à l’encontre du danger que de rester au manoir sous l’égide paternelle et dans l’ombre de Talia.
Je me promettait muettement que lorsque ma sœur aura des enfants, je ferrai tout pour qu’ils lui rendent la tâche difficile.
Sans véritablement chercher les ennuis, j’avais fini par sentir la présence d’un étranger sur notre propriété. L’inconnu ne semblait pas aguerri tant il me fût facile de l’atteindre. Violemment percuté sur le côté, l’ennemi roula maladroitement pour me faire face. La faible lumière de la lune éclairait mes griffes prêtes à donner un coup mortel. Mon ombre projeté sur ma proie camouflait son visage mais le vent transporta une odeur de sang frais…menstruel.
Il n’avait fallu que quelques secondes pour que je sente que la menace n’était pas réelle. Je m’étais moqué ouvertement de la ferveur que la gamine essayait d’afficher. Elle devait avoir deux ou trois ans de moins que moi.
J’esquissais un sourire carnassier devant la faiblesse de l’assaillante, humiliée par le rire que je ne pus retenir.
- Tu ne devrais pas sortir la nuit, surtout si proche de la demeure des Hale, dis-je.
Elle ne répondit rien, se contenta de se relever doucement en prenant soin de laisser une distance de sécurité entre nous.
- Qui es-tu ? Demandai-je.
Un grognement de rappel s’éleva derrière nous. Je reconnus Talia et je savais que notre père n’allait pas formuler un deuxième avertissement.
- Ne me dis rien, tu as un surnom tout trouvé, ajoutai-je. Écarlate.
À bien y réfléchir, ma vie a toujours été marqué par le rouge du pouvoir, celui de l’alpha. Le rouge du sang, la couleur de la vie.
Je disparus rapidement sous le couvert des arbres, remontant à contre cœur la laisse que ma famille agitait pour me rappeler à l’ordre.
Je revis la jeune femme à plusieurs reprises par la suite. Shakespeare lui-même n’aurait pas imaginé notre relation, à l’opposé des exigences de nos familles respectives.
La fin fut moins tragique, en revanche. Et lorsqu’elle quitta Beacon Hills, sur mes conseils avisés, je découvris avec plaisir combien il était agréable d’avoir de l’influence sur la vie d’autrui.
Par la suite, fier de l’aura de séduction que je dégageais, j’eus, pendant un temps, un certain nombre de conquêtes. J’étais resté plusieurs mois aux côtés d’une artiste, d’un an mon ainée. Son départ pour l’université avait forcé notre séparation.
La reine de promo de ma dernière année au lycée comptait parmi les moins perspicaces. Grand bien m’aurait fait que Lydia ait été lycéenne à cette époque.
Une mexicaine rencontrée dans un pub s’était avérée plus instruite. Mais notre idylle n’avait pas duré.
Puis il y eut d’autres femmes. Notamment la mère de Malia dont je gardais que peu de souvenirs certainement trafiqués par ma sœur. C’était une meneuse, une coyote née et également la première femme aux capacités surnaturelles que j’avais fréquentée. La lutte de pouvoir avait commencé dès notre rencontre et avait contenté ma part animale. Puis la passion s’était éteinte.
Seule Ruby avait séduit l’homme et le loup.
L’aplomb de Therence estompa les souvenirs d’une vie lointaine.
- Qu'est-ce qu... qu'est-ce que ça vous a fait quand elle a débarquée dans votre vie ? Qu'elle se tenait là. Juste devant vous. Après toutes ces années.
Ce que j’ai fait en découvrant l’existence de Malia ne le regardait en rien. Derek m’avait empêché de faire irruption dans sa vie précipitamment au risque de la bouleverser. Elle avait déjà vécu plusieurs drames. La sagesse m’avait gardé en retrait. Jusqu’à ce qu’elle retrouve en moi un part d’elle-même demeurée en sommeil. Malia était ma fille, aucun doute n’était permis à ce sujet.
Therence devinait qu’il se montrait insolent, tremblant même de crainte tandis que mon regard le transperçait.
- Parce que parait que les femmes, ça vous connait ! Lâcha-t-il avec une ultime parcelle d’audace.
À cet instant, je distinguai Ruby qui nous observait par la fenêtre, son visage légèrement tiré par la curiosité.
- J’ignore pourquoi tu viens poser toutes ces questions, et pour être tout à fait franc, je m’en moque, grondai-je. Ce que tu vocifères n’a aucun sens et…
Soudainement, sa présence s’éclaira d’un jour nouveau. Qu’on me serve une tisane d’aconit si jamais tel était le cas ! Non, à croire que les délires alcoolisés de l’adolescent commençaient à m’atteindre.
Avant qu’il ne profite de mon court silence pour reprendre sa logorrhée, je marquai un point final à notre conversation.
- Te souviens-tu de mon histoire, Therence ? Demandai-je. De ce que j'ai fait par le passé ? Je t'ai raconté, en personne, la folie qui était mienne. Les actes, cruels, abominables que j’ai pu commettre. Et je t'ai exhorté, ensuite, de ne plus importuner ma famille.
Haussement de sourcils de l’adolescent saoul et inconvenant qui pourtant restait face à moi, suppliant en silence pour je ne savais quelles raisons.
- D’ailleurs, je crois me souvenir avoir égorgé Laura, ma propre nièce à cet endroit précis, déclarai-je en suivant le regard de l’adolescent fébrile dont le regard tombait lentement vers le bas.
Soudain, je vis sa main plonger sous son vêtement, dégageant quelque chose qu’il brandit vers moi d’un geste assuré mais néanmoins trop lent pour mes réflexes lupins.
Contrant sa méprisable et inefficace tentative, je le saisis à la gorge, l’obligeant à lâcher son arme de fortune qui tomba au sol.
- C’est ainsi que j’ai tué celui qui a osé s’en prendre à Ruby lors de notre mariage, appris-je à l’insolent qui était absent ce terrible jour. Il me semble que tu ne réalises pas combien le loup est une créature féroce.
Je me délectai du souffle qui peinait à atteindre ses poumons et de la fine marque sanguinolente que je laissais, sous la pression de mes griffes, tout près de sa jugulaire.
- Je n’aurais aucun scrupule à achever mon geste, dis-je. Ma propre histoire témoigne que les gens méritent très souvent ce qui leur arrive.
La pointe de ses pieds touchait à peine terre, augmentant sa peur dont l’odeur remplaçait aisément celle de l'alcool.
- Je vais te confier un secret Therence, murmurai-je en m'approchant de son oreille.
Je restais ainsi quelques secondes, le temps de l'entendre déglutir avec peine et sentir la terreur le submerger.
- Ce loup existe encore, murmurai-je.
Je le fixai de mes yeux bleus, symbole d'ignominie puis je relâchai enfin.
Marquant une pause, le jeune hardi sembla hésiter entre poursuivre et fuir promptement.
Ma patience avait des limites aisément franchissables.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Sam 10 Fév 2018 - 14:50
Broken Family
-Qui c'est?
Je ne sais pas comment ça a commencé cette fois. Peut-être maman m'a trouvé avec une clope au bec à trainer avec des relations qu'elle désapprouve, ou peut-être le regard torve d'un adolescent suivit d'une réprimandes maternelle pour une porte claquée trop fort ou une bouteille de lait vide dans le frigo ont suffit à faire monter le ton d'un échange initialement bénin. Une étincelle suffit à animer le brasier lorsque je ne cherche pas volontairement la confrontation comme ça arrive de plus en plus souvent. Mais c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé de la faire réagir, ça et mes frasques auxquelles elle est bien obligée de faire face. Lui montrer quel mauvais fils je suis pour prouver quelle mauvaise mère elle fait.
Le métier de mère n'est pas facile et j’entends bien la faire craquer. Un jour, elle regrettera de ne pas avoir un peu d'aide et elle comprendra quelle prétention elle a de vouloir m'élever en solitaire, comme si elle seule pouvait me suffire. Certains s'en contente, mais pas moi. J'ai besoin d'un homme dans ma vie, de savoir d'où je viens. Les choses auraient surement été différentes si elle avait acceptée, quand il était encore temps, de laisser entrer un prétendant dans nos vie. Mais même ça, elle me l'a refusée. Lorsque j'aborde le sujet, maman devient de glace, imperméable, et refoule mes interrogations. Avec tendresse à l'époque, des câlins rassurant pour distraire un petit garçon curieux. Avec patience ensuite, car ce n'était qu'une humeur parmi d'autre, et ça finirait bien par me passer comme ça passe toujours aux enfants. Puis en faisant l'aveugle, et ramenant mes problèmes à des crises d'adolescent, comme si elle pouvait nier sans en subir les conséquences que la cause de ma mauvaise tournure, c'est elle.
Ouais, elle est douée pour ça. Mais ce caractère borné, il faut croire que c'est d'elle que je l'ai hérité. Moi non plus je n'abandonne pas. A son mur froid et savamment taillé j'ai une fougue impétueuse à lui opposer.
-Il sait que j'existe? Est-ce que tu le connais au moins?
-Therence, on en a déjà parlé.
-Non maman! C'est ça le problème, on en a jamais parlé!
-C'est compliqué. Parfois il faut savoir se satisfaire de ce que l'on a.
-Arrête avec tes esquives! Ais au moins le courage de me dire ce qu'il c'est passé entre vous!...
Silence.
-C'est si grave? T'as jamais voulu que je le retrouve. T'as tous fait pour m'en empêcher.
-Tu avais huit ans Therence.
Maman continue de se préparer devant le miroir dans lequel, par dessus son épaule, se reflète un gamin de bientôt quinze ans soudain embarrassé.
-Huit ans, et on t'a retrouvé à des kilomètres prêt à embarquer pour l'autre bout du pays. Est-ce que tu as seulement conscience de ce qui aurait pu arriver?
Maman rebouche son tube de rouge à lèvre et le range délicatement sur la tablette. On pourrait la croire émue, mais elle a déjà revêtu son jolie masque de cire, tranquille et soigné. Je ravale la boule dans ma gorge. Ça aussi, ça fait parti des choses dont maman n'aime pas reparler, et moi non plus. Sauf pour couper court à la conversation et justifier de ses actes, comme si en voulant le rejoindre par la force à cette époque, inconscient des dangers qu'encourait un gamin de mon age esseulé, je lui avais fournis le meilleurs des arguments pour m'en dissuader. Elle se retourne, le visage conciliant. Elle n'attaque pas, elle se défend, c'est tout.
-... Therence. Est-ce que tu es si malheureux? Est-ce que la vie que tu mènes ici, aujourd'hui, avec moi, ne te conviens pas?
D'un geste de la main, elle montre la maison, le quartier tranquille où nous nous sommes installé depuis presque un an.
-Quoi?...
-Chéri, s'il te plais, prend le temps de réfléchir et dis moi. Est-ce que tu n'as pas tout ce dont un garçon de ton âge peu avoir besoin?
-Mais c'est pas la question!
-Va faire tes devoirs, le repas sera prêt dans vingt-minutes. Et ne traine pas, je dois être au vernissage pour vingt-heure.
Elle me tourne le dos, prend les escaliers, mais moi je ne bouge pas de ma place, les yeux rivés sur elle.
-Il t'as fais du mal?
Pas un mot, pas un regard. Elle continue de descendre les marches.
-C'est ça? Il t'a fait du mal?
-Arrête.
-Il est dangereux?
-Therence, ça suffit...
-C'est pas lui alors? C'est toi qui a merdée?!
Elle dévale les escaliers d'un pas sec, mais je ne la laisse pas s'échapper, pas cette fois! Je la choppe par le bras qu'elle me retire farouchement.
-Arrête de fuir maman!
-Mais a quoi ça t'avancera de savoir?
Un volte face brutal, un cri.
-Ton père n'est pas là Therence, mais MOI je suis là! Je l'ai toujours été, et du jour où je t'ai tenu dans mes bras et jusqu'à rendre mon dernier souffle, je me suis jurée de m'occuper de toi et te protéger, et c'est ce que j'ai fait, quoique ça m’ait coûté en retour! Je n'ai pas sacrifié une partie de ma vie pour m'entendre traitée de lâche et passer le reste de mon existence à endurer tes caprices d'adolescent trop gâté!... Accepte le une bonne fois pour toute : personne ne prendra mieux soin de toi que je ne le fais! C'est MOI ta famille!
Je reste figé. Ses cris habitent longuement le silence. Souvent elle hausse le ton pour braver le mien, mais jamais ma mère n'avait grondée de cette façon, une rage venue de loin. La colère qui durcit ses traits s'apaise tristement et laisse entrevoir une femme qui implore pour qu'on l'épargne.
-... Je n'attend pas de ta part que tu sois reconnaissant... Mais je t'en prie... Parfois, certaines personnes ne peuvent pas être ensemble, et c'est mieux ainsi. Accepte le et cesse de te poser des questions. Ça vaudra mieux mon chéri. Ça vaudra mieux pour chacun de nous.
Ne pose pas de question dont tu regretterais la réponse.
Je reste immobile, la gorge nouée. Le cœur à vif. Une vie de sacrifices, voilà ce que je suis?... Et pour mon père, que faudra t-il que je fasse, jusqu'où faudra t-il que je j'aille pour faire enfin éclater cette entrave qui te rend muette?...
Je me rue sur elle et la dégage de mon passage d'un coup d'épaule pour me précipiter vers le vestibule.
-Therence! Je t'interdis de franchir cette porte!
-Sinon quoi?
Un souffle rauque, implacable. Mon regard plus noir que brun la freine net dans son geste de me rattraper. Il y a longtemps qu'elle a perdue toute autorité sur moi, il faudrait m'enfermer pour m'empêcher de m'enfuir. Mais elle n'osera jamais s'en prendre à moi. Je le sais, je l'ai compris depuis longtemps. Ça ce voit à sa façon de m'accrocher du regard. C'est sur cette infime et amère victoire que la porte claque dans mon dos, sur le regard figé du loup peint de rouge accroché sur le palier. A me retenir contre mon grès, elle sait qu'elle risque de me pousser à fuir d'avantage. Un risque qu'elle n’encourra pas.
Elle a bien trop peur de perdre sa seule famille.
* * *
Appuyé contre la moto, je dévisage nerveusement l'homme qui me fait face. Je scrute ses yeux bleu assassins, autrefois rouges de puissance. Maman n'est plus là aujourd'hui, mais paré de notre couleur emblématique, je suis venu confronter le loup du tableau à son souvenir. Peter Hale, loup volage, meurtrier, entiché d'une autre rougeoyante. Pourquoi?! Ruby est-elle plus chatoyante que Garnet? Et la mère de Malia? Combien a t-il semé d'autres graines, l'animal? Il parait offusqué et ça me donne envie de me marrer. Il n'y a pas de quoi être surpris pourtant, tout le monde sait comment il a fait du gringue aux mères McCall et Martin...
Nous nous toisons mutuellement, son impatience qui supporte mal mon agressivité embuée par l'alcool. Dans l'ombre, j'ai observé cet homme. J'ai entendu son histoire. Je me suis figuré chacune de ses facettes, le loup, le père, l'époux, le professeur, l'assassin. J'ai essayé d'y percevoir un visage qui me ressemble, de me retrouver en lui...
Est-ce lui après qui j'ai attendu toute ma vie? Est-ce vraiment lui mon père?...
Sais-tu ce que tu attends vraiment de cette rencontre? As-tu imaginé cet instant?
Les paroles de Derek s'imposent à moi. Le loup avait été le premier à lever un verrous dans ma quête lorsqu'au terme d'un jeu stupide et d'insultes inutiles il m'avait embarqué jusqu'au manoir encore en ruine pour me parler de l'incendie, me révéler la double nature de cette ville, et me faire avouer, à mon tour, la source de mon mal-être. La recherche de mon géniteur.
...J'attends des réponses. lui avais-je répondu.
Qui est-il? D'où est-il, quel genre d'homme, pourquoi? Tellement de pourquoi. Pourquoi est-il un inconnu dans l'équation de ma vie, pourquoi n'ai-je jamais eu aucun signe de lui, pourquoi ma mère s'est t-elle montrée si réservée à son sujet? Est-il fautif, est-il victime, ais-je la moindre importance à ses yeux, l'ai-je eu un jour?... Y a t-il une infime possibilité de construire quelque chose?...
-J’ignore pourquoi tu viens poser toutes ces questions, et pour être tout à fait franc, je m’en moque. Ce que tu vocifères n’a aucun sens et…
Aucun sens?...
J'incline légèrement la tête, un regard intense qui remplace ma torpeur passagère, heurté par son aveuglement. Aucun sens?!
-Mais c'est VOUS le sens qui manque à ma vie depuis toujours. Le Loup-Rouge, la seule direction qui me restait à prendre après le décès de ma mère... Elle s’appelait Lisa. énumérè-je d'une voix sourde. Lisa Garnet. Cheveux cuivrés, les yeux bleu. Elle avait mon age quand je suis né.
Plus une enfant mais pas encore une adulte. Je fouille avidement dans ses yeux graves, gonflé d'appréhension, d'incertitude et de reproche. Est-ce que ça lui revient? Est-ce qu'il se souvient enfin d'elle? Son regard qui scrute le mien par instinct se transforme sous une subite prise de conscience. Alors je comprend que ça fait sens pour lui aussi.
-Vous la connaissez...
Et inévitablement il me reconnait, moi aussi...
-Qu... qu'est-ce qui c'est passé?... continue-je, avide, ému par sa réaction évocatrice. Qu'est-ce que vous lui avez fait? Elle a jamais voulu parlé de vous, vous lui avais fait du mal?
Il y a tellement à inventer quand on n'a que son imagination et des morceaux d'évidences pour combler le vide. Elle était jeune, elle était seule, l'ombre d'un loup a toujours plané dans sa vie mais elle n'a jamais voulu me dire qui il était, où il était, pourquoi est-ce que moi je n'avais pas le droit à un père comme les autres, pas même un portrait auquel me raccrocher sinon celui d'un loup rouge dont je n'ai découvert l'identité réelle qu'après sa mort, pourquoi est-ce qu'à la place j'avais droit à un vide tenace sur lequel greffer mes espoirs et mes angoisses, l'image d'un père délaissé ou l'ombre inavouable d'un prédateur...
-Dites moi si vous lui avez fait du mal!!!
Dite moi qui je dois détester!!!...
-Te souviens-tu de mon histoire, Therence?
Même si je le voulais, je ne pourrais pas oublier notre conversation en voiture lorsqu'il m'avait raccompagné de chez Ruby, pétrifié par ses yeux de glace et l'histoire de ce loup brûlé vif qui est revenu à la vie pour réclamer vengeance.
-De ce que j'ai fait par le passé?
Meurtres. Terreur. Massacre.
-Je t'ai raconté, en personne, la folie qui était mienne. Les actes, cruels, abominables que j’ai pu commettre. Et je t'ai exhorté, ensuite, de ne plus importuner ma famille.
J'ouvre la bouche, tremblante, et hoche fébrilement de la tête.
-J... j... je veux importuner personne, tout ce que je veux moi, tout ce que j'ai toujours voulu, c'est...
-D’ailleurs, je crois me souvenir avoir égorgé Laura, ma propre nièce à cet endroit précis.
Les suppliques restent bloqués dans ma gorge. La lèvre pendante, je baisse lentement les yeux sur les feuilles mortes sous mes pieds. J'imagine, je vois, comme il m'a raconté avec ses mots crus, le corps de la femme-louve à l’œil ahuris et sanglant, déchirée en travers du nombril comme seuls les animaux sont capables de s'entredévorer, disparaitre sous les pelletées de terre. Une fleur aux pétales bleu plantée à l'emplacement pour sceller le secret parricide. C'était sa nièce. Je fais un pas en arrière, l’œil vissé sur ce spectacle imaginaire. C'était sa nièce. Un vertige me saisit. Ça pourrait-être moi. Je prends pleinement conscience de ma position face à l'animal, et de peur et par indignation pour son acte et son indifférence, parce que je n'admettrais jamais être une proie pour personne et que je mérite sa considération, je plonge la main sous ma veste et brandis une seringue que j’abats dans un râle, en visant au plus près de son cou.
Cette mixture maladroite, non létale mais je l'espère efficace, c'est a un autre que je la destinais. Mon wendigo... Je ne pouvais pas débarquer parler à Peter sans défense, pas non plus assez fou pour flinguer mon géniteur sur un coup de folie. Mais qu'elle ironie en y pensant, quand on sait que c'est sous le nez de Ruby, le jour de notre rencontre dans un drugstore, lequel jour elle m'a indirectement renvoyée sur les traces de son époux, que j'avais chipé ces somnifères...
Sa main dévie brutalement mon bras de la trajectoire et s'écrase contre ma gorge. Je suis pris dans un étaux. La seringue tombe à mes pieds qui frôlent tout juste la terre.
- C’est ainsi que j’ai tué celui qui a osé s’en prendre à Ruby lors de notre mariage grogne t-il avec une rancune évidente. J'étouffe... Il me semble que tu ne réalises pas combien le loup est une créature féroce. Je n’aurais aucun scrupule à achever mon geste.
-... Pas ça...
Pitié!
-Ma propre histoire témoigne que les gens méritent très souvent ce qui leur arrive.
Je siffle péniblement entre les dents et empoigne plus fort son poignet dans un élan futile de révolte, ignorant s'il parle de moi ou de ma mère... Je ne mérite pas ça!!!
-Je vais te confier un secret Therence...
La griffes de Peter menace ma jugulaire qui bat une mesure folle. Une sueur froide glisse le long de ma nuque. Aussi doucement que la voix rauque qu'il prend, le reflet de son visage grandit dans mes iris avant de dévier de côté jusqu'à ma tempe palpitante et chuchoter, l’œil brillant d'un éclat glacé.
-Ce loup existe encore.
Il me relâche. Je retombe à terre et porte une main à ma gorge qu'un filé de sang entache, en toussant et me hissant loin de lui. Une larme qui guettait au coin de l’œil coulent le long de ma joue. La seringue qui craque sous ma main est en morceaux. Tout comme mes espoirs.
-Vous êtes une ordure...
Un appel inquiet détourne notre attention vers le manoir, et quelque chose se brise définitivement lorsque je les vois. La femme de rouge qui tient son bébé dans les bras, et dans leurs dos la sauvageonne d'à peu près mon age.
Peter se dresse entre nous et les dévisage, mâle protecteur qui défend son territoire des intrus et rassure les siens. Je n'ai rien à faire là. J'en profite pour bondir vers la moto déjà allumée que j’enfourche, pousse les gaz à fond, et disparais du manoir des Hale dans un rugissement de moteur enragé.
Sais-tu ce que tu attends vraiment de cette rencontre? As-tu imaginé cet instant?
Les arbres défilent à toute allure, le vent me brûle les yeux brouillés par les larmes.
...J'attends des réponses.
J'attends un père! J'attends une p*tain de famille!
C'est moi ta seule famille!
Non c'est faux...
Si je continue de rouler aveuglément je vais me foutre en l'air. Je freine sur le sentier loin de la maison des Hale, trébuche de ma bécane, et reste planter quelques secondes, hagard, saisit d'un coup de froid. Je réalise. Il était prêt à me faire la peau. B*rdel... J'ai la tête qui tourne. Je m'attrape à un arbre et y dégobille avant d'y appuyer mon front un moment. J'accuse le coup. Un œil faiblard mais noir dans l'ombre de mon coude. Il n'avait pas le droit de me traiter de cette façon...
Les gens méritent très souvent ce qui leur arrive.
Non... j'ai rien fait pour mériter de me faire jeter! J'ai rien fais pour mériter de finir tout seul!!!
Une claque, une autre, puis un coup de point en râlant furieusement. L'écorce gicle au contact de mon poing, la douleur qui se repend ne concurrence en rien celle qui me consume à l'intérieur. RAAAH! Mais quel s*lop! Ce type ne peut pas être mon père. Ce type ne peux pas être mon père...
Je tombe un genoux à terre et m'installe gauchement entre les racines du vieil arbre. Mon point lancinant suit le mouvement le long du tronc. Ça ne peut pas être lui le loup au bout de mon fil... J'ouvre un œil sur ma main à hauteur du regard, et au travers des larmes, le sang sur mes phalanges se confond avec le rouge de la manche. Le rouge de la chemise d'Alessandro.
*
*
*
*
*
* *
*
Elle court, court à en perdre haleine entre les troncs humides et les obstacles sur son passage. Sa voix perce dans l'obscurité, hurle après le loup en pataugeant dans la boue de la clairière qu'il on fait leure.
-Où es-tu! Je t'en prie!
Un hoquet lui échappe en se retournant pour la énième fois. Une ombre se détache de la silhouette d'un arbre et se révèle dans un clair de lune azuré, tel un obscur ange gardien tout prêt à la recueillir. Il a entendu son appel. Cédant à l'émotion, elle se jettes dans ses bras pleurer à chaudes larmes.
-Il l'a tuée!
Sa voix n'est que sanglots. Une même litanie qui tourne en boucle entre les bras du garçon.
-Il l'a tuée Peter, il l'a tuée! Il a tué ma mère!... Et il me tuera moi aussi. Si ce n'est de ses mains, alors au prix de ses folies.
Délicatement, il décolle de son torse le corps trompeusement frêle de l'adolescente et plante sur elle son regard d'un naturel cérulescent auquel la lune donne des reflets irréels.
-Mais il ne te tuera pas si tu parts. suggère le loup en posant les mains sur ses épaules.
Elle écoute attentivement les recommandations. Une meute aux abord de la ville, un départ au matin. Elle objecte, confuse, perdue, ça ne marchera jamais! Mais le sombre guide rétorque. A t-elle meilleurs choix que la voie qui se présente à elle? Un sourire encourageant, ambiguë, étire ses commissures.
-Tu n'es pas faite pour suivre les règles, l’Écarlate.
Dernière édition par Therence Garnet le Dim 15 Déc 2019 - 23:58, édité 1 fois
Peter Hale
Meute & Clan : Hale's pack Âge du personnage : 35 ans
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Dim 18 Mar 2018 - 18:29
Another Wolf
La moto de Therence grondait lorsqu’il prenait la fuite. Mes mots étaient aussi acérés que mes griffes. Je doutais qu’il craigne la blessure physique, la cicatrice dans son cou sera minime. Il était beaucoup plus effrayé par l’ignorance et le doute qui le broyaient de l’intérieur.
C’était un gamin perdu. Et je n’avais pas vocation à servir de refuge. Instruire mes élèves, au quotidien, accaparait une grande partie de ma patience. Si le savoir et l’amour de la littérature n’étaient pas si importants, je me comporterais sans doute comme je l’ai fait ce soir.
Je tendais l’oreille jusqu’à ce qu’il soit suffisamment loin pour que je puisse rentrer serein.
Sa venue m’interpellait. Il m’avait fait remémorer ma jeunesse, sous le joug de mon père qui idolâtrait Talia, dans un climat déjà sous tension avec la famille de chasseurs qui se partageaient la ville. Beacon Hills n’avait jamais vraiment été en paix.
Et je refusais qu’un adolescent en quête de reconnaissance vienne semer le trouble dans notre foyer. Je hochais doucement la tête pour signifier à Ruby que je rentrais. Derrière le rideau, Ian babillait dans ses bras. Ils étaient ma famille.
D’autres électrons, plus libres gravitaient autour du manoir. Légitimement, Derek y vivait avec nous. Malia rendait des visites aussi imprévues qu’elle l’était. Et Ruby aimait recevoir la meute, aussi au complet que possible, pour ouvrir le livre de recettes de sa Granny.
Je savais que son ancienne famille lui manquait mais le pont entre nos mondes n’existait plus.
Mon accès de colère avait fini par retomber, privilège de l’âge. Et la sagesse aidant.
/ / /
Je marchais dans une forêt sombre, serrant la main de chacun de mes enfants dans les miennes pour les tirer en avant.
Je mentais lorsqu’ils me demandaient si nous partions en ballade. Nous n’empruntions pas le sentir habituel. Ian était observateur et inquiet. Lilia, impatiente et courageuse.
Tous les deux comprenaient que nous fuyons.
Puis un cri déchira la nuit. Je savais reconnaitre le désespoir de Ruby. Le jour de notre mariage était marqué par ce hurlement.
Je trébuchais dans la terre rendue instable par le ruisseau tout proche. Une main quitta la mienne en silence.
J’étais à genoux, scrutant les remous de l’eau. La lune incomplète s’y reflétait, tout comme mon visage.
Non pas le mien. Celui de William, le monstre qui avait volé ma vie.
Il me semblait que Ruby et moi émergions de terribles songes en même temps. La peur et la colère se lisaient sur nos visages. Il nous fallait les expulser.
Comme je l’avais rappelé à Therence plusieurs jours auparavant, le manoir était caché au cœur de la forêt.
Par habitude, nous dormions la fenêtre ouverte. Une fois encore, nous sortions en silence dans la nuit.
/ / /
La journée qui suivait cette nuit difficile aurait pu être marquée d’une routine délicieusement reposante.
Mais ce n’était pas le cas. Nous avions commencé à comprendre que Derek avait passé un cap lorsqu’il était revenu avec les roues de la Camaro sous le bras. L’état de sa chemise avait été relayée aux détails de second rang tant nous savions qu’il tenait à sa voiture.
Un début de réponse se faufila jusqu’à nous lorsque nous avions découvert, quelques jours plus tard, un mot sur un morceau de papier précisant le souhait du neveu de ne pas être dérangé.
Qu’il y ait quelqu’un avec lui à l’étage nous avait surpris. D’instinct, le manoir était passé au crible de nos sens lupins quand nous franchissions la porte.
Mais Ruby se refusait de rester assise dans la cuisine et d’attendre que Derek vienne nous expliquer de quoi il retournait.
- C’est un adulte responsable et il était libre de faire ce qu’il veut, déclarait ma douce.
Elle dut me le répète plusieurs fois pour que je daigne rejoindre la chambre et laisser le neveu vivre sa vie comme il l’entendait.
L’odeur d'un loup éveillait nettement ma suspicion.
Il fallut attendre le lendemain pour connaitre la vérité. Avec Derek, je n’étais jamais au bout de mes surprises.
Qu'il ait pris conscience de son homosexualité ne m'avait pas fait râler.
Découvrir qu'il fréquentait un adolescent m'avait, en revanche, plus difficilement convaincu. Et, Stiles ! Une tornade dans un verre d'eau, toujours le nez fourré dans les bizarreries de Beacon Hills. Il était d'ailleurs la raison de la présence de Scott, dans les bois, lorsque je l'avais mordu.
Mais comme le disait Ruby, l'adolescent hyperactif avait su s'intégrer à notre famille bien qu'il n'appartienne pas à notre meute.
Ensuite, le fils Cormier, bien que plus âgé, ne s'était pas inscrit dans ce schéma. Leur lien demeurait amical, n'en déplaise à nos aïeux respectifs.
La situation actuelle était encore plus différente et complexe. Si Derek nous assurait que sa nouvelle amitié était platonique, nous n’étions pas dupes.
Ruby grognait en secret pour me forcer à garder ma langue sur cette relation que je désapprouvais totalement.
On dirait que le neveu prenait en compte mes remarques sur ses petits-amis en s'arrangeant pour qu'il y ait toujours de quoi m'agacer.
Mais il atteignait un sommet ! Voir un confrère se présenter à ses côtés m'avait littéralement crispé. Alpha qui plus est.
Qu'avait-il en tête ?
Quand nous nous sommes retrouvés tous les deux, Ruby m’avait dit de ne pas m’inquiéter.
J’étais pris dans le dilemme de vouloir le bonheur des membres de ma famille avec mes aspirations à une certaine perfection, sans heurt ni faille.
Ian babille dans les bras de sa demi-sœur. Stiles a quitté le manoir. Je le comprendrai quelques jours plus tard, ses pas hors de notre maisonnée lui ont également fait quitter la meute. Stiles restera toujours un ami de la meute, le fils du Sheriff, un être cher à Derek, même si les sentiments s’estompent et disparaissent, nous seront là s’il a besoin de notre aide. Mais nous le savons tous, il n’est plus protégé par la meute comme il pouvait l’être jusque là. Mais ce n’est sans doute pas un mal. Les choses changent, évoluent. Stiles est un membre de la meute de Scott. C’est un humain, jeune, trop jeune. Et puis il a une vie palpitante qui l’attend !
Mais ça, c’est quelque chose que je comprends après son départ. A ce moment-là, même si je comprends bien que quelque chose s’est brisé, je ne suis pas encore capable de discerné si ce doit ou non être réparé ou si nous devons simplement laisser la cicatrisation se faire au risque de voir deux êtres s’éloigner. Pour l’heure, je suis bien plus inquiète pas mon mari qui parle seul à seul avec un jeune homme connu pour son naturel un peu arrogant et visiblement imbibé. Qu’est donc venu faire Therence au manoir ? Que veut-il de Peter ?
Je ne suis pas en mesure d’écouter leur échange, mais je peux sentir les émotions de Peter, deviner à sa gestuelle ce qui lui passe par la tête. Enfin il n’est pas nécessaire d’être un alpha ou sa femme pour comprendre qu’il est sur le point de le tuer ! Même Ian le sent et se met à pleurer. Je récupère mon fils pour le rassurer et je lance un appel lupin à mon mari. Therence est un humain. Qu’a-t-il pu bien faire pour provoquer une telle réaction chez mon mari.
Bien évidemment, je ne peux m’empêcher d’imaginer...et comme je le dit à Malia, ce manoir est prêt à accueillir un autre enfant. J’espère profondément qu’il ne s’agit pas de cela, non que je ne veux pas de Therence dans notre famille mais parce que s’il est le fils de Peter, alors ce dernier va m’entendre pour avoir traité le frère d’Ian de cette façon, qu’il soit de mon engeance ou non !
Therence est visiblement bouleversé, si bien qu’il remonte en vitesse sur sa moto et fuit sans demander son reste. Peter reste quelques instants sans bouger avant de revenir vers le manoir. Je lui ouvre la porte en faisant les gros yeux.
- « Malia, peux-tu aller voir avec Derek dans la remise, j’ai besoin de quelques morceaux de viandes supplémentaires pour ce soir.
Aussi indomptable soit-elle, même la jeune coyote sait quand elle doit s’effacer et j’ai bien l’intention d’obtenir des réponses de la part de mon mari, alors il vaut mieux qu’elle ne soit pas dans les parages ! En revanche, Ian reste avec nous, car je sais qu’il nous tempérera. Une fois qu’elle et Derek ne sont plus à portée, je me tourne vers mon époux.
- « Raconte-moi. »
Deux mots, simples, mais qui ne laissent pas la possibilité de fuir. Je veux qu’il me raconte ce qu’il vient de ce passer et ce qui a mener à cette visite. Peter et moi ne nous cachons rien. Jamais. Qu’il s’agisse de nos envies lugubres, de nos besoins sanglants, ou de nos peurs. Depuis la disparition de Lilia, nous sommes plus proches que jamais, mais plus éloignés des autres aussi, peut-être. Il sait que je ne jugerai pas, jamais. Je respecterai ses choix, quoi qu’il advienne. Alors il me raconte, ce qu’il sait ou ce qu’il pense savoir, ce dont il se souvient et ce qu’il n’a jamais révélé à personne. Je prends sa main dans la mienne, je me rapproche de lui. Ce qu’il me confie me serre le cœur, mais comme promis, je le soutiendrai dans ses décisions. Je serais toujours de son côté. Cette décision, sans nul doute, causera peine et souffrance à au moins une personne, plus peut-être, qui peut dire ce que l’effet papillon nous réserve. Je ne parlerais pas de destin, car il ne tient qu’à nous de le construire, mais nos choix, celui de Peter, le mien, celui de chaque personne qui sera impliqué, ou confronté à ce secret, ces choix, nous ne pouvons les prévoir, ni les envisager, pas tous. Ils s’imbriqueront les uns aux autres, et nous ne pourrons qu’agir en conséquence. Lorsque Derek et Malia reviennent les bras chargés de vivres, Peter et moi ne parlons plus. Nous sommes simplement assis, sa main sur ma joue, ma main sur sa nuque, nos front collés l’un à l’autre et Ian, dormant comme un bien heureux, allongé sur nos genoux à plat ventre, les bras ballant dans le vide.
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Un grondement fait vibrer mon torax et bouger Ian alors que je suis tranquillement allongée sur le canapé et que je sens Peter se diriger vers l’étage.
- « Laisse Derek tranquille. C’est un grand garçon, il sait ce qu’il fait, ou il apprendra !
Peter me jette un regard accusateur, mais il sait très bien que j’ai raison. Plus il s’acharnera à fliquer son neveu, plus celui-ci fera en sorte de le rendre fou. Cela a toujours été, et cela sera toujours ainsi. Je pose une main sur la tête de mon fils qui retrouve bien vite un rythme serein et retombe dans un sommeil plus profond. Je ne sais pas combien de fois il a fallut que je lui répète cela avant qu’il accepte enfin l’évidence. Derek fait sa vie, et il a bien raison. Entre mes escapades dans mes rêves et nos traques nocturnes, nous….je ne suis pas aussi présente que je devrais l’être. Derek est bien plus que mon bêta de tête, il est l’âme de cette meute, son cœur, son tronc. Je suis une base sur laquelle ils peuvent se construire, une force plus ou moins stable, mais aucun d’eux n’a besoin de moi pour évoluer. Et c’est très bien comme ça.
C’est sur cette pensée que je laisse mon esprit être englouti dans un nouveau songe où elle sera là.
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Le vent s’engouffre dans mon pelage d’ébène tandis que j’avale les mètres dans de grandes foulées. Les odeurs se mélangent, passent, vivaces, dans mes narines. Je sens la terre meuble s’affaisser sous mes pattes et la vie qui grouille dans chaque buisson. Les lapins vont visiter leurs terriers, les biches détalent, mais cette fois, les animaux ne risquent rien. Je connais ces bois par coeur. J’y ai fait mes premières courses.
Aujourd’hui, je les explore en compagnie de ma famille, de ma meute. Ian est à ma droite. C’est un petit loup un peu chétif au pelage brun doré. Il n’est pas épais mais il porte tout de même son parrain sur son dos. Il le fait avec fierté depuis qu’il est en âge de le faire. Leur relation est inexplicable. La nature de Luka a donné à son lien avec Lilia une profondeur inégalable et pourtant, la complicité qu’il y a entre mon fils et son parrain et au-delà de toute mesure.
Ma fille et l’ancien Kamiga sont à ma gauche. Luka est un loup puissant. Comme moi, il est un peu plus massif qu’un loup normal. Lilia est toute en muscle. De nature, elle n’est peut-être pas épaisse mais sa détente est sans commune mesure et elle adore nous le rappeler. Outre ses capacités, c’est son tempérament casse-cou qui la pousse à se surpasser à chaque sortie. Elle aime par dessus tout se donner des challenges toute seule et sauter des précipices qui semblent infranchissables, juste pour narguer son père et son oncle. Je crains déjà leurs futures « prises de bec ».
Chad suit Ian de près. Il n’est jamais bien loin de Mick. Quant à Derek, il se fait une joie de courir avec sa nièce. Miya s’amuse lui aussi à tenir le pas. Matrim n’est pas présent physiquement mais nous ressentons toujours son âme à travers la meute.
Cette sensation est incroyablement grisante. Nous ne faisons qu’un avec cette forêt et elle ne fait qu’un avec nous. Mais après quelques puissantes foulées, une terrible sensation s’empare de moi. Je cesse notre course et ma mâchoire se crispe. Je ne sens plus Matrim. Je lève le nez et redresse mes oreilles. Je cherche désespérément sa présence, mais je n’entends plus Miyavi.
- « Maman. »
Je me retourne. Chad a disparu. Non ! Un regard sur le côté. Derek n’est plus non plus. Un hocquet de terreur me coupe le souffle.
- « Maman ! »
Un cri perce dans l’obscurité des bois. Des pleurs. Ma fille. Je me tourne à nouveau mais je ne la vois plus. Luka et elle sont partis. Je porte une main à mon ventre. Quand ai-je repris forme humaine ?
- « Ma douce ? »
Je me tourne vers Peter. Il me regarde, les paume levées. Derrière lui, Ian. Mick n’est plus là pour le protéger.
- « Peter, Lilia et Luka, ils….
Je me tourne, comme pour vérifier. Mais leur absence rempli l’espace et les cris de ma fille résonnent de plus belle.
- « Peter, tu l’entends ? Elle m’appelle ! Je dois aller la chercher. - « Ma douce, Lilia est… - « Je les ai laissé tomber. Je les ai abandonner. Mais je peux aller les chercher et les ramener maintenant.
Je détourne mon regard des arbres pour le poser sur mon époux. Ian n’est plus un loup. C’est un petit garçon...un petit garçon que Peter protège….de moi.
- « Maman ! »
Mon coeur est comme réduit en pièces. J’en sens les tissus être étirés jusqu’à ce qu’ils se déchirent. Ils m’appellent. Pourquoi ? Pourquoi dois-je choisir ?
- « Parce que tu ne vis plus dans un conte de fée. »
Sa voix froide et forte me fais relever les yeux. La première chose que je vois, c’est cette traîne de dentelle rouge…
- « Maman ! » - « Tu dois choisir. Tu ne peux pas rester ainsi pour toujours. Laisse moi faire, je peux m’en occuper... » - « Non… Je peux m’occuper de ma famille ! » - « Je sais...mais pas si tu continue comme ça...»
Elle s’agenouille devant moi et me fait regarder ses yeux de lave.
- « Maman ! » « Ruby ! »
J’ouvre les yeux. Peter est juste au-dessus de moi. Derrière lui, Ian est dans les bras de Derek.
- « Peter ? » - « Tu ne te réveillais pas ma douce. » - « Je suis réveillée maintenant. Ne t’en fais pas.
Je me lève et vais prendre Ian dans mes bras. Il me regarde avec ses grands yeux ouverts sur le monde et pose ses petites mains sur ma bouche.
- « Je ne laisserais personne te faire du mal, tu le sais mon petit ? Peter, ne me regarde pas comme ça. Je vais bien.
Je tends les bras pour lever Ian puis le rebaisse pour embrasser son cou et le faire rire. Ian est un enfant. Il est simple et vrai. Et je suis sa mère. Je ne laisserai personne l’approcher.
- « Peter, tu le prends s’il te plaît. Je m’habille et je vous rejoins en bas. »
Les hommes de la maison me laisse seule avec mon dressing. Je prends une douche nécessaire après ce sommeil plus qu’agité. Une fois devant le miroir, j’en essuie la buée du plat de la main et je regarde mon reflet. Je devrais être heureuse d’être enfin réveillée, mais je ne le suis pas. Je me sens incomplète…. Lilia n’est plus de ce monde…. C’est une réalité qu’il faut accepter.
La rage fait sortir mes crocs. J’inspire profondément et je souffle doucement. Je ne dois pas la laisser éclater à la maison… trop dangereux. Je dois trouver un endroit où la laisser éclater. Je ne peux pas me permettre de commettre un autre impair comme au bar au bord de la ville...Je dois rester discrète…
Un jean et un chemisier prune sur le dos, je descends pour nourrir Ian. Je rassure Peter une fois de plus et le chasse de la maison. Il va être en retard ! Une fois enfin seule avec mon enfant, je le mets dans son parc et me penche sur mon PC. Où est-ce que je vais bien pouvoir me nourrir ?
*-*-*-*-*-**-*- Ian ne cesse de pleurer depuis un temps que me semble éternité. Je suis toujours incomplète et il le sent. Sans parler de cette histoire entre Derek et Leoric. Raaah et je suis affamée !!! J’espère qu’il va vite, très vite résoudre cela parce que je ne peux pas le laisser seul avec Ian dans ces conditions et que le petit est inconsolable. D’habitude son oncle le calme encore plus vite que moi...ce qu’il n’est en soit pas étonnant vu ce que je suis en ce moment, mais là, même lui n’y arrive pas.
Alors quand j’entends les deux arriver et filer dans la chambre de Derek, je lève les yeux au ciel de soulagement. Ils sont suivis de Mafdet. Elle sait, je sais qu’elle sait. Je sais aussi qu’elle sait qu’elle ne peut pas nous aider cette fois-ci. Et qu’elle ne doit rien dire. J’ai trouvé de quoi me nourrir. Un arrangement avec Lycaon et quelques prisons. Mais pas de condamnés à mort depuis quelques temps et je commence sérieusement à avoir faim. Te rends-tu compte que je me restreins ? Moi qui pensais être enfin libre de m’amuser…
- Af’
Mais comment pourrais-je lorsqu’il me regarde de cette façon ?
Maf’ me demande où tu en es, je soupire.
- « Le songe est bien plus beau que la réalité…
Notre druide regarde Ian et lève un sourcil comme elle sait si bien le faire. Elle sait comme moi, que pour l’instant, tu es inatteignable. Qu’il n’y a que lui qui peut t’aider à sortir...j’espère seulement un nouveau miracle, une nouvelle surprise, qui nous permettra de t’atteindre avant que tu ne sois perdue.
Elle se moque gentiment de moi, me disant qu’elle avait entendu bien d’autre histoires à mon sujet.
- « Il y a des évènements, et des êtres qui vous changent bien plus que le destin lui même ne pourrait le prévoir... »
Je dépose mes lèvres sur le front d’Ian qui se calme enfin alors que Derek et Leoric descendent, main dans la main.
Je me lève et confie Ian à Mafdet pour aller accueillir le compagnon de mon bêta de tête. Je respecte énormément Derek, d’autant plus qu’il a su prendre soin d’Ian lorsque nous ne pouvions pas. Je suis heureuse pour lui. Je me tourne vers Mafdet qui se moque gentiment de moi et je regarde Ian. Ce petit changera le monde. Je regarde Leoric et je le prends dans mes bras, comme tu le ferais. Le pauvre est à deux doigts de l’effondrement émotionnelle tant il semble tendu. Maf le taquine, mais elle n’a pas tort. Qu’il soit ou non un alpha, il est désormais un membre de cette meute et sera protéger par les notre comme tel.
Ian le baptise rapidement...Ric ce sera ! Je les invite à s’installer autour d’une collation. Quand comptes-tu te réveiller ? Tu manques beaucoup trop de choses. Je joue ton rôle devant Derek, mais la faim me tiraille...Tu te contrôles bien me que moi. Je questionne Leoric. Je ne lui laisse pas le choix, il devra m’appeler au moindre besoin.
Parfois, je perçois un regard de Derek. J’essaye de m’imprégner de toi, mais la mama italienne ce n’est pas moi. Moi, je suis l’alpha bestiale ! Bouge toi le cul et reviens !
Je profite d’un bâillement d’Ian pour prendre congé. Être toi, c’est crevant !
*-*-*-*-*-*
Je suis dans la chambre, assise en tailleur sur le lit. J’essaye de t’atteindre. Mais la réalité est trop dure à traverser. Seule, je n’y parviendrais pas. Je plonge ma tête dans mes mains en pestant lorsque soudain, une douleur me traverse. Celle d’une autre meute. Quelle tristesse. Je descends rejoindre Derek et pose une main sur son épaule. Nous hurlons pour soutenir nos pairs. Derek veut y aller.
- « Je t’accompagne. - Et Ian ? s’inquiète-t-il. - Il vient avec nous. Il ressent nos émotions. Il doit vivre ça avec notre communauté.
Ian est dotée d’une empathie hors norme, même pour un surnaturel. Il parle peu, mais ses yeux disent tout ce qu’il y a à savoir. Il doit être avec nous pour affronter ces émotions. Alors nous nous mettons en route.
Je garde Ian dans mes bras tout au long du processus. Je vais présenter mes condoléances au nom de la famille Hale, de la meute au près de Willem. Ian tend une de ses petit main pour toucher le visage de Willem. L’enfant reste calme, ne pleure pas, mais je sais qu’il comprends. Il pose sa deuxième main sur le visage de l’alpha en deuil et attirer son visage jusqu’à poser sa tête contre lui. Sa façon à lui de lui dire qu’il est présent, comme chacun de nous.
A mon tour, j’agrippe le bras de Willem et le fixe de mes yeux de sang avant de laisser un grondement faire trembler mon corps. Nous sommes unis, même si nous n’appartenons pas à la même meute.
Puis je m’écarte et pose Ian au sol pour me transformer. Je suis assise et mon fils enfoui son visage dans mon pelage. Je pose doucement une patte sur son dos pour le rassurer et puis je lève le museau pour hurler la peine de cette perte.
*-*-*-*-*-*-*
- « LAISSE-MOI ! »
Je hurle contre Peter. Je ne parviens plus à donner le change. Je ne suis pas toi. J’ai faim de chaire fraîche et soif de vengeance ! Derek est de plus en plus sceptique et Peter lui est carrément devenu méfiant. Petit à petit, je l’ai vu confier Ian plutôt à Derek qu’à moi. Et il refuse désormais que je l’approche tant que je ne lui ai pas dit ce qu’il m’arrivait.
- « Ce qu’il m’arrive ? J’ai reçu une dague dans le ventre et j’ai perdu ma fille, et je n’ai toujours pas épongé ma soif de vengeance ! Personne ne semble même s’en soucier ! Où se trouve William ?!!!
Derek garde Ian dans ses bras. L’enfant pleure et cela me brise le coeur.
- « Hein ? Où se trouve ton cousin ? Celui qui a tué ton enfant ?! Est-ce que tu l’as ne serait-ce que cherché ?! A moins que tu ne t’en fiche ? Peut-être que c’est ce que tu voulais ?
- « Ruby ! Tente Derek
- « JE NE SUIS PAS RUBY !! ELLE VOUS A ABANDONNE ! ELLE M’A ABANDONNE, et je meurs de faim….
J’ai tout le temps faim...c’est toujours cela lorsque nous n’agissons pas ensemble...le faim ne cesse jamais….
- Bonjour Peter, lâchait poliment mon homologue professeur de littérature.
Je ne levais pas la tête de mon tas de copies. Il était inutile de feindre nous saluer alors qu’au petit matin, quand bien même il aurait voulu partir discrètement, Leoric m’avait imposé sa présence à la table du petit-déjeuner.
Je troquais un élément perturbateur pour un autre. Après Therence qui s'était évertué à me suivre constamment, je devais maintenant supporter le petit-ami de mon neveu dans la salle des professeurs. Et il n’y avait rien de plus agaçant que de ne pas apprécier quelqu’un de tout à fait charmant.
Derek semblait conquis par le norvégien. Je ne savais pas dire ce qui me dérangeait le plus dans cette relation. Qu’il soit un alpha, ou bien qu’il enseigne dans le même lycée ou encore pour une autre mystérieuse raison. Mon loup grognait en sa présence. Il me fallait user de toute ma bienséance pour demeurer cordial et poli avec lui.
Aussi, le lendemain, lorsque Derek nous informa que Leoric ne pourrait être des nôtres au diner, je n’eus pas â feindre le soulagement.
Ruby acceptait sans contrainte cette relation. Elle avait aimé Stiles, elle saurait apprécier Leoric également. Je le savais pertinemment.
- Papa fait de la cuisine, il a bientôt fini, expliquait Ruby à notre fils.
Ian gesticulait et voulait venir dans mes bras.
Je lui fis sentir mes mains qui travaillaient le poisson. Sa grimace nous fit sourire et son attention se reporta sur autre chose.
Par la fenêtre, il vit Chad et Mick arriver.
/ / /
- Tu t’améliores mon oncle, ironisa Derek lorsque son assiette fut vide.
Chad et Mick s’échangèrent un regard complice. J’ai passé presque autant de temps en cuisine que lorsque j’avais préparé un chili con carne.
- De la part de quelqu’un qui ne sait pas gérer la cuisson des œufs, j’accepte le compliment le neveu, répondis-je. Ça se joue à la minute près, n’est-ce pas Mick ?
Je le savais aussi psychorigide que moi, mais personne ne s’en offusquait dans son cas.
L’intéressé prit Ian sur ses genoux tandis que Ruby apportait le dessert qu’elle avait confectionné.
- Il a de la force dans les jambes, remarqua-t-il. Alors à qui ressemble mon filleul ?
Derek haussa les sourcils se moquant ouvertement que cette question fasse parfois débat.
- Oh Peter ! S'exclama Ruby. Et si tu amenais ces photos que tu as retrouvées l'autre jour ?
Les bras chargés des assiettes sales, je demandai à Derek s'il pouvait aller chercher le carton dans le bureau.
- Sur l'étagère du bas, précisai-je.
Lorsqu'il revint s'installer autour de la table, il ne manqua pas de râler que je n'ai toujours pas aménagé le coin lecture alors que je lui avais demandé de rapatrier ces affaires professionnelles dans sa chambre.
- On a toujours remis à plus tard, mais je veux en faire un album, expliqua Ruby.
Je n'avais plus ressorti ces photos depuis des années.
L'instant fut propice aux rires autant qu'à une certaine mélancolie.
- Je me souviens de cette fête d'anniversaire, ai-je dit. Nous fêtions aussi celui d'une de tes cousines paternelles. Vous vous étiez couchés très tard et le réveil avait été difficile, si bien que tu as manqué d'aller à l'école en pantoufles.
L'anecdote fit sourire Ruby qui n'avait connu Derek que des années après.
- Dommage que ta mère s'en soit rendu compte sur le trajet, ajoutais-je.
- Alors que mon oncle adoré n'avait volontairement rien dit, ironisa Derek.
/ / /
Ian avait grandi subitement. Son état de santé n'avait pas été altéré dieu soit loué. Mais petit à petit, nous commencions à comprendre combien il était différent.
La première fois fut lorsque Ruby alla rendre visite à ses collègues au commissariat. Avec la rupture de Derek et Stiles, elle n'avait eu que peu d'occasions de présenter notre fils au shérif.
Ma douce était revenue déboussolée. Ian avait fait une crise, refusant d'être touché ou même approché. S'il avait adopté Leoric, à mon grand malheur, Mafdet et les autres membres de la meute, son comportement était tout autre face à des inconnus. Ruby appréciait Noah, il n'y avait donc aucune raison qu'il sente une quelconque réticence de sa mère envers le policier.
Quand Ruby était sortie rendre hommage au bêta d'une autre meute qui avait trouvé la mort, son aura et sa forme complète de louve n'avait pas suffi pour l'apaiser. Ma douce avait fait acte de présence mais avait dû rapidement se retirer sous l'inquiétude de Ian.
Derek avait évoqué leur escapade le soir même et nous avions conclu que notre fils avait été réceptif à la douleur des autres.
Avec le recul, c'était sans doute autre chose.
Plus récemment des promeneurs l'avaient effrayé alors que je l'avais emmené en ballade.
Passer devant la maison des Cormier m'avait hérissé le poil mais je suis sûr maintenant que la réaction de Ian n'y était pas liée.
Le constat était clair et déstabilisant pour nous : sorti de son cocon, notre fils se refermait maladivement.
Avec peine, nous nous demandions si le traumatisme de la perte de sa soeur n'en était pas la cause.
Dans une église remplie d'inconnus, il avait subi un choc presque mortel avant même d'être venu au monde.
Nous, loups-garou, ressentons davantage les choses que le commun des mortels. Ce n'était pas différent pour Ian dont la vie avait commencé par une terrible épreuve : être séparé de sa sœur jumelle.
Nous avions ressorti des photos de Derek plus jeune lors du dîner. Des photos de Ian viendraient compléter ces souvenirs. Mais notre fille ne sera jamais dans nos albums de famille.
Trop accaparé par ces pensées affligeantes, je refermais le livre que je ne lisais plus pour aller me servir un café.
Je fouillais dans les différents thés que Ruby affectionnait et laissait de côté les herbes apportées par Mafdet et Leoric afin de calmer Ian.
Personnellement, je ne croyais pas aux miracles. Les effets thérapeutiques étaient minimes. Agir sur le sommeil était plausible, Ruby utilisait d’ailleurs beaucoup de ces herbes. Mais avoir un impact sur la croissance de Ian, c’était peu probable.
Même pour une famille de loups-garou, qui se devait de connaitre les secrets mortels de certaines plantes, nous n’avions trouvé aucun remède pour le phénomène anormal dont était sujet notre fils.
Ce qui lui arrivait était inédit. Seul Derek avait subi une transformation semblable. Mais à l’inverse de son cousin, il avait rajeuni.
Je me remémorais ces évènements. Un reflet sur la lame d’un couteau de cuisine me ramena sur une nouvelle piste.
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La porte de la boutique d’antiquités grinça sur ses gonds. Le propriétaire des lieux, et de plusieurs autres bâtiments en ville, avait pourtant tout loisir de pouvoir la remplacer. Je le suspectais de conserver l’aspect pittoresque du lieu pour amadouer sa clientèle. Cet homme était un crocodile.
Les Hale lui étaient familiers. Je posai volontairement la même sur la marque en spirale laissée sur son comptoir.
J’étais le loup et lui l’humain mais je n’ignorais pas que j’étais entré dans la tanière d’un prédateur.
- Je sais que l’arme qui a, disons, rendu une seconde jeunesse à mon neveu est passé entre vos mains, déclarais-je. Vous n’auriez pas un autre objet antique en votre possession ?
Pensant ses mots avant de les prononcer, le vieil homme exprima son regret de ne pouvoir me vendre ce que je désirais, justifiant que sa boutique ne recelait que des pièces uniques.
Son cœur ne le trahissait pas. Comme si un courant d’air avait soufflé l’identité de son propriétaire initial, l’antiquaire était incapable de m’en dire davantage.
Je n’avais pas exposé sous l’œil vif d’un Argent la situation dans laquelle était mon fils. Les chasseurs jonchaient la ville, je n’avais pas besoin qu’il apprenne ce que nous traversions.
Tel un ruisseau perfide, ce genre de personnage était capable de s’infiltrer dans la plus petite faille.
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Ruby était de plus en plus confuse. Ses terreurs nocturnes devenaient violentes. La journée, elle semblait épuisée et distraite. Derek me secondait pour s’occuper de Ian. Mais je voyais la mère de mon fils sombrer sans réussir à la relever.
Le point de non-retour finit par arriver un soir de pleine lune. Auparavant, elle se contrôlait parfaitement. Son statut et l’expérience rendait ces nuits-là moins difficiles. Mais les fêlures la rendaient vulnérable.
Ma louve trahit le désarroi dans lequel ma douce était plongée.
- Laisse-moi ! Hurla-t-elle si fort que Derek nous rejoignit à la hâte.
- Ruby, qu’est ce qui t’arrive ? Dis-je en tentant de l’apaiser.
- Ce qu’il m’arrive ? Grogna-t-elle. J’ai reçu une dague dans le ventre et j’ai perdu ma fille, et je n’ai toujours pas épongé ma soif de vengeance ! Personne ne semble même s’en soucier ! Où se trouve William ?!!!
Ce nom me remplit de colère, je ne pus réprimer un grognement rauque.
Je vis Derek faire un pas en arrière, protégeant Ian des mouvements brutaux de sa mère.
- Hein ? Où se trouve ton cousin ? Me demanda-telle. Celui qui a tué ton enfant ?! Est-ce que tu l’as ne serait-ce que cherché ?! A moins que tu ne t’en fiche ? Peut-être que c’est ce que tu voulais ?
J’étais à moitié transformé, tant pour avoir la force de parer ma propre femme et alpha que par la rage contenue qui bouillonnait dans mes entrailles. Dresser un tel barrage contre soi-même demandait une détermination intense. La situation rendait le contrôle plus que précaire.
- Ruby ! Tenta Derek
- JE NE SUIS PAS RUBY ! Avoua la louve. ELLE VOUS A ABANDONNE ! ELLE M’A ABANDONNE, et je meurs de faim….
Je ne pus retenir la bête aux yeux écarlates qui bondit par la fenêtre pour disparaitre dans la forêt.
Ce soir-là, ce qui me sembla le plus terrible dans l'état de Ruby, ce fut l'effet qu'elle engendrait sur mon loup. La bestialité résonnait en moi, faisant vibrer des bas instincts longtemps refoulés. C'était ainsi que je justifiais à moi-même le fait de fermer les yeux sur son arrangement avec Lycaon.
Le sang appelait le sang.
Ma douce, plongée en léthargie dans son propre corps, laissait la cage ouverte à sa louve.
Nous ne pouvions pas être deux à nous laisser aller.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Sam 16 Mar 2019 - 22:03
Hale en danger
Ian s’accroche à ma fourrure. Derek m’a demandé si je pouvais garder son cousin, il a besoin de prendre l’air. J’avais senti cette atmosphère pesante alors que je mettais ma Kawa sur sa béquille. Peter est au lycée, Chad et Mick occupés, l’un sur son chantier et l’autre sur son passé. Quant à Ruby… quelque part en forêt, une forêt qui perd peu à peu sa faune. Avant elle était la bonne copine, l’épouse dévouée, l’alpha attentionnée, mais sa louve a pris les rênes. Autant dire qu’avec le transfert d’autorité, elle a perdu de son charisme. Difficile de reconnaître celle qui a réussi à me fixer à une meute.
Dès que Derek est sorti, j’ai attrapé le loupiot, direction ailleurs. Ian étouffe aussi dans ce manoir chargé d’ondes négatives. Chaque adulte qui vit ici est brisé. Peter souffre autant que Ruby de la perte de sa fille, mais il tient pour sa femme. Jusqu’à quand ? Pour l’instant Ruby décime les animaux de la forêt, et quand il n’y aura plus l’ombre d’une biche ou d’un lapin ? Quant à Derek, il semblait avoir trouvé un nouveau sens à sa vie avec le Norvégien. Mais le Viking était reparti aussi vite qu’il était arrivé. Je lui aurais bien lacéré le fessier qu’il avait de très esthétique. Derek était le seul élément stable du manoir.
*
Ian adore se balader à dos de panthère et c’est sous cette forme que je communique le mieux avec lui. Nous allons longer le terrain de Chad et cachés dans les fourrés nous observons les engins creuser la terre et d’autre couler du béton. Un projet pharaonique… Mais je compte bien aller squatter quand leur maison sera terminée. Sur leur terrasse la vue sera à couper le souffle sur le fond de la vallée en contrebas.
Ian s’endort, la joue collée sur mon encolure. Je rentre au manoir en veillant à ce qu’il ne glisse pas. Derek est rentré, il récupère l’enfant endormit sur mon dos. Il s’inquiète pour lui car Ian se replie sur lui-même. À part les membres de la meute, il a peur des gens. La raison peut être multiple. Il est évident qu’il conserve un traumatisme de la perte de sa sœur jumelle. Sa mère qui s’égare dans une course contre le vent n’arrange rien. Je reste un peu, mais Derek reste mutique. J’embrasse Ian qui dort dans son lit et sors du manoir. Derek m’interpelle alors que je démarre la kawa au kick.
- Maf’… - Quoi ? - Tu ne peux pas faire quelque chose pour Ruby ? Lui parler… ou… - J’ai déjà essayé Derek, on a tous essayé. Elle refuse d’écouter. - Par la force… Tu as la puissance pour… - Encaisser une attaque de sa part ?
Je le vois venir. Ruby, comme Derek, a la capacité de se transformer intégralement. Mais cette capacité n’a rien à voir avec celle de Derek ou de sa mère avant. Derek et Talia ont atteint ce niveau rarissime grâce à une évolution de leur être, c’est une chimie un peu spirituelle. Peter n’en sera jamais capable. Pour Ruby c’est sa nature profonde issue du monde d’où elle vient. Un monde parallèle qui n’existe pas en tant que tel sur notre réalité. Elle n’est pas de notre monde, c’est ce qui explique la force de son aura.
Je soupire, dans la nature un combat singulier louve contre panthère, si tant est qu’il soit possible de mettre ces deux animaux face à face, c’est la panthère qui prend le dessus. Plus massive, plus agile, le félin est un combattant solitaire, à l’inverse de la louve qui chasse en meute. Mais je n’ai nulle envie de montrer les crocs à Ruby. Derek insiste, le regard désespéré. Il craint que la louve commette un acte irréparable.
- D’accord. Mais mets ça dans le berceau de Ian.
L’enlève mon écharpe et la donne au loup. L’idée est d’associer mon odeur à celle de Ian, cela freinera peut-être Ruby.
*
Une fois rentrée chez moi, je me change pour une tenue plus confortable et qui n’entrave aucun de mes mouvements, puis je repars. J’ai besoin de me préparer pour m’opposer à mon alpha, même si ma nature félin fait qu’elle ne peut pas me faire plier avec son aura. Derek, Peter et Chad, ne peuvent rien contre elle, à moins de s’unir contre elle. Ils l’aiment trop pour cela.
Personne au Nemeton, j’en suis contente. Ce lieu devient un peu galvaudé je trouve. Je m’assois en tailleur sur la souche, pose mes poignets sur mes genoux et ferme les yeux. J’avais montré à Alex comment sentir les vibrations de la souche, lointaines répercussions du nœud tellurique qui est à son aplomb. Je me laisse envahir par des sensations diaphanes. Je respire par le ventre et me relaxe. Je peux rester des heures ainsi sans bouger.
L’énergie qui se croise et s’entrecroise sous la terre bouge et varie au fil de la journée, des saisons, des catastrophes climatiques. Je ne le perçois pas tout de suite, car ce flux-là a toujours été ténu. La faille, ce cordon ombilical avec le monde de Ruby, le monde enchanté comme elle le nomme.
J’ouvre les yeux. Je sais ce qui rend Ruby instable et si on ne fait rien, elle va mourir. Ce soir, je ne vais pas affronter la louve rouge. J’aurais préféré, car là, je suis porteuse d’un bien sinistre message. J’appelle Chad, je lui donne rendez-vous au manoir avec Mick. J’appelle ensuite Derek pour qu’il retienne Ruby si jamais elle voulait sortir plus tôt qu’à son habitude. Le cœur lourd, je prends la direction de la demeure des Hale.
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Sam 23 Mar 2019 - 22:45
Split
Malgré mon passé torturé et l’ombre du tueur qui ne me quittera jamais vraiment, apprendre que Ruby devenait une bête sanguinaire derrière notre dos à tous m’avait abasourdi. Je ne comptais plus les heures qu’elle passait dans la forêt, engendrant l’angoisse sourde pour Derek et moi qu’elle franchisse l’orée du bois et relâche ses instincts meurtriers dans les rues de Beacon Hills.
Au lever du jour, je retrouve ma louve recroquevillée sur le tapis de notre chambre. Je l’avais entendu rentrer, senti l’odeur du sang et perçu son souffle derrière moi. Mais elle ne s’était pas lové dans notre lit. Plus depuis que son humanité s’était racorni tout au fond de son être.
Dans la cuisine, je finis le peu de café qui restait et sortis sans attendre. Mon visage, de pair avec mon humeur, reflétait une nuit difficile dans le rétroviseur de la voiture tandis que je prenais la route du lycée.
Les petits malheurs de cette journée seraient dérisoires. Mais je ne le saurais qu’en rentrant au manoir.
Les deux premières heures de cour furent calmes, les élèves répondaient avec joie à l’interrogation surprise sur le dernier ouvrage que nous avions étudié. Lorsque la sonnerie retentit, ils se précipitèrent hors de la classe.
Je ramassai une feuille laissée au sol en fulminant sur l’irrespect des jeunes actuels et pris mes affaires. En ressortant, je posai les yeux sur ce qui y était écrit.
Un bulletin de note un peu particulier. Il ne s’agissait pas des résultats scolaires d’un élève mais plutôt d’une liste de noms et de trophées ridicules attribués aux enseignants. Nous y figurions tous.
Shepherd. Rapier, la documentaliste, Jouve et même Amemiya, la professeur de mathématiques qui n’a pas fini l’année scolaire. Je ne suis pas sûr que cela plaise à tout le monde. Surtout Mafdet dont l’humour pouvait être carnassier. D’ailleurs, je ne l’avais pas vu aujourd’hui.
En rentrant dans la salle des professeurs, j’expose clairement la feuille de papier sur le tableau d’affichage sans qu’on puisse me voir. Voilà qui mettrait un peu d’action. Et assurerait que je ne sois plus le seul à porter cet air sinistre.
Je corrigeai quelques copies quand quelqu’un parla d’un élève que nous avons en commun. Therence Garnet avait écopé d’une punition. J’écoutais d’une oreille discrète.
Ma dernière conversation avec l’adolescent l’avait laissé dépourvu et il n’avait plus remis les pieds chez nous. Ses questions avaient remué des souvenirs de jeunesse mais j’avais douché son espoir juvénile de trouver ses racines.
La pause du déjeuner fut morose. Comme je le faisais rarement, de mon propre chef, je m’étais installé parmi mes collègues mais sans vraiment participer à leurs conversations. Le classement mystère que j’avais trouvé dans ma classe faisait parler.
L’un d’eux s’attira mes foudres lorsqu’il tâcha la manche de ma chemise avec cette sauce tomates bourrées de sucre dont raffolent les jeunes et que les italiens de souche maudissent.
L’après-midi mit mes nerfs à rude épreuve avec une classe dissipée.
Rentrer au manoir finit par être un soulagement malgré mon inquiétude permanente au sujet de Ruby.
Je compris que quelque chose n’allait pas en voyant la voiture de Chad et la moto de Mafdet garés devant le manoir.
J'étais attendu dans un calme chargé de tensions. La meute était réunie autour de notre druide.
Mafdet n’avait pas la posture régalienne que nous lui connaissions. Le poids des mots qu’elle modelait muettement avant de partager ce fardeau pesait sur ses épaules.
Des mots clairs, simples. Tranchants.
Personne n’y était préparé.
- Comment peux-tu en être sûre ? Ai-je hurlé.
Mafdet possédait un savoir ancestral, ses capacités étaient exceptionnelles il fut un temps. Et même si elle n’était plus une sentinelle, elle pouvait toujours sentir les énergies qui parcouraient le monde.
Si une anomalie existait, elle était l'une des rares personnes à pouvoir la déceler. Et j'imaginais sans mal que le flux reliant Ruby à son monde d'origine ne passait pas inaperçu.
Mais la sentence qu'elle posa comme un couperet sur nos vies était trop horrible pour être acceptée.
- Tu te trompes ! Scandai-je.
Alors la panthère rugit plus fort que moi. Pour couper court au dialogue stéril. Pour ancrer la réalité des faits dans ma tête aussi fermement qu'un ouvre boite dans une conserve.
- Quand ? Soufflais-je.
Quand ma femme sera rappelée à son monde ? Quand mon fils sera-t-il définitivement privé de sa mère ? Quand notre meute perdra-t-elle son alpha ?
- Quand ? Insistais-je à l'ancienne déesse en me plaçant à portée de griffe.
Face à ma violence, elle posa une main sur mon épaule, geste de compassion sinon d'amitié, qui attendrit mon amertume.
La réponse lui était inconnue.
Le Destin, vêtu de toute la cruauté dont il était capable, viendra nous arracher Ruby. D'un moment à l'autre.
Elle seule savait, au fond de son être, quand l'heure serait venue.
La louve était hystérique depuis des jours. L'humaine ne refaisait surface que l'espace de courts moments.
La vérité s'étalait sous mes yeux chaque matin, à chaque cauchemar ou rêve illusoire. La mort de Lilia avait ouvert un sillon dans le cœur de Ruby. Et elle avait plongé dans cet abysse toute entière. Sa conscience, sa raison, sa joie de vivre. Et maintenant, le peu de magie qui subsistait de son monde et qui la maintenait en vie disparaissait.
Il n'y avait aucune échappatoire. Aucun remède mystique.
Sournoise illusion du bonheur, Impuissance face au malheur, Tristesse de la perte à venir.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mar 26 Mar 2019 - 18:07
Our Broken Family
Chad ft. Meute
Le cabinet d’avocat m’a renvoyé une copie de la mise en demeure qui va être adressée à Garnet. J’ai parlé à Mick du vandalisme de notre chantier et de la pathétique signature du merdeux : « 666 »
- Que représente ce chiffre, me questionne Mick. - Ma main serrée sur les couilles d’Amaro.
Le regard de mon fiancé se fait sévère et ses mâchoires se crispent. L’Italien est un sujet tabou entre nous. Il le considère comme un concurrent potentiel, même s’il clame que c’est seulement le côté truand du loup qui l’inquiète. Mick côtoie aussi des gens peu recommandables. Il est vrai qu’Alessandro ne laisse pas indifférent. Bel homme et bon acteur, il sait captiver son monde en sur jouant ses origines latines. Mais il faut s’appeler Garnet pour tomber dans le piège, sinon sous le charme. Amaro m’utilise, comme je l’utilise. J’ai conscience d’évoluer en terrain miné, mais ce n’est pas lui qui va m’avoir sur le paraître. J’ai été à bonne école à Boston. Car si les amis de mon père n’étaient pas des mafieux, ils n’en étaient pas moins dangereux et redoutables.
- 6,66$ c’est la somme que j’ai subtilisée sur son compte en banque. Il ne peut pas virer son fric ailleurs sans attirer le fisc. Et rien ne lui dit que cet ailleurs serait mieux sécurisé que sa banque actuelle. C’est ma garantie pour rester en vie Loulou.
Mick tord les lèvres. Alessandro lui colle des boutons. Je m’approche de lui et mordille le lobe de son oreille.
- Il n’y en a qu’un et c’est toi. Il faudrait une magie obscure pour me détourner de toi. Mais j’admets que l’humour décalé d’Alessandro est amusant…
Je me prends une tape sur la nuque.
- Tu es trop sérieux Mick ! Décoince !
Je sais qu’il est inquiet pour sa mère, et que le mystère qui entoure sa vie le plombe. Mais de la même manière que j’ai eu de précipiter notre union, il doit penser à vivre et s’amuser.
***
Chaque fois que l’on sort le nez des malheurs, la vie se charge de nous y replonger. Je raccroche. Mafdet vient de m’apprendre la pire des nouvelles, notre alpha court un grave danger. Nous laissons tout en plan et fonçons vers le manoir, point de rassemblement de notre meute.
L’ambiance est lugubre à notre arrivée. Ruby tourne comme un fauve en cage, Derek reste assis sur un haut tabouret, les bras ballants. Mafdet se tient prêt de la cheminée où aucun feu ne brûle. Elle résume la situation en une phrase. Ian qui ne comprend pas ce qu’il se passe tourne en rond dans le salon, comme s’il n’osait pas vaquer à ses occupations d’enfant. Comme ni Ruby ni Derek ne réagissent, j’attrape le bambin et le garde dans mes bras. Il pose sa tête contre mon torse et enfourne son pouce dans sa bouche. Je le rassure en laissant mon loup sortir légèrement, juste de quoi illuminer mes yeux.
Comment n’avons-nous pas senti le danger ? Est-ce ma faute, quand à Boston j’avais puisé sans le vouloir dans les réserves magiques de Ruby pour emprunter le rang d’alpha de Nathan. Je reste silencieux. Je n’ose pas questionner notre druide. Peter n’est pas encore arrivé, je crains sa réaction si ma culpabilité devait être confirmée.
Derek sent ma détresse, il descend de son tabouret et propose de faire du café, pour nous détendre. Je ne suis pas certain que c’est ce qu’il nous faut, mais je hoche la tête. Cela nous occupera les mains et les lèvres.
***
Un bruit de moteur annonce le retour de Peter. Mafdet ne lui a rien dit, sage précaution.
- Comment peux-tu en être sûre ?
Peter expose. Mafdet n’y est pas allée par quatre chemins. La féline a toujours été abrupte dans ses façons de faire.
- Tu te trompes ! s’insurge-t-il.
Un rugissement puissant retentit. Pas de peut-être, ni de faudrait voir. Sa sanction est ferme et sans appel. Si Ruby reste avec nous, elle meure, car le cordon ombilical avec son monde d’origine se coupe. La nature a horreur des déséquilibres, est-ce de ce fait que la faille se résorbe ? Elle avait permis aux amies de Ruby de venir au mariage. Ces allers venues semblent y être pour quelque chose. Je me rassure avec ça, me disant que ma part de responsabilité est dans l’accélération d’un événement inévitable.
- Quand ?
Maf’ ne répond pas.
- QUAND ?
Peter s’est approché de la druide, Ian se ratatine dans mes bras, Mick s’est avancé d’un pas. Elle ne le sait pas, mais vu l’état soudain de Ruby, nous devinons que le temps lui est compté. S’agit-il de mois, de semaines, de jours ? Évidemment, elle voudra profiter un maximum de nous tous, de son fils, mais… à trop tarder, elle pourrait y laisser la vie. L’indécision se lit sur les regards. Le choix est binaire : partir et tout abandonner, ou mourir. Ruby secoue la tête, elle rejette l’idée de partir. Il va pourtant le falloir. Je me racle la gorge.
- Personnellement, je préfère te savoir en vie loin de nous, que morte sous nos pieds.
C’est dit. Il n’est pas question de voter, Ruby doit faire son choix. Je lui donne simplement ma pensée. Ian triture le col de ma chemise, puis se penche vers Mick. Je lui confie l’enfant. Derek arrive avec un plateau et des tasses fumantes d’un breuvage noir charbon. J’en prends une et me réchauffe les mains et souffle sur la surface
- L’état de Ruby a empiré depuis que quelques jours. J’ai peur que cela soit une question de quelques jours. Il ne faut pas attendre que la faille soit trop infime pour…
Ma voix se meure sur mes lèvres. J’ai l’impression de la pousser dehors, loin de nos vies.
Alias : L'homme sans passé Humeur : Pensif Messages : 1589 Réputation : 270
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mer 27 Mar 2019 - 21:59
Résilience
Mick ft. Meute
Le trajet jusqu’au manoir est pesant. Maf a évoqué un grand danger qui menace Ruby sans l’expliquer. La nouvelle requière que la meute se rassemble. Nous sommes les seuls à ne pas vivre dans la demeure des Hale mais nous ne nous faisons pas attendre. La Maserati gronde jusqu’au chemin qui pénètre en forêt.
Nous entrons sans même frapper. L’air sinistre de Derek et le masque imperturbable de notre druide sont amplement justifiés.
Dans ce contexte, Ian batifole sans savoir pourquoi les adultes autour de lui projettent tant d’angoisse.
Je décline le café que Derek propose sans se souvenir que je n’en bois pas habituellement. Son esprit doit bouillonner d’impatience. Tout comme Chad qui se montre malgré tout tendre avec Ian.
Lorsque Peter arrive, il prend de plein fouet toute la mesure de la situation. D’abord par les tensions palpables dans l’air ambiant puis en une phrase terrible annoncée par Maf.
Le chagrin est comme un océan profond, sombre et si vaste qu’il peut engloutir n’importe lequel d’entre nous. La tristesse est comme une voleuse dans la nuit, silencieuse, incontrôlable, injuste.
La colère de Peter est compréhensible. Elle est l’expression de cette tristesse sans fond. Quelqu’un a dit un jour que la mort n’est pas la pire chose dans la vie : le pire, c’est ce qui meurt en nous quand on vit.
J’espère que Peter pourra se relever de cette nouvelle épreuve. La folie guetterait l’esprit le plus sain face à tout ce qu’il a déjàparfo vécu.
- C’est hors de question, grogne Ruby farouchement.
Mais elle vacille quand Peter souffle le surnom qui lui a voulu tant de nos moqueries.
- Personnellement, je préfère te savoir en vie loin de nous, que morte sous nos pieds, intervient Chad.
Ses mots achèvent de poser une chape de plomb sur nos épaules. Mais je partage son avis. Aussi difficile que ce soit.
- L’état de Ruby a empiré depuis quelques jours, ajoute-t-il. J’ai peur que cela soit une question de quelques jours. Il ne faut pas attendre que la faille soit trop infime pour…
Il n’achève pas sa phrase. Ce qu’il énonce est factuel, objectif. Nous nous connaissons suffisamment pour savoir qu’il n’est pas dénué d’empathie. Nous aimons tous Ruby.
Mais il y a effectivement une décision, impossible, à prendre rapidement. À vouloir jouer avec le temps, nous risquons de tout perdre.
La discussion n’est pas larmoyante, sans doute parce que nous sommes sous le choc. Les arguments sont en faveur du déchirement à venir. Mais l’admettre est loin d’être aisé.
Nous déambulons dans le manoir, sans confirmer ou infirmer une quelconque décision. Nous nous accordons des moments avec Ruby en essayant de refouler au fond de nos pensées qu’il s’agit des derniers.
Je m’installe dans le canapé à ses côtés et interromps ses rêveries. Son comportement est variable depuis des jours. Elle a même du mal à contrôler sa transformation, ses traits muent parfois en ceux de la louve avant de redevenir ceux d’une femme.
- Je voudrais te parler de Ian, commence-je. Te donner la certitude qu’il ne sera pas seul. Bien sûr, il aura Peter, son père. Et Derek. Il ne manquera pas d'amour. Mais je veux aussi te faire une promesse.
Je sais que je capte l’attention d’une mère. Même profondément meurtrie, cet instinct-là est presque infaillible.
- Je te promets de l'aider à grandir, ajoute-je, de le guider, de lui apprendre à faire face au monde sans avoir peur de la différence, de le protéger jusqu'à ce qu'il soit fort et même au delà. Il ne sera jamais mon fils mais je suis son parrain.
- Merci, Mick, me dit-elle en posant sa main sur mon genou. Tu es un homme bien qui mérite de trouver la paix.
Lorsque les larmes déferlent sur ses joues, je comprends que l’humaine refait enfin surface.
Nous nous rapprochons d’elle pour échanger des paroles réconfortantes, évoquer des souvenirs forts et tenter de projeter un avenir dans lequel nous nous en sortirons.
Il ne s’agit pas de la chasser hors de nos vies mais de l’aider à passer à autre chose.
Ce sont des chaînes que nous brisons pour elle mais le dernier maillon ne peut être ouvert que par sa volonté.
Ruby, la louve comme l'humaine, doit lâcher prise. Se laisser emporter. Littéralement. Ou mourir d'être restée ancrée à notre monde.
Lorsque le dilemme n’en sera plus un, il ne restera qu’une chose à faire, pleinement, inconditionnellement.
Profiter.
* * *
Cette nuit-là n'est pas éclairée par une lune pleine ni placée sous le signe d'un événement calendaire ou cosmique particulier. C'est une nuit effroyablement banal. Peut être pour nous rappeler combien le destin peut frapper sans prévenir.
C'est le moment. Ruby le sait, sa louve fulmine en sentant la fin toute proche.
Combien de temps aurait-il fallu pour accepter, pour être prête ? Aurait-elle seulement pu l'être un jour ?
On ne peut pas anticiper ce genre de détour dans l'existence. Nous sommes voués à disparaître, c'est la nature de toute chose. Et pourtant, toute chose lutte pour sa survie.
Pour notre amie et alpha, il n'y avait qu'une solution. Aussi déchirante soit-elle. Et derrière toutes nos émotions, une pointe de soulagement nous aide à garder la tête haute.
Est-ce ça la mort ? Cesser de disparaître ? Ou une alternative ? Un voyage vers un ailleurs inconnu ?
Nous connaissons la destination de Ruby. Mais ça n'en est pas moins difficile car il s'agit d'un voyage sans retour.
Nous marchons derrière elle en silence.
Elle est droite, accrochée au bras de Peter qui porte leur fils.
Miya n'a pas pu être présent mais il a demandé à James de me faire parvenir un message. Son lien avec la meute s'est étiré au gré de ses nombreux déplacements et de la quête personnelle qui l'anime. Il était davantage un ami que son beta depuis plusieurs mois mais sa peine est réelle.
Nous avons transmis à Ruby les adieux chaleureux du kanima.
Je vois au visage de Chad que son aura d'alpha irradie, comme pour les baigner une dernière fois d'amour et d'amitié. Même dénué de sens lupins, je peux le sentir. Les adieux créent des émotions communes.
Nous arrivons près d'un rocher plat. Il donne l’impression d’être un autel improvisé en pleine nature. Si Matrim avait été là, le piédestal aurait servi à accueillir une statue en hommage à Ruby.
Elle s’y installe, hume l’air aux alentours et caresse de ses doigts les courants invisibles que Maf doit également percevoir. La faille est juste ici, prête à se refermer. Elle l’appelle.
Pendant quelques minutes encore, Ruby est notre alpha, entourée par sa famille. Elle nous regarde un à un avec plus de profondeur qu’elle ne l’a jamais fait. L’émotion me saisit la gorge aussi fort que Chad me serre la main.
Je vis avec le deuil de mes parents depuis mon enfance mais je ne m’habitue pas à voir disparaitre mes proches.
Notre meute est à l'image du monde dans lequel nous vivons.
Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mar 2 Avr 2019 - 17:55
Hale en danger
Je reste assise sur la selle de ma Kawa, le manoir s’offre à mon regard, majestueux. J’ai coupé le moteur, mais les occupants savent que je suis là. Mon oreille féline entend Ian qui s’exclame.
- Af’ là !
L’enfant connaît le son de ma moto, et je crois qu’il serait capable de la reconnaître parmi d’autres. Je l’aime bien ce chiot, même si mes attentions à son égard sont brusques et sans fioritures. Avant de partir, j’ai appelé Chad pour qu’il vienne avec Mick.
Derek finit par sortir voir ce que je fabrique. Il me regarde, je n’ai toujours pas mis ma moto sur sa béquille. Mon indécision lui fait froncer les sourcils. Il a le regard las de ceux dont les nuits sont courtes. Lui et Peter sont constamment aux aguets la nuit. Car c’est la nuit que Ruby part en forêt, la nuit qu’elle peu dérailler à tout instant. Je finis par rejoindre le manoir.
Ruby m’accueille d’un sourire froid et crispé. Elle est loin l’amie aimante et intrusive qu’elle était. Sa louve qui a pris le dessus est un animal froid au passé sanguinaire. Les poils de mes bras se hérissent. Félins et canidés ne sont pas amis. Ma nature réagit contre la sienne. Et avec ce que j’ai à dire, cela ne va pas arranger cette inimité naturelle entre espèce. Pour autant, je n’oublie pas le passé et nos moments ensemble. Je ne suis pas une grande partisane des embrassades, mon adieu paraîtra dépourvu de sentiments. Je n’y peux rien, les chats sont ainsi. Loin des yeux… Ruby ne sera pas la première proche que j’oublierai. Il y en a eu une palanquée avant elle. En cinq mille ans on s’habitue au départ des autres. Le dernier en date… Erick. Aucune idée où il est. Ce n’est pas important, enfin je crois.
- J’ai trouvé l’origine du problème de Ruby.
Derek me regarde avec espoir, Ruby, quant à elle, devine que ce n’est pas bon. J’annonce la couleur. Noire, impaire et manque. Derek proteste, réclame des certitudes. Ruby se tait, elle sait que j’ai raison et, au pli amers qui froisse ses lèvres, se morigène de ne pas avoir trouvé cela toute seule. Ian passe entre nous, le loupiot est agité. Derek finit par le prendre dans ses bras. Dehors le moteur de la Maserati de Chad avertit son arrivée.
Je leur annonce la couleur avec le minimum de mots. C’est rude, brut, mais aucune tournure, ni aucun style ne changeront la froide réalité. Mick est abasourdi, il donne une accolade à Ruby qui étrangement la lui rend la pareille. La louve a beaucoup d’estime pour lui, elle l’a choisi comme parrain de son fils. Nous attendons Peter. Je n’ai rien dit à l’aîné des Hale. Trop instable, trop irritable, il est à mes yeux toujours un loup dangereux. D’ailleurs, j’aurais moins de retenue le jour où il déraille et que Ruby ne sera plus là pour le tempérer.
Il arrive, se gare à côté de Chad. Ma moto, la Maserati, il sait que quelque chose cloche. L’ambiance est de plomb, un loup sent cela. Peter entre, je suis adossée à la cheminée où aucun feu ne brûle. Pas de bonjour, encore moins un sourire, il questionne les présents d’un regard assassin, une façon de dire « Quoi encore ? ».
- La louve de Ruby a pris les commandes car elle est en danger de mort. Ruby peut vivre dans notre monde tant que la faille qui permet de rejoindre son monde originel reste ouverte. La faille se ferme. Si elle reste ici : elle meure. Ian n’est pas touché et n’est pas obligé de suivre sa mère.
Je ne développe pas plus, car je n’en sais pas plus. Je n’ai aucune idée du mécanisme qui a créé cette faille, ni s’il est possible de rouvrir plus tard une porte. Je ne veux pas leur donner de faux espoirs. Mais mon passif de sentinelle me dit que cette faille était un déséquilibre et la nature n’aime pas les balances qui penchent. C’était une erreur, la présence de Ruby ici, sa vie, sa famille, tout cela était une erreur. Je me garde d’exprimer tout haut mes pensées, ils me prendraient pour une sans cœur. L’atmosphère est suffisamment explosive avec Peter qui me braille dessus.
Je rugis. Je n’y peux rien. Blâmer le messager, c’est bien sa nature. Peter s’est avancé à portée de crocs, à portée de griffes. Griffes qui pointent au bout de mes doigts, crocs qui soulèvent mes lèvres. Je suis capable de balafrer sa face de casse pied sans la moindre hésitation. Ian qui se ratatine dans les bras de Mick calme mon agacement.
- Quand ?
Je hausse les épaules.
- QUAND ?
J’en sais rien. Ce soir ? Demain ? Dans un mois ?
- Personnellement, je préfère te savoir en vie loin de nous, que morte sous nos pieds.
Enfin une parole sensée. Chad est intervenu. Le doux bêta, celui qui dans cette meute est le plus calme, le plus posé. Il développe sa pensée que je partage.
- L’état de Ruby a empiré depuis que quelques jours. J’ai peur que cela soit une question de quelques jours. Il ne faut pas attendre que la faille soit trop infime pour…
Tout le monde comprend. Il est temps de préparer son sac et de dire au revoir, sinon le train risque de partir sans elle. C’est brut, violent, chacun fait face suivant son tempérament. Chad reste calme, perdre un être cher il connaît déjà, Mick aussi, quant aux Hale…
Je reste en retrait, je ne peux rien faire, rien retarder. Je suis Cassandre. Seul Peter résiste, se pince comme pour se réveiller d’un cauchemar. Mick, fidèle à lui-même, parle de l’après, de ses engagements envers Ian. Il promet, sait-il ce à quoi il s’engage, a-t-il conscience des cordes dont il entrave ses mains ? Il y a longtemps que je ne promets plus rien à personne. Tout au plus, je dis faire « au mieux ». J’ai déjà promis et par de nombreuses fois, la vie m’a obligée à ne pas honorer mes serments.
Puis vient le moment des larmes. Je regarde leur yeux mouillés, même ceux de Derek. Les miens restent secs. Ne plus voir Ruby ne m’attriste pas, certains moments vont me manquer, mais je n’arrive pas à être affligée comme le reste de la meute. C’est cela qui me morfond, ne pas ressentir la même émotion qu’eux. J’ai trop vécu je crois. Cela use l’âme que plus rien ne touche, même pas la perte de son amie. Je prends une mine triste, par politesse…
***
Attendre plus longtemps lui a paru un calvaire, Ruby décide de franchir la faille une dernière fois le lendemain.
Je suis la procession en restant derrière. Ruby tient la main de Peter qui porte Ian. Derrière, Derek, Chad et Mick. Miya est trop loin et l’attendre pourrait être fatale à Ruby.
L’endroit de la faille est marqué d’une pierre plate. Je laisse mes yeux de félin ressortir et je la vois. C’est comme un vent violent qui s’engouffre dans une fente. L’énergie de notre monde se perd, comme l’air d’une chambre à air. Laisser une telle faille ouverte est dangereux.
Je n’exprimerai pas les émotions des autres. Je dis adieu à Ruby. Sa louve s’est calmée, notre accolade est sincère. Je ne promets pas de veiller sur la meute, mais c’est ce que je ferai, autant que possible, tant que ce choix m’est permis.
Ultimes larmes, ultimes baisers, sa cape rouge disparaît dans un brouillard. La faille ne semblait attendre que ce moment, elle se réduit à un mince trait et disparaît dans un pop que même le seul humain de l’assemblée peut entendre. Je ne reste pas pour l’after, Mick et Chad seront de bien meilleurs compagnons que moi.
- Salut, dis-je avant de prendre ma forme ultime.
Celle de la panthère, j’ai besoin d’air et de contact primaire. Je fais quelque pas et quelque chose me stoppe. Peter marmonne quelque chose, je me retourne, regarde Chad et Derek. Échange de regards, je soupire. J’imaginais une suite en forme de deuil, mais voilà de nouvelles emmerdes qui arrivent. Mon pelage se fond dans la nuit, je me noie dans la forêt.
Meute & Clan : Hale's pack Âge du personnage : 35 ans
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Sujet: Re: Our Broken Family (ft. Ruby, Derek & Co) Mer 10 Avr 2019 - 22:26
I'll never love again
Ce fut notre dernière nuit.
Ruby et moi étions restés seuls. Elle m’expliqua que ses excès sanguinaires la conduisaient toujours au même endroit, un coin de forêt autour du manoir, sans qu’elle ne sache pourquoi.
Ce soir là, nous avions compris. C’était ici qu’elle était arrivée. Et d’où elle devait repartir. La louve avait perçu la faille sans en avoir conscience et fulminait de sentir la fin approcher. Aussi farouche et puissante fusse-t-elle, elle ne pouvait pas vaincre la mort.
Une meute, des amis, un mari, un fils.
Elle devait abandonner absolument tout ce qu'elle avait, tout ce qui faisait sa vie.
Pour justement la préserver.
Son instinct de survie était poignant. Son attachement à notre monde tout autant. Mais malgré le déchirement que sa disparition provoquait, nous partagions un avis commun.
- Je ne pourrai vivre en sachant que tu n’es plus, que ton corps redevient poussière dans le caveau familial. Mourir ici ou vivre ailleurs. C'est un choix qui n'en était pas vraiment un.
Talia aurait peut-être été fière que je puisse faire preuve de sagesse au moins une fois dans ma vie. Par la force des choses.
Nos têtes appuyées l’une contre l’autre, nous acceptions cette fatalité.
Et dans ce capharnaüm d’émotions aussi sombres les unes que les autres, une once volatile se détacha. Un sentiment, tâché de honte, mais bien réel.
Le soulagement.
/ / /
La meute telle que nous la connaissions se rassembla une dernière fois. Ce masque de sérénité que tu affichais ne m’apportait ni fierté ni réconfort.
À l’approche du moment fatidique, le soulagement avait disparu. Les doutes, l’angoisse de ne plus savoir vivre par delà son départ étaient insurmontables. Je pris sur moi de chasser la rancœur qui ne demandait qu’à s’installer à la place de l’amour que je ressentais pour Ruby.
Il n’y avait pas de responsable à blâmer, pas de fautif à haïr.
Et surtout pas elle.
Mais pourquoi maintenant ? Quelque chose ou quelqu’un avait-il précipité sa perte ?
Nous avions passé la journée avec Ian, expliquant avec des mots simples que sa mère devait nous quitter. Notre enfant saura-t-il surmonter cela ? Le veuf que je m’apprêtais à devenir allait-il être un bon père ?
Tant de questions. Et aucune réponse.
Notre procession s’arrêta, faisant tomber mon cœur au fond de mes entrailles.
C’était donc là que nos deux mondes s’entrechoquaient ? Mafdet confirma ce que ma louve avait senti. Ce vulgaire autel était le dernier endroit où mes yeux s’étaient posés sur elle. Notre histoire s’achevait là, brutalement, injustement.
Irrémédiablement.
Il ne pouvait en être autrement. Ruby venait d’ailleurs, sauvage et fissurée, si forte et fragile à la fois. Douce. Ma douce.
Dernier geste d'amour. Derniers regards.
Derniers mots.
Dernières larmes.
- Un jour, je la retrouverai... Souffla-t-elle alors que je la couvrais du tissu écarlate qui provenait aussi de cet autre monde.
Cette cape elle l'avait revêtu à de nombreuses occasions, dans presque toutes ses vies. C'était sa couleur.
Ruby.
Aussi précieuse que la gemme dont elle portait le nom.
Alors que sa forme vacillait sous le tissu, une étrange brume l’entoura.
Puis un bruit bref frappa l'air autour de nous. Dans un claquement sec, une porte trop longtemps ouverte venait de se fermer pour toujours.
Le chaperon avait disparu de l'autel, il n’y avait de toute façon plus aucun corps à recouvrir.
Le temps sembla se figer.
L'émotion c'est le silence, la résonance de quelque chose qui vient de passer.
Ruby n'était plus.
Les yeux clos, je sentais encore une présence presque imperceptible, écho d'un amour qui ne pouvait disparaître. Cet endroit sera toujours imprégné par son aura.
Ruby n'était plus.
Mais elle vivra.
/ / /
Je n’avais plus ta main dans la mienne. Mais cinq petits doigts s’agitaient au creux de mon poing et me rappelaient qu’une part de toi appartiendra toujours à notre monde.
Derek sentit que je marquais un temps d’arrêt avant d’atteindre le perron. Je vacillai. Il récupéra délicatement son cousin pour ne pas accentuer le traumatisme qu’il venait de vivre.
Pour ma part, je ne pouvais pas entrer. Je n’y arrivais pas. Ma respiration devenait saccadée comme si je refusais inconsciemment de respirer encore.
Je pris la fuite. Non pas pour rejoindre l’endroit d’où nous venions. Au contraire.
Je m’éloignai. De tout.
Le manoir était austère, la forêt mortifère.
Une année avait concentré le pire et le meilleur de ma vie.
Notre mariage, magique un moment et funeste l’instant suivant.
La présence de Ian, l’absence de Lilia.
Ton absence.
Je n’avais pas de larmes. Mon cœur était en partie redevenu la pierre sombre et froide qu’il était. Mais pour ne pas disparaitre avec toi, je devais expulser cette douleur.
Un cri.
Unique et bestial.
L’homme et le loup adressèrent un mot à la lune.
Adieu.
/ / /
Je ne veux pas sentir une autre caresse Je ne veux pas allumer un autre feu
Je ne veux pas connaitre un autre baiser Aucun autre prénom ne sortira de mes lèvres
Je ne veux pas donner mon cœur A une autre inconnue Ou laisser un autre jour commencer Je ne veux même pas laisser le soleil entrer