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 Retrouvailles inespérées || Alex

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Brian O'Conner

Brian O'Conner


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MessageSujet: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyLun 13 Jan 2020 - 21:55


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




J’attache le faisan à l’arrière de ma selle. Mon cheval, un alezan très foncé, souffle fort par les naseaux. Ma monture est un “privilège”, celui de pouvoir aller risquer ma peau sur les barrières. Comme le reste des flics qui ont survécu et aux civils qui ont rejoint la force de protection de la ville, j’ai appris à monter à cheval. Je me souviens de mes premiers mois à chevaucher autour de ce qui allait être à ce moment-là la muraille du deuxième cercle, j’avais la peau des fesses en feu. Maintenant, je suis capable de chevaucher la journée entière, c’est le cheval qui donne des signes de faiblesses avant moi.

Je reprends les rênes et remonte en selle. Ma solde de soldat me permet d’acheter au centre commercial ce dont j’ai besoin. Sauf que le choix est limité à ce qui est proposé au magasin central, et autant dire que le meilleur comme les bonnes pièces de viande n’y arrive jamais conservé par ceux qui les produisent. Pour manger à sa faim et sans carences, il faut soit chasser, planter, troquer ou voler. La dernière option étant peu conseillée, car c’est un risque de bannissement, la pire des sentences.

J’ai bien planté quelques légumes, un pommier et un poirier dans le jardin de ma maison, mais comme je suis le plus souvent absent, je me fais piller malgré le risque encouru, malgré la présence de Machin, sauf ce qui pousse près de mes rosiers. Personne ne résiste à leurs épines quand elles attaquent. J’améliore donc ma nourriture avec la chasse et parfois de la pêche dans les rivières du troisième cercle. Les munitions étant rationnées et réservées à la sécurité de la population, c’est à l’arbalète et à l’arc à poulie que j’abats mes proies. Je vis aussi du troc, un lapin contre un kilo de patates, ou du raccommodage...

Je fabrique moi-même mes carreaux et mes flèches. J’avais compris très tôt les carences auxquelles nous allions être confrontés. J’avais donc fait partie de ceux qui rapidement s’étaient tournés vers un mode alternatif aux armes à feu. C’est ainsi que j’avais réussi à me procurer pour pas trop cher ces armes que les autres boudaient à l’époque et qui ne me quittent plus. Mes armes de services ont été remplacées par des modèles où les munitions sont faciles à fabriquer. J’ai un colt six coups à la ceinture et une carabine généralement accrochée à ma selle. Le gouverneur me fournit en munitions. Mais je dois rapporter mes douilles vides pour avoir de nouvelles munitions, question d’économie et de rationnement, pour que je ne me risque pas à les utiliser pour mon usage personnel. Une balle est ce qu’il reste de plus efficace contre les zombies. Il ne faut pas les gaspiller.

En me voyant chevaucher ainsi dans le soleil couchant vers l’une des portes du troisième cercle, je pourrais penser que je suis revenu un siècle plus tôt, au temps des cowboys. Mais les carcasses rouillées de voiture abandonnées çà et là, les maisons laissées à l’abandon me ramènent vite à la réalité de ce monde. Ce n’est pas l’âge d’or du Far West, mais le lent déclin d’une civilisation. Je ne verrai pas la fin, mais je crois que l’humanité a fait son temps. Je ressers les rênes, les mains protégées par des gants de cuir et lance mon cheval au trot. Ils n’aiment pas dans le troisième cercle que la relève soit en retard.

Étrangement, je me sens bien ici dans ce lieu qui est pourtant le plus exposé de la province. La troisième muraille est bien trop vaste pour être étanche. Les morts vivants n’ont qu’une intelligence primaire et se font bloquer par un obstacle un peu conséquent, qu’une intelligence plus développée pourrait aisément contourner. Le risque principal réside dans les bandes de pillards qui sillonnent le pays et dévastent ce qu’ils trouvent. C’est ainsi qu’il y a un mois, j’ai dû cavaler après des types qui avaient réussi à s’introduire dans le troisième cercle, pendant que leurs potes faisaient diversion à la porte. Pour entrer, les règles sont strictes.

- Salut les gars.
- Hey ! Brian. Tu nous as apporté du gibier ?
- Négatif. Je vais le plumer et le faire sécher, mec. J’en ai ma claque du gruau du magasin. Je ne suis pas un âne qu’on nourrit aux céréales.
- Ouais ! Avec le job qu’on fait, on pourrait avoir l’droit d’avoir plus de viande !

Des exclamations s’élèvent autour du feu de camp. C’est vrai qu’à chevaucher à longueur de journée, nous avons besoin d’une nourriture plus riche que ceux qui restent en ville ou pas loin. Seulement, notre activité en extérieur nous permet de chasser, contrairement à ceux qui ont des métiers plus sédentaires comme médecin, coiffeur, mécaniciens, etc. Néanmoins, la chasse demande un peu de doigté, d’autant qu’il est risqué pour nous de puiser dans les munitions qu’on nous donne pour défendre la ville.

Le reste de la relève arrive, il fait nuit noire. Nous nous partageons les points de surveillance. Comme d’habitude, j’hérite de l’une des guérites situées en hauteur. Car évidemment, je fais profiter à tous de mes qualités d’archer grandement facilité par mon don qui me permet de corriger les trajectoires de mes flèches en vol. De nuit, envoyer quelques flèches enflammées pour éclairer ce qu’il se passe au-delà de la muraille est très utile. Nous fonctionnons par faction de trois heures sur une période de douze heures.

(…)

La nuit est tranquille. Lors de ma première faction, j’ai pu cibler un chevreuil depuis mon perchoir. Heureusement qu’il était du bon côté de la muraille, sinon j’aurais dû partager avec les autres. Je passe donc mon premier temps de repos à dépecer le faisan que j’avais attrapé en venant et vider les entrailles du cervidé. Les plumes me serviront pour mes flèches. Une partie de l’animal me servira au troc. J’ai besoin qu’on me raccommode quelques vêtements et je ne serais pas contre quelques conserves de fruits et de légumes. Je manque de sel aussi.

(…)

Ma deuxième garde s’est bien passée aussi et pour ma deuxième phase de repos je m’enroule dans ma couverture et tente de dormir un peu. La relève viendra au lever du soleil prendre notre place et je pourrais rentrer chez moi, prendre du temps avec Truc et Machin, fabriquer quelques pointes de flèche et peut-être lire un peu. Machin est devenu un vrai chien de garde. Quant à Truc, il est devenu lui aussi dangereux, car il a vite appris à user de son pouvoir de téléportation pour atterrir sur l’épaule de sa victime et d’aveugler la menace d’un coup de griffe précis. Mes compagnons se sont endurcis à l’instar de leur maître. Ils sont loin les deux boules de poils exubérantes qui faisaient confiance à tout le monde. Je sais qu’ils sont le reflet de ce que je suis devenu. Je n’hésite pas à tirer au moindre doute. C’est notre survie qui en dépend. Beacon Hills n’est hélas pas une terre d’accueil pour les étrangers. Je n’avais pas faibli quand j’avais refoulé cette famille qui mendiait notre hospitalité, il y a deux mois de cela. Ils avaient profité d’une hospitalité cordiale, mais qui avait pris fin au temps imparti pour les étrangers. Notre ville semble être un paradis, car les attaques de morts vivants sont rares. Notre capacité à nous autosuffire et à nourrir tout le monde restreint mathématiquement le nombre de gens pouvant vivre sur notre territoire. C’est en acceptant ce dogme que j’arrive à faire mon travail sans faiblir. C’est cruel, injuste, c’est simplement la dure loi de la survie, car ici on ne vit pas, on survit. C’est la partie la plus ingrate de mon travail : repousser des gens qui ne sont pas de Beacon Hills, des gens qui, sous couvert de faire du commerce, tentent de rester une fois leurs affaires conclues, des gens qui n’ont nul par où aller.

(…)

Une discussion animée me réveille. L’aube pointe à peine son nez. Je repousse ma couverture, prends ma carabine que je mets en bandoulière et me saisis de mon arbalète. Souvent, cette arme est plus dissuasive qu’une arme à feu. Peut-être par les souffrances qu’elle peut créer et que l’on imagine plus grandes, ou plus simplement parce qu’un carreau planté dans le corps impressionne plus qu’une balle noyée dans les chairs.

Je m’avance en restant à couvert. L’accent de l’intrus lui colle l’étiquette d’un Canadien. Le ton monte, je n’ai pas encore bien saisi ce que dit l’intrus, mais mes camarades ont clairement peur de la contamination et lui demande de reculer, ce que l’autre refuse.

- Si t’es d’ici, tu serais venu quand il fait jour.

Je ne peux pas contredire mon collègue, généralement les ennuis arrivent quand il fait sombre. J’arme mon arbalète et m’approche dans le halo de lumière que font les torches de part et d’autre de la porte en bois massif doublé de tôles.

- Je ne connais pas ton nom. T’es pas d’ici, tu mens.

L’autre dont je ne vois pas le visage à cause de la porte rétorque qu’il est parti il y a plus de sept ans.

- Alors t’es certainement infesté. On va te faire une faveur mon gars : te tuer rapidement et sans souffrance.
- Attendez ! Comment a-t-il dit s’appeler ?
- Un nom inconnu au bataillon ! Cormier, Alex Cormier.
- Je le connais ! Laissez-le entrer. Il est citoyen de Beacon Hill. Il habitait une cabane à la frontière entre le deuxième et troisième cercle.

Son accent est plus prononcé qu’avant, mais oui maintenant je reconnais sa voix. Ça fait tellement longtemps ! Alex qui revient vivant !

- Vous le connaissez-vous autres ?
- Non, ce nom ne me dit rien.
- Normal, il vivait un peu à part dans la forêt non loin du manoir Hale. Il bossait au lycée et à l’hôpital.
- Ouais peut-être, mais sept années ! L’est plus de chez nous !
- La loi est la loi John…

J’ai légèrement relevé mon arbalète vers l’emmerdeur. C’est un homme aigri qui a perdu femme et enfants avec le virus. Il pensait trouver une meilleure vie à Sacramento. Ils s’étaient fait attaquer à mi-chemin.

- Oui, John a raison. Baisse ton arme Brian !
- Du calme ! On s’en tient aux règles !
- Merci, Éric.

Je souris au fils du gouverneur qui aide souvent à replacer les choses dans leur contexte. Les autres se divisent entre prendre parti pour John, moi ou rester neutre. Je sais que notre travail, n’est pas exempt de peur et de terreur sur ce qui peut arriver du dehors, mais il y a quelques personnes qui sortent et d’autres comme Alex qui ont tenté de retrouver des proches. La peur ne doit pas changer la loi. John et ceux qui se rangent à son avis sont d’anciens civils. Ils n’ont pas la mentalité que j’ai pu acquérir en étant un Marine ou un flic.

- T’aurais apprécié qu’on te refoule quand t’es revenu après que ta famille s’est fait attaquer par les morts-vivants ? Après que tu nous as lâchés pensant que l’herbe était plus verte ailleurs qu’ici ?
- C’est pas pareil.
- Si c’est pareil ! Alex est parti chercher sa famille. Il revient. Point.
- Pourquoi il arrive de nuit ? Il cache les débuts de la maladie.
- Eh bien il suffit d’éclairer assez pour voir ! Et je connais Alex, s’il avait été contaminé, il aurait jeté ses dernières forces et lucidités à s’éloigner de toutes zones habitées.
- Tu es le seul à le connaître Brian…
- Et la loi dit que c’est suffisant.

Un vent non naturel commence à faire tourbillonner la terre à nos pieds. Ma mise en garde suffit d’autant que je suis dans le bon droit.

- OK, on ouvre, mais il reste dans la cage de confinement jusqu’au lever du soleil.

Je ne suis pas en position de force, je dois lâcher du lest. Je m’avance vers la lucarne de la porte qui permet de regarder à l’extérieur, non sans surveiller mes arrières. La confiance est un luxe que je ne me permets pas.

- Al’, c’est Brian, tu te souviens de moi ? On te fait entrer, mais tu devras patienter dans la cage d’isolement jusqu’au lever du soleil. Une petite heure. Principe de précaution.

Ce n’est pas la grande joie d’être accueilli ainsi, mais le druide comprend qu’il n’y coupera pas. Un des hommes active le système de poulies qui ouvre la porte. Les armes se lèvent menaçantes.

- Ça suffit !
- Une fois le soleil levé et les vérifications de base effectuées, il sera des nôtres, pas avant.

John s’avance avec la visible intention de brusquer Alex qui met de la mauvaise grâce et je le comprends, à se faire enfermer comme une bête. Ma réaction ne se fait pas attendre, un mur de vent l’envoie rouler au sol.

- Il se plie à nos exigences, donc pas de violence ! Quelqu’un a à y redire ?

Mes yeux se sont teintés de cette faible lueur qui caractérise l’utilisation de mon don. Don que j’ai entraîné et appris à contrôler pour une utilisation martiale.

- Tu fais chier Brian.
- Je t’emmerde John. Si tu n’es pas content, la porte est encore ouverte !
- …

L’incident clôt ainsi que la porte, je m’installe à côté de la cage, à la distance de sécurité pour ne pas exacerber les mauvaises humeurs de mes collègues.

- J’ai cru que tu étais…

Après son départ, j’avais eu des nouvelles par Derek Hale qui en avait par radio. Puis les appels s’étaient faits plus sporadiques pour complètement s’arrêter il y a quelques années. Je m’étais fait à l’idée qu’Alex y était resté, comme ceux qui étaient partis et qui étaient rarement revenus. Je m’étais même maudit de ne pas avoir su le retenir. Rechercher son colloc et ses parents, c’était une entreprise vouée à l’échec.

- Je suis heureux de te revoir.


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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptySam 18 Jan 2020 - 4:46



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner






C’était au crépuscule que certaines choses apparaissaient le plus clairement. La promesse d’une ville, par exemple, au-dessus de laquelle la réfraction de la lumière était juste suffisamment différente du reste de l’horizon pour que l’œil exercé de l’exilé ne puisse la discerner. Le regard désormais habitué aux cycles naturels de luminosité, sans lumière artificielle, Alex observait les collines devant lui qui se déroulaient jusqu’à la silhouette de Beacon Hills. Malgré qu’il ait désormais passé la fleur de l’âge depuis longtemps, ses sens lui semblaient plus subtils, plus sensibles qu’ils ne l’avaient été plus jeune. La bourgade semblait toujours animée, elle n’était donc pas tombée face aux zombies. La possibilité qu’un groupe de brigands ait réussi à faire capituler la mairie et s’y établir effleura l’esprit du druide. C’était quelque chose de possible, comme il l’avait déjà vu lors de ses pérégrinations.

Le béton et l’asphalte crevassés dessinaient, parfois visible et parfois simplement deviné par l’absence de végétation sur une ligne continue, les courbes sinueuses des routes qui jadis convergeaient vers la ville. La plupart des nomades contemporains préféraient encore utiliser ces vestiges qui restaient souvent moins accidentés, malgré les cahots, que la pleine nature.  Alex n’emprunterait pas ces boulevards qui le mèneraient directement aux portes de la ville.  Il suivrait les sentiers secrets qui furent jadis tracés pour que ses pas ne les suivent.  Des pistes invisibles qu’on empruntait généralement temporairement, sans le savoir, mais qu’il avait suivies au mieux depuis… plusieurs années.  Des années qui, malgré les saisons qui avaient passé, semblaient décidées à s’embrouiller dans sa mémoire en un colloïde informe et sans extrémité distincte. Il y avait bien une certaine notion de proximité qui persistait, mais le décompte des jours ou des mois avait été abandonné depuis longtemps.

Le voyageur estimait qu’il lui faudrait deux journées de marche, en suivant la courbe gracieuse de son sentier, avant d’en arriver à Beacon Hill, et décida de dormir sur place pour la nuit, derrière un fourré. Là, il serait à l’abri des regards et pourrait se reposer avant de continuer sa route. Il mangea rapidement les quelques vivres qu’il avait cueillies en marchant. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus poser de collet, et il devait admettre que même la viande d’écureuil commençait à lui manquer. Il n’avait plus le temps de patienter avec son arc dans l’attente d’une proie égarée, ni de poser des collets et de revenir les relever le lendemain. Il était reconnaissant de l’accueil et de l’enseignement que lui avait fournie la communauté autochtone qu’il avait rencontrée à la deuxième et troisième croisée des chemins, alors qu’il commençait à réaliser à quel point il n’était pas préparer à survivre par lui-même dans la nature sauvage, malgré tous les enseignements que Gabriel avait bien tenté de lui transmettre.

Alex cala sa tête sur le fidèle sac qui l’accompagnait depuis des années et fixa le ciel étoilé quelques instants avant de s’endormir.  Il avait appris à apprivoiser la toile céleste, à reconnaître les étoiles et à naviguer grâce à elles.  Lorsqu’il s’égarait des sentiers, elles l’aidaient à retrouver la piste qui lui était tracée sur la vieille carte routière qui lui servait de repère et de trajet. Le canadien s’endormit, comme chaque soir, la main posée sur son couteau de chasse, pour n’être réveillé que par la lueur de l’aube qui l’aspergeait de rayons dorés. Alex grignota quelques noix et racines séchées qu’il avait toujours dans son sac, puis il se releva à l’aide du bâton de marche rugueux, à l’exception de l’endroit patiné par des kilomètres passés sous sa main. D’un mouvement mécanique et habitué, Alex hissa le sac sur ses épaules, rangea le canif dans son fourreau à l’arrière de sa ceinture, saisit son arc d’une main et son bâton de l’autre et reprit sa procession vers la ville qui avait changé sa vie.

L’eau à la bouche, il observa un troupeau de cervidés dans une prairie, la quinzaine de têtes se relevant comme un seul homme.  Il se maudit d’avoir oublié de ramasser son briquet dans sa fuite, la dernière fois qu’un groupe de brigands s’était approché de son bivouac où rôtissait toujours un porc-épic.  N’osant pas manger de viande crue même sauvage, l’ancien biochimiste s’était donc astreint temporairement à un régime de base : fruits, légumes-racines, champignons, baies et noix.  Minimisant les arrêts, Alex observait la position relative de la ville qui dansait avec le soleil devant l’horizon, indice incontestable de la manière dont il s’approchait de Beacon Hill en la contournant légèrement.

Le soir tomba de nouveau, et Alex pouvait désormais voir des formes lointaines qui s’activaient autour de la muraille.  Il estimait n’en avoir que pour quelques heures de marche avant de ne l’atteindre, mais réalisait qu’il ne savait pas où se trouvait l’entrée de celle-ci.  Il décida donc de passer la nuit sur place, plutôt que de ne sortir du sentier qui lui était réservé et de risquer de tomber sur des infectés. Il se réveilla en sursaut au milieu de la nuit, certain d’avoir entendu quelque chose, et arpenta doucement les environs, pour tomber sur deux renards qui s’épivardaient sous le clair de lune. Rassuré, Alex retourna à sa couverture, mais ne parvint pas à retrouver son sommeil.  L’appel de son Vieil Ami était trop fort, et son excitation trop grande. Il décida donc, malgré le danger que cela représentait, de lever le camp et de terminer sa route.

Alex était à mi-chemin entre les derniers bosquets de la forêt sauvage cerclant la palissade et celle-ci quand il entendit un râle reconnaissable entre tous. Le temps de poser le sac au sol, et son arc était déjà armé. Immobile, il attendit que le prédateur ne trahisse sa présence. C’est son mouvement qui indiqua à Alex dans quelle direction était l’aberration. Le contaminé semblait seul. Pour le moment, du moins.  Alex ne perdit pas de temps, décocha sa flèche et banda son arc une nouvelle fois. Sans attendre, il tira la nouvelle flèche.  Le contaminé s’effondra et Alex ne perdit pas de temps : il saisit son sac et le reste de son matériel et, en une course capricante sur le sol inégal, se distança le plus possible avant que le monstre ne se relève ou ne soit rejoint.

Épuisé avant même de clore la distance qui le séparait de la forteresse, Alex ralentit la cadence et poursuivit sa route à travers les talus, la main fermée contre sa poitrine, sous sa chemise et la respiration lourde.  Il s’approchait de la palissade à l’oblique, à la recherche d’une entrée par laquelle il pourrait pénétrée la ville assiégée par ce monde déshumanisé. L’humanité était morte.  Il le savait.  Il l’avait vécu. Mais peut-être qu’ici resterait-il quelqu’un qui ne soit pas mort.  Une âme qui aurait survécu au supplice de l’arrogance. Un frisson surpris le druide alors qu’il se demandait combien de gens vivaient toujours dans cette cité sertie  au cœur d’une région abiotique, mal prétendument nécessaire pour contrôler l’invasion virale.

L’indigo commençait déjà à teinter les cieux lorsqu’elle fit son apparition, presque féérique tant elle était porteuse d’espoir. La porte.  Ou le portillon. Le portail . Enfin.  La guérite s’avançait vers celui qui ne réalisait pas qu’il avait allongé le pas et accéléré la cadence. Avant même de n’avoir le temps d’y tambouriner, on le héla, lui demanda qui il était, ce qu’il voulait. L’épine dorsale du druide lui sembla vouloir s’arracher de son corps seulement à entendre le ton de l’agent de sécurité. Alex détailla la porte comme s’il venait de s’apercevoir de sa présence.  Que faisait-il donc ici?  Pourquoi revenait-il ici, déjà? Était-ce par pure mélancolie, ou est qu’Il avait réellement rappelé Alex ici, comme il le croyait? Ici où tout n’était que traîtrise et trahison. Car l’humanité était morte et avec elle ses qualités. Depuis cette éruption solaire, il ne restait plus de l’Homme que le pire, le plus vicié. Chacun n’attendait que le moment opportun pour ravir ce que son voisin n’avait de plus précieux. Alex le savait bien, car pour un ermite, il semblait avoir eu énormément de voisins pour lui poignarder le dos.  Et lui-même avait peut-être été le voisin de quelqu’un.  C’était il y avait si longtemps. Avant ces pérégrinations qui lui avaient confirmé qu’il n’était bon que pour la durée dont on avait besoin de lui. La confiance venait avec une date d’échéance, comme le lait.

Machinalement, il avait donné son nom, indiqué qu’il rentrait chez lui. Les yeux plissés face à la lueur des torches, il répéta son nom, grogna qu’il était ici aussi tôt car il n’arrivait plus à dormir, tant sa destination était proche. Il ne mentionna pas Son appel, qui résonnait en lui avec force. On l’accusait déjà de mentir, ce qui avait le don d’énerver l’émissaire. Alex cogna sur la porte, lançant par la fente qu’il était parti il y avait sept ans, qu’il habité près de la forêt, chez son père. Il se sentait l’envie d’arracher la porte, bien qu’il sache ne jamais en avoir la force ni l’énergie.  Il se défendait d’être infecté.  Se targuait de ne jamais l’avoir été. Une voix nouvelle interrompit l’altercation. Vaguement familière. Le druide tenta de lancer un regard vert à l’intérieur, mais le contre-jour lui bloquait la vue. Le nouveau-venu reconnaissait son nom.  Alex s’agitait, cherchant à savoir de qui il s’agissait pendant que l’on discutait doucement sur son destin de l’autre côté. La mention de ses anciens emplois déclencha une nouvelle inspiration chez le druide, qui énuméra les noms d’anciens amis ou collègues dont il se souvenait.  Il réalisa qu’il en avait oublié plusieurs. Jusqu’au nom complet de Jenny. Et puis, les laborantins n’avaient pas fait long feu, entre le virus, les émeutes et la loi martiale. Il se tut, au milieu de ses psalmodiations, lorsqu’un voix plus autoritaire coupa court.  Le druide tendit l’oreille, tentant de replacer la voix de celui qui tenait autant à le laisser vivre. Quelqu’un qui semblait vouloir jouer le jeu de la confiance. Quelqu’un qui semblait bien le connaître; qui savait que jamais il ne se serait laisser infecter sans s’assurer de ne pas pouvoir revenir comme l’un de ces cadavres animés.

Le nom lui tomba dessus comme une tonne de briques et Alex fit un pas de recul. Par-dessus son épaule, le violacé prenait doucement son tour de garde au-dessus de l’horizon.  Était-il trop tard pour prendre les jambes à son cou? Il ne pourrait aller bien loin.  Où s’enfuirait-il?  De toutes manières, même s’il savait où il irait, il n’était pas certain de tenir plus de quinze enjambées avant de s’effondrer. Les derniers jours avaient été éprouvants.  Il tenta néanmoins de redresser sa posture lorsque Brian s’adressa à lui, sans oser croiser son regard pour autant.

-Oui. répondit-il simplement. C’est bon. complémenta-t-il en réponse aux instructions du policier.

Attentif comme un animal aux aguets, Alex vit la porte s’ouvrir en se demandant ce que cachait la douceur des propos de Brian.  La cage d’isolement était-elle un doux euphémisme pour une salle de torture, ou de mise à mort? Tout à coup, Alex voulut faire demi-tour. Claquer des talons. Il marmonna que c’était un piège, les yeux plus agrandis par la peur qu’un toxicomane.  Le lait avait sûri.  Puis quelque chose se produisit, le tortionnaire principal se retrouva par terre.  Alex releva les yeux dans la même direction que les autres hommes présents. La lueur dans le regard de Brian. Venait-il de le défendre?  Était-ce ou non un piège?  Croisant pour la première fois le regard du mentaliste, Alex tira une drôle de grimace, déformée par la joie de voir un visage connu, et l’horreur de revivre leur dernière rencontre.
Gracieusement libéré de ses affaires, Alex fila au fond de la cage en titubant, presque à quatre pattes. Brian restait à proximité.  Alex le fixa, rempli d’incertitude.

- J’ai cru que tu étais…
-On sait pas. Peut-être que dans une heure je serai mort. répondit-il platement, la voix rêche car les menaces de John encore trop fraîches à sa mémoire. De toute manière, ils étaient tous morts il y avait longtemps. On ne vivait pas vraiment quand on ne vivait que pour soi.
- Je suis heureux de te revoir.

Brian n’avait pas dégoupillé la grenade qu’Alex venait de lui envoyer au visage. Alex ne répondit pas immédiatement.  Si il revoyait les étoiles, ce soir, ce serait entièrement grâce à Brian. Il prit un moment pour méditer, puis retroussa légèrement ses lèvres en ce qui aurait dû être un sourire.

-Moi aussi.  Malgré sa réflexion, il ne savait pas comment ajouter que son ami lui avait sauvé la vie sans que cela ne semble être la seule raison pour laquelle il serait content de le revoir.  Finalement, il opta pour l’option la plus simple.

-Merci. affirma-t-il simplement en s’allongeant à même le sol de la cage.
-J’ai marché toute la nuit. réaffirma-t-il en se laissant sombrer dans le sommeil.

Alex sursauta, réveillé par un rayon coruscant, sans avoir la moindre idée de l’heure qu’il était.  Son premier réflexe fut de chercher son couteau, au cas où il subirait une attaque surprise de brigands. Le rire moqueur d’un des geôliers lui rappela sa situation.  Toujours un peu groggy, Alex fut emmené vers un dénommé Éric, qui lui fit passer quelques tests aussi simples que confondants pour le druide qui n’en comprenait pas la raison.

-J’dois pisser. déclara crûment Alex lorsqu’il reçu la bénédiction du fils du gouverneur et fut déclaré sain. Brian lui indiqua où se rendre.
Dans les bécosses*, Alex vit quelque chose qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Le reflet que lui renvoyait le miroir était celui d’un homme aux cheveux  et à la barbe désormais plus ternes et foncés, parsemés de blanc et mal taillés. Son regard agité avait également perdu de l’éclat, sinon de la vivacité. Ses pommettes saillantes laissaient deviner un visage cerné et émacié sous la barbe ébouriffée. Malgré que son ventre, cadeau de la décennie qui s’achevait, ne soit apparent sous sa chemise à laquelle il manquait un bouton, Alex savait de sa dernière baignade qu’il pouvait compter ses côtes. Il délaissa son image pour se soulager, défaisant la boucle de la ceinture de cuir séché qui s’écaillait au moindre regard. Son pantalon était dans un état similaire, la jambe gauche ayant été recousue de peine et de misère lorsqu’elle avait tenté de partir vivre sa vie seule. Quant aux semelles qui lui protégeaient les pieds, il valait mieux ne pas les regarder.

Une fois sa besogne faite, Alex retourna rejoindre Brian qui l’attendait avec ses affaires. Il attira Brian à lui dans une accolade comme il n’en avait pas connu depuis des années, et fit mine de ne pas réaliser qu’une larme s’étaient enfouies dans les broussailles de sa joue.  Il ne savait pas depuis combien de temps il n’avait pas touché quelqu’un.  Pas eu l’impression qu’un ami était là pour lui. Alex relâcha Brian, ouvrit la bouche pour lui dire quelque chose, mais ne trouva pas les mots et répéta plutôt l’étreinte.  On ne pouvait pas dire que le gardien de la paix sentait bon, personne ou presque ne sentait désormais bon, mais il avait définitivement une meilleure hygiène que le pèlerin.

-J’aimerais aller chez moi. demanda-t-il.  Il lui semblait clair que Brian avait décidé de l’attendre avant de rentrer et qu’il l’accompagnerait pour son retour à Beacon Hills.  La requête du druide pouvait sembler égoïste, mais il n’y avait pour l’instant rien de plus important à ses yeux. Malgré les avertissements de Brian sur l’état de l’habitation, Alex insista pour s’y rendre et Brian plia.

Avant de partir, le druide inspecta rapidement le contenu de son sac, compta les flèches qu’il avait lui-même gossées, fit le tour de ses maigres possessions et piocha quelques noix au passage. Il eut ensuite l’immense honneur de chevaucher l’alezan de Brian, accroché à son torse. La pauvre bête avançait au pas, et Alex s’endormit contre les épaules de son chauffeur.

Lorsqu’il mit pied à terre, Alex fut submergé d’émotions.  Il se retrouvait chez lui, après toutes ses années.  Malgré le toit effondré, les carreaux éclatés et la porte arrachée de ses gonds, il jubilait de se sentir de nouveau à la maison. Maison qu’il contourna pour voir le jardin sur le côté qui, malgré son état sauvage, semblait avoir conservé plusieurs variétés que les Cormier y avaient plantées. Alex se laissa tomber à genou sur ce sol qui lui était si cher, des larmes d’euphorie se mêlant aux larmes de tristesses de constater l’état dans lequel l’abandon avait rendu ce lieu. Les souvenirs d’une époque plus douce, plus facile, mais aussi plus horrible et plus soudée lui revenaient à la mémoire comme de brèves respirations.

*:

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Brian O'Conner

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptySam 25 Jan 2020 - 16:55


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




- J’ai cru que tu étais…
- On sait pas. Peut-être que dans une heure je serai mort.
- Je suis heureux de te revoir.


Le regard d’Alex est celui d’un homme fatigué et pas seulement physiquement. Son sarcasme en dit long sur les déceptions qu’il a dû vivre. Il ne répond rien, pas dans la foulée. Depuis combien de temps n’a-t-il pas parlé à quelqu’un ? Depuis combien de temps n’a-t-il pas posé son arme à plus de deux mètres de lui ?

- Moi aussi.

Un sourire effleure mes lèvres, Alex n’a jamais été rapide dans ses phrases, comme s’il prenait le temps de peser chaque mot, chaque virgule. Je me souviens qu’il surnommait l’ancien patron du Pink, « la mitraillette à voyelle ». Je ne sais pas ce qu’est devenu l’Italien. Il avait quitté la ville peu après l’instauration de la loi martiale en direction de L.A. j’imagine. Je n’en ai pas entendu parler depuis.

- Merci.
- C’est normal. Ces bouseux font dans leurs frocs à chaque entrée.
- J’ai marché toute la nuit.


Sans autre mot, il s’allonge sur le sol, comme si dormir par terre était naturel puis plonge dans un sommeil réparateur. Je vois dans cet acte une marque de confiance. Une confiance qu’il n’a certainement pas dans ceux qui lui ont barré la route juste avant. Je le regarde dormir à la lueur des torches. Je voudrais bien lui poser ma couverture sur le dos, mais cela ferait tout un cirque d’ouvrir la cage avant la fin de la quarantaine. Je soupire, je ne sais que penser de ce retour. Je suis heureux de le revoir, mais Alex a changé. Il me paraît plus sauvage qu’avant. Je me questionne sur les raisons qui l’ont poussé à revenir après tant de temps. Sa famille est-elle morte ? Puis il cherchait aussi après son colocataire et ami. Qu’est-il devenu ? Beacon Hills n’est-il qu’une brève halte avant de repartir ? Un simple point sur une carte sans attaches particulières ? Le feu de ma joie se tempère. Je dois prendre ce retour pour ce qu’il apporte : la nouvelle qu’il est en vie, sans rien projeter d’autre. En rester sur ce que j’avais conclu de notre dernière rencontre.

Je me redresse et vais plier mes affaires, l’aube n’est pas loin, la nuit se colore de violet, les étoiles disparaissent. Je ficelle mon chevreuil à l’avant de ma selle. J’en ai extrait la cervelle que j’ai donnée à Éric pour les tests qu’Alex subira à son réveil.

Quand le soleil éclaire le haut de la palissade, mon cheval est près pour rentrer. Je serre la petite ancre marine qui orne mon cou au bout d’une lanière de cuir. Une nuit de passée sans mort et sans incident. Quand sa foi dans un dieu rivalise avec le zéro absolu, l’homme se retrouve à s’accrocher à ce qu’il a. Pour moi, c’est la mer, la seule qui ne m’a jamais déçue. Je serais bien devenu pécheur pour la communauté. J’accompagne parfois Tama sur mes temps de repos pour le plaisir de barrer et sentir la poussée du vent dans les voiles tout en râlant sur le renard des marées qui triche sur les courants en les pliant à sa volonté. Mais mon métier de flic m’a cantonné à ce travail et aussi parce qu’ils avaient besoin de types loyaux, droits dans leurs bottes. Je ne me plains pas, ça me convient aussi, ces longues journées sur mon cheval.

Des rires moqueurs m’apprennent qu’Alex doit être réveillé. Je serre les poings dans mes gants de cuir, mais ne pipe mot. Ce n’est plus comme avant, tout peut dégénérer très vite. Il est présenté à Éric qui fait son job au mieux en essayant d’être le plus bref possible. Je ne doute pas qu’il prenne la suite de son père. Il est droit et honnête. Alex ne prête pas garde à la cervelle qui est posée sur le sol à l’endroit où on lui a demandé de se poster. Il ne comprend pas mieux quand on lui agite un jingle bell sous le nez. Je souris à son air exaspéré. Vu de loin, on a l’impression qu’on le soumet à une séance d’exorcisme. Quand il est déclaré non contaminé, Alex réclame les gogues sans fioriture. Je lui indique la cabane adossée à la muraille qui nous sert d’abri uniquement par temps de pluie, car c’est petit. Il y a un poêle à bois pour se chauffer et faire chauffer la nourriture et des toilettes sèches qui sert aussi de coin pour une toilette succincte avec une cuvette en plastique en guise de lavabo, un seau avec de l’eau de la rivière qui coule à cinquante mètres de là et un miroir qui en a vu d’autres.

Pendant qu’Alex se soulage et reste un peu avec lui-même, je récupère ses affaires que j’attache à ma selle, sauf son sac qu’il devra porter sur son dos. C’est quand il ressort de la cabane et qu’à la lumière du soleil qui atteint maintenant le pied de la palissade que je réalise à quel point il a changé. Dans le clair-obscur des torches, je n’avais pas vu la maigreur de ses joues camouflée par une barge hirsute. Sa démarche trahit celui qui s’économise pour la route. Ses vêtements témoignent d’une vie rude et âpre.

Arrivé à ma hauteur, je tends son sac, mais il m’attire pour une accolade. Il a l’air décharné, mais sa prise est forte. Avec mon bras libre, je le serre aussi contre moi. Je voudrais lui murmurer une « bienvenue à la maison », mais sa cabane est en ruine. Quand il s’écarte, je vois une larme se perdre dans sa barbe. Il ouvre la bouche, certainement pour verbaliser cette étreinte, mais c’est trop d’émotion. Il renouvelle son accolade. Cette fois, je lâche son sac pour le serrer contre moi à deux bras. Il y a longtemps que ma phobie des contacts a disparu, guérie par une autre peur plus terrifiante liée à ce qui rôde de l’autre côté des palissades.

- J’aimerais aller chez moi.

Comment lui expliquer avec douceur que son foyer n’a pas résisté aux intempéries et à l’inoccupation ?

- Il y a eu une tempête il y a quelques années… Cela a fait beaucoup de dégâts. Le toit de ta cabane a morflé. Faute de réparation immédiate, le mal s’est propagé au reste…

Alex insiste, je cède. Je comprends sa volonté, cette terre est son foyer. Je ne m’excuse pas d’avoir rien fait et laissé le temps abîmer sa maison. Ce n’est pas de l’égoïsme ni une quelconque vengeance de ce fameux jour. Simplement que dans un monde de survie on économise son geste et les matériaux pour ceux qui sont présents.

Nous chevauchons au pas. À deux sur ma monture nous ne pouvons pas aller plus vite et cela m’arrange. Le temps d’une course, je m’imprègne de la pression de son torse contre mon dos, de sa présence. Je me penche pour qu’il tienne quand il s’endort et que ses mains choient sur mes cuisses. Nous passons le checkpoint de la deuxième muraille sans qu’il ne se réveille. Nous ne sommes plus très loin, je bifurque et longe la barricade. Alex finit par se réveiller. Il doit être épuisé à pouvoir dormir ainsi. Je le sens qui s’agite dans mon dos, il constate les changements dans le paysage. Il y a plus de terre cultivée et un système d’irrigation a changé pas mal de choses. À l’abord de la forêt qui abrite ce qui fut sa maison, il se tend. Enfin, nous arrivons. Je lui tends le bras et libère un étrier pour qu’il puisse descendre sans avoir à sauter. Je rejoins le sol à sa suite et vais accrocher les rênes à une branche.

Je reste en retrait tandis qu’il s’avance à pas mesurés vers ce qu’il reste de sa demeure. Je ne dis rien pour ne pas troubler ce moment, ces retrouvailles que je devine chargées d’émotion. Je reste sur le devant, là où je me suis garé un jour pour traquer une chose immonde dans la forêt. C’est quand je ne le vois pas revenir, alors que ça fait un moment qu’il a contourné la maison que je m’engage à sa suite.

Je le trouve à genoux, là où se trouvait son jardin qui n’est plus qu’une friche folle. Je ne sais pas quoi faire. Je me sens étranger en ce lieu, là où je l’avais vu pour la dernière fois. J’essayais de l’empêcher de partir. La boucle est-elle bouclée ? Devait-il faire ce voyage pour être en paix avec lui-même ? J’espère que c’est ce qui est arrivé. Tout ce que j’espère est que ce retour ne signe pas une fin, mais le début d’autre chose. Alex ne m’a pas entendu arriver, depuis mes longues gardes je marche sans émettre aucun bruit, c’est devenu instinctif, question de survie encore. Tout se ramène à cela. Est-ce une vie ? Non.

Le voir là, assis au milieu des fantômes du passé, me brise le cœur. Je n’ose pas céder à la pulsion qui me pousse à aller le serrer fort contre moi. Alors j’exprime autrement ma présence et mon attachement.

Mon regard s’éclaire doucement et un léger vent jaillit de nulle part. Il m’avait avoué un jour avoir rêvé contrôler le vent. Cela commence par les feuilles mortes qui volent autour d’Alex. Je veille à le laisser dans « l’œil du cyclone » qui peu à peu fait place nette de ce qui encombre ce qui fut jadis un jardin soigné. Quand les feuilles et autres amas de végétaux laissent la place, je suis agréablement surpris de constater que peu de mauvaises herbes ou d’autres envahissantes ont pris racine là. Le désordre qui reste n’est qu’une affaire de taille. Sans retrouver sa fraîcheur d’antan, son jardin retrouve sa structure et ses carrés aux contours un peu flous. Le vent se calme pour mourir en une timide caresse sur sa joue.

Je ne me propose pas de l’aider pour reconstruire sa maison. J’attendais simplement sa demande si c’est le choix qu’il souhaite faire. réserve liée à des espoirs insensés de mon côté sur d’autres possibilités de vie. Je recule d’un pas puis de deux, il ne s'est pas retourné. Je laisse Alex se reprendre et retourne près de mon cheval que je caresse pour me donner une contenance. Quand Alex revient sur le devant de sa maison, je lui souris penaud.

- Dommage que mon don ne marche pas sur les édifices effondrés… Où veux-tu aller ? Tu ne peux pas passer la nuit ici…

Je l’en sais capable.

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyMar 28 Jan 2020 - 0:11



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner






L’ermite hoqueta de surprise lorsque la brise se leva subitement, artificielle.  Comme prise d’une détermination ferme, elle nettoya le jardin sauvage aux pieds du druide qui n’osa pas regarder derrière lui la réelle volonté à l’œuvre. Alex remarqua que la cataire avait majoritairement été levée, certainement transportée au manoir par son ancienne collègue maintenant qu’elle n’avait plus personne à venir taquiner en passant à la cabane. Un enchevêtrement de menthe et de fraise avait comblé ce vide naturel, et la flore folâtre ne laissant que peu d’interstices aux espèces invasives, preuve de l’entretien soigné et de la vivacité qu’avait connu jadis le jardin. Il y avait quelque chose de bien plus beau et harmonieux à cette structure organique, désencombrée.  Quelque chose de plus rustique encore qu’avait pu l’être la demeure du biochimiste d’alors.  Quelque chose qui semblait refléter également l’évolution parallèle qu’avait connue le jardinier prodigue.

La caresse éolienne qui vint s’évanouir en un effleurement sur la joue d’Alex lui fit l’effet d’une engelure au cœur. Le scientifique réformé tressaillit d’un frisson qui se figea sur son échine alors qu’il revivait l’un des moments dont il avait le plus honte.  Lorsqu’il avait préféré se taire égoïstement pour fuir. Jamais il ne s’était pardonné, et jamais il ne pourrait comprendre qu’on puisse le pardonner. Le druide craignit un instant que la douceur apparente du garde ne soit qu’un leurre vers une vengeance aussi complexe que cruelle. Il lui fallut quelques moments pour lui-même avant de se reprendre et de se convaincre que les propos d’alors étaient peut-être toujours vrais. Il ne pouvait tout de même pas taire la voix qui lui ordonnait tout de même de rester sur ses gardes. Constamment. Depuis des années. Après tout, Alex avait eu ses raisons de ne rien répondre.
À la mention des limites du pouvoir du mentaliste, Alex haussa les épaules : inutile de s’en faire pour cela ou de ce désoler sur ce qui est hors de notre contrôle. Gabriel avait jadis payé un supplément d’assurances pour avoir de trop nombreux arbres trop près de la maison. Il y avait également longtemps que le druide avait abandonné l’idée de la facilité et du confort. La cabane était très bien ainsi, et s’il lui venait l’envie de la rendre de nouveau habitable, il y mettrait de l’huile de coude. Aucun besoin de s’éterniser là-dessus, surtout que plus choquant avait été prononcé.

-Pourquoi pas ?  C’est chez moi, ici!  J’ai dormi à des endroits bien pires. grommela-t-il.  Et puis, n’y avait-il pas ici deux murailles censées les défendre?  Le canadien avait bien conscience qu’il était un peu ridicule et qu’il ne pouvait pas simplement camper pour toujours sur ce terrain abandonné.  Brian connaissait mieux la réalité de la vie à l’intérieur des murs et Alex se fit violence pour ne pas écouter son instinct.

-T’as sûrement raison. J’sais pas où aller...

En fait, il savait très bien où il voulait aller.  Alex ne pensait qu’à Le visiter depuis des semaines, mais il n’était pas en état présentement. Trop fatigué. Et puis, il préférait aller à Sa rencontre seul. Le druide lança un regard par-dessus son épaule au jardin cureté par son ami avant de trancher et de lui répondre, le regard en biseau.

-J’vais aussi avoir besoin de me nettoyer. Je voudrais aussi récupérer des choses chez Derek. Si j’sens juste la moitié de ce que j’ai l’air, il me laissera pas approcher de lui.

Soudainement, les yeux du druide s’écarquillèrent et ses pupilles s’agitèrent dans leur orbite alors que les sourcils restaient irrémédiablement froncés, comme s’il s’agissait de leur nouvelle position naturelle.

-Il est toujours au manoir? commença-t-il à s’agiter, et il fut interrompu par Brian qui le rassura, et lui offrit également de se rendre chez lui pour qu’il puisse s’y laver. Alex se contenta d’un hochement de tête farouche en guise d’approbation, alors qu’il réalisait qu’il ne devait pas trouver une rivière et n’avait pas à la sécuriser, maintenant qu’il était en ville.

Peu de temps après, ils avaient repris la route.  Alex avait insisté pour marcher, dans le but d’économiser la monture, mais également car il en avait bien plus l’habitude que de chevaucher.  Alors qu’ils s’éloignaient du mur, le druide pu constater l’ampleur des différences depuis son départ. Si des travaux et un minimum d’organisation avaient déjà eu le temps de s’effectuer à l’époque, la population locale n’avait pas chômé depuis. Le paysage était comme partout, plus sauvage, plus sombre également. Ou peut-être était-ce son regard qui s’était assombrit au bout d’une décennie sans technologie moderne. Alex remarqua que le cavalier faisait marcher l’alezan sur la terre préférablement aux structures de bétons et d’asphalte, chose de plus en plus difficile alors qu’ils arrivaient dans ce qui avait jadis été une banlieue et qui était désormais abandonné. L’ancien laborantin n’aurait jamais retrouvé l’endroit par lui-même, mais le cheval semblait désormais connaître le chemin et ne plus nécessiter d’être guidé.

Alex remarqua une étrange éolienne qui dépassait les toits de la maison et se demanda quel ingénieux dispositif cela pouvait être. Car il devait bien admettre, malgré tout, que cette mort lente qui les menaçait constamment avait eu l’effet bénéfique de faire briller la débrouillardise et l’originalité chez chacun. Partout où il avait rencontré des survivants, il avait constaté que c’était généralement les plus hardis – et les surnaturels y avaient généralement un avantage naturel – qui étaient devenus les plus riches, pour autant que ce concept ait subsisté.

-J’aurais pas reconnu.

L’aveu était sorti de lui-même alors qu’ils s’arrêtaient devant la demeure de O’Conner.  C’était pourtant la même, il reconnaissait les rosiers.  Presque exclusivement. Avec un pincement au coeur, Alex se demanda pourquoi il n’avait jamais osé inviter Brian à venir vivre à la cabane. Les choses se seraient peut-être passées différemment.  S’il avait agi assez tôt, avant que les émeutes n’éclatent ; avant que le monde ne meure ; avant que la trahison ne soit la norme. Le druide suivit ses propres recommandations et préféra ne pas se morfondre sur le passé pour observer plutôt la résidence de l’ex-marine.

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyDim 2 Fév 2020 - 15:09


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




- Pourquoi pas ?  C’est chez moi, ici!  J’ai dormi à des endroits bien pires.

Si prévisible… Alex me semble encore plus farouche qu’avant. Et je doute que la psychologie inversée fonctionne sur lui, il n’a pas perdu son aperception dans son long voyage. Je patiente, il va bien finir par se rendre compte que son ascétisme n’est plus nécessaire.

- T’as sûrement raison. J’sais pas où aller...

J’imagine qu’il va vouloir revoir son ami, mais qu’il fait mine de ne pas être fixé sur cette idée pour ne pas me vexer. Alex n’a jamais été simple dans sa façon de s’exprimer, de dire les choses ou les taire.

- J’vais aussi avoir besoin de me nettoyer. Je voudrais aussi récupérer des choses chez Derek.

Bingo ! Un prétexte pour éviter l’invitation que je n’ai pas encore osé formuler par crainte d’un nouveau refus. Mon cœur se serre. J’ai envie de m’affirmer, de me faire plus entreprenant, mais je reste figé comme un roc. Ridicule.

- Si j’sens juste la moitié de ce que j’ai l’air, il me laissera pas approcher de lui. Il est toujours au manoir ?
- Oui, ne t’inquiète pas. Derek va bien. Il a transformé sa propriété en forteresse. Il vit confortablement.

Il a le monopole ou presque de l’élevage de chevaux, ses barricades lui permettent de ne pas se faire piller ses plantations comme moi. C’est certain que question confort, Alex aurait mieux temps d’aller chez son ami. Néanmoins, je me lance avec une audace que je puisse je ne sais où.

- Tu peux venir chez moi. J’ai une baignoire fonctionnelle. Eau froide courante, suffit juste de faire chauffer les baquets d’eau pour avoir la bonne température.

Cela ne semble pas l’impressionner, ou il le cache. Alex accepte d’un signe de tête sauvage. J’ai l’impression d’être devant une nouvelle monture qu’il faut apprivoiser, un pur-sang au caractère orageux. L’avantage aujourd’hui, c’est qu’on a tout le temps. Même si le travail et la survie nous bouffent presque toutes nos journées, les relations entre les gens ont changé. Plus de WhatsApp, de Twitter, ni de Messenger, plus de connexion H24 pour se dire des futilités et du vent. On se parle moins, car sans voiture les distances ont pris un facteur cinq en temps. Alors quand on parle, on discute vraiment, pour échanger des informations ou son empathie, pas pour ne rien dire. Alex insiste pour marcher, cela m’arrange, car avec le chevreuil en plus de nous deux, mon cheval est bien fatigué par le chemin parcouru depuis la porte de la troisième palissade. Nous en avons pour au moins quarante minutes. Impensable il y a dix ans, c’est notre quotidien, et encore je suis un privilégié : le gouverneur me fournit le cheval, son équipement et son foin.

Lorsque nous retrouvons les routes, je veille à ce que Bidule marche sur l’herbe pour préserver ses fers et ses articulations. La banlieue a bien changé. Les maisons inoccupées s’abîment vite. Ce constat avait rapidement fait taire ma conscience et j’étais allé me servir en outils, en bois à brûler, en livres aussi. Nous arrivons dans ma rue, je suis seul dans un rayon d’un kilomètre. Une tranquillité due à ce que nombre de mes voisins ont fait partie de la première vague d’infectés. La contamination du deuxième stade par les morts-vivants a éradiqué ceux qui étaient leur famille ou leurs voisins. Le quartier a gardé cette réputation sans fondements scientifiques. J’aurais pu déménager dans un autre quartier plus peuplé, dans une maison dont on sait que les propriétaires ne reviendront jamais la réclamer… Mais, je n’ai pas pu me résoudre à quitter ma maison. J’y ai de bons souvenirs, de très mauvais aussi. Puis partir voulait dire quitter mes roses. Elles et mes animaux sont les êtres vivants qui m’ont été les plus fidèles et les plus aimants. J’ai trop été déçu par le genre humain ou y avoisinant que je préfère vivre ici où je ne suis pas si seul. Truc nous suit depuis un kilomètre. Il se déplace de bonds spatio-temporels en bonds spatio-temporels. Caché dans l’ombre, il se méfie d’Alex. Nous arrivons enfin.

- J’aurais pas reconnu.
- J’ai fait quelques aménagements…

Doux euphémisme pour l’éolienne collée à la maison qui actionne une pompe à vent et remplit le réservoir installé au niveau du toit. Pour la plomberie revisitée. Pour le devant du terrain transformé en écurie pour Bidule. Pour la cage de douze stères où j’enferme mon bois de chauffage. Pour le pommier et le poirier qui n’existaient pas et qui font de l’ombre au cheval. Pour ma voiture mise sur cale dans la rue pour libérer le garage et couverte d’une bâche, au cas où, bien que son réservoir se soit fait siphonner depuis des lustres. J’y avais écouté mes CD le temps que la batterie s’épuise : six mois, à raison de cinq minutes de temps à autre. Un grognement fait sursauter Alex.

- Machin ! Suffit. C’est un ami. C’est Alex.


Le chien apparaît de sous une carriole qui m’avait servi à rapporter l’éolienne et la cuve. La truffe au ras du sol, il avance en boitant du train arrière.

- Il se fait vieux. Il grogne, fait semblant d’être un bon chien de garde, mais il a onze ans, comme Truc qui te regarde depuis le tas de foin là-bas. Truc joue encore, Machin… Je m’attends à ce qu’il s’éteigne cette année ou l’an prochain.

Je sais que je pleurerai le jour où ça arrivera. C’est mon compagnon, celui qui m’a attendu chaque jour et qui avec Truc me donnait envie de rentrer à la maison. Des roses, un chien, un chat, voilà mon foyer.

- Le cheval s’appelle Bidule. C’était pour rester dans le thème des noms idiots.

Je déverrouille le portail. J’ai fermé mon terrain, mais ce n’est pas suffisant pour écarter tous les voleurs. Personne pour surveiller, il suffit d’une échelle.

- J’arrive à maintenir un petit potager vers les roses. Elles sont plus féroces qu’un rottweiler. D’ailleurs ! Hey ! Les filles, c’est un ami, donc gentil avec les épines.

Les corolles bougent et se tendent, ça dodeline du pétale. Je lance un regard sur un massif à l’opposé des roses. J’avais tenté une expérience. Las de me faire voler mes légumes, j’avais arrosé la terre de mon sang pour renouveler l’expérience avec Jansen. Mais n’est pas prince dryade qui veut. Ça n’avait pas foiré, ça n’avait pas marché. Le résultat est un entre-deux : les rosiers que j’ai souhaité modifier sont restés immuables à toute mutation, seule une touffe de marguerites s’agite en réponse des roses d’en face. Ce n’est pas ma seule expérience foireuse et ne sera sûrement pas la dernière. Je fais diversion en attrapant mon chevreuil et mon faisan et me dirige vers l’arrière de la maison.

- Je limite les issues, toujours pour les voleurs. Je suis toujours absent, c’est donc tentant. La poignée de la porte d’entrée est piégée avec une capacité que je recharge à la dynamo. Ça pique pas mal et laisse le doute planer sur d’autres pièges plus létaux. Y en a pas, je te rassure.

Je pose mes proies et ouvre la porte qui mène à la cuisine. Il y a trois verrous, dont un incrusté dans les moulures qui demande une petite astuce pour l’ouvrir. J’avais trouvé l’idée dans un des magazines de bricolage rapporté de mes excursions dans les maisons alentour.

- Étrangement, c’est ma maison qu’on tente de voler dans le quartier, les gens n’osent pas entrer dans les anciennes maisons de ceux qui se sont fait infecter à la première vague, alors qu’il y a plein d’objets utiles à l’intérieur.

Première chose que je fais est d’allumer la cuisinière déjà chargée en bois avec la pierre à briquet qui ne me quitte jamais. J’ai réaménagé ma cuisine. L’électroménager en moins a laissé sa place pour cette cuisinière qui sert aussi de chauffage. J’ai aussi deux saloirs. J’attrape un des stérilisateurs en acier galvanisé qui me servent aussi pour les conserves et le place sous le robinet de l’évier que j’ouvre. Un peu d’eau sort puis la source se tarit.

- Il faut souvent amorcer la pompe à la main.

(…)

Un peu d’huile de coude plus tard, deux gamelles d’eau chauffent lentement sur la fonte de la cuisinière.

- Suis-moi, la salle de bain est en haut.

Depuis le couloir, Alex regarde le salon. Le tableau du Queen Anne's Revenge n’est plus au mur, trop précieux à mes yeux, il a migré dans ma chambre. La télévision a été remplacée par une bibliothèque qui croule sous les livres. Une guitare traîne dans un angle, récupéré dans la maison d’en face. Elle appartenait au fil de cette famille qui a péri le premier mois après le shunt Down. J’ai appris en suivant des méthodes que j’ai trouvées dans sa chambre. Une collection de bocaux en verre est alignée sur une étagère au-dessus du canapé et protège fruits et légumes. Sur la table basse : un vase avec toutes sortes de plumes et les flèches que je suis en train de fabriquer. J’y passe du temps, car une mauvaise flèche vous fait rater votre cible à tous les coups. J’ai mis un moment pour comprendre pourquoi certaines de mes flèches volaient du tonnerre alors que d’autres non, tout en ayant la même apparence. Un des Indiens de la tribu du troisième cercle m’avait guidé sans pourtant me donner la raison de cette différence. « Il faut comprendre par soi-même pour bien retenir », m’avait-il dit. La solution était dans l’essence du bois et son âge quand on le prélève sur l’arbre, saule pour mes carreaux d’arbalète et pin ou noisetier pour mon arc à poulie.

- J’ai installé un fumoir à viande dans le garage, entre autres choses.

Dans la salle de bain, je suis assez content de voir l’eau couler quand j’ouvre le robinet de la baignoire. Je mets le bouchon pour qu’elle se remplisse.

- Ça va se remplir doucement, car ça coule par gravité. Le pommeau de la douche fonctionne aussi, mais c’est de l’eau froide. Vu la vitesse où cela coule, l’eau va avoir le temps de chauffer en bas.

Je passe dans ma chambre et ouvre le placard.

- Ça n’a pas de sens de te laver si tu remets les mêmes fringues. Prends ce que tu veux, on fait un peu le même gabarit. Sous-vêtements compris, c’est OK. Et les ceintures sont là au besoin.

Je hausse les épaules aux protestations d’Alex.

- On lavera tes fringues après que j’aie pris mon bain.

(…)

De nouveau dans la cuisine, je ravive le feu de la cuisinière.

- Une gamelle suffit pour la baignoire remplie à moitié d’eau froide. Prends tout ton temps, je vais desceller Bidule et l’étrier, puis plumer le faisan, ça fera notre repas ce midi avec un peu de boulgours.

Je vais pour sortir, mais me retourne avant de franchir la porte. Alex me semble vraiment perdu.

- Utilise mon rasoir, un manuel avec la grande flexible. Si j’avais une quelconque maladie, je ne serais plus là. Si tu ne penses pas arriver à t’en servir, je veux bien t’aider à te raser. Je me suis servi de moi comme cobaye quand les lames pour jetables se sont faites rares. C’est plus facile quand on fait sur quelqu’un d’autre que sur soi-même.

Je sors enfin pour couper court à tout refus ou moment embarrassant pour mon invité. Bidule salue mon retour en soufflant par les naseaux. Il sait que je vais le brosser longuement. Je lui parle sous le regard jaunâtre de Machin. Je ne sais pas où est Truc, peut-être en train de surveiller Alex. Se souviennent-ils de lui ? Difficile à dire. Machin n’a plus d’odorat et sa vue a bien baissé. Peut-être Truc qui est plus alerte. Les chats vivent plus vieux que les chiens.

(…)

J’ai terminé avec Bidule. J’entreprends donc de plumer le faisan. Je me suis installé sur le perron qui mène à la cuisine. A mes pieds, un sac où je mets le duvet et mon pot de plumes pour celles dignes de figurer sur mes flèches. Machin attend le moment où j’éventre l’animal et lui donne les viscères à manger. Cela fait un moment qu’Alex est seul avec lui-même dans la salle de bain. J’imagine que ça va le changer de se laver, peut-être trop. Parfois la crasse est portée en armure. Quand il descendra, je lui offrirais un verre de cidre. Je le conserve à la cave dans des bouteilles de limonade. C’est en la creusant que je m’étais aperçu que la nappe phréatique n’était pas loin, ce qui m’a donné l’idée de la pompe à vent. La cave me sert aussi de glacière.

Machin joue avec une plume qui est restée coincée sur son museau quand j’entends Alex arriver dans mon dos. S’est-il changé en m’empruntant des affaires ? S’est-il rasé ?



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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyMar 11 Fév 2020 - 4:22



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner







Après avoir hésité un instant, durant lequel Alex avait jaugé les meilleures voies de sortie de la pièce -habitude qui ressemblait aujourd'hui à un instinct-, il avait décidé de laisser la porte de la salle de bain entrebâillée. Une fois ses vêtements posés en une pile sur la cuve de la toilette, Alex se laissa glisser dans la baignoire à demi pleine d'eau tiède, luxe qu'il n'avait pas connu depuis belle lurette.  
 
Tout en s'épongeant et se décrassant, Alex mit à profit ce moment de solitude pour faire le point sur sa journée jusque-là, et ce qu'il en avait appris ou autrement retiré. 
 
D'abord, Brian était toujours vivant et Alex avait été suffisamment chanceux pour tomber sur lui à son arrivée. L'ex-policier semblait aussi serviable que lorsqu'il l'avait connu, dans leurs précédentes vies. Et il avait toujours sa ménagerie avec lui, agrémentée d’un cheval au nom bien trouvé, qui aurait pu faire sourire Alex, autrefois. Ce n’était pas tout. Le druide repensa avec douleur à l'aveu de Brian, selon lequel son chien était sur ses derniers milles. Quant aux roses de Jansen, elles étaient toujours là, fidèles au poste, et le coeur du canadien se serra un peu en songeant au dru dont il ignorait le destin. 
 
Derek était également vivant et habitait probablement avec ce qui subsistait de sa meute, du moins Alex l’assumait-il à défaut de l’avoir demandé. Maintenant qu'il savait ne plus pouvoir loger dans la cabane de son père, le pèlerin estimait que le manoir était l'option la plus naturelle qui pouvait s'offrir à lui. Surtout si la panthère n'avait pas trop changé.  Alors, la meute accueillerait certainement à bras ouverts un druide expérimenté comme Alex. Et puis, ils habitaient dans sa forêt. Ça n'était pas non plus négligeable. 
 
Alex dodelina légèrement, comme envahi d’un diaphane sentiment sécurisant, et une frange de ses cheveux châtains dardés de blanc trempa dans l'eau. Il dénoua le lacet de cuir qui retenait le reste, et la tignasse dévala sur ses épaules.  Le crasseux inspira une grande goulée d'air et se laissa glisser sous la surface.  Des deux mains, il attrapa la masse fibreuse et la cala en la grattant et la remuant pour la nettoyer. 
 
Brian s'était montré ingénieux et débrouillard dans les adaptations qu'il avait apportées à sa demeure. S'il était certain que tous ne se lavaient pas en épouvante et sans savon dans un ruisseau, Alex doutait que l'eau courante ne soit disponible dans chaque foyer de Beacon Hills. La pompe éolienne l'avait impressionné, ainsi que les sécurités qui entouraient l'endroit, et les indices que son oeil avait pu capter et qui trahissaient comment le garde occupait ses temps faussement nommés libres. 

Alex émergea, l’oeil vif et alerte. Il avait perçu un mouvement, un changement de luminosité, et manqua glisser en voulant se relever pour récupérer son couteau, avant de se rappeler qu’il n’était pas dans un cours d’eau au milieu d’un territoire sauvage, ni dans une maison solitaire laissée à l’abandon, mais chez un ancien ami. Il se laissa donc retomber dans la baignoire, heureux que la frayeur ne soit pas fondée, et retourna à sa relaxation. Ce fut un grondement sourd qui indiqua au druide qu’il ne s’était pas trompé. Perché sur la tranche de la porte, Truc tentait d’intimider le visiteur, qui se contenta de tendre la main hors de la cuve. Un instant plus tard, le matou sentait les doigts qui lui étaient offerts et daigna se dresser légèrement sur ses pattes arrières pour y imprégner son odeur.

-Gentil Truc, t’es un bon chaton.

Il y eut un miaulement protestataire, comme si la bête était insultée de s’être faite traitée de petite jeunesse, puis elle alla quémander une seconde caresse.  C’est lorsqu’un frisson le surpris qu’Alex réalisa le temps qu’il avait passé dans le bain.  Il s’immergea de nouveau, frottant une dernière fois son scalp et ses cheveux avant de passer au reste de son corps, qu’il frictionnait autant pour éliminer tout surplus de saleté que pour réactiver la circulation sanguine et se réchauffer. Sa peau légèrement halée par le grand air semblait avoir bien bénéficié du traitement. Au sortir de la bassine, Alex  songea à Brian qui avait mentionné vouloir se nettoyer également, un vague sentiment de culpabilité lui traversant l’esprit, alors qu’il décida de ne pas retirer le bouchon qui retenait l’eau grise*.  Ils n’auraient qu’à en ajouter de la chaude, pour ajuster la température.  Quant à la saleté… Brian jugerait bien de ce qu’il préférait!

Après s’être essuyé le corps et épongé les cheveux à l’aide d’une serviette, Alex l’ajusta à sa taille pour marcher sur la pointe des pieds jusqu’au placard désigné par son hôte. Il piocha le premier pantalon de la pile, saisit également le slip du dessus et prit le premier t-shirt de l’empilade noire et blanche. Le voyageur retourna à la salle de bain pour se vêtir, et se rappela le rasoir dont avait parlé Brian. Il enfila donc le sous-vêtement et le jeans qu’il boutonna sous la taille, et se saisit du t-shirt en songeant que c’était probablement plus simple de se raser ainsi. Parlant de cela, il ramassa le rasoir avant d’aller rejoindre Brian.

Le canadien avançait à pas feutrés dans les pièces de la maison, à la recherche de l’occupant des lieux. C’est en se fiant sur le peu d’agitation qui perçait le silence ambiant qu’Alex se dirigea vers la cuisine. Brian lui faisait dos et Machin semblait s’amuser. Ayant pu ressasser suffisamment la phrase qu’il s’apprêtait à dire pour ne pas charger son ton de dédain à l’idée de ne pas être entièrement autonome. Dépendre de quelqu’un, même pour quelque chose d’aussi bénin, lui tourneboulait l’estomac.

-J’ai besoin que tu m’aides avec ça.

À en juger par l’air amusé de l’ex flic, Alex comprit qu’il tenait l’objet comme une espèce d’artefact mystique, ou un bâton de dynamite particulièrement instable. Il se contenta de faire la moue en fichant l’outil dans les mains de son sauveur du jour.

-S’te-plaît. songea-t-il à ajouter. Il y avait longtemps qu’il ne s’était pas servi de la politesse pour demander quelque chose.

Le survenant* avait observé silencieusement la technique de son barbier d’un jour, bien décidé à ne pas avoir à quémander de nouveau ce service. Il s’était contenté de mouvements de têtes et de grognements affirmatifs ou négatifs, encore une fois, en réponse aux quelques mots de Brian, puis il avait enfilé le chandail sur son torse meurtri.

-Je peux faire à bouffer pendant qu’tu te laves, maugréa-t-il en espérant que cette maigre offre puisse servir de compensation aux dérangements dont le druide était actuellement la cause et l’épicentre.

-J’suis pas invalide. Explique-moi juste c’que tu comptais faire et j’m’en chargerai.

La cuisinière était un changement quelque peu intimidant pour lui, mais une fois que Brian lui eut expliqué son fonctionnement et la cuisson – à défaut d’une recette – qu’il avait en tête, Alex entreprit de ne pas brûler la maisonnée.

Les effluves de la volaille affublé de quelques légumes commençaient à embaumer l’air. Alex avait fouiné dans les armoires à la recherche de vaisselle pour dresser la table.  Lorsqu’il revint à la casserole de blé, il voulu le touiller pour se rendre compte plutôt que toute l’eau s’était évaporée.  Il retira immédiatement le plat du feu et cherchait qu’en faire lorsque Brian revint dans la cuisine. Déjà?  Craignait-il qu’Alex ne le dérobe durant son absence, ou qu’il ne festoie seul sur les denrées de son hôte? Était-il revenu surveiller son invité? Ou alors le druide n’avait-il simplement pas vu le temps passer, occupé qu’il était à jouer les hommes civilisés.

-J’pense que j’ai cramé l’boulgours, se contenta-t-il d’annoncer d’un ton éteint. Si on gratte pas l’fond on devrait éviter le plus gros du brûlé.

Le gaspillage alimentaire était-il devenu un crime sévèrement puni à Beacon Hills?

*:

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyDim 16 Fév 2020 - 16:52


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




-J’ai besoin que tu m’aides avec ça.

Je me retourne et regarde ce qu’Alex me tend : mon rasoir à main. Je souris à la façon dont il le tient, comme si l’objet avait une vie propre. Je hoche la tête, soulève la volaille pour montrer que j’ai presque fini de la vider. Mon regard s’égare sur ses cheveux qui lui tombent aux épaules, vêtu simplement d’un jean, un t-shirt dans la main, il semble un autre homme, différent de celui qui est parti il y a sept ans. Je cache mon trouble en partageant les viscères entre Truc et Machin puis vais me laver les mains.

J’ai installé Alex sur une chaise au milieu de la cuisine. Après avoir taillé grossièrement sa barbe, j’ai enduit ses joues et son cou d’un mélange de sève de cactus, de sève de lierre et de saponaire jaune. La base lavante mousse bien ce qui permet à la lame de glisser sans accrocs. Cela pourrait laver le linge, mais je n’ai clairement pas assez de matière pour ça. Je ne me sers donc de ce savon artisanal que pour me laver. Comme Alex semblait vouloir apprendre à faire, je lui ai donné un miroir à main pour qu’il observe mes gestes. J’explique au fur et à mesure ce qu’il faut faire et les gestes à éviter, sinon c’est l’entaille assurée. Il m’avait répondu par onomatopées. L’ami que je retrouve est bien moins disert qu’il ne l’était avant, en cause une solitude forcée, j’imagine.

(…)

- Je peux faire à bouffer pendant qu’tu te laves. J’suis pas invalide. Explique-moi juste c’que tu comptais faire et j’m’en chargerai.
- OK. Alors, il faut remettre du bois là. Tu trouveras un plat pour la volaille ici, le saindoux est dans ce pot. Veille à tourner le faisan souvent, le four ne cuit pas uniformément, plus de chaleur tournante… Pour le reste, ça marche comme une gazinière sans bouton de réglage. Faut surveiller et éloigner ou rapprocher la gamelle sur le centre du foyer.

J’ai mangé cramé bien des fois avant de trouver la bonne charge de bois qui va bien. Je laisse Alex à la cuisine entouré de Truc et Machin finalement contents qu’on ait du monde à la maison.

(…)

Je suis monté à la salle de bain avec la deuxième gamelle d’eau chaude. Alex a laissé l’eau dans la baignoire, geste de l’économe pour qui n’a plus connu l’abondance. Je retire le bouchon, l’eau s’évacue et va rejoindre une cuve de stockage qui me sert pour arroser le jardin. Avoir l’eau non loin ne me fait pas oublier où allait notre monde avant le virus.

(…)

Le bain est agréable après une nuit passée dehors. Je frotte mes joues, je me suis rasé hier, ça attendra encore un jour. Je prends un peu de mixture savonnant et me lave. Quand je suis rincé et sorti de la baignoire, j’y balance les fringues d’Alex et les miens, l’eau est encore tiède de mon bain.

C’est une odeur de brûlé qui me fait accélérer alors que je suis en train de me sécher. Je m’habille rapidement, la peau encore humide et descends au plus vite, inquiet d’un incendie. Perdre ma maison me collerait dans l’embarras le plus total. J’avoue craindre que le nouvel Alex ne soit plus très attaché aux choses matérielles. Depuis que nous nous sommes retrouvés, je le trouve plus brut de coffrage. Quoique lavé et rasé avec ses cheveux détachés, il irradie d’une certaine classe, une force tranquille qu’il ne possédait pas avant.

- J’pense que j’ai cramé l’boulgours. Si on gratte pas l’fond on devrait éviter le plus gros du brûlé.
- Pas de soucis, on fera tremper la gamelle.

Je cache un soupir de soulagement. Le blé concassé est l’une des denrées les moins chères au magasin central. Je le laisse récupérer ce qui est comestible pendant que je sors le faisan du four pour le découper.

(…)

Je ne peux m’empêcher de regarder la manière avec laquelle Alex mange, ou plutôt dévore. Depuis quand n’a-t-il pas pris de repas à table confortablement assis sur une chaise sans ennemis à craindre ? Pendant qu’il termine ce qu’il reste dans les gamelles, pour combler un estomac trop longtemps mis à la diète, je descends à la cave pour prendre une bouteille de cidre. Je lui ai dit de finir prétextant être repu. De toute façon, ce soir j’ai du chevreuil qui m’attend. Il faudrait que je rachète de la farine pour faire des pâtes, mais ce n’est pas le même prix que le boulgour.

(...)

- Pour honorer ton retour.

Je pose la bouteille devant lui et la débouche. Le bouchon de céramique claque avec violence contre ma peau. La pression est forte dans ce breuvage artisanal, au point que je préfère protéger le goulot en verre de ma main que de risquer d’ébrécher la céramique ou la bouteille. Je nous serre deux verres pleins.

Un temps de silence passe, simplement rompu par Truc et Machin qui festoient de nos restes. J’apprécierais le moment s’il n’était pas conditionné à ce que souhaite faire Alex ensuite. Je débarrasse la table et étouffe un bâillement. La nuit a été courte. Je mets nos assiettes à tremper. J’ai encore le cervidé à dépecer et à découper en vue d’en mettre une partie au fumoir et de préparer le reste pour le troquer ou le vendre au magasin, peut-être contre de la farine.

- Que veux-tu faire ? Tu peux rester ici tant que tu veux. Et si tu as besoin que je t’emmène quelque part, je remets sa selle à Bidule.


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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyMer 26 Fév 2020 - 3:23



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner







Alex s’était d’abord lancé sur le blé.  Il préférait avoir un bon fond dans l’estomac avant de se lancer sur la viande. Sans feu, il n’en avait pas mangé depuis longtemps, et craignait de n’avoir des réflexes gastriques involontaires. Sans un mot, il enfilait les bouchées les unes après les autres, et force était d’admettre que la volaille lui plaisait bien plus que les écureuils qu’il avait attrapé à l’époque.  La distinction avec les lièvres sauvages lui était moins claire, par contre. De temps en temps, il relevait les yeux sur son hôte, ou lorgnait du côté de l’assiette de service.  Lorsque finalement il s’aventura à demander si il pouvait prendre une nouvelle portion, Brian lui dit de terminer les plats. Le druide itinérant savait qu’il abusait et risquait de tout rendre en forçant son estomac, habitué à des doses humbles. de manger autant aujourd’hui. La chaleur des aliments dans sa bouche était, en soi, extatique. Lorsque Brian descendit pour aller à la cave, Machin se trémoussa légèrement, mais resta assis juste à côté du canadien, espérant probablement hériter de restants de table qui ne se rendraient jamais à lui. Trop orgueilleux pour risquer de laisser une mauvaise impression, Alex gratta ce qui restait au fond de l’assiette à l’aide de sa fourchette, ne laissant presque rien.

L’ancien biochimiste devait bien admettre qu’il se sentait bien, ici. Étrangement en sécurité, mais également confortable.  La demeure avait conserve son essence, et était toujours aussi chaleureuse maintenant qu’une dizaine d’années plus tôt. Peut-être était-ce simplement dû à ses occupants, ou était-ce simplement le choix de couleurs sur les murs, malgré qu’elles aient vieilli, ou encore l’architecture, simplement, de la maison.  L’idée de ne jamais se lever de table, aussi ridicule soit-elle, lui traversa l’esprit. Ce serait signer son acte de mort.  Le sédentarisme et l’inactivité n’avaient plus leur place dans ce monde, et Alex était prêt à travailler aussi fort que n’importe qui d’autre pour se lever le lendemain matin, et de nombreux autres ensuite.

Brian ne se fit pas attendre et réapparut avec une bouteille de limonade à la main.  Intrigué, Alex se contenta d’observer son hôte, qui brandissait la bouteille en déclarant vouloir fêter le retour du canadien. Mal à l’aise malgré qu’il ne s’empourpra pas le moins du monde, Alex grogna un refus. Il ne voyait pas ce qu’il y avait à célébrer.  Il était bien temps qu’Alex ne rentre au bercail! Surtout, il n’apportait rien avec lui : ni bonnes nouvelles, ni ressources. Rien qui ne justifie d’être aussi heureux de le revoir, sinon la mélancolie, ou ce sentiment indéfinissable d’avoir retrouvé quelqu’un qu’on croyait perdu à jamais.  La réponse fut toutefois couverte par le son du bouchon qui sautait. Après un sursaut paniqué, Alex se détendit et raisonna sur ce qui venait de se produire : ce n’était qu’une boisson sous pression, et il n’y avait aucune raison de s’inquiéter.  Ils étaient au calme et en sécurité, loin des brigands autant que des morts vivants.

Les verres furent remplis et Brian alla porter les assiettes à l’évier. Alex haussa un sourcil en observant le signe trahissant la fatigue de l’ancien policier. L’invité surprise avait fort probablement chamboulé la routine de son hôte solitaire, ainsi que ses plans pour une éventuelle sieste ou autre. Lorsque le garde revint s’asseoir à la table, Alex leva son verre pour le cogner contre celui de Brian.

-À ta santé. Le druide marqua un silence, cherchant le mot juste pour exprimer que Brian était resté ici, pilier de stabilité et toujours fidèle à lui-même.
-Pour ta constance!


Il ne fallut que quelques gorgées pour que l’éthanol ne vienne détendre les traits d’Alex, à défaut de pouvoir qualifier son visage de souriant.  Son nez et ses joues commençaient également à se teinter de rouge, sans que ce ne soit par la timidité.  Il fallait dire que le reclus n’avais pas touché une goutte d’alcool depuis bien des années, et son organisme était en train de le lui rappeler. Confortable dans ce silence, Alex ne chercha pas à le rompre et se mit à errer dans ses pensées. Il ressentait toujours Son appel, et réfléchissait à ce qu’il pourrait bien trouver à dire à Derek lorsqu’il irait cogner à sa porte.  Comme s’il lisait dans ses pensées, ou partageait ses inquiétudes, Brian tira Alex de ses réflexions en lui demandant ce qu’il comptait faire ensuite. Il lui offrit également une hospitalité sans date d’expiration, qui tira un sourire timide au canadien, ainsi qu’un service de taxi personnel.

-Ce n’est pas nécessaire, trancha Alex. J’apprécie ton offre, mais j’irai chez Derek seul.

Brian s’insurgea aussitôt, rejetant la motion d’un coup. Il s’en suivit un échange d’arguments secs des deux côtés de la table, chacun semblant tenir davantage au bien-être de l’autre, ou à la courtoisie, plus qu’à ses propres intérêts. De son côté, Alex refusait de coûter davantage de temps et d’énergie encore à son ami, ainsi que de risquer d’épuiser sa monture. Bidule avait déjà charrier deux personnes et une carcasse ce matin, il méritait son repos!  Lorsqu’ils réalisèrent que leur échange ne menait nulle part, ils s’entendirent ensemble pour établir un compromis, dont Alex résuma les termes.

-J’reste pour t’aider dans tes taches. Comme ça, je t’aurai remboursé en partie l’temps que je t’ai fait perdre, pis on aura tous les deux l’temps de se reposer avant que tu retournes au Mur. Pis tu pourras m’accompagner sur une partie de mon chemin jusqu’à chez Derek. Mes pieds ont l’habitude de m’porter bien plus loin chaque jour.

Était-ce de l’humour, de l’arrogance, de la simple vanité?  Derrière son ton bourru, Alex avait appris à camoufler ses émotions autant que ses intentions. Il n’avait pas calculé, par contre, le teint rougeaud qui avait crû sur son visage et transparaissait d’une candeur bonace que l’on aurait autrement pu croire disparue depuis longtemps. Un nouveau bâillement en appela un second en écho, et le pèlerin se leva, proclamant que le plus tôt ils auraient terminé leurs corvées, le plus tôt ils pourraient se reposer. Les paumes du druide claquèrent sur ses cuisses juste avant qu’il ne se relève, alors qu’il s’autoproclamait plongeur pour la journée, chassant Brian hors de sa cuisine pour qu’il aille s’occuper ailleurs.

Une fois la vaisselle terminée, Alex songea à sécher ses mains sur la serviette à cet usage, mais ne put inhiber le réflexe de se les essuyer également sur le pantalon emprunté à l’ancien militaire.  Le druide entreprit ensuite de retrouver ce dernier.  Sans réelle surprise, il le trouva  occupé à dépecer le cervidé que Bidule avait traîné toute la matinée. Alex observa un instant les gestes précis et méthodiques de l’homme concentré à sa tâche. Il attendit que Brian suspende son geste avant de signaler sa présence, pour éviter qu’il ne se blesse en faisant un faux mouvement. Quand on était habitué à la solitude, un rien pouvait nous faire sursauter.

-Tu vas faire quoi d’la peau? s’enquit-il en décidant de se limiter là. La question était tout aussi valide pour les os et les cornes. Les abats finiraient certainement soit en bouffe à chien, soit en plats relativement raffinés. Le reste… Il était difficile à croire pour Alex que cela finirait simplement en déchets. Il devait bien se trouver quelqu’un à Beacon Hills qui avait appris à tanner les peaux, que ce soit auprès de la nation Kawaiisu ou de par leur précédent métier.

Davantage habitué au petit gibier, Alex préférait laisser Brian s’occuper de la coupe primaire des quartiers et offrit simplement de tailler les pièces en morceaux plus petits. Ce travail à la chaîne devrait, en principe, diminuer le temps de travail requis. Alex bavarda peu, se contentant de chercher la confirmation qu’il faisait bien ce que le chasseur avait en tête et attendait de lui, à la manière de l’assistant de laboratoire et laborantin qu’il fut jadis.

Lorsque vint le temps de se reposer, Alex argua qu’il serait amplement confortable au salon, prétextant d’une part être plus confortable à même le sol, par la force de son accoutumance, mais surtout en raison de ses ronflements. Ils perturberaient certainement le sommeil de Brian, qui s’en retrouverait dépaysé et dans l’impossibilité de trouver un sommeil paisible. Le druide trouva presque instantanément le sommeil, et n’en émergea à peine lorsque Machin vint lui tenir compagnie en réclamant des caresses.

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyLun 2 Mar 2020 - 15:14


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




La vigilance d’Alex s’est émoussée avec mon cidre maison qui ne doit guère dépasser les trois degrés par volume. L’alcool n’est pas si rare qu’on pourrait le croire et la distillation comme la viniculture a fait partie des premières préoccupations des gens. Inutile pour le corps, il aide l’âme et le cœur tant qu’on reste raisonnable. Je m’en tiens au cidre pour des raisons évidentes liées à mes activités de surveillance et de chasse.

Son visage s’est coloré d’une douce chaleur et ses lèvres sont moins crispées dans cette moue sévère, si ce n’est revêche qu'il conservait depuis qu’il avait passé la porte de la troisième palissade. Alex regarde dans le vague, j’imagine que ses pensées galopent. Sept ans hors de la protection des murs, tout ce temps à ne dormir que d’un œil, à moins qu’il n’ait été hébergé par une autre communauté qui a su survivre. J'aimerais lui poser un tas de questions sur ce qu'il a fait tout ce temps, mais je n'ose pas. Cela ne me regarde pas, je l'ai bien compris il y a sept ans. Je repense à cette douleur faite d’inquiétudes et de frustrations quand il s’était éloigné à travers bois après mon ultime tentative de le retenir, à ce que j’ai fait ensuite, usant mon énergie pour la collectivité.

Nous ne sommes pas les seuls survivants. Je le sais quand des rescapés d’autres poches de survie viennent frapper à notre porte et que huit fois sur dix nous ne les hébergeons que pour un temps bref avant de les mettre à la porte. Mon passif de soldat m’aide, mais je n’aime pas être de service quand cela arrive, quand nous sommes obligés de tirer près de leurs pieds pour qu’ils partent, ou pire. L’émotionnel et l’empathie ne peuvent plus dicter notre conduite quand la viabilité d’un lieu est conditionnée par sa dimension finie et des ressources limitées. Des règles dures pour empêcher l’extinction totale de l’humanité.

Les gens ont changé, ils sont devenus plus rudes, plus binaires, une polarité qui représente la vie ou la mort. Entraide et égoïsme s’unissent dans un microcosme qui n’est pas idéal, mais qui assure notre survie. Il n’y a plus d’émeutes internes depuis longtemps grâce à des hommes forts comme l’a pu l’être le shérif Stilinski. Notre territoire est stable, la menace d’un bannissement est plus efficace qu’une condamnation d’incarcération. On ne peut pas se permettre de nourrir des bouches inutiles et certains froussards y avaient vu une forme de salut : l’enfermement pour vivre en sécurité. Nos cellules servent pour le dégrisement ou calmer un gars qui craque. Cela arrive, c’est humain.

L’homme garde toujours un impact considérable sur la nature, même aujourd’hui sans voiture ni avion, même si nous mangeons moins. Je me demande si Alex saura s’intégrer à nouveau dans ce monde communautaire. Je l’espère. Pour avoir survécu sept ans dehors, il sait quelle conduite tenir, mais ici il y a un nouvel élément auquel il va devoir faire face : donner sa confiance pour certaines choses, côtoyer du monde, même si la population a drastiquement diminué et respecter la loi qui pense bien commun et non individualité.

- Que veux-tu faire ? Tu peux rester ici tant que tu veux. Et si tu as besoin que je t’emmène quelque part, je remets sa selle à Bidule.
- Ce n’est pas nécessaire. J’apprécie ton offre, mais j’irai chez Derek seul.
- Non, vraiment ça ne me dérange pas !


J’ai beau argumenter, Alex refuse mon aide. Il me sort des arguments censés, là où je ne cherche qu’à prolonger sa présence près de moi. J'imagine que l'alpha lui proposera le gîte, c'est plus près de sa cabane, plus logique aussi, ils sont des amis de longue date. Dépité, j’accepte sa proposition de m’aider dans mes corvées et de prendre un peu de repos jusqu’à ce soir. Maigre victoire, mais victoire tout de même. Il parle de me rembourser mon temps et mon accueil, c’est certain que maintenant tout se compte, mais pas aujourd’hui, pas pour lui en tout cas. Toutefois, je comprends sa fierté et accepte le marché. Chassé de la cuisine, je m’en vais dépecer mon chevreuil. Elles sont loin mes premières galères pour retirer la peau sans abîmer la viande. Machin et Truc me tournent autour, ce moment est toujours signe de récompenses ou de morceaux à chaparder, un moment plaisant en compagnie de mes deux amis à quatre pattes. Seulement la présence dans la maison irradie comme mille soleils et réchauffe mon âme.

Peau dépecée et donnée à la langue râpeuse de Truc qui s’applique à retirer le moindre reliquat de viande, je commence à détailler la bête quand une voix m’interrompt.

- Tu vas faire quoi d’la peau ?
- Je n’ai pas le temps de la tanner, alors je la donne aux Indiens. Pour l’instant, il n’y a qu’eux qui en font usage dans leur quotidien. J’en ai utilisé quelques-unes pour étanchéifier le toit de l’abri de Bidule. Les bois et les os me servent pour mes pointes de flèches. J’en avais concassé pour amender le sol de mes cultures, mais bon…

Je montre de la main mon modeste carré cultivé à côté des roses-guerrières.

- J’ai parfois des commandes sur certains organes ou glandes pour des usages médicinaux.

Alex se propose de m’aider à détailler la viande. Je lui installe un coin de table à côté du mien avec un bon couteau. Il va m’effiler les morceaux que je me réserve et que je vais fumer pour les conserver. C’est meilleur que le saloir, moins cher aussi, mais plus délicat de mise en œuvre. À nouveau, le silence s’installe troublé seulement des inquiétudes du druide de mal faire. Il sait parfaitement manœuvrer un couteau, c’est sur le sens de découpe que je le guide.

Les morceaux prévus pour le troc sont enrobés de chiffons huilés pour éviter un contact avec l’air qui oxyderait la viande et remisés à la cave en attente de ce soir quand je passerai près de la ferme avec laquelle je commerce régulièrement. Le fumoir quant à lui occupe un angle de mon garage qui est aussi ma réserve alimentaire. L’endroit est saturé de l’odeur de viande fumée et séchée. Viandes abritées de moustiquaires et herbes en tout genre pendent au plafond, tandis que quelques légumes patientent dans des cagettes, protégées de la lumière et de la dessiccation par des poignées de paille. Alex est le premier à voir mon installation, il y a ici trop de tentations pour que j’y invite n’importe qui. La sciure se consume à l’étouffée, j’ai refermé le couvercle au-dessus des grilles où nous avons disposé soigneusement les morceaux de viande. La difficulté tient à ne pas chauffer la viande pour ne pas la cuire.

(…)

Nouvelle bataille avec Alex qui refuse que je débarrasse le lit de la deuxième chambre de ce qui l’encombre pour lui préférer le canapé. J’abdique rapidement, je tombe de sommeil. Il pourra bien ronfler tout ce qu’il veut, je ne pense pas que cela m’empêchera de dormir.

Avant de rejoindre ma chambre, je passe par la salle de bain et brasse les affaires d’Alex qui trempent encore pour décoller la saleté dont elles sont imprégnées. L’eau devient sombre, presque noire. Il faudrait la renouveler, mais je suis trop fatigué pour attendre que l’eau coule de la cuve. Ça attendra demain. Ses frusques sont bonnes à devenir chiffons.

(…)

J’ai quitté mes affaires, ne gardant que mon boxer pour m’écrouler sur le ventre, la couette rabattue sur mes jambes. Un invité ne se fait pas attendre et vient se lover sous mon aisselle à grand renfort de ronronnements. Machin ne monte plus à l’étage à cause de ses reins qui le font souffrir. J’ai oublié de prévenir Alex qui risque d’être dérangé par le chien trop content d’avoir un compagnon. Quand le sommeil m’emporte, ma routine perturbée, je n’ai pas conscience d’avoir oublié de mettre mon réveil mécanique en alarme.


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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyDim 15 Mar 2020 - 17:34



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner







Réveillé en sursaut par le vacarme de ses propres ronflements, Alex entrouvrit d’abord les yeux à demi pour qu’ils s’ajustent à la luminosité ambiante. Il entendit des griffes sur le parquet, et les mouvements lents de Machin qui s’approchaient du canapé où le dormeur venait de s’éveillé. Le druide ne mit pas de temps à se rappeler de la veille, et surtout du début de cette même journée. Un sourire aux lèvres, il tourna la tête pour éviter les rayons obliques qui lui zébraient le visage, avant de se redresser pour observer paresseusement la pièce où il se trouvait. Un sourire nébuleux vint éclore sur son visage alors qu’il offrait des grattouilles endormies au vieux chien.  C’était la première fois en des années qu’Alex avait aussi bien dormi, en se sentant en sécurité. Le silence apaisant de ce cocon le laissait émerger lentement, comme s’il était à l’aube de l’humanité. Il observa avec curiosité les bibliothèques et les étagères remplies de connaissances, l’intrigante guitare posée là, et l’immense vide là où ce trouvait le navire de rêves de Brian.  Bateau dont il avait oublié le nom. Alex ne se souvenait simplement qu’il y avait un lien avec l’une des reines d’Angleterre.  Queen Elizabeth, comme l’hôtel? Non, c’était définitivement trop récent. Queen Vic? Peut-être bien, mais un sentiment laissait présager au scientifique que ce n’était pas cela non plus. Il s’étira silencieusement et mit encore un moment avant de réaliser que l’après-midi était bien entamé, et que le silence indiquait soit que Brian dormait et n’était pas un grand ronfleur, soit qu’il lui était arrivé quelque chose.

Les gestes soudainement beaucoup plus alertes, Alex se redressa et posa les pieds au sol pour se lever. À pas instinctivement feutrés, il alla rapidement vérifier dans la cuisine et la cour arrière si son hôte ne s’y trouvait pas, fit le tour du rez-de-chaussée en allongeant le pas, Machin peinant à rester sur ses talons, et se dirigea finalement vers l’escalier. Une fois sur le palier, Alex ouvrit doucement la porte de la salle de bain, où il vit tremper leurs vêtements, et alla dans la chambre principale, dont il poussa le panneau de la porte sans la même délicatesse que précédemment. Le garde s’y trouvait effectivement. Alex avait fait deux pas dans la pièce et s’arrêta pour observer une oreille pointu qui s’agitait entre le bras et le dos du dormeur. Dormeur qui faisait face à la même direction que le druide, lui tournant ostensiblement le dos et le crâne. De l’autre côté du torse derrière lequel le regard d’Alex s’était attardé, Truc releva légèrement la tête et cligna d’un œil entrouvert avant de la reposer, jugeant probablement l’enquiquineur nouvellement arrivé comme une trop faible menace pour y prêter davantage d’attention. Brian était dévêtu, à l’exception de sa croupe enserrée de son sous-vêtements et de ses jambes légèrement entremêlées avec les draps. Le pèlerin ignora au mieux l’émotion réprimée qui naissait en lui et s’approcha du lit. La présence de Truc qui ne semblait aucunement inquiet semblait déjà être un bon présage pour le druide, qui vint s’assurer visuellement de la respiration de son ancien ami, avant de s’appuyer de son poing fermé sur le matelas et pousser brusquement l’épaule Brian de son autre main pour le réveiller.

-Debout, Brian. Lève-toi.

Dès le premier signe qui laissa présager que l’ex-militaire reprenait conscience, Alex se dirigea vers le meuble où il avait pioché des vêtements pour lui-même. Il sélectionna rapidement le premier vêtement de chaque pile qui lui tomba sous la main et revint au lit pour les lancer au flic. Mieux valait que ce corps entretenu par des années de rationnement et d’entraînements – supposait Alex qui se doutait que les gardes en avaient toujours – soit couvert avant que son propre pantalon ne commence à devenir étroit. Alex ne voyait pas son ami comme une simple enveloppe charnelle, un corps à désirer sans rien de plus, mais la vérité était qu’il avait longtemps été seul, et qu’il n’était pas fait de bois, même s’il n’avait plus sa prime vingtaine.

-J’aimerais arriver chez Derek avant qu’il fasse trop sombre. Je préfère éviter le même genre d’accueil qu’hier.

C’était plutôt ce matin, techniquement. Malgré le ton bourru du druide, on pouvait sentir l’empressement dans sa voix alors qu’il ressortait de la pièce pour ramasser ses affaires et ranger dans son sac ce qu’il en avait extirpé.  Il se permit de jouer un instant avec Machin, et de le caresser en s’amusant de ses grognements de bonheur, avant de remonter à la chambre, sac sur le dos, quelques minutes plus tard.

-J’suis prêt, déclara-t-il en faisant irruption sans même s’annoncer. Impatient, il chercha à croiser le regard de Brian. C’est lorsque son regard clair croisa celui de son hôte qu’il se figea un instant, les yeux dans le vide, en pleine réflexion intérieure.

-J’te brusque, là? J’voulais pas être chiant. T’as été gentil de m’accueillir, et moi j’agis comme un couillon qu’a pas été élevé ou qui sait pas vivre.

Le fait qu’il n’ait plus trop eu d’interactions sociales civilisées ou qu’il ait oublié comment se tenir en public ne semblait pas être une justification qui avait effleuré l’esprit de l’ermite. Ses sourcils se contractèrent alors qu’il cherchait la bonne attitude à adopter.

-Prends ton temps, j’vais t’attendre en bas avec Machin.

Sans demander son reste, Alex claqua des talons et s’éclipsa avec la même finesse qui semblait désormais le caractériser. Quelques marches craquèrent sous son poids alors qu’il descendait l’escalier pour aller méditer dans le salon, le crâne du chien sur les genoux et l’air revêche. Son bagage posé à ses côtés, il grattait la tête du canidé d'un mouvement mécanique. De lointains souvenirs lui revenaient à l’esprit, se superposant aux événements de la journée en un drôle de kaléidoscope. Le druide ne savait pas trop quoi penser de tout cela, et encore moins quoi en faire. Mieux valait probablement remettre ça de côté, bien rangé là où c’était depuis une décennie, plus ou moins quelques années. Ne jamais ouvrir les boîtes de Pandore que son esprit cachait dans tous les recoins de son cerveau.

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyMer 18 Mar 2020 - 16:28


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




Je me réveille en sursaut les doigts déjà au contact de la crosse du Sig Sauer caché sous l’oreiller. La voix d’Alex qui suit immédiatement son contact lui évite de se retrouver le nez face au canon de mon arme. Je remets doucement le cran de sûreté et me détends. Un regard vers mon réveil mécanique m’annonce que j’ai dormi un peu plus que prévu. Je m’assois et m’étire quand Alex me lance des fringues propres. La dernière fois que j’ai vécu ce genre de scène, je devais avoir quinze ou seize ans et la personne mécontente de mon retard était ma mère. Les dernières brumes du sommeil s’effacent, me laissant un arrière-goût amer. Il y a longtemps que personne n’avait osé me brusquer chez moi. J’étais parti de chez moi pour cela, ne plus avoir de comptes à rendre à personne sauf dans le cadre strict du travail.

-J’aimerais arriver chez Derek avant qu’il fasse trop sombre. Je préfère éviter le même genre d’accueil qu’hier.

Ce fut la phrase de trop. J’ouvris la bouche pour lui dire que s’il avait un train à prendre, qu’il parte donc devant, je l’aurais rattrapé bien avant qu’il n’arrive à destination. Mais le dos d’Alex m’empêche d’exprimer ma frustration sur son attitude et je n’aime pas hausser le ton. Je me contente de soupirer et de prendre le linge qu’Alex m’a lancé comme à un vulgaire adolescent fainéant. Il doit s’imaginer que j’ai une vie paisible et confortable. J’admets que les modifications que j’ai apportées à la maison peuvent le laisser penser à quelqu’un qui vient de l’extérieur. Mais rien ne s’est fait en un jour, non. Il y a là dix ans de travail acharné, d’améliorations et de constantes réparations avec mon imagination, car c’est le seul bien que je possède, ça, ma débrouillardise et la témérité à me risquer à l’extérieur pour rapporter ce que j’avais besoin.

Alex a pioché au hasard dans mes piles de vêtements. Le pantalon qu’il m’a lancé n’est pas compatible avec une chevauchée à cheval, un détail dont il se moque. Je range donc ce qu’il a sorti pour ouvrir un autre tiroir qui contient des fringues plus appropriées à mes gardes et mes chevauchées. Malgré ma sieste un peu plus longue que prévu, j’ai le temps. J’apporterais à la ferme la viande du chevreuil demain, cela me fera un détour de moins.

-J’suis prêt.

Je me fige, le pied à moitié enfilé dans ma deuxième chaussette. Je serre la mâchoire pour ne pas lui répondre abruptement que si je ne l’avais pas eu dans les pattes depuis l’aube, j’aurais déjà les fesses sur ma selle. L’effondrement de notre société a levé bien de mes filtres. Je reste un homme courtois, mais je ne mets plus de manière à exprimer ce qui me fait suer. Le mode survie fait qu’on abrège et on revient à l’essentiel. Mais là encore, Alex me coupe l’herbe sous le pied, disant tout haut ce que je pense.

- J’te brusque, là ? J’voulais pas être chiant. T’as été gentil de m’accueillir, et moi j’agis comme un couillon qu’a pas été élevé ou qui sait pas vivre.
- J’arrive.
- Prends ton temps, j’vais t’attendre en bas avec Machin.


Son comportement contredit ses dires. Mais ça a le mérite d’être limpide. Le pratique l’emporte sur nos liens, si tentés qu’ils aient existés un jour ailleurs que dans mon imagination. Nouveau soupir dans la salle de bain et la baignoire qui semble contenir du pétrole tant l’eau est sombre. Je me félicite de ne pas avoir mis mes fringues à tremper avec celle d’Alex. L’autre pressé aurait pu s’en occuper au lieu d’aller gratter Machin. Je retire le bouchon d’évacuation et rince au mieux pour ne pas avoir la faïence à récurer. Je laverai mes fringues demain et referais tremper celle du clodo avec mon eau sale.

Dans le salon, je retrouve Alex, son bagage au pied en train de flatter Machin. Je ne dis rien et me contente de rassembler mes propres affaires qui sont mon arbalète, mon arc, une carabine et les flèches et munitions qui correspondent à tout cela. Dans mes sacoches, je range ce qui me servira de repas et de quoi survivre en pleine nuit proche de la dernière palissade. Mon paquetage doit ressembler à ce que les cowboys avaient il y a deux siècles de ça. Les infectés ont remplacé les Indiens, la vie n’a jamais été aussi létale.

Je veille à laisser de la nourriture à Machin. Il mange moins depuis qu’il est vieux. Ce n’est pas bon signe, mais cela m’arrange. Quoiqu’à deux reprises, j’avais constaté que Truc lui apportait des proies si je tardais à revenir. Je prends mon fatras et sors talonné par Alex qui n’a pas décoincé un mot. Dehors, le soleil est encore haut, il arrivera à temps chez Derek s’il ne fait pas de détours. Bidule souffle fort par les naseaux en guise de salut et s’avance même vers moi quand je me saisis de son tapis de selle.

Je fais un tour rapide de la maison vérifier que je n’omets rien puis ouvre le portail de bois qui donne sur la rue. J’ai accroché mon arbalète et mon arc sur le pommeau de la selle pour marcher léger à côté d’Alex en tirant les rênes de bidule. Nous marchons côte à côte dans la rue au son des sabots de Bidule. Le bout de la rue se finit en chicane de voitures rouillées, reliques d’un ancien barrage. Lorsque nous les passons, on peut voir les impacts de balle rongés par la rouille. Le sang qui a coulé ici a été lavé par les pluies depuis, les corps brûlés et enterrés derrière la maison la plus proche. Nous cheminons dans un quartier résidentiel fantôme où la seule vie qui persiste est animale. Certaines maisons ont les portes et fenêtres éventrées, d’autres sont barricadées de planches cloutées sur la moindre ouverture, des fortifications qui ne protègent que du vide.

La végétation reprend vite son droit, la route disparaît sous un tapis végétal rayé des passages des charrettes et des chevaux. Au loin, des champs cultivés et des brûlis rappellent la présence de l’homme. Alex marche d’un pas vif. Difficile de savoir si c’est dû à l’habitude, à sa hâte de revoir son ami ou pour abréger notre contact.

- Quand tu seras devant la palissade qu’a érigée Derek, manifestes toi et attends qu’on t’ouvre. C’est bourré de pièges, et pas du niveau minable de ma poignée de porte.

Nous arrivons à l’intersection qui va nous séparer.

- J’imagine que de là tu connais le chemin. Je vais prendre à travers champs, c’est plus court pour rejoindre la porte occidentale.

Ce disant, j’attrape mon arbalète pour la mettre dans mon dos. Je serre les lanières pour qu’elle ne tape pas quand je ferai galoper Bidule. Mon arc suit le même chemin en biais d’une épaule au flanc opposé. J’attrape mes gants de cuir rangés dans l’une de mes sacoches et l’enfile sur ma main gauche, avant de faire pareil sur la droite, je la tends à Alex pour une poignée de main ferme.

- Bonne route.

Un pied sur l’étrier et je grimpe sur mon cheval que je lance immédiatement au trot sans un signe ni me retourner. Je n’ai pas parlé de ses fringues que je pense plus tard poser sur ma palissade, bien en évidence et à l’abri du toit de l’écurie de Bidule pour lui éviter à avoir à débiter des politesses râpeuses comme une planche brute de sciage. La vie est assez rude pour que je m’impose des échardes supplémentaires. Je n’ai pas dit à bientôt ni précisé ce qu’il peut faire de mes fringues. Qu’il aille se faire foutre. Il n’a qu’à les garder, car il serait capable de me les rendre en me les jetant comme tout à l’heure.

J’ai revu Alex. Il est en vie. C’est une donnée suffisante pour refermer l’un des gouffres qui s’étaient ouvert dans mon cœur il y a sept ans de ça. Je talonne doucement le cheval, nous parlons dans un petit galop, mes hanches épousent le mouvement de la selle. J’espère que la nuit va être calme, car malgré moi, une tempête règne dans ma tête. Quoiqu’un peu d’animation serait un bon remède à la mélancolie et faire taire tout cela.

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyVen 20 Mar 2020 - 13:44



Retrouvailles Inespérées


Feat. Brian O'Conner







Alex s’était retiré dans sa carapace. L’ambiance à peu près sereine et amicale de l’avant-midi, qui lui avait permis de s’ouvrir et de laisser tomber quelques-unes de ses défenses, s’était évaporée quelque part avec l’humeur de Brian.  Le garde semblait d’humeur boudeuse, à en juger son expression grognonne et le silence qu’il leur imposait. Alex le regarda se préparer en ne sachant que dire. Pourtant, il se doutait bien qu’il valait mieux désamorcer la situation, aplanir le différend qui semblait s’être manifesté hors de rien du tout. Il se leva donc pour offrir une aide probablement davantage encombrante qu’utile. Toutefois, à cette réflexion, il ne pipa aucun mot et resta les bras ballants, comme un grand gamin un peu bête et sans le moindre sens de l’autonomie. Lui qui avait cru que Brian était heureux de le revoir, qui avait lu dans ce verre de cidre et cette offre de rester à dormir plus qu’il n’aurait manifestement dû. Était-ce la simple politesse qui lui avait fait dire que sa porte lui serait toujours ouverte?

Un sentiment de tristesse grandissait avec le silence qui lui était désormais imposé.  Un chagrin que sa fidèle amie, la solitude, ne lui avait jamais imposé. Ce sentiment de tromperie, ou de trahison, que la fin de l’époque précédente avait fait naître et distiller dans presque toutes les relations qu’Alex avait eues jusqu’alors. Suivi de sept années de pèlerinage qui lui avaient aliéné le reste du monde, autant qu’elles l’avaient aliéné au reste du monde. Comment pouvait-on être si prêt de quelqu’un et se sentir si isolé à la fois, alors qu’il n’avait souffert d’un tel sentiment lorsqu’il s’était trouvé seul au milieu de nulle part, avec Lui et Sa mission?

Le druide observait le mentaliste, qui se préparait avec des gestes qui trahissaient le confort de l’habitude. Il ne put s’empêcher de se demander ce qu’il serait lui-même devenu s’il avait décidé de rester  dans cette bulle d’humanité plutôt que de sortir explorer le monde, au risque de croiser ce qu’il restait de civilisation. Sur les talons de Brian, Alex avait quitté la demeure et s’avançait désormais dans le quartier déserté. Il observait le paysage dévasté en jetant de temps à autres un regard vers celui avec qui, dans une autre vie, il avait terrassé un monstre, tentant de lire sur son visage fermé une quelconque indication de son état d’esprit, sans succès. Était-ce son imagination qui s’emballait et le trompait en lui indiquant que Brian paraissait presque hostile? Il fallait admettre que sa propre inquiétude pouvait lui donner des traits davantage bourrus qu’autre chose.

Durant ses voyages, Alex avait apprivoisé le silence.  Celui, jamais vide ni creux, de la nature.  Certes, il ne s’y était pas fait du jour au lendemain, l’avait meublé d’abord en se parlant à lui-même et en chantant des ritournelles et des comptines qu’il connaissait par coeur, puis s’était contenter des chansons uniquement, qui s’étaient mues en sifflements et en airs vaguement ânonnés avant de s’éteindre pour laisser sa place légitime au chant de l’environnement qu’il parcourait.

Lorsque Brian rompit finalement le silence pesant, Alex comprit qu’ils étaient à la croisée des chemins, et la réalisation que l’expression pouvait être prise à divers degrés à la fois vient alourdir encore un peu son âme. Au moins, le garde ne semblait toujours pas vouloir le savoir mort, sinon il ne l’aurait pas informé des pièges du manoir.

- Merci pour le tuyau. Brian, ...

Interrompu dans son élan verbal, Alex se retrouva interloqué alors que Brian le laissait poursuivre son chemin seul. Sa main fut saisie pour un adieu on ne pouvait plus formel et les deux derniers mots du survivant vinrent mettre le dernier clou au cercueil qu’Alex avait construit pour son coeur. Le temps de se ressaisir et Bidule avait déjà trotté quelques centaines de pieds.

- … prend soin de toi, conclut-il d’une voix éraillée. C’était certainement trop peu et trop tard, comme le cavalier ne pouvait l’entendre. Le coeur serré, probablement trop à l’étroit dans sa bière, Alex pivota et entreprit de rejoindre le manoir en changeant de mine. S’il arrivait là avec une mine déconfite, il y aurait bien trop de questions. Et il ne voulait pas sembler faible, non plus. Il devait se changer les idées, s’il ne voulait pas perdre la face.

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Brian O'Conner

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MessageSujet: Re: Retrouvailles inespérées || Alex   Retrouvailles inespérées || Alex EmptyVen 20 Mar 2020 - 22:14


Retrouvailles inespérées


Feat :  Alex




Je me suis retenu pour ne pas me retourner sur ma selle, le cœur confus. Je suis en rogne tout en étant soulagé de le savoir en vie. Rassuré d’une certaine façon qu’il aille quémander l’hospitalité de son ancien voisin, car c’est bien de cela qu’il s’agit, non ? Ce n’est pas loin de son ancienne maison, c’est un repère bien plus familier que ma maison. Il sera en sécurité avec Derek. C’est finalement un comportement logique. C’est son empressement à y aller qui m’a vexé, le refus de mon invitation à l’héberger aussi. La distance qu’il a conservée, les questions qu’il n’a pas posées sur ce qu’il s’est passé ici. À croire qu’il n’a pas l’intention de rester. Est-ce pour cela qu’il s’est montré un peu rude et froid ? Pour ne pas se laisser attendrir, pour être capable de repartir ?

Je n’ai pas à faire attention où je vais, Bidule connaît le chemin, mieux que les Tesla d’avant, plus abordables aussi. Mes sombres pensées s’évaporent dès que j’arrive à la palissade, c’est le branle-bas de combat.

(…)

L’équipe que je suis venue relever avec d’autres a dû rester pour nous aider. La porte et cinq cents mètres de palissade ont été malmenés par une horde d’infectés. Il nous a fallu toute la nuit et une partie de la matinée avec l’aide de la troisième équipe pour en venir à bout. Les hommes censés rentrer chez eux la veille au soir ont quitté leur poste que vers neuf heures du matin. Comme eux, j’ai prolongé ma garde d’une douzaine d’heures pour terminer le combat et aider à brûler les corps à l’extérieur de la palissade. Cela faisait plusieurs mois qu’une telle affluence n’avait pas eu lieu.

Personne n’a pu dormir, tout au plus se reposer un peu le temps que les muscles arrêtent de trembler. Je n’ai pas de souvenir du chemin retour. Ce brave cheval m’a ramené devant ma maison où j’ai failli tomber de selle. Je devais dormir sur son dos. J’ai pris une douche tout habillé, j’étais couvert d’entrailles de charognes. C’était ma dernière garde de nuit à la troisième palissade, je vais passer mon premier jour de repos à dormir. C’est du gâchis, mais je suis lessivé. Je confectionnerai mes flèches quand je serai de garde aux portes intérieures.



© Fiche par Mafdet Mahes


La suite se trouve ici : Quand la vie bascule


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