Alex avait délesté la jument de ses maigres possessions. Outre le sac avec lequel il était revenu en ville, il y avait deux poches remplies de divers objets qu’il avait récupéré chez Derek. Des biens anciens, principalement, ainsi que quelques nouveautés. Assis sur le porche en face de celui de Brian, bien en vue, il laissait paître l’animal parmi ces herbes qui avaient jadis été des pelouses soigneusement entretenues. Siégeant parmi ces tissus gonflés comme s’ils étaient quelque trône ridicule, il observa les environs en tendant l’oreille. Il ne pourrait évidemment pas entendre le centre-ville à cette distance, mais les cloches d’alarmes au faîte de la première palissade n’étaient pas hors d’atteinte. Le gouverneur lui avait donné là un excellent prétexte pour partir de chez son vieil ami, et venir s’établir dans ce qui avait jadis été une banlieue tranquille.
Le druide sortit quelques outils de son bardas, et entreprit de réparer l’une des sangles qui semblait vouloir se faire la malle. De temps à autres, quelque chose semblait bouger dans un coin de son champ de vision. C’était le vieux chat qui l’épiait, moins subtil qu’il ne le croyait probablement. Machin, couché sur le perron en face, avait relevé la tête et, d’un aboiement sourd, avait convaincu la jument de rester de son côté de la rue, lui jetant de fréquents regards. Alerte et méfiante, elle aurait probablement toutes les chances de fuir le vieux chien si l’idée lui venait de la pourchasser. Tout à son ouvrage, le druide ne réalisa pas immédiatement que le clignement de ses yeux s’allongeait à chaque fois, et que sa tête dodelinait d’elle-même.
C’est un hennissement qui tira Alex de sa sieste. Il se redressa d’un geste vif – trop vif, lui rappela un pincement dans son dos -. Un furtif instant, il put voir le matou qui l’observait, assis au bas des marches, dans la même position que ces statues égyptiennes, avant qu’il ne disparaisse dans l’espace-temps pour saluer, la queue bien droite, le cavalier qui s’approchait. À l’aide de son bâton de marche, le druide se releva et descendit la petite volée de marches. Il traversa la cour avant pour rejoindre la rue, en venant à la rencontre de celui auquel il venait offrir de devenir son voisin. Il fallait seulement qu’il fasse vite, avant que l’autre n’ait le temps de le rabrouer, et de lui montrer la porte. Celle de la première muraille, en l’occurrence.
- Brian! parvint-il seulement à saluer le garde.
- Comment vas-tu? s’enquit-il en délaissant entièrement le plan qu’il venait de se faire.
La réponse de Brian était polie, et convenable. Le ton était le même qu’Alex avait jadis employé lorsque des vieux oncles aux noms oubliés lui demandaient de ses nouvelles, au jour de l’an. Le druide commençait à douter de lui. Peut-être que cette froideur qu’il avait perçue lorsqu’il était parti s’installer chez Derek, et qu’il percevait encore, n’était que cela : une perception. Une perception injustifiée, qu’un solitaire avait mal identifiée pour autre chose que ce qu’elle n’était réellement. L’enthousiasme d’Alex disparut complètement lorsque Brian lui demanda ce qu’il faisait là. Peut-être avait-il eu raison, au final, de croire que le policier lui en voulait pour quelque chose. Les raisons ne manquaient pas, après tout. Toutefois, l’espoir que Derek lui aurait dit d’aller plutôt au centre-ville, s’il avait cru que le druide puisse ne pas être le bienvenu, lui permit de garder son aplomb, alors qu’il reprenait d’un ton bourru.
- J’étouffe, chez Derek. Dans sa forteresse. Et d’toute façon, le gouverneur voulait que je me rapproche du centre-ville, pour entendre les alarmes.
Cette information semblait avoir titillé la curiosité du mentaliste, et le laborantin décida d’exploiter cette veine un instant. Oui. Brian approuverait certainement les quelques détails supplémentaire qu’il pouvait lui jeter, comme du pain dans une mare aux canards.
- Il va me faire bosser à l’hôpital. Le druide ne put retenir un sourire ironique. Il retournait à ses racines. Et que s’rais traité comme un garde actif.
C’était sommairement ça, n’est-ce pas? Payé, traité, Alex n’était pas à ce détail près. L’idée était globalement la même.
- C’fait que*, la forêt est trop loin, pis j’ai pas envie de me retrouver en pleine ville. Je me suis dit qu’ici ce serait parfait : je serais tranquille, et on risque moins de se sentir seuls, tous les deux.
Alex lança un regard par en-dessous à Brian. Il espérait qu’il ne s’imposait pas trop violemment. Il réalisait bien qu’il avait changé et qu’il était désormais loin du laborantin timide qui ne voulait jamais déranger. La vérité était également qu’il préférait rester ainsi, sans se compromettre pour tous et chacun.
- Je vais dormir à la belle étoile. La troisième maison, là-bas, avec les persiennes bleues, a l’air en moins pire état que les autres. Je pourrai travailler dessus dans mes temps libres, pis quand elle sera r’nippée*, on sera officiellement voisins.
Ainsi, sans le dire directement, il promettait également à Brian de ne pas trop le déranger ni l’accaparer. C’était du génie. Il avait eu un peu de temps pour juger rapidement de l’état de décrépitude des bungalows sur la rue et croyait avoir trouvé la meilleure option. De plus, comme elle n’était pas trop près de la maison aux rosiers, cela leur permettrait de préserver leur intimité respective. Cela éviterait également qu’ils ne s’irriter mutuellement comme cela risquerait d’être le cas avec une plus grande proximité.
- Oh! Et je t’ai ramené ton linge. Merci encore pour tout c’que t’as fait pour moi à mon retour.
Le druide avait planté ses yeux dans ceux de Brian en le remerciant, aveugle aux quatre regards qui les épiaient sans vergogne. Alex réalisait bien que rien n’avait obligé Brian à agir de la sorte, sinon sa bonté naturelle. C’était l’une des raisons qui faisait de lui un policier davantage qu’un garde.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Mer 16 Sep 2020 - 21:33
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Je lâche les rênes sur l’encolure de Bidule et m’étire, les mains haut vers le ciel d’un bleu presque blanc. Bidule connaît le chemin de la maison. Ça craque dans les épaules, un peu partout d’ailleurs. J’ai les muscles raides et douloureux. Les nuits sont fraîches et humides, mes pensées jamais au repos.
Les gardes me semblent plus difficiles à tenir depuis quelques jours. La faute à la lassitude, à un gros manque de motivation aussi. Se lever, mettre le fourneau en route, tout ça pour faire chauffer de l’eau. Il me faut trois quarts d’heure là où avant une minute de micro-onde suffisait pour mon café, comme simplement tourner le robinet d’eau chaude pour me doucher. M’occuper de mon maigre jardin, de Bidule, de Machin qui bouge de moins en moins, déboucher le puits, se préoccuper de trouver du gibier pour manger autre chose que du gruau, passer une bonne partie de la journée le cul sur une selle, se coucher harassé. Recommencer le lendemain. À quoi bon ?
Je ne me posais presque plus la question avant qu’Il ne réapparaisse comme un caillou qui tombe du ciel. Soudain et brusque. Aucune nouvelle depuis qu’il m’a sorti de mon lit, pressé de rejoindre son ancien voisin sans un mot d’explication. Il m’a pris pour un motel de seconde zone. Une halte afin de se rendre présentable pour ce que j’imagine être la motivation de son retour. Mon installation ne fait clairement pas le poids devant celle de Derek Hale. Son manoir, entouré de remparts et de pièges, ressemble aux châteaux forts du moyen âge. Alex est allé rejoindre le seigneur dans sa tour. Je soupire avec force. Dans tout ça, j’ai l’impression d’être un simple garde à ses yeux. C’est ce que je suis : un garde. J’en étais fier. Avant. Depuis une dizaine de jours, ma situation me paraît médiocre. Je suis jaloux de ce loup alpha que je considère pourtant avec beaucoup de respect. J’en veux à Alex d’être passé comme une tornade, d’avoir bouleversé ma routine en l’espace de seulement deux journées, d’avoir réveillé mon cœur. Le bonheur de le retrouver sain et sauf a été balayé par ce réveil brutal et le peu d’empathie de celui que j’ai accueilli à bras ouverts. Je m’en veux d’en être affecté. En dix ans de débâcle, j’ai pourtant vu le vrai visage des hommes, leur vraie nature. Les tendres et les trop gentils ne sont plus là pour témoigner. Je suis toujours là, parce que je me suis adapté et bridé mes émotions. Chose facile quand on est constamment en mode de survie. Mes préoccupations focalisées sur manger, boire, et garder un toit en état sur la tête ont réduit le spectre de mon humeur à satisfait ou en colère. Un mode de pensée binaire, le reste est un luxe que je ne peux pas me permettre, ou que j’évite, car totalement stérile.
Bidule fait un brusque écart, seules l’habitude et la force de mes cuisses me permettent de rester en selle. Le lapin à l’origine de ce remue-ménage détale sans demander son reste. Je ne laisse jamais l’occasion à un gibier de m’échapper, pourtant mon arbalète reste collée sur mon dos. Il me reste de la viande de chevreuil et je suis las.
Quand j’aborde mon quartier résidentiel, le silence me répond. Si Machin, devenu sourd comme un pot, n’aboie plus que lorsqu’il me voit, Truc est généralement assis à m’attendre sur la borne incendie au croisement qui donne sur ma rue. L’absence du chat me fait dégainer mon arme.
J’aperçois un cheval qui broute dans le champ qu’est devenue la pelouse de la maison en face de la mienne. Je rengaine avant que l’intrus qui en dévale les marches ait tourné les yeux vers moi : Alex. Je suis heureux de le voir, mais je serre les mâchoires pour ne pas sourire. Une carapace à l’épreuve des vents et tornades Cormier. Bidule s’arrête de lui-même, alors qu’Alex me salue pendant que je mets pied à terre.
- Comment vas-tu ? - Bien, merci.
Je ne relance pas. Je saurais bien assez tôt ce qui l’amène. Me rendre mes vêtements ? Accepter mon offre d’hébergement ? Un service ? Son cheval renâcle, c’est un jeune pas entièrement débourré. C’est pratique d’avoir Derek comme ami, ce n’est pas avec ma solde que je pourrais me payer une telle monture. Je dois Bidule uniquement à mon métier.
- J’étouffe, chez Derek. Dans sa forteresse.
Forteresse où tu t’es empressé d’aller pourtant ! S’est-il fait jeter ? Hale n’est pas homme à se laisser ennuyer longtemps.
- Et d’toute façon, le gouverneur voulait que je me rapproche du centre-ville, pour entendre les alarmes. - Le gouverneur ? Il te veut quoi ?
Les alarmes servent aux gardes et à la population en cas d’attaque majeure pour que les gens puissent se réfugier à l’intérieur du premier cercle.
- Il va me faire bosser à l’hôpital. - C’est logique. - Et que s’rais traité comme un garde actif. - L’avantage est que t’es prioritaire sur la bouffe en cas de rationnement. Sinon, tu manges peu varié si tu n’améliores pas ton ordinaire par d’autres moyens comme un potager et la chasse.
Je lorgne sur le côté et remarque des affaires posées sur le sol. Il semble que cela fait un moment qu’Alex m’attendait. J’imagine que le gouverneur lui a aussi proposé un logement en ville, mais Alex contredit ma pensée. J’ai lâché la bride de Bidule qui renifle le haut du portail. Il a bien envie que je le libère de sa selle.
- C’fait que, la forêt est trop loin, pis j’ai pas envie de me retrouver en pleine ville. Je me suis dit qu’ici ce serait parfait : je serais tranquille, et on risque moins de se sentir seuls, tous les deux.
Je devine comme une autorisation, ou à minima mon aval. Mais toujours vexé par son attitude de l’autre jour, je laisse filer les secondes sans parler.
- Je vais dormir à la belle étoile. La troisième maison, là-bas, avec les persiennes bleues, a l’air en moins pire état que les autres. Je pourrai travailler dessus dans mes temps libres, pis quand elle sera r’nippée, on sera officiellement voisins.
Cette fois, si je ne réponds rien, c’est que je suis sous le choc. Comme un imbécile, je pensais qu’il tournait autour du pot pour accepter mon invitation. Mais en fait, il visait avoir sa propre maison, pour vivre en « voisins ».
- Oh ! Et je t’ai ramené ton linge. Merci encore pour tout c’que t’as fait pour moi à mon retour. - C’est ce que font les amis.
Je réponds mécaniquement. Je suis incapable de me blinder contre lui. Je regarde par-dessus son épaule la maison des Anderson. Malice du destin, c’est là que j’avais trouvé les graines que je lui avais amenées. Bidule, qui s’impatiente et racle le sol d’un sabot, me permet de casser ce moment gênant.
- Il faut que je le bouchonne. Si tu as besoin de quelque chose…
Je fais un vague geste vers la maison, ma main retombe contre ma cuisse, puis je salue Alex d’un signe de la tête et vais ouvrir à Bidule qui file dans son box. Dans mon dos, j’entends Alex s’activer. Je me contrains à ne pas me retourner. « Dormir à la belle étoile »… sérieusement ! Je prierais presque pour qu’il pleuve !
(…)
La cuisinière à bois cliquette sous la chaleur montante de son foyer. J’ai mis deux bassines d’eau à chauffer, non sans avoir dû dégripper la vis sans fin de mon puits éolien. Machin ne m’a pas suivi dans la cuisine. Il reste étalé sur son tas de chiffons sur la véranda. De l’humeur jaunâtre coule de ses yeux, il est presque sourd et sa vue n’est guère meilleure. Il a gardé son odorat. C’est à cela qu’il sait que je suis rentré. Pendant que l’eau chauffe, je le caresse longuement, cela illumine sa journée qu’il passe le plus clair de son temps à dormir. Il vit ses derniers jours. J’essaye de ne pas y penser. Avoir Alex en voisin aura le mérite de percer un peu ma bulle de solitude. Je souris malgré moi. Même en simple voisin, c’est agréable de la savoir proche.
J’ai mis une conserve de légume à réchauffer sur l’acier de la cuisinière pendant que je me décrasse dans un bain à bonne température. La chaleur délie la raideur de mes muscles. C’est la récompense de fin de journée. Je plonge sous l’eau, savourant le luxe suprême de prendre un bain chaud. Une fois séché, j’enfile les vêtements qu’Alex m’a rendus.
En redescendant remuer ma gamelle, je regarde la bassine d’eau chaude supplémentaire qui continue de chauffer. Pour le linge me suis-je dit, mais c’est faux, une excuse. Mes frusques trempent dans la baignoire dans l’eau qui m’a servi à me laver.
Je mange mon ragoût à même la casserole, accompagné de morceaux de viande séchée. Je me suis installé sur la véranda pour profiter des derniers rayons du soleil et économiser la mèche de la chandelle. Machin lèche sa soupe tandis que Truc fait son tour de quartier. J’imagine qu’il traîne du côté de la lueur que je devine à travers la haie que j’ai laissée pousser pour m’isoler du reste et protéger mon jardin du regard des curieux pas trop téméraires pour se risquer à l’escalader.
J’ai posé ma gamelle sur le sol, Machin s’occupe de la nettoyer à coup de langue. Une infusion de tilleul vient prendre place entre mes mains. Je sors voir si Bidule ne manque de rien. Il y a des fissures dans les planches de son écurie qui donnent du côté de la maison des Anderson. Je vois le feu qu’Alex a allumé. Il y a bien une cheminée dans la maison aux persiennes bleues, mais elle a été condamnée. Réhabiliter cette maison va lui prendre un temps infini, d’autant que j’ai pillé tout ce qu’il y avait d’utile il y a presque huit années de ça. Je soupire, quelle connerie ! Bidule me souffle dans le cou. Un contre-jour me montre la silhouette de Truc, il tient compagnie au druide que je ne vois pas, planqué où je suis à mater à travers une fissure. Je me sens stupide et retourne à la cuisine laver ce qui doit l’être. Je n’y vois presque plus rien, pourtant je n’allume pas la chandelle. D’ordinaire, je me couche tôt, veiller coûte cher en lumière et mon activité physique de la journée m’aide à m’endormir rapidement. Mais là, comment dormir en le sachant juste là, à une cinquantaine de mètres à peine ?
Je range tasse et casserole, vais pour verrouiller la porte qui donne sur la véranda et le jardin, avant de l’ouvrir à nouveau en grand. Je ne sais pas quelle force me pousse à marcher à grandes enjambées dans la rue. J’évite d’y réfléchir avant de me dégonfler, surfe sur cet énervement qui ne m’a pas quitté depuis qu’Alex m’a expliqué son projet d’habiter la maison d’à côté.
Truc se téléporte à bonne distance pour avoir une vue d’ensemble ou je ne sais pas quoi d’autre qui peut passer dans sa féline cervelle. Alex est assis, le dos calé à la façade sur ce qui fut une terrasse. Je ne sais pas ce qu’il mange, mais ça me semble bien frugal. Je croise son regard interrogatif. Je m’avance, il se redresse.
Quelque chose grille dans ma cervelle, un bout de cerveau qui fond et qui fait un court-circuit sur ma réserve, sur mes bonnes manières. Tout ce que je retiens depuis bien trop d’années, toute la tempérance dont j’ai pu m’entourer vole en éclats. Le garde et l’ancien flic laissent la place à une facette de ma personne qui n’est sortie que lors de mes heures les plus intenses dans la Navy, quand il me fallait avancer sous une pluie de balles pour atteindre un objectif.
Je comble les cinq mètres qui me séparent du druide presque en courant. Mon visage n’est pas avenant, le jeu des flammes ne doit pas aider non plus. Alex réagit à l’attaque, mais pas assez vite, trop surpris. Survivant contre soldat entraîné, le jeu est plié d’avance. Je le plaque contre le mur, ses poignets prisonniers de mes mains, son corps bloqué par le mien tourné de trois quarts pour éviter une remontée de genou dans les parties. Mon épaule pèse sur son torse, nos regards s’affrontent.
Je bois son visage des yeux, me repais de sa chaleur que je sens contre ma peau, perçois son cœur battre contre mon bras qui l’étouffe presque. Je libère brusquement l’une de ses mains pour mieux m’emparer de sa nuque. Mon baiser est violent, possessif. Je prends, moi qui n’ai jamais osé le faire. Quand je sens ses mains batailler pour reprendre le contrôle de son corps, je le lâche aussi soudainement que je l’ai attrapé et m’en vais.
- C’est totalement idiot de dormir à la belle étoile quand, à cinquante mètres, y a une maison confortable avec un lit et de l’eau chaude pour te laver.
Je retraverse la rue comme je suis venu : d’un pas militaire. La nuit cache mon sourire satisfait. Ma bravade va peut-être le faire fuir, mais là je ne pense pas à cela : je viens d’assouvir une envie vieille de dix années. Lorsque je grimpe les escaliers qui montent à ma chambre, la porte en bas est restée ouverte.
Avec le confort inhérent à ces gestes mille fois répétés, Alex s’était occupé. Un petit feu, bas, pour se réchauffer et cuisiner l’essentiel, mais aussi pour s’assurer que les animaux sauvages restaient à distance. Pas qu’il ait de craintes particulières à leur égard, mais il préférait ne pas avoir à interagir avec eux, si cela résulterait en une dépouille. Il aimait croire qu’en minimisant ainsi les interactions non essentielles à sa survie, il réduisait également son influence sur les sphères innombrables qu’il ne contrôlait pas, et ne comprenait pas toujours non plus. À une époque révolu, il se serait probablement enorgueilli à étendre les quelques notions d’écologie des écosystèmes qu’il avait survolées en cours, s’y croyant un expert. C’était peut-être l’avantage de tout voir s’écrouler autour de soi : on apprenait notre place réelle, et on réalisait notre petitesse.
Tout en cuisinant son ascétique repas – son estomac le remercierait, suite à la richesse relative de ceux pris chez les Hale –, Alex repensait à l’échange qu’il avait eu avec Brian, juste auparavant. Il en avait conservé l’étrange impression d’avoir fait ou dit quelque chose d’incorrect, comme la dernière fois qu’il était passé ici. Pourtant, il lui semblait qu’il avait mis tous les efforts possibles pour apparaître sympathique et courtois. Il s’était efforcé de faire des phrases complètes, et de travestir son ton bourru en quelque chose de plus avenant. Et encore… Brian lui avait répondu aussi sèchement que les brindilles qui se consumaient sous sa gamelle et avait claqué des talons.
Un hennissement de la monture d’Alex fut reprit en écho par Bidule, et le druide alla voir si la pouliche se portait bien. Le portail menant à la cour arrière lui était resté dans les mains quand il l’avait ouvert : les gonds rouillés en place avait cédé et s’étaient cassés nets. Alex était resté un instant hébété avant de retourner chercher la propriété de Derek pour lui faire passer la nuit dans cet enclos de fortune, l’ancienne pelouse ayant laissé place à une prairie qui devrait satisfaire l’équidé pour le moment. Il reposa la porte de bois en place, en se disant qu’il savait désormais à quelle tâche s’atteler d’abord le lendemain, et espéra que la jeune monture ne tente pas sa chance pour une sortie improvisée. Il retourna ensuite à son repas, adossé à cette maison qu’il comptait faire sienne, observant la silhouette de la rue qui disparaissait rapidement là où le clair de lune et son feu de braise n’apportaient un éclairage suffisant.
Le bruit ténu d’une porte qui se referme attira l’attention du Canadien, qui vit son nouveau voisin ressortir de chez lui. Il devait faire une dernière ronde, ou quelque chose, avant d’aller se coucher. L’attention de l’exilé retourna rapidement à sa ration, et celui-ci ne releva de nouveau la tête que lorsqu’il réalisa que les pas de Brian semblaient se rapprocher, dans sa direction. Alex se releva, les sourcils froncés d’appréhension. Le garde venait-il s’expliquer? Alex saurait-il enfin expliquer cette impression d’être confronté à une couche de dioxyde de carbone solide à chaque fois qu’il tentait de rétablir le lien entre les deux hommes marqués par la solitude? Évidemment pas. Lorsque Brian fut suffisamment près pour qu’Alex puisse lire l’expression de ses traits, ils n’y vit que de la hargne et de la rancoeur. Émotions complètement naturelles envers celui qui avait abandonné amis et patrie. Placidement, Alex se résigna à accepté peu importe ce que Brian lui réservait comme châtiment. Il espérait simplement que s’il expiait ainsi ses torts, ils pourraient ensuite passer outre et repartir sur des bases nouvelles. Il espérait sincèrement faire amende honorable et pouvoir mettre leur animosité derrière eux, pour établir une relation de voisinage saine.
Le druide s’apprêtait donc à subir sa peine avec stoïcisme, mais huit ans de vie sauvage ne s’inhibaient pas aussi facilement, et sans même y réfléchir, il fit un geste pour parer, avant de se retrouver coincer entre la façade de son nouveau chez-soi et le corps douloureusement lourd de son voisin. L’instinct avait pris le dessus, et il tentait de se débattre, ses pieds cherchant un moyen de repousser son agresseur, ses mains tentant de se tordre pour glisser hors de la poigne qui les retenait, tous deux sans succès. Alex vociférait son incompréhension malgré l’humérus qui lui bloquait la trachée, l’empêchant même de vérifier qui des deux avait la tête la plus dure. Le regard agité, vrillé dans celui de son voisin, comme l’une de ces tempêtes tropicales qui s’abattait annuellement sur le Golfe du Mexique, le druide commençait à regretter d’être rentrer au bercail. Aurait-il survécu 8 ans à l’extérieur pour périr ainsi? Les sons changèrent, passant d’un harassement à une plainte suppliante. Il était complètement impuissant. Peut-être dit-il quelque chose de juste, ou Brian retrouva simplement la raison et se rappela qu’il n’était pas un meurtrier. Toujours en était-il qu’Alex put avaler une goulée d’air, en panique. Une courte inspiration, vu comment sa bouche se retrouva presque immédiatement bloquée par celle du garde.
Alex était sidéré. Il ne savait plus que faire, et ne comprenait plus ce qui lui arrivait. Était-ce là la pire vengeance que Brian pouvait imaginer? Le détestait-il réellement au point de jouer ainsi avec ses sentiments, alors qu’il avait préféré vivre seul que d’habiter sous le même toît qu’Alex, une décennie plus tôt? Le druide ignorait si c’était possible d’avoir une ecchymose sur une lèvre, mais sentait qu’il le découvrirait rapidement. Des forces égales s’affrontaient en lui. D’un côté, une colère sourde qui lui intimait de repousser ce baiser non sollicité, et de mettre un terme à cette agression. De l’autre, des sentiments confus, qu’il croyait morts et enterrés, se relevaient comme des marcheurs et réclamaient avec curiosité une réciprocité de la part du druide, simplement pour savoir comment les choses évolueraient ensuite. Plus puissante encore que ces deux forces cumulées, une voix blanche, tétanisée, qui intimait de ne rien faire, pour éviter d’attiser davantage l’ire de celui qui avait percé son intimité sans permission. Pas de la peur, mais un instinct de survie. Qu’il le laisse faire, et ensuite il le laisserait peut-être tranquille. Alex n’aurait qu’à oublier. Faire semblant que cette soirée n’avait jamais eu lieu.
La main libérée d’Alex réalisa éventuellement sa liberté nouvellement acquise, et tenta de se frayer un chemin entre eux, sans intention particulière : une simple réaction aux événements. Cela sembla ramener Brian sur le plancher des vaches, et Alex manqua de s’affaler lorsque son geôlier d’un instant le relâcha. Le Canadien l’observa d’un œil vide sous des sourcils aussi plats que l’électrocardiogramme d’un marcheur; le visage d’une neutralité effarante, alors qu’il était invité à prendre un bain, et dormir chez celui qui venait de l’embrasser avec une fougue violente. Puis il disparut. Alex avait-il simplement halluciné? S’était-il trompé en cueillant les champignons? Doucement, le vide de son esprit s’emplit. La fureur éructa en lui comme un geyser, et il se saisit d’un morceau de bois travaillé qui gisait au sol, probablement un élément décoratif de la rambarde à demie arrachée de la galerie, pour le lancer de toute ses forces en direction de la maison aux roses. Il hurla sa véhémence, d’une manière gutturale, presque exempte de mot, alors qu’il répétait le geste sans parvenir à purger cette émotion qui l’envahissait comme du chiendent. C’est au son d’un morceau de tôle sur lequel son dernier projectile s’était fracassé, qu’Alex cessa, et se mit à trembler. Sa hargne était toujours là, prenant le dessus sur le meilleur de lui-même, alors qu’il se rassit au sol, repliant les genoux pour y coincer son visage colérique, les mains sur sa nuque saisissant des épis de cheveux comme si elles désiraient les arracher. Manquant de contrôle sur sa respiration, Alex se mit à hoqueter, et n’eut pas le choix de reprendre un souffle plus régulier. Le calme dissipa les nuages de son esprit et il put se mettre à réfléchir. Il ne reconnaissait plus Brian. Étaient-ils de nouveau deux inconnus? Le policier lui en voulait-il toujours? Alex devrait peut-être songer à s’établir au centre-ville. La foule lui apporterait une sécurité qu’il n’aurait pas ici, malgré l’inconfort de cette masse de gens si près de lui. Pourtant, quelque chose l’empêchait de se résigner à repartir. Un espoir futile lui disait que celui qu’il avait déjà connu et apprécié était peut-être toujours vivant, sous cette carapace de dur-à-cuire.
Sans même savoir quel instinct suicidaire le poussait à agir de la sorte, Alex se dirigea vers la porte où Brian s’était réfugié une dizaine de minutes plus tôt, ou peut-être deux. Alors qu’il se demandait si ce n’était pas un piège pour lui faire prendre le jus du dynamo, Alex réalisa que le panneau de bois n’était pas fermé. Il fronça les sourcils. Voilà qui manquait de prudence et était étrangement invitant, à la fois. Il cogna sur le panneau, à deux reprise, en entrant dans la maison. Son coeur se resserra légèrement, alors que son souffle s’accélérait.
- O’Conner ? héla-t-il.
Alex s’avança dans le salon, de quelques pas feutrés, comme s’il craignait de marcher sur une mine.
- Ça fait un bail que j’ai pas d’amis débuta-t-il, pour s’arrêter net en réalisant qu’il employait une fois de plus un ton trop bourru. Il devait donner l’impression de se prendre pour un porc-épic hérissé d’épines et prêt à contre-attaquer. Le druide força un sourire sur son visage, et roula des épaules vers l’arrière pour les détendre. Il fallait que cela suffise, se dit-il en reprenant d’un ton plus léger, presque moqueur : une imitation passable de celui qu’il avait jadis employé pour taquiner ses amis.
- J’sais peut-être plus ce que les amis font, mais j’suis pas mal sûr qu’ils font pas ça.
Inutile de préciser ce à quoi il faisait mention. C’était plutôt évident. Alex atteignit alors les escalier et, prudemment, posa le pied sur la première marche, en reprenant la parole, continuant d’émuler ce ton joueur.
- J’suis pas mal certain aussi que vous avez passé une loi pour interdire d’gaspiller l’eau chaude, et j’ai pas envie d’avoir des problèmes.
Il avait prononcé les derniers mots d’une voix blanche, en passant une main sur son cou. Il ne savait pas quelles séquelles il garderait de cette altercation, le lendemain, et ne savait pas non plus pourquoi il retournait ainsi dans l’antre du dragon. Ce n’était pas comme si il s’attendait à y trouver un quelconque butin. La main sur le garde-fou, il vit une silhouette apparaître en haut de l’escalier et frissonna. Pourvu qu’il ne le pousse pas dans ceux-ci. D’une voix plus éraillée, il reprit. L’invitation avait deux parties, après tout.
- Par contre, je… je viens de passer beaucoup trop de temps derrière des fenêtres qui donnent sur des murailles. Des murailles qui cachent l’horizon et le ciel. J’avais l’impression d’être en prison, malgré la générosité des Hale...
Il se racla la gorge. Il s’enfonçait certainement, là, dans les fanges de son esprit surchargé, alors que le sang lui montait aux joues. Heureusement qu’il faisait sombre et que sa barbe en couvrait la majeure partie.
- Les fenêtres ici voient loin, mais je ne suis pas prêt encore pour dormir à l’intérieur. J’aimerais te retourner l’invitation : on pourra discuter et refaire connaissance. Le ciel est dégagé : je te promet que tu n’auras jamais eu un aussi beau plafond. Et tu n’auras pas froid.
Le temps était encore clément, et si les nuits pouvaient être douces, elles ne justifiaient pas de frissonner au coeur de la nuit.
***
L’eau chaude remplissait le fond de la baignoire, et Alex referma la porte derrière lui, avec un pincement aux poumons. Une réaction épidermique. Il ne se sentait non pas étouffé, mais simplement à l’étroit. Il se raisonnait qu’il devrait s’habituer à ne plus vivre constamment au grand air, et que cela faisait partie de son apprentissage. La main toujours sur la poignée, il hésita un instant. Le verrou lui assurerait son intimité, mais marquerait également une méfiance envers Brian, en lequel il souhaitait savoir qu’il pouvait toujours avoir confiance. Au bout de quelques secondes de tergiversation, il verrouilla finalement la porte, comme il était normal de faire au final. C’était comme si on venait de lui écraser la cage thoracique et, dans un geste paniqué, il déclencha le verrou. Il pourrait vivre avec une porte fermée, mais pour l’instant c’était le plus qu’il pouvait tolérer.
Les vêtements d’Alex se retrouvèrent rapidement empilés sur la vanité, et il se glissa dans l’eau qui tiédissait déjà, le clapotis irrégulier marquant l’entrée de ses divers membres dans la bassine. Sans prendre le temps de relaxer, Alex se mit à se frotter et se savonner en lançant sporadiquement des regards distraits à travers la fenêtre où scintillaient les voyageuses qui l’accompagnait fidèlement depuis des années.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Dim 4 Oct 2020 - 23:24
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
J’ai le cœur qui bat à la chamade, comme si je venais de piquer un sprint. Mes pensées sont chamboulées, j’ai le souffle court. Je ne me reconnais pas dans cette violence passionnelle. Mais… Grave que ça fasse un bien fou ! J’éprouve une forme de jubilation, mêlée à un bien-être que je n’avais pas ressenti depuis des lustres. Mon corps se dénoue d’une tension accumulée depuis bien trop longtemps. Ma main se souvient de la chaleur de sa nuque. Je pose mes doigts sur mes lèvres : j’ai osé !
Le morceau de bois qu’il a lancé dans mon dos sous l’émotion et la colère m’a raté de bien trois mètres. Je ne pense pas qu’il me visait explicitement. Il est sorti de ses gonds. J’ai déclenché quelque chose en lui, c’est vrai que j’aurais préféré une autre forme de violence, équivalente à la mienne. Cependant, même si cet incident a toutes les chances de le voir plier bagage au petit jour, j’ai fait réagir cette tête de pioche de Cormier. On ne balance pas des objets, si on n’est pas touché en plein cœur. C’est ce que j’espère de toute mon âme.
Je retire mes chaussures et m’assois sur le lit. L’adrénaline de l’instant retombe et me coupe les jambes. Un doute m’assaille, puis deux. J’ai joué au con, il va se barrer ! Je le connais assez pour savoir qu’il n’est pas homme à se laisser contraindre ni dicter sa conduite. Je soupire, décidément je creuse ma propre tombe. Je devrais peut-être retourner le voir et m’excuser ? Agir à chaud est une chose, aller s’excuser une autre.
Les deux coups frappés sur le battant de la porte en bas me font sursauter. Je n’ose pas croire qu’Alex accepte mon invitation. Je me relève comme poussé par un ressort. J’ai honte de mon empressement, alors je m’oblige à ne pas bouger plus. Après tout, il est peut-être simplement venu me dire en face tout le mal qu’il pense de moi et de mes actes. Peut-être qu’il va déballer ce qu’il a contre moi depuis ce foutu premier janvier qui avait tourné au cauchemar.
- Ça fait un bail que j’ai pas d’amis.
J’en ai pas spécialement, ai-je envie de lui répondre. De vrais amis comme Dick, Mafdet dans une certaine mesure. Après, j’admets avoir beaucoup de connaissances amicales. Si l’effondrement a d’abord séparé les gens, il a rassemblé les survivants, du moins ici. Je sais que dehors ce n’est pas le cas. J’ai fait assez de sorties pour me rendre compte que la survie transforme les hommes en bêtes enragées, virus ou pas virus, c’est notre nature profonde. Pour ça, je veux bien comprendre qu’Alex ait souhaité s’en aller. Mais je lui en veux de m’avoir laissé. Je crois que je l’aurais suivi, s’il m’avait demandé de partir avec lui. Enfin, pas sans une solide explication de son éloignement pendant les trois premières années qui avait suivi cette soirée prometteuse chez Dick.
- J’sais peut-être plus ce que les amis font, mais j’suis pas mal sûr qu’ils font pas ça.
Je me mords les lèvres et souris, penaud, dans l’obscurité de ma chambre. Non, les amis n’ont pas de tel geste. Il n’y a pas de fureur dans sa voix. Plus de colère. Au son de sa voix, je devine sa progression dans la maison. Je ne bouge pas, comme si cette fois, c’est lui qui devait venir à moi, faire le chemin inverse à celui que j’avais initié lors d'une seconde d’égarement.
- J’suis pas mal certain aussi que vous avez passé une loi pour interdire d’gaspiller l’eau chaude, et j’ai pas envie d’avoir des problèmes.
Je souris en expirant. Il me tend une perche, ou accepte celle que je lui ai tendue. Je sors de ma chambre pieds nus et marche jusqu’à la première marche des escaliers. Alex explique qu’il étouffait chez Derek. Le manoir, même avant les palissades qui l’entourent, a toujours été cerné par la nature. C’était le cas de la cabane d’Alex. Je comprends que ce n’est pas le manque de vue qui le gênait, mais l’impression d’être enfermé. La première muraille n’est pas très loin, on l’aperçoit depuis ma rue entre les maisons de mes anciens voisins. Mais ce n’est pas pareil, pas la même sensation, je suis à l’extérieur de cette muraille. Il m’invite à dormir dehors après s’être lavé. Il accepte une partie de ma proposition, j’accepte la sienne en retour. Refaire connaissance, réapprendre à se connaître. Le programme me convient.
- D’accord. Je prépare quelques affaires pendant que t’utilises la salle de bain. La bougie et les allumettes sont vers la fenêtre.
Je retourne dans ma chambre renfiler mes chaussures quand j’entends le verrou se fermer pour se rouvrir un moment plus tard. Vivant seul depuis dix ans, je ne m’en sers pas. Je ne sais pas quelle est la raison de son geste. Peut-être qu’en déverrouillant la porte, il souhaite me prouver qu’il me fait confiance malgré ce que j’ai fait tout à l’heure.
(…)
C’est étrange d’entendre du bruit dans la maison, autre que celui de mes animaux. C’est presque perturbant, car mon instinct crie à l’intrus, au voleur. Quand je ne suis pas de garde aux palissades ou aux portes, c’est souvent sur des affaires de vols que j’enquête. Mais le métier de flic a régressé avec le reste. Trouver des preuves formelles est plus délicat. Plus de carte bancaire ou de cellulaire pour tracer les éventuels coupables. La criminalité a changé aussi. Le vol est en tête de liste. Les meurtres ont drastiquement diminué, le bannissement à vie hors des palissades équivaut à la peine capitale. Les violences domestiques sont, quant à elles, toujours les mêmes.
Alex me retrouve dans la cuisine. Il y a un moment de flottement puis nous sortons. Il part devant tandis que je verrouille la maison. Je le rejoins au milieu de la rue où il m’attend. Mon courage de tout à l’heure s’est envolé. Ce baiser volé flotte en non-dit. Sujet difficile à aborder pour lui comme pour moi. Pour moi surtout, puisqu’il l’a évoqué en entrant dans la maison.
Nous nous installons devant son feu. Le confort spartiate me rappelle ma dernière garde de nuit. Faut-il avoir désappris ce qu’est un lit pour préférer dormir ici ? Au-dessus de nous, le ciel semble toucher la pointe des arbres tant il est clair et étoilé. Il dit que c’est un beau plafond, j’y vois une horloge géante. Celle que je scrute lors de mes gardes. Des grillons chantent une mélopée stridulante et réconfortante. C’est quand ils se taisent qu’il faut s’inquiéter d’une présence potentiellement hostile.
Je ne sais pas quoi dire. Je me rends compte que je n’ai pas dit grand-chose depuis que j’ai croisé Alex m’attendant devant chez moi. Je bouge un peu pour trouver une position plus confortable sur le sol dur.
- J’espère que tu te feras vite à rester dans une maison. Le plafond est magnifique, mais le lit un peu dur…
Machinalement, j’attise localement le feu avec mon don. C’est devenu une troisième main bien utile, maintenant que je n’ai plus à m’en cacher. Mon regard fixe les flammes hypnotiques. Je balbutie plus que je ne parle.
- Pardon pour tout à l’heure. Je… Tu m’as manqué.
Je jette une brindille dans les flammes pour me donner une contenance.
- Grave !
Je tourne la tête pour le regarder, fais une grimace. Je ne sais pas s’il se souvient de ses mots. C’était il y a un siècle de ça.
Contre toute attente, Brian accepta l’offre du druide qui, un instant plus tard, boudait les recommandations de son hôte. Alex se mouvait doucement dans les ténèbres qui s’accordaient à son âme, accordant une confiance aveugle au clair de lune pour le guider dans ses gestes. Autant par habitude que par désir d’économiser les biens de Brian, dont il ne comprenait toujours pas l’agenda. Le dessein de Brian était-il seulement de meurtrir Alex en ravivant de vieux sentiments. Ceux-là même qui avaient été avortés lorsque l’espoir de relation que le druide avait entretnue s’était complexifié et n’avait pas su survivre à l’effacement de tout le reste. Les gestes d’Alex, dans la baignoire autant qu’à la sortie de celle-ci, suivaient le rythme des ombres de rares nuages vagabonds errant devant la fenêtre.
Il y avait quelque chose de rassurant, depuis son retour de cavale, à entendre des bruits d’origine humanoïde qui ne soient pas des menaces. C’était quelque chose de reposant en soi que de ne pas constamment devoir être alerte. Le canadien se sécha prestement et se rhabilla devant le regard hautain de Truc, qui le toisait depuis qu’il s’était téléporté sur le cadre de la fenêtre. Le druide hésita à faire un geste en sa direction pour le caresser, et décida finalement de redescendre le plus rapidement possible : il valait mieux ne pas faire attendre Brian inutilement. Les deux hommes semblèrent tergiverser un instant à partager quelques propos, mais ils n’échangèrent finalement pas un mot et Alex sortit en trombe, s’arrêtant seulement un court instant pour gratter le sommet du crâne de Machin.
Rapidement, ils se retrouvèrent assis, à distance raisonnable l’un de l’autre et des braises du campement d’Alex. De temps à autres, une goutte d’eau glissait des pointes humides de ses cheveux à son cou, ou tombait devant son nez. Le silence de l’extérieur était encore plus apaisant que les sons de l’intérieur. Ils avaient cette familiarité qui permettait au druide de se sentir chez lui. Il était devenu un vagabond, ou un nomade, étant à la fois nulle part et partout chez lui, et devait désormais réapprendre à creuser des racines pour établir un foyer. Une tâche titanesque et démotivante pour une âme seule.
Tout à ses pensées, Alex ne cherchait pas à rompre le silence et appréciait même la présence muette qui lui tenait compagnie, ajoutant une touche d’humanité au concert des grillons. Jusqu’à ce que vienne la rupture du silence, mais pas du calme. Le druide se contenta d’abord de hausser les épaules, visiblement bien loin des considérations matérielles évoquées par le garde et, quelques secondes plus tard, comme si la réflexion et la réplique vives étaient des facultés engourdies, Alex répliqua.
- J’te savais pas si douillet.
C’était peut-être un peu garce, comme moquerie, pour un ex marine et survivant de l’apocalypse, ou peut-être que non. Alex ne le savait plus. Il observa les tisons bouger d’eux-mêmes, d’abord affolé avant de réaliser ce qui se passait. Ils ne devraient effectivement pas avoir besoin d’éteindre le feu, ce soir. Pas à l’intérieur des murs. C’était difficile à croire, pour le scientifique. Tout était si coi et paisible, comme ce monde dans lequel il avait évolué durant huit ans; et pourtant, ils étaient bel et bien à l'abri derrière la sécurité des murailles, derniers remparts d’une humanité disséminée. Pendant un moment, le crépitement du feu occupa leurs esprits solitaires, jusqu’à ce que, d’un murmure presque bégayant, Brian s’excusa. Alex haussa un sourcil, surpris. Brian avait semblé plutôt sûr de lui, auparavant. Alex ouvrit la bouche, étrangement sèche, et aucun son n’en sortit, que le claquement de sa langue.
Pourquoi s’excuser désormais, et lui dire qu’il lui avait manqué? Ajouter ensuite ce mot rempli de sens, qu’Alex croyait enterré aux tréfonds de son âme? Cela faisait-il partie du théâtre de la vengeance de Brian? Les tripes d’Alex lui intimaient de lui répondre d’un "Tout pareil" empressé. De lui dire que Brian lui avait également manqué, qu’il serait bien bête d’en douter ne serait-ce qu’une seconde. Pour dissimuler les plaques rouges qui marquaient ses oreilles et ses joues, le druide suspicieux se leva et alla se planter face à une clôture qui ne devait tenir en place que grâce aux vignes qui l’avaient ensevelie au cours des années. Il y vidangea sa vessie, comme il n’éteindrait finalement pas son bivouac, en réfléchissant à ce qu’il conviendrait de répondre à Brian.
Lorsque le druide revint au cercle à deux points, il resta légèrement plus en retrait, évitant ostensiblement de croiser le regard du policier. L’envie de le croire le titillait, comme un fruit défendu, mais il y avait tant de choses qu’il n’avait pas comprises depuis toutes ces années. Tant de choses, restées en suspens, nécessitaient des explications depuis une décennie. Tant de questions étaient restées sans réponses. Avant de s’ouvrir à Brian, il y avait bien une chose qu’il désirait savoir.
- Je peux comprendre que tu aies refusé de venir vivre à la cabane, mais pourquoi avoir attendu neuf ans pour me retourner l’offre?
La réponse n’apporta pas les éclaircissements espérés par Alex. Pire encore, elle venait compliquer encore un peu la situation, ajoutant des questions et, surtout, une réalisation dans le crâne du druide : non seulement on lui avait menti, mais on l’avait également trahi. La question était de savoir qui, et à quelle époque, avait menti. Brian et Charlie étaient des suspects équivalents de ce crime, et le cuisinier n’était plus là pour se défendre. Pas depuis qu’Alex l’avait également sorti de sa vie, pour de bon. Le druide lança un bref coup d’oeil au garde, et ouvrit la bouche pour parler de nouveau, d’un ton redevenu moins empathique.
- Tu n’as pas à t’excuser pour tout à l’heure. On fait tous des erreurs.
Alex déglutit avant de reprendre, d’une voix qui n’était pas celle bourrue et un peu rustres qu’il avait désormais, mais plus robotique et presque artificielle.
- J’aurais dû m’installer au centre-ville. Je suis comme une gangrène. Les gens auxquels je m’attache finissent toujours par en souffrir, et...
Alex s’en voudrait si Brian devait encore en pâtir davantage. Le garde devrait déjà en vouloir terriblement à Alex, après tout. Il partirait le lendemain pour le centre-ville. Là où il ne connaissait personne et saurait tenir les gens hors de son affection.
- … tu ne mérites pas de le subir.
Et Alex ne méritait pas l'affection de Brian, qu'elle soit feinte, platonique ou charnelle.
Lentement, Alex s’étira pour quérir son sac et en extirper une couverture devenue mince d’avoir été usée à la corde. Il valait peut-être mieux qu’ils dorment avant de sombrer davantage dans de sombres pensées. Alex prit son courage à deux mains et lança un regard à Brian en déposant la couverture miteuse au sol, en guise de matelas. Elle était suffisamment large pour deux personnes, mais compte tenu de ce qu’il venait de dire, il était certainement préférable qu’il n’y ait pas trop de rapprochements cette nuit.
- Pliée en trois, c’est assez large pour une personne, et ça te fera moins dur que le sol. Si tu commences à t’endormir, expliqua-t-il en espérant maîtriser la déception et la tristesse dans sa voix.
La vérité, c’était que le druide espérait délayer le plus possible le moment où ils iraient rejoindre Morphée. Au moins, il pourrait encore apprécier le temps qu’il leur restait à passer ensemble. Et s’ils faisaient une nuit blanche, ce lever de soleil garantissait d’être le plus spécial qu’il ait jamais vu.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Lun 19 Oct 2020 - 18:59
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
- J’te savais pas si douillet.
J’ouvre la bouche avec l’intention de lui rappeler que j’ai eu les fesses collées sur une selle depuis l’aube, et que le soir précédent j’étais de garde de nuit à la porte nord à dormir mes temps de pause sur une couverture de molleton épaisse comme le petit doigt. Je ne suis pas « douillet », mais quand je peux éviter l’inconfort d’un sol dur au profit d’un lit moelleux, je n’hésite pas. Toutefois, je m’abstiens. Cela serait apporter une ombre à ce moment de réconciliation. Et j’ai conscience que sa remarque est une boutade, non une critique.
Mes excuses se heurtent à son silence. Comme je le pensais, j’ai dépassé les bornes tout à l’heure. J’ai tout gâché dans cet élan qui venait autant du ventre, que du fond de mon cœur et de mon âme. Je réfléchis comment adoucir mon geste, alors qu'Alex se lève. Je ne sais pas si je dois me sentir rassuré quand, finalement, il ne s’éloigne que pour soulager sa vessie. Il y a dix ans, jamais je ne me serais permis une telle approche : un baiser forcé. Cela aurait été impensable pour l’homme que j’étais, avec le passif que j’avais subi. Dans l’ombre de la nuit, je me sens rougir de honte. Suis-je devenu ce genre de type ? Je n’ai pas le temps de m’appesantir sur les évènements et mes actes de ces dernières années qu’Alex me coupe dans mes réflexions intérieures.
- Je peux comprendre que tu aies refusé de venir vivre à la cabane, mais pourquoi avoir attendu neuf ans pour me retourner l’offre ? - Pardon ?!
Mon cœur tombe en chute libre quand j’analyse sa question, sa signification, ses répercussions. Ce n’est pas possible, pas imaginable, et pourtant… Je ne cache pas mon amertume dans ma réponse qui fuse.
- Comment refuser une offre qu’on ne m’a jamais faite ?! Crowley m’a bien fait comprendre que j’étais de trop dans votre petit cercle avec Jennie. Que vous n’aviez pas de place pour un flic !
Tu sais, ceux qui oppressent le monde, frappent les innocents et volent les braves gens ! Ça, je le hurle en silence dans mon crâne. Dieu que j’aimerais avoir les oreilles d’un loup pour savoir si Alex me mène en bateau. Savoir s’il a la lâcheté de coller son propre abandon sur un absent. Ou, si plus sérieusement, ce connard de Crowley s’est arrangé pour nous séparer. Est-on passé à côté d’une vie commune pour un abruti bas de plafonds ? Une rage froide me tord les tripes quand je pense à ce temps perdu et les quiproquos qui se sont enchaînés. Car, il faut bien le reconnaître, ni Alex ni moi ne sommes doués pour exposer nos sentiments. Si Crowley était là sous mes yeux, je suis certain que je deviendrais violent. Tout ça, c’est à cause de lui ! Le départ d’Alex, le reste…
- Tu n’as pas à t’excuser pour tout à l’heure. On fait tous des erreurs.
Une erreur ? Mais non justement ! Ce n’est pas une erreur. C’est parce que je n’ai pas insisté que je ne me suis pas imposé que nous en sommes là ! À avoir gâché dix années de notre vie loin l’un de l’autre. Dix ans de solitude. Puis un doute m’assaille, le ton de sa voix…
- J’aurais dû m’installer au centre-ville. Je suis comme une gangrène. Les gens auxquels je m’attache finissent toujours par en souffrir, et...
Mais non ! On est justement en train de mettre à plat nos incompréhensions mutuelles. De rattraper le temps perdu, de…
- … tu ne mérites pas de le subir.
… nous refuser cette dernière chance ! Je ne comprends pas. Il ne peut pas être trop tard ! Pourquoi se défile-t-il encore ? La vie n’a jamais été si mortelle que maintenant. On a plus de temps à perdre en conneries de ce genre ! A-t-il réellement offert de vivre ensemble et demandé à Charlie de passer le message ? Je le regarde tripatouiller sa couverture. Son cœur est-il devenu aussi sec que le bois du Nemeton ? Aussi froid ?
- Pliée en trois, c’est assez large pour une personne, et ça te fera moins dur que le sol. Si tu commences à t’endormir.
Je n’en ai rien à faire de sa couverture miteuse ! Il y a quelques minutes, je me voyais cogner Crowley… Là c’est un autre que je veux bousculer et il n’est plus question de baiser ! Mes doigts s’enfoncent dans l’herbe dont j’arrache quelques brins au passage. Alex étend sa misère sur le sol s’imaginant m’offrir un grand privilège, alors que j’ai cent fois mieux à quarante mètres de là ! Je relâche l’herbe et la terre entre mes poings et m’oblige à prendre lentement une longue inspiration. En vain. J’aurais essayé, seulement je ne le laisserai pas me jeter une deuxième fois sans rien dire !
- T’as la mémoire courte, dis-je en serrant les dents. Avant que tu te barres à l’extérieur sans explication, je t’ai proposé de vivre ensemble. Il semblerait que Crowley m’ait transmis ce que ton inconscient pensait vraiment : t’en a rien à foutre de moi ! C’est encore le fait que je sois toujours dans les forces de l’ordre qui te hérisse le poil ? Facile de laisser les autres se salir les mains et l’âme pour venir ensuite profiter d’un monde paisible gagné dans le deuil et la douleur !
Exit la respiration calme, la colère afflue par vagues de plus en plus puissantes. Cela finit par me bloquer le souffle et la parole. Je me relève vivement, en proie à une grande fébrilité. Je serre les poings et les desserre, cherchant un exutoire à ma fureur. Un dernier lambeau de conscience tente de me retenir, puis le barrage lâche. Brutalement. Mes lèvres s’ouvrent à nouveau, animées par ma frustration. Ce qui en sort est gratuit, blessant. Une violence verbale que je regretterais très vite, mais si libératrice.
- Mais merde, quoi ! J’en ai rien à faire de ta couverture miteuse alors que j’ai sué des années pour me faire une maison confortable, quand bien même on manque de tout !
Je joins le geste à la parole, ramasse sa nippe et la lui jette au visage.
- Dors donc comme un clochard ! T’es qu’un égoïste ! T’es revenu. Je t’ai ouvert ma maison, et plus même ! Tu t’es cru à l’hôtel ! Tu m’as pris pour ton larbin, ton taxi, ton boy ! T’en as rien à secouer de ce que je ressens !
Au fur et à mesure que je parle, ma voix me trahit, monte dans les aigus. J’aimerais demeurer stoïque, mais cela me remue trop les tripes pour que je reste de marbre. Je me détourne quand mes yeux se noient de larmes. Il n’avait pas besoin de l’ours pour nous séparer. Il le fait très bien tout seul.
- Fais chier ! Putain ! T’es qu’un…
Je jette un coup de pied mental dans le feu. Sous ce vent violent, les tisons s’embrasent pour finir par rouler un peu partout. Avec une joie malsaine, je constate que l’un d’eux est tombé sur sa foutue couverture pour y faire un beau trou. Des flammèches s’allument dans l’herbe folle. J’ai assez de raison pour penser à l’incendie, à ma maison toute proche. Je balaye à nouveau la scène d’une forte bourrasque me moquant d’éparpiller les affaires de celui qui piétine mon cœur comme je piétine son feu de camp. Il ne reste que de la fumée entre nous. C’est tout ce qui subsiste de notre lien que j’imaginais plus sincère. Je me suis trompé sur son compte. S’il a un jour éprouvé quelque chose pour moi, ce sentiment était déjà mort bien avant qu’il tente sa chance dehors.
Je ne dis plus rien, car j’en suis bien incapable, muselé par l’émotion, le chagrin et le sentiment de trahison. Il avait raison sur un point, il est une gangrène. Il a rongé mon cœur et mon âme. En silence, je fais volte-face et marche en direction de ma maison. Je suis en colère contre lui, mais je suis incapable de le haïr. Il m’est impossible de désaimer celui qui n’a jamais quitté mes pensées quoiqu'il fasse. Cette croix, je la porterai toute ma vie. Mon pied heurte un morceau de bois, un de ceux qu’il m’avait balancés une heure plus tôt. Je me baisse, le ramasse et le lui lance avec force. La vie s’est chargée de me faire bon tireur, quelle que soit l’arme. Je ne vois que sa silhouette en contre-jour lunaire, le bâton ne l’effleure que d’un déplacement d’air contre sa joue. Je suis bien incapable de le blesser physiquement, enfin je le crois.
Je passe le portail. Bidule renâcle et tape du sabot dans son écurie. Ce sont les miaulements de Truc qui m’alertent. De prime abord, je pense qu’il se mêle de ce qu’il vient de se passer avec le briseur de cœur, mais son insistance à bouger quelque chose sur la terrasse m’alerte sur un autre drame. Je tombe à genoux devant une forme affalée au sol, encore tiède, mais immobile. La lune se reflète dans le regard fixe de Machin.
- NONNN !
Je hurle ma douleur, puis éclate en sanglots tel un enfant. Mon chien est mort seul alors que j’étais en train de me disputer de l’autre côté de la rue. Je le prends dans mes bras, puis m’assois par terre, le dos calé contre le mur de la maison. Truc vient se coller contre moi, sa truffe à quelques centimètres de celle de Machin. Lentement, je berce mon chien. Il faisait partie des rares êtres vivants à m’avoir été fidèle et à m’avoir aimé sans condition, sans calcul.
(…)
J’ai le cœur glacé et le corps raide, est-ce le fait que je me sois endormi dehors ? Il fait encore nuit noire. À la position des étoiles, j’estime qu’il est autour de quatre heures du matin. Le corps de Machin est totalement raide et froid entre mes bras. Je ne peux pas me résoudre à le reposer. Comme si le lâcher déclencherait la fin de toute chose. L’horizon s’éclaircit légèrement, prémices d’une aube de chagrin. Il y a la ligne des arbres, la deuxième palissade plus loin que je ne vois pas, puis la forêt jusqu’à l’océan.
- A quoi bon lutter ?
Mentalement, je fais le chemin entre ma maison et la porte ouest de la dernière barricade. Ensuite, il y a la route qui mène à une petite rade, là où Tama entrepose son bateau. Le maori ne se sert pas des voiles, il triche avec les courants, mais le mât et la voilure sont sagement rangés dans un local non loin. On les installe quand je viens avec lui pour la pêche. Je souris en me remémorant nos sorties avec le renard des marées. Peu contrariant, il me laisse m’amuser avec les voiles et le vent. Truc s’invite parfois, pour disparaître dans sa dimension parallèle lorsque cela ne le divertit plus ou que cela mouille trop.
Je pourrais lui emprunter son embarcation. Un lendemain de pêche, pour avoir le temps de descendre le long de la côte récupérer l’un de ces voiliers de plaisance que nous avions aperçus lors de nos navigations. J’en avais repéré un qui m’avait semblé en bon état, un dix-huit mètres racés. Je m’étais imaginé des vacances à son bord que je n’ai jamais pris, car en temps de survie, il n’y a plus de temps pour le repos. Je ramènerais l’embarcation de Tama à sa place avant de partir plein ouest.
Le voyage sera bref, une semaine ou deux. Trois si je me débrouille bien. Car je ne pourrais pas passer les portes anormalement chargés, comme pour un départ définitif. À moins que je me fasse un stock de provisions en les balançant par-dessus la clôture à un endroit précis et discret. Il s’agira d’un aller simple. Plein ouest sans me retourner. Pour être au moins, une fois en dix ans, heureux de vivre, avec la mer pour seule compagne et le vent. Vivre une dernière fois et mourir avec le soleil au bout de l’horizon.
(…)
Du bruit et la lumière du soleil me réveillent alors que je rêve de navigations fantastiques et d’air iodé. Le poids entre mes bras me ramène à ma tristesse et ma solitude. J’ai les paupières collées par le sel de mes larmes et les yeux qui me brûlent. Je les garde clos, le visage collé au pelage de mon chien. La nuit m’avait au moins caché la vision du corps de mon fidèle compagnon.
Les joues d’Alex se plaquèrent de pourpre. D’une part, huit ans n’était pas court, et d’autre part, Brian avait pratiquement attendu qu’Alex ait un pied hors des murailles pour l’inviter à demi-mots chez lui. Toutefois, le pire n’était pas en la différence de leurs souvenirs, mais dans les accusations qui suivirent. Le druide déglutit avec aigreur, les sourcils sévères alors qu’il ne pouvait cacher son mécontentement d’entendre ce fiel qui lui était destiné. Brian avait tout faux! Alex l’avait dit : il désirait parler, se ré-apprivoiser. Il avait offert de bonne foi de partager une énorme part de ses maigres possessions, et se souvenait que Brian était plutôt du type frileux, quand il ne descendait pas une rue dans l’unique but de voler un baiser, alors il avait cru qu’il préférerait qu’Alex ne le colle pas trop, malgré toutes les envies de chaleur du druide.
Alex reçu les accusations comme une brique sur le coin de la mâchoire, et pencha la tête sans dévisser son regard de celui qui l’accusait injustement. Le laborantin qu’il fut n’avait peut-être pas connu le deuil et la douleur? Fallait-il parler du nombre de fois où il avait dû s’arrêter en cours de route, les pieds ensanglantés, avant de ne perdre une orteil? Ou des jeûnes qu’il avait involontairement subi? Des attaques qu’il avait esquivées ou repoussées, majoritairement seul? C’était injuste, mais la colère était ainsi faite et, quelque part, le druide savait qu’il méritait cet ire qui lui tombait dessus. Il avait peut-être eu raison de se méfier de la gentillesse de Brian, au final, car sous elle couvait manifestement de la rancoeur et de la colère. Mais, contrairement à ce qu’Alex avait cru, elle n’avait peut-être pas été une façade destinée à le manipuler pour mieux le blesser.
Toujours assis, Alex suivit de ses pupille l’ascension du mentaliste sur ses pieds. La colère de Brian était impressionnante. Plus que celle de n’importe qui d’autre. Elle rappela vaguement au druide la colère d’un Poséidon déchaîné, qu’il avait vue il ne savait où, dans son ancienne vie. Cette fois, les mots tous comme l’objet qu’il se prit au visage lui semblèrent injustifiés. Il offrait le peu qu’il avait, devait-il le répéter, pour se le faire jeter à la figure et en être ridiculisé. Une grande tristesse vint scinder son coeur, alors qu’il réalisait qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Les regrets s’accumulaient durement, ce soir-là, et il se demandait non pas s’il n’aurait pas dû revenir, ni partir, ni même s’il aurait dû sortir de sa cachette pour inviter lui-même Brian sous leur toît plutôt que de faire confiance à l’ours; il se demandait s’il n’aurait pas dû oublier toutes précautions sanitaires et se laisser mourir dans la première vague d’infectés. Il ne pouvait imaginer que ce destin lui ait apporté davantage de souffrances.
Alex tentait de son mieux de rester stoïque, de se prendre sur la gueule les mots et les gestes qui lui étaient destinés, sans broncher, sans sourciller, sans tenter de les esquiver ou de s’y opposer, en une pénitence qu’il espérait comparable à celle qu’il avait faite en huit ans de pèlerinage. Mais les hommes étaient plus complexes dans leurs façons d’être que la nature, et il doutait que de se prendre les coups de bâton avec diligence ne fonctionne aussi bien qu’il ne l’espérerait. Malgré son contrôle, il ne put s’empêcher de tressaillir lorsqu’un tison le rata de peu, alors que d’autres perçaient ce qu’il nommait "de fortune" mais qui semblait être aux yeux de la civilisation, dont il se sentait plus que jamais exclus, "miteux". Après tout, n’était-il pas qu’un clochard et un dandy à la fois, qui prenait Brian pour un servant? Cette idée lui donnait envie de vomir. Comment pouvait-il sincèrement croire que… qu’Alex ait volontairement voulu user de lui? Qu’il pouvait réellement se ficher de lui. Il releva la tête pour tenter de voir si les yeux du mentaliste étaient sincères ou s’ils ne cherchaient qu’à le confronter. La boucane* qui s’élevait entre eux, comme un panache d’incompréhension, l’empêchait toutefois de se faire une idée satisfaisante, et il se contenta d’accuser ce coup supplémentaire en se mordant la langue, sans que ça ne soit au sens figuré. S’il répondait immédiatement, il ne ferait qu’envenimer la situation. Il vaudrait mieux répondre une autre fois, ou se taire à jamais.
Lorsque Brian abandonne leur bivouac, les lèvres du druide tressautent, tentées de le retenir et de l’implorer de rester. À quoi bon? Vu leur humeur, ils risquent de s’entre-tuer au cours de la nuit davantage que de n’arriver à une trêve. Lentement, Alex se leva à son tour pour aller rapidement ramasser ses maigres possessions. Lorsqu’il sentit quelque chose lui frôler la tête, puis l’entendit tomber au sol et vit le morceau de bois, le druide ne put que se contenter de baisser la tête, sans savoir si c’était de honte, de résignation ou de chagrin. Une minute plus tard, un hurlement provenait de la maison de l’agent O’Conner, et Alex assuma que c’était un dernier grondement de colère en sa direction.
Sachant trop bien que, dans son état actuel, il serait incapable de dormir, l’ermite tenta de s’occuper, ramassant ses affaires. Il étudia un moment la couverture trouée par les tisons avant de prendre une décision impulsive. Il en déchira un lambeau, puis un autre, et encore un autre. Au fil de la destruction du canevas, une idée se formait dans sa tête, funeste et inévitable. Il serait capable de dormir quelques nuits sans couverture. Alors qu’il nouait les bandes de tissu malpropre les unes aux autres, il envoya paître ce gouverneur qui voulait faire de lui un informateur et un traître à sa véritable loyauté. Il pourrait toutefois se servir de ce même gouverneur pour sortir, prétendre qu’il ait une mission de l’homme et doive se rendre dans les landes extérieures pour l’accomplir, avant son premier jour de réaffectation à l’hôpital.
Il y avait non loin de Beacon Hills un endroit lugubre, où il n’avait jamais osé se rendre. Une forêt à l’essence si souillée qu’il avait toujours craint la taille du sacrifice requis pour raviver le néméton qui pourrait purifier la forêt de Humboldt. C’était peut-être le destin, finalement, qui l’avait ramener à Beacon Hills, à vivre cet ultime rejet. Désormais, il se sentait bien prêt à poursuivre cette quête finale. Quelques litres de sang qui s’écouleraient doucement, à mi-hauteur, ne lui semblait plus un si terrible prix. La couverture lui éviterait la douleur et l’inconfort de la saignée, ainsi que de risquer qu’il ne change d’avis et n’abreuve pas suffisamment ces racines.
***
Au petit matin, Alex rangea sa corde fraîche, digne d’un conte de fée, avec le reste de ses affaires à l’intérieur de son sac, et le porta à ses épaules. La désertion du quartier était une bénédiction : il pourrait partir dans n’importe quelle direction, et ne pas avoir à faire face à la maison aux roses. Pourtant, Alex choisit de passer par la rue, et ne put retenir un dernier regard vers cette demeure où il s’était sentit si bien. Ça aurait fait un agréable chez soi, c’était certain. Ce qu’il y vit l’intrigua. Ce timoré avait-il réellement passé la nuit dehors? Contre toute logique, Alex se rapprocha en plissant des paupières pour mieux voir. Il fut surpris par le miaulement du chat qui venait d’apparaître à ses pieds. Un appel à s’en déchirer l’âme. Quelques mètres de plus et Alex commença à distinguer la masse que tenait le dormeur contre lui. Était-ce Machin? Pourquoi avaient-ils passé la nuit dans la cour? Dans cette position?
Plus le druide se rapprochait, plus il trouvait que quelque chose clochait dans la scène. Plus encore que l’impression première pouvait le laisser croire. Alex fut saisit en réalisant ce qui le troublait : la rigidité dans les membres de Machin, l’oeil entrouvert. Il déglutit et laissa choir son sac au sol en se rapprochant, presque en crabe, de la scène.
- Brian… je...
Une larme coula sur sa joue. C’était qu’il était con ce chien, mais qu’il avait instantanément adopté Alex, une décennie plus tôt.
- Je suis tellement désolé.
Sans savoir comment il s’était également retrouvé le dos contre la maison, Alex étira le bras pour poser sa main sur l’épaule du garde, avec la même prudence que s’il avait décider de saisir une braise à mains nues. Il voulait trouver le mot juste pour lui soulager sa peine. Le geste qui l’aiderait à traverser cette épreuve, mais force était de constater qu’il en était devenu incapable.
- Je suis vraiment désolé. Pour tout. Alex soupira, las de cette vie où chaque moment n’était qu’un combat de plus.
- T’as raison. J’ai passé tellement d’années à penser qu’à ma survie, que j’ai oublié comment me soucier des autres. Je me fiche pas de toi, ou de tes sentiments, je sais juste plus comment. C’est con d’avoir oublié comment penser à quelqu’un d’autre alors que j’ai pensé à toi chaque jour, depuis dix ans et quelques.
Au lever; au coucher; sous les étoiles; quand il trouvait des framboises; quand il tombait sur un paysage si beau qu’il aurait aimé pouvoir le partager avec quelqu’un; quand la solitude le rongeait; même les quelques fois où il avait trouvé un peu d’intimité avec quelqu’un. Il n’y avait pas de mots suffisamment complets pour exprimer cela. Et puis, force était de constater que, si Alex avait d’abord songé à l’homme qu’était Brian, il avait ensuite pensé au souvenir qu’il avait de l’homme, et ce souvenir s’était doucement muer en fantasme, alors qu’il s’était inventé des florilèges de multivers ensemble. La main libre du druide fouissait inconsciemment entre les brins d’herbe, les enroulait autour de ses doigts et les arrachait nerveusement, de façon entièrement machinale. Aucun ne se rapprochait, ne serait-ce que de près, de la réalité. Alors que lui-même luttait contre les indices de sa propre fatigue, le druide reprit.
- On dirait que t’as passé la nuit sur la corde à linge.* Tu devrais te reposer, et je ferai ce que tu veux pendant ce temps : creuser une… un trou; cuisiner; m’occuper du potager; bûcher du bois; ce que tu veux vraiment. Sauf me faire partir. Tu as déjà été suffisamment seul, et la dernière chose que tu aies besoin dans ton état, c’est de l’être encore. Et puis...
Alex retira son bras derrière Brian et sans se décoller de lui, pour laisser au policier l’amplitude de ses mouvements. Il espérait ne pas forcer la note, mais savait bien qu’il se risquait une gifle monumentale.
- … je pourrai continuer de t’aider aussi longtemps que tu veux. Aussi longtemps que nécessaire pour que tu me pardonnes de t’être fait sentir comme un hôtel. Jusqu’à ce que t’en aies marre, de moi.
C’était une occasion d’avoir droit à une énième chance de rédemption, une dernière occasion de prouver qu’il n’était pas qu’un amas de travers humains, entremêlés sous une chemise à carreaux. Après tout, s’ils avaient véritablement tous deux passé les dix dernières années à se raccrocher à des chimères l’un de l’autre, cela ne valait-il pas la peine de tenter le coup? C'était peut-être l'ultime tentative du chien pour les réunir...
- Je sais que ça ne ramènera pas Machin, mais j’espère pouvoir apaiser un peu ta peine. Et que je devrais me taire.
Alex avait toujours eu cette fâcheuse habitude de devenir volubile au pire des moments, et d’être laconique lorsque le moment aurait été approprié. Comme 8 ans auparavant, quand Brian l’avait visité et avait failli se prendre le pied dans un piège. Ou lors de leur rencontre précédente, et ainsi de suite.
D’un geste spontané, l’ancien scientifique se pencha pour saisir à nouveau l’épaule de Brian, et laissa sa joue tomber contre le garde, alors que son autre main se frayait un chemin sur le corps de Machin, en longeant l’avant-bras du mentaliste pour aller cueillir sa main et englober ainsi l’endeuillé.
- Je suis désolé d’être aussi con.
Alex pouvait sentir l’odeur brute du policier, rassurante et intimidante à la fois, et espérait seulement ne pas se prendre le plus monumental des vents. Que n’aurait-il pas donner pour vivre dans un jeu vidéo et pouvoir retourner à une sauvegarde précédente, avec ce qu’il savait désormais!
*:
Boucane = fumée (généralement épaisse) On dirait que t’as passé la nuit sur la corde à linge = tu as l’air d’avoir très mal dormi / tu sembles épuisé
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Dernière édition par Alex Cormier le Jeu 19 Nov 2020 - 0:08, édité 2 fois
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Jeu 29 Oct 2020 - 20:55
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Tout mon corps est ankylosé par cette nuit inconfortable, les muscles tendus d’amertume, de frustrations et de colères. On a toujours des coups durs dans la vie, des moments où la charge tant morale que physique devient insoutenable. C’est inévitable dans une vie, à moins d’être bénis de dieux qui nous ont oubliés depuis des lustres. J’avais déjà vécu un tel épisode avant l’effondrement, celui qui m’avait expulsé de la Navy. Une profonde dépression, de celle qui remet en question le sens de la vie, sa raison d’être quand, autour de soi, tout se désagrège, que les repères et les certitudes qui y sont liés s’évaporent. Même l’abandon de Jordan ne m’avait pas affecté aussi profondément.
Depuis dix ans, je survis. Poussé par une morale, celle qui m’a fait m’engager dans l’armée, puis dans la police. L’envie d’aider mon prochain, un besoin qui ne doit rien à un dieu, ni même à une éducation. Une raison de vivre qui m’est propre, la place que je me donne dans ce monde. Depuis mes dix-huit, je me suis levé chaque matin pour le bien commun, l’intérêt général. J’ai vite compris qu’il ne fallait pas s’attendre à des retours mirobolants, quelques médailles, çà et là, qui ternissent dans les tiroirs d’une commode. J’ai pris soin des autres. Malgré eux parfois. Souvent. Qui s’est soucié de moi ? Des visages éclosent dans ma mémoire. Dick l’ami indéfectible, Mafdet que j’ai parfois vu traîner avec Truc m’épiant en silence, le maximum que peut faire cette femme au caractère incompréhensible. Tama et sa bienveillance naturelle. Jo Turner toujours prête à partager un bout de gâteau ou une douceur qu’elle prépare pour les siens. Et quelques gardes qui ont la même vision que moi de notre travail et le sens de l’honneur qui en découle. Le monde a changé, terminé les centaines « d’amis » sur Tweeter ou Facebook, même si je n’ai jamais eu de tels comptes. La population de la ville et ses alentours a drastiquement diminuée. Je connais chacun d’entre eux. J’ai des relations cordiales avec la plupart, pourtant le nombre de mes amis tient sur une main.
Mes doigts se crispent sur la fourrure de Machin. Son poil est devenu rêche avec les années. Je prenais soin de le brosser régulièrement, pour son bien-être. Je relâche la pression quand la main d’Alex se pose sur mon épaule. Des poils restent coincés sous mes ongles.
Alex parle. J’entends ses mots comme une langue étrangère. À son intonation, je devine sa compassion, son soutien. Je tremble et frissonne. De froid, de chagrin. Lui continue son monologue. Évoque sa longue solitude qui lui a fait perdre le sens des relations humaines. Affirme avoir pensé à moi chaque jour. Pourtant ses actes ne corroborent pas ses dires. Mais quand il parle de creuser une tombe pour mon chien, mes larmes ressurgissent acides et brûlantes. La chaleur de son bras se retire. Ce contact me manque aussitôt qu’il a cessé. Ses lèvres continuent, inlassables. Il parle de m’aider, de couper du bois, de cuisiner, de jardiner, de vivre ici… Je serre à nouveau mon chien très fort, mon cœur fait des yoyo vertigineux.
- Je sais que ça ne ramènera pas Machin, mais j’espère pouvoir apaiser un peu ta peine. Et que je devrais me taire.
Ma gorge se noue, je respire mal et serre les dents pour ne pas hurler. J’ai mal d’avoir perdu un compagnon fidèle, mal de penser que je suis resté seul par la faute d’un autre qui m’a volé ma vie, notre vie, mal de solitude. La chaleur revient contre mon épaule, mon bras, puis sur ma main.
- Je suis désolé d’être aussi con.
Je pose Machin sur mes cuisses et me tourne vers Alex. Je suis incapable de dire quoi que ce soit, j’ai la gorge si serrée que ma respiration s’est réduite à un mince fil d’air. Je me contente de me blottir contre son torse, serrant mes bras autour de sa taille avant d’éclater en sanglots. Dans un ultime effort de dignité, j’essuie ma morve contre le creux de mon épaule, puis bascule en chien de fusil, Machin toujours serré contre moi, ma joue calée sur les cuisses chaudes d’Alex.
(…)
J’ai un mal de crâne carabiné d’avoir tant pleuré. Je suis dans la salle de bain à faire une toilette de chat à l’eau froide. J’ai les yeux rougis, le nez qui coule. Par la fenêtre entrouverte, j’entends le bruit de la pelle. Alex creuse un trou à côté des roses. C’est très con, mais je me dis que peut-être Machin, ou une infime part de lui reviendra par la sève des épineuses. Qu’il vivra à nouveau, autrement ! Les roses aussi sont en deuil. Aucune fleur n’était épanouie malgré le soleil. Toutes vivaient l’instant repliées en boutons floraux.
L’eau froide m’a aidée à me ressaisir. J’ai rincé les traces sur mon visage. J’aurais besoin d’un coup de rasoir, mais ma main est trop tremblante pour cela. Je redescends le pas lourd. Dehors, Alex a arrêté de creuser. Quand je sors par la porte de la cuisine, je constate qu’il a fait ça bien. Le trou est régulier, comme le tas de terre à côté. Juste à côté, mon chien emmailloté avec des lambeaux de couverture comme une momie. Truc attend aussi, assis à l’ombre du rosier le plus proche. Je rejoins Alex. Mes larmes sont de retour. Une main serre mon épaule pour m’insuffler du courage. Alors je ploie les genoux, soulève mon chien pour le déposer dans sa dernière demeure. J’ajoute sa vieille balle toute mâchouillée et me redresse. Je cherche la main d’Alex, croise mes doigts aux siens et m’y cramponne.
Le rythme cardiaque affolé du druide ne ralentit pas lorsque le mentaliste accepte son invitation et se love contre lui. Il reste aussi rapide, malgré le soulagement euphorique de celui qui espère pouvoir réparer les pots cassés et, petit à petit, trouver moyen de faire quelque chose de bien, ensemble. Presque imperceptiblement, le quadragénaire amorça un mouvement alors qu’il se berçait de quelques microns, pour s’apaiser lui-même. La chaleur de Brian contre lui apportait un réconfort dont ils avaient plus que besoin.
Éventuellement, le duo se releva, et Alex osa demander, timidement, où Brian désirait inhumer son fidèle compagnon. Il acquiesça en constatant l’endroit désigné par son hôte, un sourire faible aux lèvres, car il trouvait également qu’il n’y aurait pas eu de meilleure place pour la sépulture. Brian indiqua sommairement à son parasite où trouver une pelle et quelques autres outils qui lui seraient utiles, et rentra, laissant Alex seul à sa promesse et son ouvrage. Brian parti, le canadien se laissa finalement aller à bâiller, et entreprit de creuser la tombe. Un peu plus loin, il remarqua le talus de marguerites qui s’était agité à son retour et eut une idée.
Le scientifique réfléchissait à toute vitesse, au rythme des coups de pelle. Cette aide qu’il avait offerte était-elle réellement gratuite et altruiste, ou était-elle plutôt encore purement égoïste, comme elle servait son dessein tout autant que celui de Brian? Pour qui était-il en train de creuser ce trou? Pour lui-même ou pour Brian? Il savait bien qu’il ne pourrait pas retourner du jour au lendemain à l’état d’esprit qu’il avait jadis. En fait, il ne le pourrait jamais, mais il comprenait que c’était un réapprentissage et un processus, que de retrouver sa fibre altruiste. Toutefois, cela choquait sa fibre impatiente, qui aurait espéré un effet immédiat, une rédemption fulgurante, quelque chose de tangible et mesurable. Pas une longue pente à l’inclinaison presque imperceptible, au cours de laquelle il ne saurait que douter d’avoir même progressé le moindrement du monde. Après tout, s’il ne s’était jamais aperçu qu’il avait régressé, comment pourrait-il voir la moindre amélioration. Il devait trouver quelque chose qui ne lui apporterait rien, personnellement, mais serait bénéfique à Brian, et l’existence d’une telle option semblait impossible par définition : tout ce qu’Alex pourrait faire et que le garde apprécierait serait forcément dans l’intérêt du druide, puisqu’il désirait le reconquérir. Cela ne risquait-il pas de devenir un poison dans leur relation? Alex devait penser à autre chose, et cesser de tourner ces sombres pensées dans son esprit. Il devait s’occuper les mains et le crâne, et compter les coups de pelle ne fonctionnait manifestement pas.
Une fois qu’il fut satisfait de sa fosse, Alex planta la pelle dans la terre qu’il venait de remuer et souffla lourdement. Il déroula la corde qui avait été sa couverture, et lui trouva un meilleur usage que celui, sombre et dramatique, qu’il lui avait d’abord prévu. Doucement, il enrubanna le corps du canin, en repliant ses pattes rigides contre son corps. Il entendit quelque chose craquer dans la première et paniqua un instant, avant de poursuivre, avec bien plus de précautions. Le druide était loin de comprendre comment des gens pouvaient faire ce genre de travail et y soutirer du plaisir. Tout ce qu’il parvenait à en obtenir était un sentiment de vide et d’infinie tristesse qui ne parvenait pas à le combler. Oh! Combien Brian devait être éprouvé!
La sueur lui coulait de partout, et il n’était probablement pas très beau à voir. Ce type de considérations, il n’en avait pas eu depuis des années. Il fallait vraiment croire que quelque chose dans cette demeure le changeait pour le mieux. Comme une fleur qui repousse après qu’on l’ait coupée, fragile et coquette. Il profita de ce moment de solitude pour observer la cour arrière. D’abord, il se hissa à la clôture, pour que son nez la dépasse, et observa les friches qu’étaient devenues les cours voisines. Des idées se formaient et se bousculaient dans son esprit, évacuant ses anxiétés, et il se dirigea ensuite vers le potager. Il n’avait jamais tenu sa promesse de venir donner des conseils à Brian sur son entretien, et de vérifier avec lui de l’état des semences et des plants. Ça n’était certainement pas de ceux qu’il avait eus entre les mains, mais il se fit un point d’honneur d’honorer sa promesse. Et puis, il avait peut-être appris la théorie de Maslow plus de vingt ans auparavant, il n’avait pas besoin de s’en souvenir pour comprendre quels étaient les besoins les plus cruciaux. Brian avait un toit et il mangeait suffisamment, or il avait aussi mentionné que son alimentation manquait de variété, et Alex espérait pouvoir remédier à ce point particulier.
Alex était en train de désherber le potager lorsqu’il entendit la porte de la maison s’ouvrir. Il se releva aussitôt, et essuya la sueur de son front du dos de la main, sans réaliser qu’il venait ainsi d’y laisser une trace d’humus en lieu et place. Ses pas le dirigèrent dans la même direction que Brian et Alex déglutit, voulant dire quelque chose. Ses mâchoires restèrent pourtant bien soudées ensemble et il dut se contenter de poser la main sur l’épaule du policier, pour retomber contre sa cuisse lorsque Brian mit le corps en terre. Alex avait hésité de le faire pour lui, mais cela lui avait finalement semblé plus logique que Brian fasse cet ultime geste.
La main du druide ne resta pas ballante trop longtemps, celle de Brian s’y raccrochant avec ce qu’il percevait comme du désespoir. Les sourcils d’Alex ployèrent de surprise à la déclaration de Brian. Alex venait de revenir. De toutes les choses qu’il avait faites, rester n’en était pas une. Pas encore, pas vraiment. Il l’avait promis, mais c’était tout, pour l’instant. Une parole qu’aucun geste n’avait encore joint. Brian devrait le remercier d’être resté lorsqu’il le remerciera pour ses services. Ou mieux, lorsque la vie les quittera à leur tour. Lorsque, véritablement, Alex serait resté. Après tout, n'avait-il pas dit à Ian, moins d'une semaine auparavant, qu'il comptait rester, mais que le Nemeton pourrait le renvoyer en mission à tout moment?
- Tu...
Non. Il valait probablement mieux ne pas dire cela. Évoquer leur trépas en de telles circonstances n’était pas une option envisageable. Alex s’agenouilla auprès de l’endeuillé, sans relâcher sa main, et laissa passer un silence. Trop de choses se bousculaient encore une fois dans sa tête pour qu’il ne parvienne à distinguer les mots qu’il désirait dire de ceux qu’il devrait taire. Brian lui offrait une énième chance et c’était lui qui semblait reconnaissant, alors que ce devrait être à Alex de l’être.
- Merci d’avoir toujours continué de croire en moi, répondit-il, la gorge sèche par l’émotion.
Une fois de plus, le temps sembla ralentir, et Alex attira Brian contre lui. D’abord le crâne de l’un contre celui de l’autre, le garde se tourna ensuite pour sangloter contre le druide. Alex ne dit pas un mot, se contenta de laisser ses bras autour de lui, comme un rempart le protégeant de ce monde affreux, et embrassa la tempe du policier, sans en décoller ensuite ses lèvres. À nouveau, il réfléchissait à cent à l’heure. Des options, des idées, des choses qu’il devrait songer offrir à Brian. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il le laisserait tranquille : ce n’était pas le temps de le brusquer en planifiant un avenir commun dans lequel Alex s’imbriquait enfin. Le biochimiste ne réalisait même pas qu’il caressait les cheveux de Brian, dans un geste apaisant pour chacun d’eux, lorsqu’il ouvrit de nouveau la bouche.
- Je pensais déplacer les marguerites ici. Si t’es d’accord.
Il évoquait le trou au fond duquel gisait le chien. Cela ferait plus joli, mais cela éviterait surtout qu’ils ne tombent un jour sur les restes de Machin par mégarde. Il transférerait évidemment aussi la terre mouillée du sang de Brian sur le tertre, comme c’était dans cette terre que les fleurs blanches avaient poussé.
À un moment, Brian évoqua qu’il était de garde ce soir-là, et Alex offrit de cuisiner, pour qu’il ait le ventre plein avant de passer la nuit sur cette dangereuse enceinte. Il faisait encore jour lorsque le garde sortit préparer Bidule, Alex sur les talons.
- T’es certain que ça va aller? Je… Sois prudent, fit-il en ajustant une sangle, Alors que Brian faisait de même de son côté de la monture. La jument d’Alex protestait de son côté. Il l’avait effectivement négligée moins de vingt-quatre heures après en avoir eu la responsabilité. Ça commençait plutôt mal leur relation.
Lorsque le garde fut prêt à monter en selle, Alex alla le rejoindre, et lui attrapa les mains, les yeux rivés sur les genoux de Brian. Il lui tritura les doigts un court moment, hésitant. Il voulait mettre les points sur les i et rappeler au policier que c’était lui-même qui lui avait montré que ce corps de métier n’était pas que corruption. Ne voulait pas le laisser partir sur cette mauvaise impression, mais n’en trouva pas le courage.
- Je serai ici. promit-il plutôt. C’était sous-entendu. Il l’avait évoqué déjà ce matin. Cela allait de soi, et il ne voyait pas comment Brian pourrait en douter en ce moment, mais le dire ancrait la promesse dans la réalité et rendait tangible son engagement à une fidélité qui n’était pas qu’émotionnelle.
Puis, spontanément, Alex tira Brian à lui, et s’étira pour l’embrasser avec fougue, ses mains cherchant spontanément un appui au niveau de la croupe et de la nuque du garde. Lorsqu’ils brisèrent le baiser, Alex raffermit sa prise un moment pour le garder contre lui. Voilà que le fugueur craignait d’être laissé derrière.
- Je te Tout pareil, Brian O’Conner... File bosser avant que je décide de te garder ici.
Avec douceur, Alex le repoussa, passa la main sur le contour de son visage avec l’intention de lui dire à quel point il le trouvait beau, même après une telle journée, mais se tut. Inutile de laisser croire au garde qu’Alex était ici pour son apparence.
Le druide regarda le cavalier partir et, une fois qu’il fut hors de portée de vue, alla libérer son propre cheval et retourna à sa pelle. Il termina son ouvrage alors que le soleil se couchait, et décida que le potager saurait attendre le lendemain. Il rentra donc dans la maison, sans remarquer que Truc l’avait guetté toute la journée, et s’affala sur le sofa en oubliant de verrouiller la porte derrière lui. Après une si longue période sans sommeil, le druide s’endormit avant même de toucher les coussins.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Sam 7 Nov 2020 - 21:28
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Je regarde la tombe de Machin. Mon compagnon à quatre pattes a fini de souffrir. Il existe bien des décoctions végétales qui auraient pu le soulager, mais quand on en est à utiliser des remèdes vétérinaires sur les humains, soulager les souffrances d’un chien en fin de vie n’est pas correct et hors de mon solde de crédits. La présence d’Alex à cet instant précis m’apparaît comme un signe. Alors quand il me remercie d’avoir toujours cru en lui, je serre plus fort sa main. Il m’attire à lui, je ne résiste pas. Je laisse cours à mon chagrin sans honte. Il sait ce que représentait Machin pour moi. À son étreinte, je sais qu’il n’est pas seulement triste pour moi, mais aussi pour le corniaud qui gît maintenant à nos pieds.
- Je pensais déplacer les marguerites ici. Si t’es d’accord.
Je regarde en direction des fleurs qui tendent faiblement leurs corolles vers nous. Une tentative passée de me créer un rempart végétal vivant. Cela avait fonctionné, mais pas avec la vigueur des roses de Jansen. J’avais eu l’idée de les bouturer, mais à chaque fois que j’avais approché un sécateur de l’une de leurs tiges, j’avais reculé. C’était comme amputer un ami. Je sais que leur douleur n’est pas comme la nôtre. Un jour peut-être, je le ferai, un jour peut-être.
(…)
Je somnole sur la terrasse, enveloppé d’une couverture. Alex s’est occupé de reboucher la tombe de Machin et d’y transférer les marguerites. Est-ce pour effacer toutes les vilenies que l’on s’est jeté au visage cette nuit, il s’occupe à rafraîchir mon jardin. Je suis de garde cette nuit et je n’ai pas eu mon compte de repos.
(…)
Je me réveille, l’après-midi touche à sa fin. Le jardin à meilleure allure et un corps chaud appuie sur mon flanc droit. Alex a rapproché un transat du mien et s’est lové contre moi. La quiétude du moment apaise ma peine. Alex se propose de me préparer un solide repas pendant que je monte me changer pour une tenue appropriée aux gardes de nuit.
Pendant qu’il finalise le repas, je vérifie consciencieusement mes armes : un arc, une arbalète, un fusil et une arme de poing. Par économie, je me sers préférentiellement de l’archerie. Tous les gardes conservent leurs munitions pour les extrêmes urgences. Ce qui a été rare cette année. Mais nous ne nous reposons pas sur cette paix apparente, enfin une bonne partie des gardes. La population, elle, commence à relâcher sa vigilance et s’est installée dans une routine, certes fruste et rurale, mais paisible. Seulement, rares sont ceux qui s’approchent de la troisième palissade. Ils n’entendent pas les râles des marcheurs de l’autre côté des troncs, des planches et de tout ce qu’on a pu trouver pour nous sécuriser.
(…)
Le moment d’y aller approche. Je vais seller Bidule. Alex me suit, je sens son inquiétude. Cela me fait plaisir qu’il s’inquiète ainsi, cela montre qu’il n’est pas indifférent à mon sort. Dire qu’il aura fallu la mort de Machin pour qu’on arrête de se tourner autour. Je remercie mentalement le sacrifice de mon chien et quand j’ai terminé de harnacher Bidule, c’est Alex qui fait le premier pas en me prenant les mains.
- Je serai ici. - J’ai hâte d’être à demain matin !
Quelqu’un qui m’attend à la maison ! Plus qu’une montagne de crédits dans les livres de comptes de Rusard, un trésor qui n’a pas de prix : l’attention particulière d’une personne aimée. Mon cœur s’enflamme quand il m’embrasse avec la même fougue que moi la veille. Mais sans ma violence ni ma rage.
- Je te Tout pareil, Brian O’Conner... File bosser avant que je décide de te garder ici.
Je souris franchement. Cette expression… J’aime cette connivence qui renaît entre nous. Ces petits riens qui, mis bout à bout, sont le ciment de nos sentiments. Des sentiments réciproques. C’est donc le cœur en joie que je grimpe sur ma monture. Le cuir de la selle grince quand je m’y installe. Je claque la langue, donne un coup de rein et Bidule avance vers le portail qu’Alex s’empresse d’ouvrir. Au passage, je me penche pour capturer ses lèvres une brève seconde avant de lancer Bidule au trot. Je veux profiter des dernières lueurs de jour pour arriver à la frontière nord de notre province qu’est devenue Beacon Hills. Le cœur léger, je passe au galop après avoir franchi la porte de la deuxième enceinte. Le ciel se teinte de mauve alors que le soleil se meurt à l’ouest. Je suis de ronde cette nuit, je dois longer la palissade de la porte nord à la porte ouest et revenir sur mes pas toute la nuit avec des pauses.
(…)
Je rejoins mon binôme à la porte nord. J’ai du mal à cacher ma satisfaction de constater un changement dans les équipes : ce soir c’est Éric qui m’accompagne pour la ronde. J’ai une totale confiance dans le fils du gouverneur. Il sait gérer les conflits avec la finesse de son père. Il sait aussi se battre et comme moi viser juste à l’arbalète et à l’arc. Je crois qu’il n’a jamais tiré une seule balle depuis qu’il est en âge d’être garde. Un exemple d’adaptation qui force mon respect. Il m’avait sollicité en tant ancien marine pour lui apprendre des techniques de combat en commando. Une force tranquille bien utile dans nos rangs. Le comportement de Troy Turner fait encore couler beaucoup de salive.
En chevauchant au pas le long de la palissade, Éric me demande des nouvelles de mon ami fraîchement revenu du dehors. Il ne pousse pas la question, mais je devine qu’il va à la pêche aux informations. Je reste factuel. Tout cela est encore trop frais pour que je m’étende sur ma vie personnelle.
- Alex va demeurer chez moi. La maison est assez prés de la ville pour qu’on entende la cloche d’alerte, et assez loin du centre-ville pour qu’il se sente à l’aise. Sept années dehors l’ont conditionné à des réflexes peu compatibles avec la vie en société.
À peine prononcé, je regrette mes paroles qui risquent de faire passer Alex pour un sauvage.
- Il lui faut juste un peu de temps pour réapprendre à vivre en communauté. Et il est soulagé de pouvoir aider à l’hôpital.
(…)
Cela a commencé par des grognements, puis les chevaux sont devenus nerveux. Un craquement sinistre au niveau de la palissade me provoque une décharge désagréable dans la colonne vertébrale. Le mot d’ordre quand on croise un marcheur dans la nuit est le silence le plus complet. Ces créatures ont une démarche maladroite et lente et réagissent aux stimuli visuels ou auditifs. De nuit, si on ne se fait pas surprendre, il est très aisé de les abattre. Seulement, c’est sans compter le nombre, sans compter la panique de nos montures.
C’est inutile d’essayer de retenir Bidule, tout ce que j’y gagnerais c’est d’attirer la horde de marcheurs qui vient de faire céder la palissade. À côté de moi, Éric vient de chuter. Je saute de selle, laissant Bidule fuir au galop. Je ne m’inquiète pas de le perdre, il connaît le chemin de la maison par cœur.
- On recule ! - Faut colmater la brèche ! - Ils sont trop nombreux ! Il faut allumer le signal de détresse. - Vas-y, je dégomme ce que je peux. - Tu vas te faire submerger, Brian ! - On n’a pas le choix, fonce !
Je commence par tirer quelques flèches incendiaires. Pour attirer les marcheurs à un point donné vers la palissade et pour me donner un peu de lumière. Les chevaux partis, je peux me faire furtif. Nous avons un code entre gardes pour nous interpeller sans parler, sans faire trop de bruit. Éric saura me retrouver alors que je change sans cesse de position alternant flèches et carreaux d’arbalète. J’ai dans l’idée de faire un carnage à l’endroit où la palissade s’est rompue, boucher le trou avec ces corps en putréfaction qui ont oublié qu’un mort n’est plus censé bouger. Tous les observateurs extérieurs nous avaient parlé de ses convois de marcheurs qui pouvaient regrouper jusqu’à un millier d’entre eux sur une file interminable. Et que rien de vivant ne subsistait à leur passage, telle une lame de fond.
Dans la nuit, je vois le signal lumineux. Éric a atteint le poteau d’alerte. Normalement, le signal doit être transmis par d’autres gardes. Il y a un poteau tous les cinq cents mètres. Éric a fait vite alors qu’il est à pied et que c’est la nouvelle lune. Seules les étoiles éclairent le sol. Difficile d’ajuster une cible dans ces conditions.
J’entends la cloche de la porte nord retentir dix minutes après le début du combat. Éric m’a rejoint, le combat est inégal. Ils sont trop nombreux, pourtant nous ne devons pas céder de terrain. Je ne sais pas combien ils sont dans cette horde, mais céder revient à perdre la troisième enceinte.
(…)
Cela fait longtemps que je suis à court de flèches. Je me suis improvisé une hallebarde de fortune. Garder mes distances, ne pas me faire mordre. Je pense à Alex, à son baiser et à la promesse de plein d’autres. C’est une rage sans fond qui m’anime. Je n’entends pas les cloches réveiller tous les habitants. Je lutte pour ma vie, pour celle de mes compagnons qui nous ont rejoints dans la bataille, pour les gens qui comptent sur nous, pour lui qui est enfin revenu.
Alex fut réveillé par une sensation désagréable : quelque chose d’humide lui râpait le bout des doigts. Par réflexe, avant même de réaliser qu’il était surpris, il retira sa main qui pendait au-delà du coussin du canapé, et le replia contre son corps. Truc émit un miaulement contrarié, et sauta sur le druide , qui se retourna pour avoir un meilleur point de vue sur la pièce où il se trouvait. D’abord, une impression de vide naquit au niveau de son ventre, alors qu’il se rappelait la bagarre qu’il avait eue avec Brian, puis le reste de leur longue journée lui revint en tête. Le trépas de Machin, leur réconciliation, et l’audace dont Alex avait enfin su faire preuve. Rassuré de se retrouver en lieu sûr, il se laissa choir sur le dos et Truc en profita aussitôt pour lui bondir sur le ventre et commencer à lui pétrir l’estomac en ronronnant à tue-tête.
Le druide voulu le caresser, mais il n’eut pas le temps de poser sa main sur le pelage du félin qu’il s’était dématérialisé. Une seconde plus tard, il réapparaissait au même endroit, pétrissant et miaulant à qui mieux mieux. Une fois de plus, il disparut au moment où Alex s’approchait pour le toucher, et réapparut un court instant plus tard, ses pattes redoublant d’ardeur, les griffes perçant le tissu que portait Alex jusqu’à atteindre sa peau tendue. Les miaulements plaintifs de l’animal lui vrillèrent les oreilles et, cette fois, il voulut le chasser d’un geste de la main. Truc se téléporta au pas de la porte d’entrée de la maison, et continuait de gémir assez fort pour réveiller les morts. Cette fois, Alex se leva, et il alla ouvrir la porte en pestant comme un ermite. Il n’y avait rien à l’extérieur. Tout était paisible, à l’exception de la complainte du sac à puce qui venait de faire un nouveau pas de côté. S’il ne le voyait plus, Alex entendait ses lamentations en provenance du bout de la rue. Il soupira, enfila ses chaussures et partit à la recherche du chat, qui décida de marcher, toujours hors d’atteinte pour Alex. Ils n’eurent pas besoin d’aller bien loin pour que le druide reconnaisse la direction dans laquelle ils s’étaient engagés. C’était le chemin que Brian avait pris ce soir, et celui par lequel ils étaient arrivés le matin du retour du biochimiste. Alex s’agenouilla et s’adressa au félin, sans la moindre conviction d’être compris.
- Moi aussi, je m’ennuie et je m’inquiète, mais il sera de retour demain matin, je te le promets.
Alex étira le bras et, cette fois, le chat vint lui sentir les doigts avant d’y frotter son corps entier, un petit gazouillis en bonus.
- Viens, on rentre. C’est l’heure de dormir.
Alex bâilla et réussit à saisir Truc. Il le prit contre lui en murmurant des sons davantage que des mots, et reprit la direction de son refuge. Il n’avait pas fait trois pas qu’un son retentit dans la nuit, et c’était comme si le ciel venait de partir en éclat. La distance étouffait le son des cloches, et son cerveau put sauter aux conclusions quand bien même il ne les avait jamais entendues auparavant. Le druide sprinta en direction de la maison aux roses, où il rassembla prestement ses affaires. Un bruissement du côté des rosiers attira son attention.
- Il va bien aller, se surprit-il à vouloir les rassurer.
C’est au moment de quitter, qu’Alex remarqua la hache posée le long du stère de bois. Il hésita un instant, haussa du sourcil, et alla finalement la saisir d’un pas pressé avant de retourner s’atteler à sa jument. Poignard à la ceinture et hache à la main, il galopa en direction de la porte Nord. Son emploi à l’hôpital n’avait pas débuté encore, et il avait donc la liberté d’utiliser son temps comme il le désirait. Malgré le vent nocturne qui lui courrait sur le visage, Alex bâillait fréquemment, et lorsqu’il fut enfin à proximité de la brèche, le spectacle au loin lui glaça le sang. D’autres habitants affluaient en renforts, mais le druide craignait que, face à une horde de cette taille, ils ne soient jamais assez. Qu’ils ne finiraient simplement qu’à s’ajouter aux rangs des morts. Il descendit de monture en se demandant ce qui avait pu arriver. Le Néménton n’était-Il pas supposé les protéger? Leur apporter cette quiétude relative dont ils ne pourraient rêver en-dehors de ces murs? Peut-être devrait-il aller Le voir pour s’assurer de son état. C’était en quelque sorte son devoir, non? Lâchant la bride, Alex laissa l’équidé partir en direction du manoir alors que lui courrait vers le conflit.
Recouvert de sang et de liquides biologiques variés, Alex donna un nouveau coup de hache parmi un infecté qui avait osé ne pas comprendre du premier coup. Il contournait la ligne de front par l’arrière, pour s’assurer qu’aucun des marcheurs n’avait passé outre la ligne que tenaient les gardes autant qu’ils le pouvaient. Il avait cru reconnaître l’ami de Richard, qui dépassait les envahisseur d’une tête, accolé à un jeune garde qui ne lui semblait que vaguement familier. La lame argentée du polynésien semblait repousser les vagues de morts-vivants, pendant que son allié optait faisait de même dans son dos.
Alex avait presque fait le tour de la demi-lune lorsque la silhouette qu’il recherchait lui apparut. Comme pour corroborer son doute, le druide vit un zombie se prendre un mur invisible au visage et être violemment repoussé.
-Brian! héla-t-il avant de réaliser son erreur, une expression horrifiée envahissant son visage. Heureusement, il en fallait plus que cela pour perturber l’ex marine vers lequel Alex hacha son chemin, une expression de dégoût blasé au visage. Il s’arrangea pour entrer dans le champ de vision du garde tout en restant hors de portée de coups, pour être certain qu’il ne se prendrait pas une attaque involontaire. Le canadien eut l’occasion d’observer son ami, qui combattait avec une férocité qu’Alex ne pouvait qualifier d’autre chose que de "sexy", sans comprendre d’où cette impression pouvait lui venir. Il fallut toutefois qu’il ne joue au bûcheron une petite minute encore avant que Brian ne remarque sa présence, ou l’identité derrière sa présence. Alex fit une moue d’excuse en voyant le regard du marin se poser sur la hache. Elle permettait de converser les zombies à plus grande distance que son couteau. C’était un avantage à ne pas négliger.
Ils passèrent quelques minutes supplémentaires de combat au corps à corps, dans une proximité trop lointaine au goût du druide, avant qu’une accalmie ne semble s’offrir à eux. Haletant, Alex se jeta sur Brian. Sans lâcher son arme, il l’attira vers lui pour l’embrasser avec autant de rapidité que de passion.
- Tu es vivant.
De nouveau, Alex vola un baiser, mais Brian l’interrompit pour repousser un infecté, et reprit ensuite son dû.
- J’étais inquiet.
Alex attira Brian à lui une dernière fois pour le relâcher presque aussitôt. Une nouvelle vague de marcheurs arrivait en leur direction, et il était hors de question qu’ils ne découvrent ce soir si les mentalistes étaient ou non immunisés à leur cochonnerie. Ils se défendaient très bien l’un à côté de l’autre, mais ils s’épuisaient également, comme le reste de leur petite armée, et il n’était pas dit qu’ils pourraient éternellement tenir bon. Il fallut qu’une ombre ne passe devant l’un des brasiers sur la muraille.
- Faut les brûler! Un mur de flammes! hurla-t-il à son amant. Brian pourrait le répandre et le contrôler avec son don, n’est-ce pas? Couper la horde en deux, l’obliger à contourner Beacon Hills ou rebrousser chemin. Et laisser aux combattants à l’intérieur des murs un répit, moins de cadavres marchant à anéantir. Il suffisait que Brian ne croit en lui-même et laisse toute la place à son pouvoir, en espérant que cela serait suffisant. Alex serait là pour l’aider. Comme jadis quand Brian avait failli se perdre à la recherche du Crocotta.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Sam 21 Nov 2020 - 17:12
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Mon corps n’est que réflexes, de bons vieux réflexes issus des combats que j’ai eu à mener depuis l’effondrement, mais aussi le fruit de onze années dans la Navy. Tout ce que j’ai appris du combat rapproché est là. Le temps qui a passé a tout de même pris son dû. J’ai moins de force, je suis un peu plus lent, mes réflexes intacts me sauvent la mise, ça et mon don. Les autres gardes gèrent leur position – quand ils le peuvent- pour me libérer le champ afin de balancer de grandes claques de vent à la horde. Cela permet de les repousser, de les déséquilibrer, nous offrant un temps limité où il est facile d’enfoncer un pique dans le crâne de ceux qui sont à terre, de secourir ceux d’entre nous qui se font submerger.
L’obscurité donne une dimension infernale au combat. Les cris de rage des hommes et femmes qui défendent chèrement notre havre de paix se font l’écho des grognements des morts. Les sons qu’ils émettent ne sont le reflet d’aucune émotion, simplement un bruit mécanique issu de leurs chair mortes mises en mouvement.
La vague semble sans fin. La palissade émet des craquements sinistres sous la pression de la masse qui afflue, guidée par les vivants. Encore aujourd’hui, on sait peu de chose sur le virus, et comment il se débrouille à redonner vie à ce qui est mort. Juste qu’à notre mort, il faut nous transpercer la cervelle pour qu’on ne se relève pas, qu’ingérer un gibier souillé par les marcheurs conduit à de fortes fièvres, puis à cette mort mobile. Les morsures aussi, comme les griffures.
Quatre marcheurs nous foncent dessus. À mes côtés, John, l’un des gardes qui voulaient laisser Alex dehors à son retour et un fermier avec qui je fais souvent du troc. Je ne peux pas user massivement de mon pouvoir, car par-delà des morts vivants qui nous ciblent, il y a les nôtres que je déstabiliserais. Nous faisons bloc, deux adversaires tombent rapidement, un corps à corps un peu flou s’engage avec les deux autres.
Les marcheurs ne marcheront plus, le fermier ne m’attend pas et vole au secours d’un voisin en difficulté. Je crois le regard de John, sa main tient son avant-bras, du sang suinte entre ses phalanges : mordu.
- Si on sectionne maintenant, tu as des chances de t’en sortir, dis-je en récupérant une hachette tombée au sol. On cautérise et… - On a pas le temps Brian ! Et je finirai pas manchot !
C’est vrai que le temps nous manque, mais ne je peux pas, ne rien faire. Toute vie est précieuse, même si John a toujours été un enfoiré de première. Le genre de types à cause de qui Alex s’est détourné de moi. John ne me laisse pas le temps d’agir. Une tige de fer à la pointe effilée dans une main et un long poignard dans l’autre, il fonce droit devant en hurlant sa rage.
- Dis-leur que je suis mort en héros, O’Conner !
À lui seul, il stoppe une bonne vingtaine des engeances qui nous submergent, avant de disparaître, dévoré vivant. Les renforts arrivent de toutes parts. Enfin, on arrête de reculer. Je continue à me battre, économisant le moindre geste inutile, parer, piquer, repousser, recommencer. Soudain, j’entends mon prénom clamé par une voix aimée : Alex ! Je réfrène mon envie de le chercher du regard, la moindre inattention se paye le prix fort. Mon cœur se galvanise de sa présence. Il aurait pu choisir de foncer à l’hôpital, rester à l’arrière, même si le seul remède pour les blessés reste au mieux l’amputation quand celle-ci est possible. Peu à peu, je sens Alex se rapprocher de moi, élaguant un chemin encombré non de branches et de troncs, mais de bras et de corps.
- Tu es vivant ! me clame-t-il en me serrant brièvement dans ses bras, embrassant mes lèvres. - Je viens à peine de te retrouver, je n’allais pas laisser un ou deux marcheurs ternir tout ça !
Alex se penche pour m’embrasser à nouveau, je le repousse, car un infecté a profité de cet interlude pour se rapprocher. Ma pique sort à peine du crâne du mort, que je tire Alex vers moi pour voler ses lèvres.
- J’étais inquiet. - Je ne sais pas combien ils sont dehors ! Mais je crois qu’on n’a jamais eu à stopper une telle horde. - Faut les brûler ! Un mur de flammes !
Jusque-là, nous tentions de contenir l’intrusion. Mais cette opération est vouée à l’échec, ils sont trop nombreux en face. Il faut en effet créer une nouvelle barrière. Le feu est une bonne idée, qui bientôt se transmet de bouche à oreille. L’afflux de gens qui viennent aider permet de nous organiser. Il est décidé qu’une ligne offensive, dont je fais partie, contient l’invasion devant la brèche pendant que dans notre dos, les autres prévoient un grand cercle de feu qui cernera les infectés. Deux gardes sont chargés de détourner l’attention du reste de la horde encore à l’extérieur par des flèches enflammées et des carillons de bois à balancer dans les branches des arbres. Conduire la horde à contourner Beacon Hills…
Éric hurle qu’ils sont prêts. Ça joue de la pierre à briquet dans mon dos. Les flammes s’élèvent en même temps que le soleil, donnant à la scène un caractère surréaliste. L’avant garde recule peu à peu. Je suis le mouvement quand les premiers rayons du soleil caressent le haut de ce qui a été un poteau téléphonique et qui a résisté, alors que l’amas de ferraille à côté s’est effondré. Je laisse tomber ma hallebarde qui a perdu son tranchant métallique depuis longtemps et me mets à genoux. Je sens la main d’Alex pétrir mon épaule. Je suis au-delà de la fatigue, pourtant je ne dois pas flancher, pour les plus fragiles qui tremblent à l’arrière, pour les courageux qui sont tombés cette nuit. J’ai vu plusieurs gardes périr dans des conditions abominables. Cela remettra les pendules à l’heure de ceux qui avaient fini par penser que notre job était du tirage au flanc.
Le vent se lève, d’abord zéphyr qui contre à peine les effluves méphitiques qui montent du charnier. Puis, il se transforme en chinook, ce vent local chaud et violent. La paille et les brindilles gorgées d’essence qui offraient un feu rampant de faible ampleur prennent une soudaine importance. Les flammes feulent, grimpent, puis c’est un dragon qui s’empare de la muraille de flammes, de ses ailes membraneuses. Il cerne la horde qui fonce sans peur vers les flammes. Je faiblis, l’aquilon avec moi. Un torse dur et chaud colle mon dos. Quelques mots murmurés, je me laisse aller en arrière avec l’assurance de ne pas m’écrouler. Le vent reprend sa force et sa vigueur et dans un mouvement qui part d’un cercle, il attise un terrible incendie, carbonisant tout sur son passage en direction de la brèche. L’odeur est insupportable. Quand je m’écroule dans les bras forts qui me soutiennent, une autre horde se met en branle : celle des citoyens de ce havre de paix. Je les vois foncer sur les cendres chaudes, piétiner les cadavres figés pour aller combler la brèche. Je perds connaissance avant qu’ils n’atteignent la palissade. Je n'ai pas peur, je sais qu'Alex me protégera.
L’idée du druide avait fait son chemin sur le champs de bataille et les vivants s’organisaient pendant que les automates de chair continuaient de se déverser sur eux. L’enjeu était grand : soit la communauté de Beacon Hills venait engraisser les rangs des marcheurs, soient ils parvenaient à limiter les dégâts de la horde. La brêche dans la muraille vomissait des monstres en un jet continu, sans retenue, sans reprendre son souffle, comme un torrent inhumain. Une ligne de défense fut rapidement créée pour protéger ceux qui s’activait à rassembler les matériaux et comburants requis à leur manœuvre, et Alex insista pour faire partie de ce front, aux côtés de son compagnon. Quelqu’un lui avait déjà mentionné une armée antique, ou peut-être mythique, ou les soldats étaient des couples. Tactique qui, si sa mémoire le servait bien, en faisait l’un des corps militaires les plus craints. Peut-être étaient-ils également le mieux entraîné des bataillons, mais ce n’était pas le temps de jeter l’ombre d’un doute sur les combattants.
Le temps n’était plus aux retrouvailles affectueuses, mais à la survie. Si c’était un domaine dans lequel l’exilé avait excellé durant sept années, on ne pouvait pas dire qu’il en était autant pour son sens de la camaraderie, alors que gardes et civils semblaient toujours surgir de nulle part, le faisant sursauter et manquer de s’en prendre à eux comme à des zombies. Il n’avait pas l’habitude des alliés à ses côtés, et espérait s’y faire rapidement, comme il était plus déterminé que jamais à rester à Beacon Hills aussi longtemps que Brian aurait besoin de lui, ou qu’il voudrait du canadien.
Ébloui en un instant, sans être certain si c’était par les flammes ou le soleil qui venaient de monter en choeur dans les cieux, Alex suivit le mouvement de Brian, et du reste de l’avant-garde, en faisant de la place aux créatures immondes face à eux. Le mentaliste s’affala autant qu’il s’agenouilla devant le druide, laissant son arme rejoindre le sol à ses côtés en un bruit mat. D’un mouvement réflexe, le druide s’avança et posa la main sur l’épaule de Brian, serrant son emprise pour lui faire garder le contact avec la réalité. Lui donner un peu de sa force vitale, s’il en avait besoin. Après tout, le vieux souvenir de cette nuit passée à sonder les forêts à la recherche d’un monstre dont le nom lui échappait désormais, mais dont le souvenir des dents était encore bien présent; ce souvenir donc, d’avoir failli perdre Brian pour la première fois, et d’avoir éprouvé à ce moment un sentiment qu’il mit des lustres à identifier correctement, était bien trop vif à son esprit. Peu importe à laquelle de ses facettes Brian faisait appel, il était hors de question qu’Alex ne courre le risque de le laisser filer son âme hors de lui.
Le druide posa à son tour les genoux au sol pour mieux s’ancrer contre ce vent qui se levait violemment, alors qu’un chapeau fendait l’horizon devant eux. Dans les recoins de son champ de vision, il voyait leurs compatriotes faire de même, et résister aux bourrasques de Brian du mieux qu’ils ne le pouvaient, alors que le feu se muait en muraille. Les mains d’Alex avaient glissé autour du torse de Brian, soutient plus ferme et plus rapproché. Le tambourinement de leurs coeurs en écho l’un à l’autre ne servaient qu’à décuplé le dramatisme du moment, alors que l’adrénaline emplissait leurs veines. L’étreinte se raffermit alors que Brian semblait se détendre dangereusement, et que la poussière relevée par toute cette agitation ralentissait également sa course folle.
- Je serai là. Tiens juste un instant, encore.
Alex accusa le transfert de poids et posa son menton contre l’épaule de Brian, pour maximiser encore ce contact qu’ils s’étaient trop longtemps interdits. Comme un dernier souffle d’espoir, le vent se refit terrible et engouffra la horde sur son passage. Fier au-delà des mots, Alex songea au jeune homme qu’il avait connu et qui prétendait jadis n’être bon qu’à bercer quelques feuilles ou ébouriffer les cheveux.
- Tu as réussi. murmura-t-il à celui qui était tombé inconscient contre lui. Cela n’empêcha pas le druide de l’embrasser, à quelques centimètres de la jugulaire. Le nez enfoui contre la peau de Brian, l’odeur du charnier était presque tolérable. L’inaction ne semblait pas l’être par contre, comme on hélait le druide à se rendre utile. Alex étendit doucement Brian au sol et se releva pour vérifier l’état de son amant. D’autant qu’il pouvait en juger, le soldat n’avait souffert d’aucune blessure majeure, mais il était facile d’imaginer à quel point il l’épuisement avait eu le meilleur de lui.
- Viens m’aider! ordonna-t-il à un jeune gaillard qui passait non loin. Le mec semblait avoir des gènes de demi-géant, mais cela ne l’empêcha pas de paraître tétanisé lorsque, en s’approchant, il vit Brian.
- On doit trouver une infirmerie. Reste pas planté là, et aide-moi, je te dis!
Le jeune homme observa un instant Alex, qui se rapprocha de lui d’un air autoritaire. Le fermier le dévisagea un instant et sembla hésiter à dire quelque chose avant de daigner finalement donner un coup de main à l’ermite. Ils traînèrent Brian en silence, Alex surprenant de temps à autre des regards discrets dans sa direction. Le druide s’attendait à ce genre de comportements, après avoir retrouvé une communauté close où tous semblaient se connaître et la rejoindre après qu’ils aient, semble-t-il enfin réussi à reprendre la main contre le destin. Du moins, les jours qui n’étaient pas celui-ci. Au bout d’un moment, son aide improvisé sembla soulagé, sans qu’Alex ne détermine pourquoi. S’attendait-il à le voir se transformer subitement en vampire ou en Jack l’éventreur? Ils arrivèrent éventuellement auprès d’un campement de fortune, où des tentes étaient en train d’être dressées et sous lesquelles de petits lits de camp accueillaient déjà leurs premiers blessés. L’une des médecins s’avança vers eux et s’adressa d’abord au grand gaillard, avant d’interroger Alex.
- Les Fitzgerald te cherchent, Troy. Ils sont partis par là.
Le mec qui avait aidé Alex lui envoya un nouveau regard anxieux avant de détaler dans la direction que pointait la soignante. Une vague impression de familiarité naquit chez Alex, qui la chassa aussitôt. Son sourcil resta tout de même en suspens un moment, intrigué par le personnage qui semblait presque le fuir. Il avait rencontré bien trop de gens dans son errance pour que cette impression ne soit pas erronée. De toute manière, c’était au tour de Brian d’être au centre des attentions
- Il a quoi?
- Besoin de repos, surtout, je crois. Je peux vous aider.
Alex avait bien compris que la priorité était pour l’instant de réparer la brèche dans les fortifications, mais il ne pouvait se résigner à abandonner Brian hors de sa vue. Pas aujourd’hui. Pas après que leur première séparation depuis leur réconciliation se soit résolue en une telle horreur. La docteure observa un instant Alex, avant de lui répondre.
- C’est Cormier, c’est ça? J’ai entendu de bonnes choses sur toi. Je pourrai voir si tu mérites ces éloges, avant même de travailler ensemble, alors.
La dame avait un don pour lui mettre la pression. Alex la darda du regard et se mangea un éclat de rire en retour. Il ne savait pas ce qu’il craignait plus : que ce comportement venait de lui remémorer Macklins ou Mafdet? Il n’avait pas envie de redevenir la souris ou le jouet de qui que ce soit, et se contenta de hisser Brian sur un lit et de déposer une serviette humide sur son front. Pour autant que l’on puisse qualifier le torchon de serviette.
- Tu m’diras ce qu’il y a à faire, répondit-il ensuite, bourru, en détournant son visage de Brian. Il devrait certainement aussi dormir, à un moment ou un autre.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Mer 9 Déc 2020 - 21:09
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
C’est un mal de tête et des images angoissantes qui me réveillent. J’ai du mal à ouvrir les yeux, je peine à comprendre où je suis quand la dernière image que j’ai vue avant de perdre connaissance me revient comme une claque. Je me redresse sur un coude et le regrette immédiatement, cela tourne autour de moi. Je repose mon crâne sur la couche où je suis installé et ferme les yeux pour faire partir le vertige qui me submerge.
Aux plaintes et au brouhaha que j’entends, je devine être à l’hôpital ou dans une annexe. La municipalité avait organisé des blocs à part avec l’idée de sas et de zones isolées pour y mettre les patients potentiellement contaminés. Mentalement, je fais un inventaire de mon corps en contractant mes membres l’un après l’autre. J’ai mal un peu partout, mais la principale douleur se situe au centre de mon crâne. J’ouvre à nouveau les yeux, constate ma jambe de pantalon à demi remontée sur le mollet, pareil pour mon bras gauche. On m’a examiné sommairement, vérifié que je ne présentais pas de traces de morsure et laissé tel quel. Je suppose qu’il y a plus urgent que de nettoyer mes blessures qui me paraissent superficielles.
Je renouvelle ma tentative de me relever sur les coudes. Mon mal de tête se concentre dans une barre située au-dessus des yeux. Un liquide chaud coule de mes narines. J’essuie du bout des doigts, c’est poisseux et rouge. C’est le prix à payer pour utiliser mon pouvoir à grande échelle. Je bascule sur le côté pour que le flux sanguin ne retourne pas dans ma gorge. Un cri déchirant retentit dans mon dos. Je suis trop las pour me retourner voir ce qu’il se passe. Mais aux plaintes et aux suppliques, je comprends qu’un malheureux va perdre sa jambe à cause d’une morsure. S’il est encore temps…
- Alex !
Mon esprit vient de mettre un nom sur un sentiment de manque qui m’oppresse depuis que j’ai repris connaissance. Mon regard erre dans le champ de vision que j’ai. Il y a du monde qui s’affaire à soulager les blessés. Je m’inquiète, forçant ma mémoire à me souvenir s’il restait du danger quand ce fut le black-out pour moi. Je retourne sur le dos pour regarder de l’autre côté. J’ai bougé trop vite, le matelas, où je suis affalé, tangue comme si je naviguais par vent force six. Cela a raison de mon estomac, j’ai juste le temps de tourner le visage vers le sol pour vomir. Mon ventre se contracte, mon dernier repas est loin, je crache de la bile, l’amertume envahit ma bouche. En me redressant, j’aperçois un bout de chemise au motif familier au fond de la salle. Une femme m’empêche de mieux voir, elle me tend un verre d’eau.
Je somnole, allongé sur le dos. Alex est passé me voir. Cela m’a rassuré de le voir. J’aurais bien gardé sa main serrée dans la mienne pour l’éternité, mais des gens ont besoin de lui. Il ne devait pas travailler tout de suite, il est plongé dans le grand bain de la manière la plus brutale qu’il soit.
Je vois le soleil décliner à travers l’un des vasistas du gymnase où je me trouve avec les autres blessés légers sans risque de contamination. Un médecin m’a conseillé de rester allongé au moins un jour encore. Pourtant, j’ai envie de rentrer chez moi. Je m’en tire à bon compte, ce n’est pas le cas de tout le monde. Les plus terribles sont ceux qui sont revenus vivants avec une blessure qui pourrait être bénigne si ce n’était pas les dents d’un marcheur qui l’avait provoquée. Une blessure qui les conduisait à la mort. Pour rien au monde, je n’échangerais ma place de soldat avec celle des médecins dans ces cas-là.
J’aurais la force de rentrer, mais j’attends Alex. Lui aussi ne ménage pas sa peine. Si l’équipe médicale avait des doutes, ils sont maintenant amplement rassurés. Quelques personnes s’arrêtent à mon chevet, me remerciant de mon action. Je joue le modeste, affirmant que l’idée venait d’Alex et d’un effort collectif qui avait souligné la bravoure de chacun. Au fond de moi, je ne boude pas cette mise en lumière de ma personne. La reconnaissance des gens que je suis censé protéger a beaucoup de valeur à mes yeux. C’est un salaire comme ma solde de crédits.
Enfin, Alex me rejoint pour m’avertir qu’il en a fini pour la journée. La nuit est tombée. On nous propose de rester là. Mais nous refusons, prétextant que le deuxième cercle reste intègre et que nous serons plus à l’aise pour nous laver chez moi.
(…)
C’est quand je pousse la porte de la maison que je réalise pourquoi Machin ne m’accueille pas en jappant. Je sens la main rassurante d’Alex sur mon épaule. Lui aussi est harassé par sa journée. Mon exploit me fait gagner un jour de repos, il n’en sera pas de même pour mon compagnon. La souffrance ne prend pas de vacances.
J’agis par réflexes, insiste pour faire chauffer de l’eau pour prendre un bain qui délasse, et non qui contracte nos muscles endoloris.
- Tu as faim ?
On s’est affalé sur le canapé, moi allongé, la nuque calée sur les cuisses d’Alex. Sa main emprisonne la mienne. Nous attendons que l’eau chauffe. Truc ronronne sur mes genoux.
J’ai laissé Alex charrier les seaux d’eau jusqu’à la baignoire à l’étage. Je suis avec la lampe tempête, la mèche à son minimum pour économiser l’huile. J’ajuste la température avec l’ajout d’eau froide. Par chance, la citerne est encore pleine. Nous n’avons pas eu besoin de relancer la pompe à vent. Je m’approche d’Alex, pose mon front sur son épaule. La lumière chiche efface nos expressions dans un jeu d’ombres dansantes.
- Tu veux bien te baigner avec moi ?
Une pression des doigts, sa joue qui caresse la mienne, nos vêtements tombent et disparaissent dans la pénombre. Je laisse Alex entrer le premier pour le rejoindre et me caler contre lui.
- Je crois que le doc a raison : la position debout me réussit pas. Les vertiges étaient en train de revenir.
La tête posée dans le creux de l’épaule de mon compagnon, je me laisse aller au bien-être qu’apportent le bain et son corps rassurant dans mon dos. Sa main s’aventure sur ma peau avec un peu de savon. Je tressaille quand il effleure une éraflure, mais pour rien au monde je ne souhaite que cet instant s’arrête. J’emprisonne sa main libre qui est posée contre mon torse pour la porter à mes lèvres.
- Beaucoup de monde m’a demandé qui tu étais. J’ai répondu que t’étais mon compagnon. C’est correct ?
Alex aidait du mieux qu’il le pouvait et que son niveau d’épuisement le lui permettait. Il vaquait d’un alité à l’autre en tentant de passer près de Brian aussi souvent que possible pour s’assurer de son état, et multiplier les chances d’être présent à son réveil. Ce ne fut pas le cas. On avisa Alex que son protégé était revenu à lui et qu’on lui avait offert à boire. Le verre était toujours près de la civière, et le mentaliste semblait agité, comme s’il refusait de rester en place, ou tenait à se relever.
- Reste couché. C’est fini, là.
Le druide lui embrassa le front, incapable de se contraindre à aller vers les lèvres bileuses, bien qu’elles aient été rincées. Ça ne l’empêcha pas de prendre la main du garde et de la serrer entre ses doigts, comme si ce geste pouvait suffire à lui transférer un peu de son énergie, ou à lui redonner du courage. Certainement pas à amoindrir sa peine : Alex n’avait pas reçu la Morsure.
- Je reste pas loin, repose toi.
Le druide avait vu et entendu des choses horribles. D’autant plus horribles qu’elles lui rappelait sa chance, car ce n’était plus que de l’ingéniosité ou de la furtivité, mais bien de la pure chance, d’avoir survécu quelques sept années hors des barricades. Nombre de ceux qui étaient cloisonnés ici connaissaient un bien pire destin que Jenny, poignardée une vie auparavant pour quelques broutilles, et ses cendres avaient été inhumée rapidement derrière la cabane. Ces horreurs, pourtant, semblaient moins l’affecter qu’elles l’aurait fait une décennie auparavant. La fin du monde, et son errance l’avaient endurci d’une carapace où la compassion parvenait toujours à filtrer, mais qui bloquait semblait-il le dégoût qu’aurait dû faire remonter la vue de ces plaies et la sentence amputatoire, sinon pire, qui en découlait.
Quelques-uns de ses futurs collègues s’étaient présentés. Des noms qu’il avait tôt fait d’oublier dans ce brouhaha étourdissant. Il reconnaîtrait bien les visages, même une fois les traces de fatigue et de saleté dissipées, mais ne pouvait promettre davantage. C’était déjà bien suffisant. Une rumeur lui parvint abruptement lorsqu’on lui demanda si c’était à lui qu’on valait la trappe enflammée qui avait fait basculer le rapport de force en faveur des vivants, des défenseurs. Les sourcils arqués, Alex avait rendu à Brian ses lauriers : c’était lui qui avait joué le rôle pivot dans l’exécution de ce plan que le druide avait emprunté à une bourgade visitée des années auparavant. Et puis, c’était de toute manière grâce à la coordination de la population entière qu’ils avaient résisté, encore et toujours, à l’envahisseur.
Le druide avait eu son congé, et Brian aussi. Il alla le chercher et l’aida à se relever, pour repartir en direction de la maison, qui lui semblait à des années-lumières de l’hospice où ils avaient passé les dernières heures. La promesse d’un moment seuls ensemble était cependant une motivation amplement suffisante pour entamer cette longue marche. Ils étaient à peine sortis du dispensaire depuis une dizaine de minutes, peut-être quinze, qu’Alex eut envie d’offrir de s’arrêter et de s’allonger là. Ça aurait été imprudent. Ils devraient attendre au moins d’avoir passé la deuxième porte. En lieu et place, il se permit d’enfoncer un index entre les côtes de son amant. Il relâcha la pression aussitôt, en voyant la grimace de Brian, mais ne l’en réprimanda pas moins pour autant. Une réprimande gentille, presque joueuse, presque roucoulante.
- La prochaine fois, tu joues pas les humbles quand on te remercie d’avoir été un héros. Ça fait quoi, vingt, vingt-cinq ans que t’en aies un? Il était à peu près temps que quelqu’un s’en rende compte.
Brian protesta et Alex pouvait deviner l’empourprement de son visage au timbre de sa voix. Il le laissa chevroter quelques instants en continuant de jouer la carte de l’homme ordinaire, et la contribution de chacun, et le rôle crucial d’Alex, et que savait-il d’autre, avant de l’interrompre en lui saisissant la main.
- Si ce n’était moi, quelqu’un d’autre y aurait pensé. L’incinération n’est pas un secret chèrement gardé. Et j’étais sérieux. Je veux que tu acceptes les éloges et la reconnaissance des autres, et pas que la détourner. T’es encore loin d’avoir la grosse tête. On a la marge pour prévenir que ça t’arrive.
Le trajet se fit dans un silence relative, sans que leurs mains ne se sépare. S’allonger entre la seconde palissade et la maison sembla finalement être une aussi terrible idée et Alex n’en fit pas non plus part. Brian entra le premier dans la maison et se figea un instant sur place. Le druide lui saisit l’épaule et s’étira pour embrasser sa nuque. Plus reposé que le canadien dont le cerveau prenait la consistance d’une purée de pois, Brian s’activait dans la cuisine avant de leur donner la permission d’un peu de repos. La proximité entre les deux hommes se faisait moins maladroite à chaque instant, et plus naturelle, alors que le sofa lui offraient le plus confortable des appuis qu’ils aient connu dans les dernières vingt-quatre, quarante-huit heures?
- J’en sais rien. répondit laconiquement Alex.
Une réponse honnête. Son estomac avait l’habitude des jeûnes et de rouler à faible carburant. La faim lui était devenu un concept abstrait lié davantage à la survie qu’à la portion de son ventre qui était rassasiée. C’était pour cela qu’il avait eu tant de mal à digérer, les premiers jours de son retour à la civilisation. Des trucs trop cuits, trop riches, trop nourrissants, trop tout, en somme.
- J’dois retrouver la jument, demain. J’irai voir chez Derek. Et j’dois discuter avec son voisin, aussi. Puis j’irai aider à la reconstruction
Il comptait également demander à son ancien voisin une charrette ou quelque chose à atteler derrière Bidule ou… Chose Première, décréta-t-il mentalement, pour ramener diverses affaires de son ancienne cabane. Des cultures à transplanter dans son nouveau foyer, principalement.
La main à l’intérieur de la chemise de Brian, Alex ne savait pas comment il était parvenu à s’endormir, lorsque l’ancien Marine lui demanda de l’aider à remonter l’eau au bain. Le propriétaire des lieux était toujours affaibli, mais également ankylosé, sinon endolori et le druide ne rechigna pas son aide, sous les jeux d’ombres discrets de la lampe à l’huile. Recroquevillé contre lui, Alex ne pouvait lire l’expression de Brian alors qu’il l’invitait à partager la baignoire. Pas plus, lorsque le druide lui répondit, ou qu’ils commencèrent à éplucher leurs vêtements comme deux épis de maïs rosis.
- Pas l’choix de respecter les lois d’économie d’eau chaude.
L’envie de prendre possession de la bouche de Brian était grande, mais Alex parvint à se détacher de leurs cajoleries à temps. Le clapotis de l’eau était presque aussi doux que la chaleur qui l’enveloppa en commençant par les chevilles. La tiédeur du corps de Brian vint bientôt écraser Alex d’un poids qui était entièrement apprécié et désiré, faisant déborder légèrement la bassine dans laquelle ils se trouvaient. Le druide ne répondit pas à la déclaration à caractère médical de Brian, se contentant de le serrer contre lui d’un bras, pour le maintenir en position avec une force possessive qui peinait à réapprendre la douceur. De l’autre main, il s’était saisit de la savonnette et lui faisait explorer Brian. Lorsqu’elle lui glissa entre les doigts, l’exilé poursuivit son geste comme si de rien n’était, et embrassa le cou de son amoureux pour taire ses frissons lorsqu’il chatouillait une plaie. Ses baisers glissèrent contre l’épaule nue avant qu’Alex ne réponde enfin.
- Ça me va. Pour le moment. J’espère que ça évolue un jour.
D’un mouvement mal orchestré du bassin, Alex tenta de déplacer la pression de l’organe sensible coincé entre leurs corps, sans rencontrer un grand succès. La savonnette cogna le bout de ses orteils, menée par les vaguelettes, et repartie en sens opposé alors qu’une nouvelle salve de baisers prenait possession de la nuque de Brian, puis faisait une percée vers sa joue, sa mâchoire.
- Tu as pensé mentionner que j’ai un nom ? soupira-t-il avec taquinerie alors que Brian tournait la tête pour venir prendre possession de ses lèvres.
Alex cessa son geste de nettoyage, devenu automatique, et étira plutôt le bras pour aller récupérer l’objet qui flottait paresseusement devant eux, alors que la savonnette continuait de naviguer d’un pied à l’autre au rythme des ressacs. Un frisson traversa Brian, qui sembla réclamer plus ardemment le baiser qu’il était venu glaner, et Alex donna un nouveau coup de hanche, dans le but cette fois-ci de soulever Brian plus haut contre lui. Le garde frissonna en émergeant de l’eau chaude, et Alex le frictionna alors que sa verge venait se caler confortablement entre les fesses du soldat.
- J’ai envie qu’on s’aime. susurra-t-il sans s’attarder le moindrement du monde à la grammaire.
Être de contradictions, Alex relâcha pourtant sa prise. Les lois sur le gaspillage d’eau ne lui avaient toujours pas été démenties, et ils frôlaient tous deux l’épuisement. Sans oublier la journée qui les attendait et le carrelage qu’ils devraient minimalement éponger.
***
Il fallut un instant à Alex pour comprendre ce que faisait un matelas sous son corps, et à qui appartenaient la main qui le caressait, ou même le "pyjama" sous lequel elle s’était glissée.
- Brian marmonna-t-il d’une voix rauque en s’étirant pour chercher à tâtons le visage qu’il désirait embrasser. Il était encore trop fatigué pour ouvrir ses paupières et les soumettre à la luminosité qu’il devinait. Il roula ensuite pour se lover dans les bras de son amant. Il ne devrait pas flâner, il le savait bien, mais… C’était la première fois en une dizaine d’année que la personne contre laquelle il était blotti était celle à laquelle il pensait et dans les bras de laquelle il voulait se retrouver enlacé. Ce type de miracle lui semblait être un rêve éveillé.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Dim 20 Déc 2020 - 18:43
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Je me sens comme en apesanteur. La pénombre, l’eau tiède qui me caresse au gré de nos mouvements, sa joue collée contre la mienne, ses mains exploratrices, tout cela efface les images d’horreur de ces dernières vingt-quatre heures. Beacon Hills pleure ses morts quand, enfin, j’accède à un bonheur que je n’espérais plus. À ma question, Alex me rassure et pousse même sur un avenir plus impliqué. En réponse, j’appuie plus fortement avec ma nuque sur son épaule. Je sens la savonnette me frôler les fesses avant de repartir glisser ailleurs. Mon corps s’électrise et se tend au passage des doigts d’Alex sur ma peau. À mon tour, je lui rends ses caresses, glissant mes paumes sur ses cuisses, ses mollets, ou sur sa nuque en me cambrant au maximum, la tête en arrière pour capturer ses lèvres.
- Tu as pensé mentionner que j’ai un nom ? - Sûrement pas, d’autres pourraient te trouver !
J’ai l’impression d’être un vieux volcan qui se réveille d’une longue léthargie. Un brasier enflamme mon bas-ventre. Avec la complicité d’Archimède, je me frotte doucement contre sa peau, créant un ressac dans la baignoire qui ne tarde pas à déborder. Sa main qui m’empoigne me cambre plus encore avec un frisson délicieux qui m’électrise des pieds jusqu’à la pointe des cheveux. Il y a longtemps que je ne me suis pas senti aussi vivant. Ma main enserre celle d’Alex pour un contact plus appuyé. Son coup de reins me propulse vers le haut. Je ne résiste pas et au contraire accueille le mouvement. Sans honte, je laisse échapper un râle de plaisir quand je sens son membre durci frotter mes fesses. Une danse antique commence, inondant à nouveau la salle de bain. Ma main accélère celle d’Alex toujours agrippé sur ma verge. J’oublie la douleur des coups reçus, les entailles, seul mon mal de tête reste prégnant, gâchant mon plaisir.
- J’ai envie qu’on s’aime. - J’ai envie de toi…
Alors que la pression sur mon entrejambe s’enfuit dans une douce caresse, je réalise soudain que je n’ai plus peur d’aimer. Plus peur de faire l’amour. C’est comme si ce cauchemar du passé venait enfin de s’effacer de ma mémoire, ou du moins prendre la place qu’il mérite : une relique desséchée.
(…)
Quand l’aube pointe, j’esquisse un bâillement. Je n’ai réussi qu’à somnoler. Ma migraine est toujours là, plus atténuée que la veille. Cela me rassure, cela serait con de faire un œdème cérébral maintenant. À côté de moi, Alex dort, le souffle paisible. Je m’enivre de le regarder. J’étudie son visage comme on scrute une carte. Je suis les routes des rides qui ont éclos au coin de ses yeux, et les autres reliefs qui trahissent ces sept années passées loin de la protection des barrières. Quelques cheveux blancs près des oreilles trahissent les années qui défilent. L’approche de la quarantaine lui va bien.
Un renâclement retentit dehors : Bidule attend qu’on lui ouvre. Il n’est pas rare que les gardes de la deuxième palissade voient un cheval rentrer sans son cavalier. Cela donne généralement l’alerte. Bidule n’a pas dû être le seul. Je ne sais pas où s’en est allée la monture d’Alex. Son cheval est encore jeune et n’a pas encore exploré tout notre territoire.
Ils ne doivent pas chômer en ville. Avec la brèche et la pagaille qui a suivie, on est bon pour un recensement. Cela permet de faire le compte des absents. Beacon Hills tient à enterrer ses morts dignement. Le pire pour les survivants est d’imaginer un proche déambulant sans âme avec les marcheurs. Dans mes pires cauchemars, je retrouvais Alex ainsi, son corps en putréfaction animé par une faim insatiable, celle de la mort.
Je secoue la tête pour chasser cette vision et glisse la main sous la veste de pyjama de mon amant. Je veux m’assurer qu’il est bien à côté de moi et que je ne suis pas en train de rêver.
- Brian. - Je suis là.
Je roule sur Alex et l’embrasse, son beau visage entre mes mains. Les siennes se nouent sur mes reins.
- Bien dormi ?
Je mens un peu sur la qualité de mon sommeil. Mon mal de crâne s’estompe et j’ai la journée pour récupérer et la nuit qui suivra. Nous passons un moment sans rien dire, les yeux dans les yeux. Je lui souris, vole un nouveau baiser avant de me redresser et m’asseoir sur lui à califourchon. Mon sourire devient chafouin quand je sens, sous le fin tissu de nos vêtements respectifs, son érection matinale prendre en vigueur. Je me cambre un peu, accentue la pression de mes fesses, puis me lève en lui adressant un clin d’œil.
- Pas de sport le ventre vide !
Je me débarrasse vite fait de mon vêtement de nuit pour un bas de jogging noir et un marcel qui fut un jour blanc. Je laisse le placard ouvert à l’intention d’Alex et descends pour ouvrir à Bidule et m’occuper de lui. J’ai confiance dans Alex pour vaquer à la cuisine.
(…)
J’ai bouchonné mon cheval et remplis son abreuvoir, après l’avoir soulagé de sa selle et de son mors. Truc se toilette, perché sur un piquet. Mon regard s’égare sur la tombe fraîche surmontée de marguerites. Je me rapproche de la sépulture de mon chien et m’accroupis pour effleurer les fleurs. Leur changement de place orchestrée par Alex semble leur plaire : elles bougent avec plus de vigueur et leurs corolles cherchent à se glisser dans ma main. Une communication muette s’installe où il est question de présence et de continuité. Les roses en arrière-plan ne sont pas en reste. Machin aura eu une belle vie. Ensemble, nous avons passé bien des épreuves, pourtant, je pense qu’il n’a rien à envier à la vie des chiens avant l’effondrement.
J’entends Alex arriver dans mon dos, je me redresse. Ses bras m’entourent et son menton se cale sur mon épaule. Je me retourne entre ses bars pour l’enlacer à mon tour.
- Merci d’être là.
Quelques câlins plus tard, je me fais entraîner vers la cuisine. Je suis servi comme un roi sous prétexte que je suis encore pâle et donc convalescent. Je crois surtout qu’Alex ne supporte pas l’inaction.
- Prends Bidule, je n’en ai pas besoin aujourd’hui.
La terre avait arrêté de tourner et, pourtant, Alex avait l’impression que dix ans ne s’étaient pas produites. Brian et lui retrouvaient enfin une complicité taquine comme si c’était la veille qu’ils étaient allés à ce funeste réveillon de la Saint-Sylvestre. Lové contre le corps chaud de Brian, le druide bénissait le revirement du destin qui s’était joué à de si nombreuses reprises de leurs sentiments avant d’enfin leur accorder un moment de bonheur. Un moment qu’il espérait long, presque éternel, à savourer l’affection qui s’établissait à nouveau – ou peut-être était-ce en fait pour la première fois : Alex s’était raconté tant de chimères qu’il avait peut-être du mal à distinguer le vrai du faux dans ce qui s’était passé une décennie plus tôt - entre eux. Malgré leurs désirs, la fatigue l’avait emporté et ils étaient restés chastes, la veille. Avec le soleil qui perçait les rideaux de la chambre, et le repos de la nuit, il semblait être le temps de changer la donne. De consommer enfin la chair dont il avait si longtemps rêvé.
- Jamais mieux dormi. Et toi?
Il avait potentiellement exagéré, mais croyait fermement en ses propos. Brian s’était également bien reposé, et les mains d’Alex glissèrent avec une lenteur infinie sur les hanches pour se faire plus aventureuses. Leurs regards accrochés l’un à l’autre comme un astre nocturne sur son reflet lacustre, ils restaient paisibles. Après un crochet de leurs lèvres, Brian refit basculer Alex sur son dos, le dominant de sa taille. C’était trop pour l’exilé, dont les doigts s’enfoncèrent là où ils en étaient de leur parcours exploratoire pour saisir le mentaliste et le forcer à poursuivre.
Cet agace! Ce nigaud! Cet abruti! Cette fripouille! Ce gourgandin de première! Ce malicieux chafouin! Comment osait-il laisser de tels espoirs à Alex pour se détrôner aussitôt du siège druidique? Estomaqué, Alex le regarda faire, grogna en réalisant que Brian ne rigolait pas, et se tourna tout de même sur le coude pour profiter de la vue alors que son compagnon changeait de vêtements.
- Je vais t’en faire, un ventre vide! Et prend ton temps, y’a pas le feu...
L’oeil lubrique, il ne perdait pas un geste du garde, dont le moindre mouvement redessinait sa musculature sous un nouveau jour. Son désir revigoré, Alex serra les dents et se retint de plonger sur son hôte pour le ramener sur le matelas. Il savait qu’il ne pourrait convaincre l’ex-marine de revenir paresser sous la couette, surtout qu’il avait bien raison : ils devraient se sustenter. Le sommeil autant que la faim n’avaient pas forcément été bien respectés dans les dernières quarante-huit heures, et il vaudrait mieux les satisfaire avant de songer à une quelconque autre appétence. La main du druide se caressait nonchalamment le torse en observant le trop rapide strip-tease de Brian, et sa trop courte quasi-nudité. Il se laissa choir contre le matelas lorsque Brian sortit de la pièce. Il lui fallut un monstrueux effort de concentration et de volonté pour sortir du lit sans s’y attarder. Une fois la première miction effectuée, Alex put glaner des vêtements dans l’armoire du joli garde sans trop se soucier à savoir si c’était ou non dépareillé.
Il se dirigea ensuite au rez-de-chaussée, où il vit Brian par la fenêtre, occupé avec Bidule, et passa à la cuisine. Sourcils froncés, il nota quelques lacunes dans le contenu du garde-manger. Rien de dramatique, du moins pas pour celui qui n’en avait pas eu depuis sept ans. Il se garderait bien de l’admettre, prétendant que le monde avait été son garde-manger! Sauf que si les baies sauvages lui manqueraient rapidement, l’idée d’avoir accès à du grain était en soi euphorique. En une multitude de gestes lents, qui cherchaient leurs repères, l’ex-laborantin mit donc une casserole d’eau à bouillir, le temps de trouver ce qu’il cherchait dans les réserves de son petit ami. Il devait faire attention : il n’avait toujours droit qu’aux rations d’une seule personne, et Alex ne voulait pas les faire courir à la famine, bien qu’il se doutât de leur débrouillardise commune.
De la fenêtre de la cuisine, il avait pu voir Brian entrer la cour arrière et se diriger vers le massif de roses et le tertre de marguerites. Le repas était presque prêt, ils pouvaient se permettre d’attendre quelques minutes que cela refroidisse : Brian pourrait profiter de ce moment de solitude un peu plus longtemps. Alex servit donc le gruau fumant dans les bols, et entreprit de laver ce qui pouvait l’être sans jeter de nouveaux regards par la fenêtre, pour préserver ce moment intime pour son partenaire. La vapeur s’était amoindrie au-dessus des bols et lui indiquait que la température devait être plus adéquate. Il sortit donc pour aller rejoindre le joli brun, l’enlaça en passant les mains devant lui, profitant de la position accroupie de Brian pour s’appuyer sur son épaule. Le garde se releva et prit le druide contre lui.
- Merci d’être là. - Brian! Protesta le druide, en guise d’unique réponse. Malgré le ton, ce n’était pas un véritable reproche. Simplement un rappel que c’était lui qui devrait le remercier d’être resté ici; fidèlement, à l’attendre sans perdre espoir, à le supporter à son retour, dans ses maladresses de mésadapté; à le pardonner encore, et encore; de l’aimer malgré tout.
Ils s’attardèrent encore un instant devant ce qui fut Machin et faisait désormais partie de quelque chose de bien plus grand, avant que le druide n’entraîne son petit ami à la cuisine.
- Ça va être froid, et tu as besoin de manger, t’as encore l’air malade.
Le druide ordonna au garde de se laver les mains et en profita pour transvider un peu de son gruau dans le bol de son hôte. Il ne serait pas dit qu’il laisserait Brian mourir de faim, ou devenir chétif. Le garde aurait besoin de toutes ses forces pour survivre sur les murs. Le repas fut rapide, et ils s’échangèrent principalement des futilités, Alex détaillant ce qu’il comptait faire : chercher d’abord Chose Première, la jument, chez Derek. Si elle ne s’y trouvait pas, il retournerait vers la faille pour voir si elle était allée bien loin, en plus d’une journée. Même s’il la retrouvait rapidement, il comptait offrir de leur donner un coup de main pour la reconstruction. Si Brian était correct de prendre son jour de repos seul. Le policier semblait l’être, comme il offrit sa propre monture à Alex, qui se contenta d’abaisser le menton en guise de réponse, avant de se lever pour laver son bol et sa cuillère, en observant par-dessus son épaule les progrès de Brian vis-à-vis de son propre petit déjeuner.
- T’as bien mangé?
Le flic n’eut pas le temps de reposer son ustensile après sa dernière bouchée qu’elle lui fila des mains, rapidement suivie par le bol vide, pour amerrir ensemble dans l’évier. Le druide revint rapidement sur ses pas pour embrasser Brian, l’attirant vers lui pour le forcer à se relever.
- Sport, ordonna-t-il d’une voix erraillée par l’empressement, alors que le chandail qu’il portait atterrissait sur le dossier de sa chaise, pour en glisser quelques secondes plus tard. Le druide ne prit même pas la peine de viser, et le pantalon finit en tas un peu plus loin, son boxer toujours à l’intérieur de celui-ci. En chaussettes, Alex entreprit la complexe tâche d’engloutir Brian sous les bisous tout en lui retirant son haut. Il laissa Brian se libérer lui-même de son bas, sans perdre de sa passion, et lui barra les jambes des siennes dès qu’elles furent libérées de leur contraintes vestimentaires. De toute évidence, Brian était d’accord avec le plan d’Alex, qui lui libéra finalement les lèvres.
- Dis-moi c’qui te ferait plaisir. Y’a rien qu’j’aimerais plus qu’te le faire. Tout de suite.
Alex soupira, souffla alors que Brian le pressait un peu plus ardemment contre lui, et le druide s’enquit avec appréhension de savoir s’il préférait aller ailleurs : il n’avait pas envie de retarder encore ce moment déjà mis de côté trop souvent. La chambre était trop loin, songeait-il non pas avec son cerveau, alors que la porte vers la véranda était à quelques pas d’eux.
***
Alex avait repoussé la main de Brian lorsqu’elle s’était attardée avec curiosité sur les cicatrices à son torse, et avait pris possession de sa bouche avant qu’il ne puisse avoir le temps de formuler la moindre question. La diversion semblait avoir fonctionné, car alors qu’Alex se rhabillait, Brian lui mentionna simplement que les pantalons qu’il avait choisis ne convenaient pas pour une journée à cheval. Le garde offrit d’aller lui trouver quelque chose de plus convenable, le moral manifestement plus élevé qu’avant leur exercice, et Alex profita de ce moment pour nettoyer la cuisine à l’eau savonneuse. Il était en train de frotter un peu de gruau qui était tombé sur la cuisinière à bois lorsque le garde revint. Alex se changea rapidement, avant d’être à nouveau attiré dans les bras de son héros personnel. D’autant plus héroïque qu’il offrait de terminer le nettoyage, car Alex devrait filer. Le druide roula le bas des jeans trop long et fut escorté à l’écurie.
- Tu te reposes et tu prends soin de toi. Et bois beaucoup d’eau. Je…
Oh! Et puis bordel. Ils auraient pu tous crever déjà sans se l’être dit. Voilà qui aurait été idiot. Non. Ridicule. Comme si Truc lisait les pensées du druide, il lâcha un son mi-gazouillis, mi-ronronnement en sautant sur le toit de l’abri de Bidule.
- Je t’aime.
***
Alex avait fait ralentir l’allure de Bidule en arrivant sous le couvert forestier. Ils trottèrent doucement jusqu’au manoir fortifié, où le canadien héla son ami et ancien voisin par-dessus la palissade. Bidule piétinait sur place, dans l’attente, et Alex humait les parfums qui seraient toujours ceux de son chez soi, même s’il avait vécu très peu longtemps dans ces bois précis.
- ‘Lex! fit une voix par-dessus les murs. Alex lui répondit de vive voix, malgré la futilité de l’exercice. - Derek est là? Je dois lui parler un moment.
Ian avait laissé Alex entrer et, après une étreinte, s’était occupé de guider lui-même bidule en lui donnant des nouvelles de leur amie auburn et du poulailler. La compagnie semblait faire le plus grand bien au louveteau et s’il ne pouvait pas quitter le manoir et laisser Derek seul, pourquoi Derek n’engagerait-il pas un aide de ferme ou un truc du genre?
Derek accueillit Alex en le bourrant amicalement. Il prit rapidement des nouvelles, sans masquer son inquiétude, avant d’inviter le druide à se désaltérer avant de s’enquérir de la raison de sa venue, et de son nouveau chez-soi, l’oeil malicieux. Alex sentait-il… l’amour? Après avoir rassuré rapidement l’alpha sur son état physique et mental suite à la brêche, il répondit aux autres questions dans le désordre.
- Ça a été un peu rude au début, mais je pourrais pas demander mieux, là. Brian m’a embrassé et… présenté aux gens comme son petit copain.
Au commentaire du loup, les yeux du druides s’agrandirent comme des oboles. Il aurait bien aimé prétendre être en colère contre la rétention d’information qu’il devinait, mais il était principalement surpris et enfonça plutôt son poing dans les côtes de son ami, un sourire mutin aux lèvres.
- T’aurais pu dire quelque chose! Au lieu de nous regarder nous tourner autour comme des… des...
C’est Derek qui trouva le mot juste. Alex éclata de rire et étreignit de nouveau son ami.
- Voilà!
Reprenant son sérieux, le druide annonça la raison de sa venue. Les raisons, s’il fallait être précis.
- J’ai perdu ta jument dans le fouillis avec la horde. Avec Brian, on l’a surnommée Chose Première. Je voulais aussi savoir si y’a un moment où je pourrais t’emprunter une charrette pour ramener des plants de la cabane...
Chose Première, car une fois celle-ci débourrée, il y aurait Chose II, Chose III, etc. Du moins, si Derek faisait toujours assez confiance en son vieil ami pour lui laisser les montures à débourrer… Car si cette fois la jument était rentrée au manoir, l'inverse aurait signifier une perte majeure pour les Hale.
Devrait-il également demander un peu de fumier, pour fortifier le jardin de Brian, à son ami? Et une pelle, peut-être? Non, le garde en avait certainement déjà une dans sa remise. C’était tout à ce genre de considérations que le druide se laissa entraîner à l’intérieur pour une limonade.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Derek Hale Administrateur
Brumes du Passé : Loup Alpha Meute & Clan : Hale's Pack Âge du personnage : 31 ans
Meute & Clan : Hale's Pack Âge du personnage : 30 ans
Brumes du futur : Loup Alpha Meute & Clan : Hale Familly Âge du personnage : 39 ans
Alias : Big Bad Wolf (BBW) Humeur : Tourné vers l'avenir Messages : 9185 Réputation : 460 Localisation : Au manoir
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Sam 9 Jan 2021 - 16:59
Les amis
|•|•|•| (c) Fiche et montage par Mafdet Mahes |•|•|•|
I want answers. Did you ?
Alex Cormier
Brumes du Passé : Aware Humain Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : Charlatan de 31 ans
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : Druidon de 30 ans
Brumes du futur : Druide Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : Papy de 39 ans
Alias : Pichou Droïde Humeur : Serein Messages : 1537 Réputation : 425 Localisation : Hume les roses
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Mar 12 Jan 2021 - 1:08
- Je suis pas si contrariant! J’ai dit oui pour l’infusion, déjà!
Alex sembla hésiter à ajouter quelque chose, avant de changer de sujet pour parler de sa jument. Le Néméton n’était pas un sujet léger en ce jour, et le druide préférait ne pas tergiverser sur ce qu’il serait advenu s’il avait refusé de quitter son giron. Derek avait suivi et prouvait sa bonne humeur de moqueries bourrues. Le pèlerin était soulagé d’apprendre qu’il n’avait pas perdu le gagne-pain de son ami, et qu’il la retrouverait bientôt. Le loup-garou lui offrit même de prendre la charrette immédiatement et félicita celui qui emménageait avec son concubin. Dans un dégradé de rouge à écarlate, Alex bafouilla que c’était ça ou encore se faire engueuler de refuser un confort minimal. Cela changeait les plans du druide, mais il n’allait pas refuser une occasion de vérifier l’état de Brian avant d’aller voir à la brèche s’ils auraient besoin d’un coup de main.
Une fois désaltérés, il se rendirent à la jument, à la vue de laquelle le druide se surprit à ressentir un profond soulagement. Il lui passa les bras autour de l’encolure et murmura quelques mots doux à la bête, qui sembla d’abord craintive face à une telle effusion.
- C’est moi qui ai suggéré le numéro. Comme tu risques d’en avoir d’autres à me faire débourrer… Pis ça fait noble. Comme elle vient du manoir, tout ça...
Alex offrit à Ian de l’aider, imitant les gestes du garçon qui était bien trop content de revoir son aide de ferme favori. C’était sportif, et le quadragénaire n’était pas certain que l’exercice lui plaise. Cela devint nettement plus agréable dès que Chose laissa la place à Bidule. Le druide s’apprêtait à partir quand son ami lui offrit la paire de bras adolescente en bonus. Alex n’eut pas le temps de demander son opinion au louveteau que son poing se retrouva dans les côtes du loup. Malgré l’intention amicale, il réalisa bien qu’il y était allé un peu fort : sa fibre défensive était finalement ressortie de son sommeil. On ne se payait pas impunément la gueule de l’héroïque mentaliste.
- Tu nous l’enverras, alors. J’aurai besoin de lui parler, de toute façon. Lui demander de vous chicaner, Brian et toi, de pas avoir voulu devenir potes!
Une fois un semblant de sérieux revenu, Alex répondit enfin aux interrogations de son ancien voisin. Ça allait lui briser de coeur de dévaster le jardin et d’abandonner ainsi la cabane pour de bon, mais c’était le seul cours des choses qui était logique, dans l’état des choses.
- Alors Ian, ça te dit de venir avec moi?
Pas besoin d’être lycan pour sentir toute la sincérité dans l’enthousiasme du garçon. Pendant qu’il terminait d’installer les outils de jardin dans la carriole, Alex poursuivit avec l’autre adulte présent.
- Je vais repasser, ouais. J’ai encore à faire dans la clairière. Et j’aimerais que personne ne me suive cette fois.
Derek haussa un sourcil, auquel Alex répondit d’un froncement du sien avant d’hausser les épaules.
- Des questions qui ont refait surfarce avec la horde, expliqua-t-il aussi succinctement que mystérieusement.
Alex alla saisir la bride de Bidule et l’entraîna au pas dans une direction qui sembla perturber d’abord la bête. Il reprendrait Chose Première à son retour. À son prochain départ, plus précisément.
***
La route avait été calme. Ian avait posé une multitude de questions auxquelles Alex s’était efforcé de répondre aussi patiemment que sept années d’asocialité le lui permettait. À son grand soulagement, dès qu’ils furent arrivés à la cabane, les questions avait migré de sa personne à un sujet où le scientifique était plus à l’aise. Il entreprit donc d’expliquer l’utilité de ses herbes et plantes au louveteau. Lui montrer les petites différences subtiles entre des espèces parentes ou ayant opté pour du mimétisme. Lui montrer comment s’assurer de récupérer un plan avec délicatesse et fermeté, en préservant les racines autant que les tiges et les feuilles. Alex calculait l’espace qu’ils auraient besoin dans la charrette au fil de leurs préparations.
Il leur fallut un peu plus de deux heures pour tout préparer, dont aller récupérer des pots dans la cabane à demie effondrée, sous les protestations d’Ian et une soit-disant interdiction de son cousin, et autour. Lorsque le druide fut persuadé qu’ils auraient suffisamment de place pour son petit extra, son luxe, sa pensée spéciale, il annonça qu’ils avaient presque fini. Le garçon semblait en avoir marre, mais suivi tout de même son oncle ‘Lex jusqu’à l’ancienne cour arrière.
- On va ramener des framboisiers aussi. On les mettra vis-à-vis les essieux, comme c’est lourd, en essayant de pas écraser le reste.
Le druide fit creuser le louveteau, et s’occupa de tenir le ballant d’une main. Il remercia le Néméton d’avoir retrouver une vieille paire de gants miteuse avec les pots dans la cave, alors que la partie découverte de ses doigts se méritait des estafilades à chaque mouvement. Rien de bien grave, à peine quelques gouttes de sang. Ian offrit bien d’échanger les rôles, mais Alex refusa, prétextant qu’il était responsable du garçon, et que les plantes apprécieraient son dévouement.
Malheureusement, contrairement aux lilas à l’avant de la cabane, la talle* n’avait pas évolué en massif dense. En fait, les buissons de framboises semblaient avoir étouffé suite à l’avancée de la forêt sur le terrain qui avait jadis appartenu à Gabriel Cormier. Alex espérait pouvoir rescaper au moins l’un des plants pour le faire fructifier dans sa nouvelle demeure. Il était à peu près certain que cette gâterie saurait plaire à celui qui aura été son colocataire une durée record par sa courtesse.
Ian sembla retrouver sa bonne humeur à l’annonce de leur retour en direction du manoir, où il déposa l’adolescent avant de faire demi-tour pour s’enfoncer à nouveau dans les bois, bifurquant au bout de quelques minutes. Il prit tout juste la peine d’accepter de casser la croûte et assura qu’il ne serait pas bien long. L’astre diurne se rapprochait lentement du zénith, après tout, et l’estomac désormais habitué à un confortable standard ne se laisserait pas aussi aisément oublié qu’il avait appris à le faire durant des années.
La souche était là, toujours aussi vénérable, quoique son silence semblait aujourd’hui tenir de l’arrogance. Le druide retira ses chaussures et s’en rapprocha, marmonna dans sa barbe les mots appris au fil des ans, remerciant ce qui méritait de la gratitude, demandant ce qu’il était permis de demander. Le tronc restait muet, et la mâchoire d’Alex se resserra sous l’impulsion de ses sourcils. Une nouvelle salve de complaintes et de mots respectueux. Une nouvelle déférence, renouvelée encore une seconde fois, puis une troisième. Aucune réponse. Aucun souffle de l’Immatériel.
Cette fois, le poignard s’abattit dans la paume gauche, plutôt que contre ses côtes. Le visage crispé, Alex psalmodiait toujours, le poing fermement serré pour faire couler quelques gouttes de ce sang qui lui semblait pulser jusque dans son avant-bras. De la main droite, il se mit à tracer des formes. Qu’elles s’appellent des glyphes, des runes ou autre chose, il n’en avait que faire. Il établissait enfin, lentement, le contact. Il pressa sa main ensanglantée contre le bois, comme une marque de guerre primitive, et était sur le point de se relever, succombant à l’abandon, lorsqu’il sentit Sa présence. Une communication houleuse s’établit ; échange agité de demandes butées contre un mur de secret. Le druide se releva enfin, coléreux, le poignard pointé vers les bandes concentriques sur lesquels son sang séchait déjà.
- Tu devais nous protéger! C’est quoi cette attaque? On ne le mérite plus? Parce que j’ai trouvé à être un peu heureux, pour moi, enfin, finalement? Tu me boudes et c’est tout le monde qui doit en payer le prix? T’es qu’un jaloux!
Avec tous les sacrifices qu’il avait fait, toute la dévotion qui l’avait habitée, dans la quête non pas d’une solution, mais d’une réponse ou d’une explication. Un soin plutôt qu’un remède. Alex avait tenu sa part du marché, s’était rendu au bout de ce qui lui était demandé, et désormais il serait un traître car il s’accordait le droit d’aimer et de vivre?
- Je serai toujours là, tu le sais gronda-t-il entre ses dents.
Pire encore, il y avait une crainte réelle. Celle de n’avoir pas compris la mission qui avait été la sienne, ou les Mystères entourant le Néméton et les mouvements de zombies. Celle de ne pas savoir communiquer mieux avec les arbres morts qu’avec les humains vivants. Pire encore, celle d’avoir sombré dans la folie et de parler seul depuis des années. D’avoir tout abandonné pour rien. D’avoir risquer sa vie dans un pèlerinage aussi futile qu’inconscient. Mais le Néméton l’avait gardé en vie, toutes ces années; il lui avait montré les routes à emprunter pour une traversée sécuritaire de cette partie du continent. Pourquoi se refermait-il désormais et lui tournait le dos ? Non pas seulement à Alex, mais à Beacon Hills en entier? Croyait-il réellement en un abandon? Le disciple ne méritait-il pas une retraite dans ce havre calme et sécuritaire, plutôt que de subir le monde extérieur, comme un châtiment éternel?
Sans réponses, Alex décida de repartir. Il cueillit d’abord quelques pousses entre les racines du Seigneurial végétal. Quelques mousses et autres plantules qu’il scruta attentivement, pour s’assurer de bien les identifier, avant de le projeter entre ses molaires. Il les mâcha avec ardeur, et une fois qu’il y mit suffisamment de temps pour que les composés actifs soient libérés, il fut couler la bave verdâtre sur sa main. Une sensation fulgurante, comme une brûlure, lui indiquait que quelque chose était actif. Alex était confiant en son remède cicatrisant, mais il ne put s’empêcher de songer qu’il serait un peu stupide de s’empoisonner dans ces circonstances. Il resta encore un instant à méditer, et se releva plus serein.
- Bonne journée, mon Ami, déclara-t-il solennellement avant de remettre ses chaussures et de partir à la recherche d’un plan d’eau où laver sommairement son visage, ses bras et ses pieds.
Ian attendait Alex et lui ouvrit dès qu’il le vit apparaître, clamant qu’ils l’attendaient pour manger, et qu’il était affamé. Le druide fit naturellement comme chez lui et cassa la croûte avec ses deux amis. Lorsque Derek lui demanda si ses recherches avaient été fructueuses, le druide hocha la tête.
- Je n’ai pas eu de réponse. Je suis trop caractériel.
Derek sembla surpris, mais Alex se souvenait toujours d’un commentaire similaire que Mafdet lui avait fait il y avait une grosse décennie. Ou était-ce trop émotif? Angoissé? Peu importait. Il était imparfait, et ses failles lui jouaient parfois de vilains tours, comme à n’importe qui. Il valait mieux dévier la conversation, car il n’y avait plus rien d’intéressant à dire sur le sujet. L’oeil malicieux, Alex se tourna vers celui qu’il aurait aussi bien pu appeler son neveu.
- Ian, tu sais s’il y a quelqu’un qui fait battre le coeur de Derek?
Si l’alpha s’était refusé de donner un coup de pouce au destin, il n’était pas dit que son ami lui rendrait la pareil. En exil, il avait appris à ne pas toujours jouer selon les règles. Un apprentissage rude pour l’homme cartésien qu’il avait été.
*:
(Québec) Groupe d’arbres, de plantes, d'arbrisseaux fruitiers ou de végétaux d’une même espèce qui croissent de manière très dense dans un endroit donné ; cet endroit.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Derek Hale Administrateur
Brumes du Passé : Loup Alpha Meute & Clan : Hale's Pack Âge du personnage : 31 ans
Meute & Clan : Hale's Pack Âge du personnage : 30 ans
Brumes du futur : Loup Alpha Meute & Clan : Hale Familly Âge du personnage : 39 ans
Alias : Big Bad Wolf (BBW) Humeur : Tourné vers l'avenir Messages : 9185 Réputation : 460 Localisation : Au manoir
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Jeu 21 Jan 2021 - 22:42
Les amis
|•|•|•| (c) Fiche et montage par Mafdet Mahes |•|•|•|
I want answers. Did you ?
Alex Cormier
Brumes du Passé : Aware Humain Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : Charlatan de 31 ans
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : Druidon de 30 ans
Brumes du futur : Druide Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : Papy de 39 ans
Alias : Pichou Droïde Humeur : Serein Messages : 1537 Réputation : 425 Localisation : Hume les roses
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Mar 26 Jan 2021 - 21:28
Derek soupirait. Ian hésitait. Alex attendait. Même si il se montrait taquin, il y avait un fond de sincérité derrière sa question. Peut-être même d’inquiétude. Maintenant que le druide avait trouvé son petit coin de bonheur, il ne pouvait que souhaiter la même chose à ses amis. Tout le monde avait besoin d’amour, même les loup-garous, même les grognons, même les ermites, même les alphas. Surtout que Derek ne rajeunissait pas plus qu’Alex, et qu’il lui faudrait éventuellement songer à fonder sa famille s’il voulait agrandir sa meute. Ian se satisfit ensuite de hausser les épaules d’ignorance, et ce fut au tour du voyageur de soupirer. Si ses chaussures n’étaient pas en si mauvais état, il en aurait peut-être lancé une derrière la tête du loup. Si ils n’étaient pas à table, non plus.
Manifestement peu désireux de s’attarder sur le sujet, Derek sauta sur le thème de la charrette, imitant le jeu du coq et de l’âne auquel son ami venait tout juste de se prêter. Le druide hocha de la tête pendant qu’il terminait de mastiquer sa bouchée, pour montrer qu’il avait bien compris. Un sourire aux lèvres, il menaça ensuite son ancien voisin :
- Et si j’oublie, tu seras obligé de venir nous rendre visite?
Alex crut lire un brin d’espoir dans le regard de Ian, tourné vers son tuteur. La tentation était présente de forcer Derek à sortir de son antre pour sociabiliser, mais n’était pas comparable à l’envie de partager un repas avec son ami et son amoureux. Jouer les hôtes, même si ce ne serait ridiculement rien en comparaison à l’hospitalité que Derek avait offerte au druide, à son retour.
- Tsss tant que tu veux, je trouverai quelqu’un qui saura vous aider ici et te rendre heureux. Je dois bien ça à mon plus vieil ami.
Plus vieil ami encore vivant, à tout le moins. Si le ton du druide n’était aucunement tranchant, il mit tout de même fin à la conversation en se levant pour ramasser les plats et les couverts. Il avait encore beaucoup de travail devant lui, car il préférait replanter ses végétaux le plus rapidement possible et leur éviter une nuit hors de terre. Il s’excusa donc et alla préparer son petit convoi, aidé de ses amis. Il les étreignit ensuite, et monta sur Chose Première. Un coup de talons, un dernier signe de la main, et il reprenait la route qui était désormais celle de sa maison, Bidule dans son sillage.
***
Chose Première s’était montrée collaborative, et semblait doucement se faire à la présence et la manière d’être d’Alex. Ou alors c’était le druide qui avait pris en confiance et en maîtrise. Plus vraisemblablement, les deux options étaient simultanément vraies, en proportions indéfinissables. La route se passait donc bien, malgré qu’Alex ait abandonné son plan premier de donner un coup de main aux barricades et n’avait donc pas bifurqué vers la muraille. Il pourrait toujours expliquer qu’il jouait les infirmiers auprès de Brian et que, de toute manière, il comptait aider à la reconstruction dès qu’il en aurait l’occasion.
Arrivé aux abords de son nouveau quartier, Alex vit une silhouette à cheval qui se dirigeait dans la même direction que lui, mais d’un angle différent. Il en conclut qu’elle arrivait du centre-ville. Alex suivit la personne sans presser sa monture, de crainte que Bidule n’augmente également la cadence et fasse le fouillis dans le contenu de la charrette. C’est un piaffement de Chose Première qui trahit la présence du canadien. Alex se redressa sur sa selle alors qu’on se rapprochait de lui.
- Alexander Cormier, c’est bien ça? - Alex seulement.
Alex acquiesça et la dame se présenta à son tour. Elle expliqua qu’elle les cherchait, Brian et lui. Le druide alla se placer à côté de celle qui se révéla être une collègue du marin, et lui demanda pour quelle raison elle désirait s’entretenir avec eux. Le druide se renfrogna légèrement. Tout arrivait soudainement très vite. Il venait de rentrer au bercail, s’était à peine réconcilier avec Brian, et voilà qu’elle leur disait que le gouverneur les convoquait, ainsi que tout autre foyer, à une réunion le lendemain soir afin de trouver des familles ayant la capacité d’héberger un ou quelques orphelins. Si le mot n’était pas dit, Alex trouvait tout de même que le terme adoption était dans l’air. Il se contenta de pincer les lèvres, sourcils froncés. Brian connaissait mieux les gens ici, et était de toute manière un meilleur diplomate que lui. Peut-être trouverait-il quoi répondre à cette messagère. Certes, ils ne perdraient rien de s’y présenter, et Alex pourrait même y rencontrer quelques personnes supplémentaires, mais en avait-il réellement envie?
Lorsqu’il posa le pied au sol, Alex se contenta de faire signe à la femme qu’elle pouvait toquer à la porte. Pendant ce temps, il libéra Bidule de sa charge et lui gratta l’encolure, avant de s’occuper de Chose Première. Une fois qu’il eut pris soin des bêtes et se fut assuré qu’il les avait bien stationnées, Alex entra à son tour dans sa demeure.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Ven 5 Fév 2021 - 22:54
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
C’est agréable de ne pas déjeuner seul. Alex remplit la cuisine par sa présence attentive. Les bruits de la casserole sur la cuisinière à bois, celui des bols qui s’entrechoquent apporte de la vie dans cette pièce qui a trop souvent écouté mes monologues. Même mes animaux de compagnie étaient devenus muets, la vieillesse sans doute.
Alex est aux petits soins pour moi, je savoure mon gruau autant que sa prévenance. En à peine 48 heures, notre relation a avancé d’un bond de géant. Cela me réjouit, me peine aussi d’être passé à côté de ce bonheur pendant dix longues années. Si ce virus n’avait pas tourné à la pandémie mondiale, nous serions un vieux couple. Enfin, c’est ce que je me plais à imaginer. À moins que je me trompe et que la vie d’avant aurait réussi à nous séparer pour des motifs qui nous apparaîtraient bien futiles maintenant.
- T’as bien mangé ?
Si le druide est attentif à ce que j’ai englouti, il est aussi prompt à me débarrasser de mon bol. L’objet de son empressement tient en un seul mot :
- Sport !
L’allusion à ce que j’ai dit en me levant tout à l’heure me fait rire. Je réponds à son baiser sans réticences ni hésitations. S’il y a bien une leçon que j’ai apprise dans ce monde, c’est de ne jamais remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même. Il est important de vivre sa vie au présent. Le même raisonnement doit passer sous le crâne du druide dont les vêtements volent aussi vite que c’est possible, le laissant en chaussette, la grand-voile dressée sans pudeur. Dans mon pantalon, le mât de beaupré ne demande qu’à fendre l’air et s’engager à l’aventure. Néanmoins, je suis plus lent à la détente.
En hortatores, ses mains s’attaquent donc à mon chandail tandis que ses lèvres semblent vouloir me dévorer et me goûter. Docile, je lève les bras et reçois ces baisers avec ravissement. Un agréable frisson parcourt mon échine quand ma peau se retrouve libre de tout tissu. Sans tarder, mes doigts égrènent les boutons de mon pantalon qui glisse le long de mes jambes après quelques reptations du bassin. Deux paires de chaussettes se font face, tandis que plus haut, deux bouches répugnent à se séparer.
- Dis-moi c’qui te ferait plaisir. Y’a rien qu’j’aimerais plus qu’te le faire. Tout de suite.
Je réponds avec des gestes, une main collée à ses reins pour le coller contre moi, je me hisse sur la pointe des pieds et glisse mes fesses sur la table poussant les quelques miettes qui sont restées. Mes bras entourent ses épaules, mes cuisses ses hanches.
(…)
Le canapé a succédé à la table de la cuisine. Le nez dans son cou, je reprends mon souffle, le cœur battant encore à la chamade. Notre danse s’est terminée, moi l’écrasant de mon corps. Je le soulage de mon poids, collant mon flanc sur la mince parcelle de banquette libre avant la chute sur le sol. Ce sont mes doigts qui découvrent l’anomalie pourtant bien évidente sur son torse. Trop pris dans la passion qui m’a emporté, je n’avais pas remarqué les cicatrices. Trop régulières pour être un accident. Acte volontaire ou torture subie ? Ses lèvres scellent la question qui éclot sur ma bouche. Quand il s’écarte, je remarque qu’elles n’ont pas toutes la même fraîcheur. La scarification n’a pas été faite en une seule fois. Ce constat écarte l’action d’autrui et plaide pour une automutilation. Je ne sais pas ce que cela représente à ses yeux. Ses échecs ? Ses serments ? Je garde pour moi mes questions. Vivre au présent ne signifie pas brûler les étapes. Je regarde son corps disparaître sous les vêtements.
- Je vais te chercher une autre paire de pantalons. Celui-ci va te comprimer les couilles sur la selle.
Je n’ai pas viré mes slims pour économiser les autres jeans à coupe droite. Détail insignifiant qui pourtant fait la différence quand on passe plus de huit heures sur une selle. J’en avais commandé directement à Mafdet confrontée aux mêmes soucis de confort que moi. Ce délit, maintenant toléré, du troc direct m’avait permis de me vêtir jusqu’à la fin de ma vie si je prenais soin de mes pantalons.
- Tu avais posé des fringues chez Derek avant de partir ? Je crains que ta cabane se soit fait piller.
Ma question est factuelle et suit une logique pratique non mercantile quant au prêt de mes affaires. Je tire Alex de ses préoccupations ménagères. Il change de pantalon devant moi. J’arrive à la conclusion que même s’il a stocké les affaires qu’il n’a pas prises en partant, il faudra certainement demander à Betty de les reprendre au niveau de la ceinture. Betty Harrington est la référente couture. Elle anime des ateliers couture et planche depuis quelques années sur un métier à tisser viable. Je lorgne vers la silhouette de mon amant. Le petit bedon qu’il a récupéré avec les années est un cale tête très confortable. Je le sais, car j’ai testé. J’ai conservé ma sangle abdominale grâce à mes chevauchées et la pratique du sport que je n’ai jamais abandonnée.
- Je vais finir de nettoyer.
Je sors avec Alex pour l’aider avec les chevaux. Alors qu’on s’affaire, il me dicte ses recommandations. Une mère poule. Je n’ai pas envie de le laisser partir, même si je le sais en sécurité. Le deuxième cercle est en principe intègre. Mais nous avons tant de bonheur à rattraper !
- Je t’aime.
L’air me manque, tant il me prend au dépourvu. Je veux lui dire la même chose, mais la seule chose que mon corps accepte de faire est de hocher la tête comme un idiot. En vrai, l’émotion me noue la gorge et j’ai trop honte de parler avec des sanglots dans la voix. L’oppression passe quand Alex a déjà les fesses posées sur le dos de Bidule. Alors j’accroche sa main pour qu’il se baisse. J’approche ma bouche de son oreille.
- Je t’aime, prononcé-je dans un souffle à peine audible.
Je reste planté sur le trottoir bien après qu’il ait tourné au bout de la rue. Truc vient se frotter contre mes jambes en ronronnant.
- C’est con que Machin ne soit plus là pour profiter de ce miracle.
Mon chien aurait été moins seul. Un chatouillis agace ma lèvre supérieure, mes doigts se poissent de sang en cherchant à me gratter. Je saigne du nez. La présence d’Alex avait relégué mon mal de tête loin. Les conséquences de mon « exploit » de la veille sont sérieuses. Je regarde autour de moi : personne. Rien d’étonnant dans ce quartier qui a conservé une réputation de maudit. Tous les habitants de ce coin-ci de Beacon Hills ont fait partie de la première vague de contaminé : les patients zéros, comme ils seront nommés plus tard par les scientifiques. Si je vérifie être bien seul, c’est parce que je vais suivre à la lettre les recommandations d’Alex, mais pas de la manière qu’il imaginait en jouant les protecteurs.
(…)
La bouilloire siffle sur la cuisinière. Truc s’agite et s’obstine à rester dans mes pieds. Dans l’un des bols lavés plus tôt par Alex je disperse trois pincées d’un mélange pris dans un bocal de verre sans étiquette qui dort habituellement sur la plus haute étagère du garage. C’est un mélange de plantes, une mixture que je tiens de Jansen. Valériane, Camomille et un soupçon de belladone. Ce n’est pas une infusion soignante, mais une sorte d’anesthésie pour une opération plus douloureuse. J’ai tu à Alex la gravité de mes céphalées, car j’ai un remède que même les hôpitaux d’avant l’effondrement ne possédaient pas. J'y ai eu recours seulement deux fois. Pendant que la mixture infuse, j’attrape Truc et le love contre mon torse.
- Tu sais ce que tu as à faire.
Miaulement de désapprobation du félin qui n’aime pas bosser. J’ai bu tout le bol et jeté la macération sur le tas de compost. Dehors, la température est clémente, je me déshabille pour me retrouver en boxer. Après avoir posé mes affaires soigneusement pliées sur l’un des transats de la véranda, je m’avance pieds nus vers les rosiers. J’ai besoin des roses, de leur sève qui a le don incroyable de réparer les tissus végétaux. Une partie de mon ADN est compatible avec mes précieuses fleurs. Je m’allonge à leurs pieds, les sens émoussés par ce que je viens de boire. Elles commencent par leurs salutations habituelles avec des effleurements doux sur ma peau, à m’enivrer de leur parfum envoûtant me collant leurs corolles sous le nez. Une conversation muette s’est installée. Puis, leurs épines qui se ramollissent toujours à mon contact ou ceux qui sont considérés comme amis se durcissent, plus solides que des clous. Mon corps embrumé par l’infusion toxique s’arque boute à l’intrusion. La douleur que provoquent les excroissances qui s’incrustent dans mes veines me fait perdre connaissance. Je sais que Truc me mordra jusqu’au sang s’il le faut, si le besoin de me réveiller devait devenir urgent.
(…)
Je serre l’oreiller contre mon torse. Je suis resté inconscient presque trois heures à en croire la position du soleil dans le ciel. Le retrait des dards végétaux avait été déplaisant, mais pas si douloureux. Par une symbiose étonnante, les roses savent préférer les veines aux artères. Où, une telle intrusion conduirait à une hémorragie fatale. Le danger de cette « thérapie » n’est pas le manque d’asepsie, ou l’aspect barbare, mais la symbiose. Un état d’où je pourrais ne pas revenir. C’est pour ça que Truc m’a veillé avec un sérieux que l’on ne prêterait pas à un simple chat. Il a suffi d’un coup de langue râpeuse dans mon oreille pour me rappeler à la conscience.
Après avoir bu un bon litre d’eau, je suis allé m’allonger sur lit en proie à un feu liquide circulant dans mes veines. Seulement, malgré la douleur, je sais que je vais mieux. La tempête sous mon crâne s’est calmée. Je ne sais pas quelle chimie opère dans mon corps et je n’ai jamais évoqué mon état à qui que ce soit d’autre déjà au courant avant la catastrophe. Cela se résumait à Dick avant qu’Alex revienne. Truc s’est collé contre mon dos en bonne bouillotte féline. À travers mes paupières mi-closes, je vois les affaires d’Alex sur le sol, celles qui portent les traces du combat contre la horde. Dans mes souvenirs, il s’était déshabillé dans la salle de bain. Peut-être une facétie de Truc qui s’amuse parfois à balader les vêtements. J’ai bandé les plaies laissées par les roses. Trois au total : une à l’avant-bras, une autre sur la cuisse et une à la cheville. Ce soir la cicatrisation devrait être suffisamment avancée pour passer l’inspection druidique.
Je ne cherche pas particulièrement à cacher à Alex ce que j’ai fait, seulement cela a un côté trop intime pour que je sois à l’aise à ce qu’il assiste à cela. Je dois encore apprivoiser ce couple encore tout frais. Je paresse au lit, puis quand le soleil commence à raser le bas du cadre du Queen Anne's Revenge, je me décide à me lever, histoire d’avoir le temps de préparer à manger. J’ai envie de faire plaisir à Alex, j’entreprends de faire une tarte aux pommes. Le plus délicat dans cette préparation est la cuisson dans un four à bois.
(…)
Truc miaule, il est la meilleure alarme que je n’ai jamais eue. Mon sourire se fige, quand en regardant par la fenêtre, je trouve Alex en train de discuter avec Jézabel. Elle est garde comme moi. Que vient-elle faire ici ? La horde serait revenue ? Dans ce cas, la cloche aurait sonné.
(…)
Ma collègue est repartie, non sans avoir prononcé des mots amicaux sur nous deux et sur le bonheur qui rayonnent de nos personnes. Difficile de savoir si elle est sincère ou tente seulement de nous amadouer. La question des orphelins est délicate.
Le repas est bien plus silencieux qu’il ne l’aurait été sans l’intervention de Jézabel. Alex m’a fait un superbe cadeau avec un plant de framboisiers. Je ne gâche pas sa joie en lui avouant que si je n’en ai pas planté, c’est parce que trois maisons plus loin il y en a plusieurs plants qui ont bien prospéré, entretenus par ma gourmandise. Par un tacite accord, nous ne parlons pas du sujet sur lequel nous devrons trancher demain soir. Alex m’expose ses projets de plantations.
- Tu fais ce que tu veux dans le jardin. À part les roses, je n’ai pas d’attache particulière à ce que tel plant soit à tel endroit. J’ai déjà débordé chez mes anciens voisins, mais on peut encore reculer la palissade à l’est. Je ne l’avais pas fait, car aucune fenêtre ne donne de ce côté sinon les vasistas du garage. On m’a souvent volé mes fruits et mes légumes… Quoique ça s’est calmé depuis deux – trois ans.
Alex a apprécié ma tarte. Je suis lové contre lui sur un transat. Nous regardons les étoiles éclore dans le ciel, Truc roulé en boule à côté. Mon nez dans son cou, ma main enfouie sous son t-shirt, je savoure l’instant présent. Mon mal de tête a complètement disparu. Merci mes roses. C’est un moment de câlins tendres, moins empressés que la ferveur qui nous a animés ce matin. La promesse de dormir ensemble ce soir et ceux qui suivront nous permettent de ralentir le rythme, de prendre notre temps. Mais voilà que le gouverneur bouscule notre vie qui commence à peine.
Ni Alex ni moi ne sommes ciblés comme ayant une activité sédentaire, une activité qui permet de rester chez soi ou pas très loin. Un mode de vie propice à la création d’une famille.
- Ça dut être l’hécatombe…
C’est le moment de venir s’installer à Beacon Hills. Du bout des doigts, je caresse la joue barbue d’Alex. Je ne sais pas ses envies en la matière. Il m’avait semblé être contrarié par l’exposé de ma collègue. Est-ce l’idée de recueillir un enfant qui l’ennuie, ou l’autorité qu’il y a derrière l’invitation à le faire ? Le sujet est délicat et colle déjà une pression sur notre couple. J’ai un avis, mais je ne veux pas qu’Alex me suive pour me faire plaisir.
- Je me suis toujours juré d’être un meilleur père que celui que j’ai eu…
Ce qui n’est guère difficile.
- Puis j’ai cessé de penser à la paternité après que…
Je fais un geste pour résumer ce que je n’ai pas envie de mettre en mot. Alex comprend de quoi je parle, je sens son étreinte se resserrer.
- S’ils font appel à nous, c’est que les foyers plus adaptés vont être saturés.
Les étoiles peinent à éclairer le jardin. C’est la nouvelle lune. Il fait très sombre.
- On va se coucher ? Et quoi qu’on décide, sache que je t’aime.
Le sourcil grave, Alex observait à travers la fenêtre la Jézabel qui s’en retournait poursuivre sa mission de messagère. Il soupira lourdement, comme s’il tentait d’évacuer son poids en air, avant de faire face à Brian. Il l’embrassa rapidement sur le coin de la mâchoire.
- Comment tu t’sens?
Il n’avait même pas eu l’occasion de prendre connaissance de l’état de son compagnon à son arrivée. Enfin. Pas réellement : il était évident que le garde répondrait qu’il allait bien à sa collègue. Rassuré, le druide accepta ensuite de suivre Brian à table, où les fumets lui avaient déjà bien ouvert l’appétit.
Il fallut un moment avant que la conversation ne démarre réellement. Alex tâta d’abord le terrain en annonçant qu’il avait récupéré le vieux framboisier de chez son père, puis il s’avança sur le contenu du reste de la charrette, qu’il avait récupéré dans le but de le transplanter ici. Il s’anima tranquillement, sa morosité laissant place à un enthousiasme à peine réfréné. Même lorsque Brian voulut se décharger de toute responsabilité concernant les cultures, Alex ne se renfrogna pas plus d’une seconde. Il eut à peine le temps d’abaisser un sourcil assassin qu’il se ressaisit, un sourire mutin aux lèvres.
- Espère pas t’en défiler aussi facilement, Colo! C’est chez toi. Tu connais mieux les lieux.
Sans même songer à lui faire un procès d’intentions, Alex se pourlécha les babines à la vu de la tarte qui apparaissait devant lui. Peut-être que Brian souhaitait ainsi détourner le sujet. Peut-être qu’Alex préférait croire qu’il avait envie de lui faire plaisir avec une petite attention. Après tout, c’était là la vérité !
Le repas terminé, le druide insista pour reprendre là où il avait cessé. La discussion n’était pas close et le Cormier avait la tête dure comme du bois vert. Il entraîna donc Brian à l’étage, alternant les pièces pour avoir une meilleur vue de la cour arrière, déjà agrandie, de Brian, et des aménagements qu’il comptait y ajouter. En retirant telle autre clôture, ils gagneraient en luminosité, et Alex pourrait récupérer les panneaux de bois pour délimiter quelques carrés du potager ou du jardin d’herbes. Il aurait également pu s’en servir comme allée entre les rangs, mais cela lui semblait être du gaspillage. Le marin avait toutefois eu raison sur un point : Alex avait totalement négligé la section à l’est, ne l’ayant pas aperçue lors de ses passages précédents aux fenêtres. L’avis de Brian se faisait timide et pragmatique, mais énoncer à voix hautes ses pensées aidait le druide à les organiser et à y voir clair. Il retournerait inspecter la zone cachée le lendemain, pour se faire une meilleure tête de la luminosité de l’endroit. Beaucoup de plantes préféraient la lumière matinale, plus douce, à celle du midi. En redescendant l’escalier, une nouvelle idée jaillit de la tête du bougon.
- T’as pas pensé te… nous faire un poulailler? Ça doit pas être difficile à entretenir...
Si un gamin comme Ian pouvait être en charge d’une telle activité, deux hommes de leur âge devraient gérer. Un minimum. N’est-ce pas? Et puis, ça restait définitivement plus simple et moins encombrant que de s’improviser bergers. Alex ne savait pas trop d’où lui venait cet intérêt soudain pour les ovidés, hormis sinon de l’attrait d’une bête qui serve à la fois de source de vêtements et de nourritures, mais il se doutait bien que ça lui passerait. Et qu’il valait mieux ne pas trop chambouler la quiétude de Brian. De plus, les mammifères ne manqueraient pas de nécessité une présence plus assidu que la volaille.
Le druide était rapidement retourné à la charrette et, avec l'aide de Brian, avait transféré ses vieux vêtements, récupérés chez Derek qui les avait entreposés durant 8 ans, dans l'armoire de la chambre des maître. Si, d'un point de vue complètement pragmatique, cela lui éviterait de devoir constamment emprunté le linge de Brian, cela avait aussi une espèce de symbolique dans laquelle il prenait possession des lieux et s'installait véritablement dans son nouveau chez lui. Son coeur battait fort d'excitation dans sa poitrine, mais il n'aurait su l'admettre.
Alex eut à peine le temps de s’enquérir de l’endroit où Brian avait rangé sa pelle que celui-ci l’attira plutôt vers la farniente. Les protestations de l’ermite se butèrent à un mur d’arguments solides. Il était tard, ils n’y verraient rien, ils étaient fatigués, les plants ne prendraient pas leurs jambes à leur cou durant la nuit et, surtout, Brian avait envie de profiter d’un peu de temps ensemble. Alex se mordit les lèvres, manquant d’insister pour au moins remettre le buisson fruitier en terre, et suivit plutôt son amoureux sur la terrasse.
Les questions végétales furent rapidement oubliées, ainsi que tout autre type de considérations. Ils étaient blottis paresseusement. Les caresses alternaient des moments d’immobilité confortable, sous les ronflements du matou qui n’avait pas voulu les laisser tranquilles. Moment serein sous l’épée de Damoclès qu’était leur tracas commun, bientôt énoncé sans être nommé. Alex se contenta de raffermir sa prise sur Brian et de s’en rapprocher un peu, à la mention de l’hécatombe. Truc miaula d’outrage avant de jouer à saute-moutons avec les quatre jambes, à la recherche d’un nouveau nid. L’exilé posa son front dans le cou de son compagnon, sans répondre. Ils avaient tous deux été là, après tout. Au contact de ses pommettes, Alex s’étira le cou, imitant involontairement leur ami félin lorsqu’il recherchait des attentions.
- Je me suis toujours juré d’être un meilleur père que celui que j’ai eu…
- On se dit tous ça.
Puis, son père était mort en héros. Ça foutait non seulement la pression, mais c’était bien la preuve que Gabriel comptait embêter Alex jusque dans sa mort. Lui foutre une pression de performance inutile et inexpugnable. Il y avait déjà des années que ces évènements s’étaient produits, et le druidon qu’il était toujours aux yeux de son défunt père n’avait toujours pas apprivoisé toutes les conséquences de ce décès, et certainement pas la notion qu’Alex se hissait lui-même des barrières.
- Puis j’ai cessé de penser à la paternité après que…
Alex ne pouvait se lover davantage, et il choisit donc d’enserrer son amoureux plus fortement encore. Lui montrer qu’il était là, avec lui. Qu’il le comprenait et le soutenait. L’expression sévère, il ne disait toujours rien. Ne savait pas quoi dire. Lui aussi, avait fait ce deuil. Après avoir passé le plus clair de sa vie adulte à tergiverser sur ce sujet, à jongler avec l’idée qu’il pourrait être père ou non, selon la personne avec laquelle il tomberait amoureux, puis avec la notion d’adoption – et ses alternatives – si, vraiment, c’était un rêve qu’ils auraient désirer partager, il avait accepté en prenant le chemin de l’exil, d’abandonner sa part d’homme qui rêvait de paternité. Il n’avait jamais réalisé autant qu’alors à quel point ce désir viscéral lui importait et l’avait accompagné silencieusement, presque invisible, même. Et voilà qu’on le ramenait violemment sur terre, en allant gratter dans les vieilles plaies de ce deuil avec lequel il avait fait la paix. En lui forçant la main, qui plus est. C’était bien là quelque chose dont le scientifique avait horreur. Que chacun laisse à tous leur libre-arbitre, et tout le monde n’en serait que plus heureux. Il ne réalisait même pas que ses mâchoires s’étaient tendues.
- S’ils font appel à nous, c’est que les foyers plus adaptés vont être saturés.
Alex se délogea pour observer Brian. En étaient-ils venus à la même conclusion? Qu’ils étaient de simples outils aux yeux des dirigeants. Pas comme ces foyers qui en bénéficieraient également, mais d’une manière plus sournoise et pernicieuse. Le druide laissa retomber sa tête et voulut se repositionner sur le dos, mais Brian l’attira de nouveau, cette fois pour échanger un baiser.
- Moi aussi, lui répondit Alex avec un sourire tendre.
Leur toilette était faite, mais Alex se traînait les pieds. D’une part encore trop peu habitué au rythme des citadins, de deux car il cherchait le courage de poser la question qu’il avait passé les dernières minutes à reformuler mille fois. Pour savoir si Brian partageait réellement ses craintes et ses impressions. Il se lança alors que Brian se glissait sous la couette.
- Y’a beaucoup de ménages en mesure de s’occuper d’un jeune surnaturel?
C’était le nœud du problème : devenir un espèce de joker pour leur envoyer les gamins qui feraient peurs aux autres parents, ou qui seraient jugés dangereux ou simplement incompris. Il savait que c’était infantile et égoïste, mais Alex ne pouvait s’empêcher de se sentir lésé à cette idée. Qu’on ait osé décider pour lui, ou qu’une forme de discrimination étrange s’établisse dans ce sens. Le pire étant qu’Alex savait qu’il aurait spontanément offert de s’occuper des jeunes plus particuliers, à la condition que le courant passe minimalement entre eux.
Alex s’assit sur le matelas, toujours habillé et, dos à Brian dans l’obscurité, il vida son sac, expliquant qu’une part de lui serait enchanté de recueillir un enfant, mais qu’il n’aimait pas qu’une autorité se donne le droit de le leur imposer, et qu’il voulait avoir les mêmes opportunités que d’autres au cours de ce processus, plutôt que d’être catalogué directement. Il avait également peur de mettre en péril ce qu’ils venaient de commencer à bâtir ensemble, mais s’imaginait également facilement réaménager la chambre d’ami pour en faire une chambre d’enfant spartiate, comme tout à cette époque. La présence de Brian dans son dos, qui l’enroba, le fit taire alors qu’on lui imposait de se reposer. C’était vrai qu’on réfléchissait souvent mieux après une bonne nuit de repos.
Une fois délesté de l’étreinte, Alex se releva pour se changer. Il déposa ses vêtements sur la table de chevet et marqua une pause avant de saisir le pyjama. Il espérait que sa rougeur soit invisible dans la nuit.
- J’ai eu pas mal chaud la nuit dernière. Ça te dérange, si…?
Alex avait l’habitude de dormir tout habillé. Par soucis d’économie de temps autant que par prudence. Mais sa situation avait changé, et il pouvait désormais se permettre un certain confort. Un instant plus tard, il se glissa sous les draps et dut forcer Brian à se retourner, non pas sans se mériter un coup de coude dans les côtes lorsqu’il effleura un bout de peau plus chatouilleux que les autres. En silence, Alex referma l’étreinte du garde autour de son corps, leurs doigts entrelacés contre son coeur.
Le druide n’était pas certain si cela faisait cinq minutes, deux heures ou toute une vie qu’il fixait un point invisible dans les ténèbres, et il était presque certain que Brian ne dormait pas plus que lui-même. Il vérifia son impression d’une question murmurée. Du mouvement du côté du garde indiqua un certain état d’éveil. Alex se disait que Brian ressassait probablement le même genre de pensées que lui, et n’arrivait donc pas à trouver le sommeil. Ça, ou bien il avait le bras engourdi. S’inspirant du vague et lointain souvenir d’un ex, le druide suggéra la seule chose qui pourrait les aider à rejoindre Morphée :
- C’est l’heure de ma prochaine scéance de remise en forme ?
Il y eut un moment de silence, dont Alex tint la fatigue comme responsable, puis le druide roula pour s’étendre contre son amant. À l’aide de petits baisers, il vint lui chatouiller les lèvres et plaider ainsi sa cause pour convaincre le marin. Pas besoin de mots. Cette thérapie aurait au moins le mérite de leur changer les idées et d’évacuer leurs soucis, en plus de les anesthésier à l’endorphine.
Ce ne fut pas un franc succès. Les pensées d’Alex ne s’apaisèrent à aucun moment, impolies et irrespectueuses, et se frayaient sans cesse un chemin à l’avant-plan de son cerveau. Le druide n’avait donc pas réellement le coeur à l'ouvrage et, dès que le militaire lui donna son congé, Alex alla se réfugier au bord du matelas, honteux et frustré. Il venait d’ajouter à sa cacophonie mentale plutôt que de la faire taire. Il devrait certainement s'en tenir dorénavant aux séances d'entraînement diurnes.
C’est un canadien cerné, à l’air grognon, qui se leva le lendemain. Il préféra ne rien mentionner et se contenta de discuter avec Brian des priorités du jour. Ne devraient-ils pas tous les deux aller donner un coup de main à la reconstruction de la barricade, si le garde se sentait suffisamment en forme? C’était l’évidence, mais alors quand s’occuperaient-ils de ces plantes qu’Alex avaient ramenées et qui ne survivrait pas indéfiniment sur leur support temporaire. Le compromis était évident : qu’ils se séparent et que l’un d’eux aille s’occuper de la barricade alors que l’autre s’occupait du jardin. Et nul n’avait besoin de mentionner le nom qui accompagnait chacune des tâches. Il y avait toutefois un risque que l’on pose des questions sur l’absence d’Alex, ou que l’on insinue qu’il ne faisait pas sa juste part.
- Tu leur inviteras à discuter avec moi. Qu’on me dise les choses en pleine face. Ou bien, tu leur diras que je jette des malédictions sur les mauvaises langues.
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Brian O'Conner
Meute & Clan : Clan des Gardiens Âge du personnage : 33 ans
Brumes du futur : Mentaliste Meute & Clan : Aucun Âge du personnage : 42 ans
Humeur : Troublé... Messages : 1229 Réputation : 250 Localisation : Poste de police
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses Jeu 25 Fév 2021 - 23:23
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Feat : Alex Cormier
Je sens bien qu’Alex est chamboulé. Trop de changements en peu de temps. Il n'est pas le seul bouleversé. Il y a quinze jours, je vivais en célibataire endurci dans une routine toute militaire. Aujourd’hui, l’homme que j’aime depuis tant d’années s’installe chez moi avec ses affaires, ses projets de plantations, ses attentes et ses envies. Tandis que je me glisse sous la couette, j’ai un pincement au cœur. Serais-je à la hauteur ? À sa hauteur ? Alex m’a toujours paru plus intelligent que moi. Par son métier scientifique déjà, et tout ce savoir druidique. Je n’ai pas honte de ma condition de soldat, j’ai juste peur de le lasser un jour. Qu’il me trouve primaire, trop terre à terre. Je repense à ses scarifications. Que signifient-elles ?
- Y’a beaucoup de ménages en mesure de s’occuper d’un jeune surnaturel ? - En fait, les orphelins surnaturels sont ceux qui trouvent facilement une famille d’accueil. Leurs gènes, leur immunité, leur force, tout fait qu’ils sont convoités.
Un revirement typiquement humain qui ne voit que son intérêt. Les monstres d’avant sont maintenant des alliés précieux, tant et si bien que tous n’hésitent plus à leur ouvrir la porte de leur foyer. Chiens de garde de luxe, ai-je envie de dire. Mais je sens que ce n’est pas le moment de critiquer la nature humaine. Au lieu de me rejoindre sous la couette, Alex s’assoit au bord du lit me tournant le dos. Mon cœur s’accélère. Ai-je dit quelque chose de contrariant ? Oublié un truc ? Ou ce qu’a annoncé Jézabel est en train de lui faire réaliser les implications d’une vie sédentaire. J’ai brusquement peur qu’il reparte.
Je ne suis pas loin. Alex m’explique ses inquiétudes. L’autorité de la ville le blesse. Je voudrais le rassurer. Le gouverneur n’a jamais obligé quelqu’un en quoi que ce soit, sauf pour les travaux d’intérêt général. D’ailleurs le fait que la palissade ait rompu va relancer le débat sur l’implication moindre de certains citoyens quand ils travaillent pour la communauté. Alex s’offusque à penser qu’on nous force la main, pour rien au monde je n’échangerai mon travail contre celui de Pierre Argent.
Toutefois, je comprends sa réaction. Nous venons à peine de nous retrouver. Nous n’avons pas encore construit cette vie à deux ni pris de nouveaux repères. Il faut du temps pour qu’Alex se sente chez lui et non chez moi. Et inversement, que je ne le considère plus comme un invité, mais un occupant à part entière de la maison, avec ce que cela implique dans les prises de décisions qui se feront dorénavant à deux. Je pousse la couette des pieds et viens me coller dans son dos en protecteur.
- On ne nous obligera en rien. J’y veillerai.
Je relâche mon étreinte pour lui permettre de se déshabiller pour la nuit. Je souris dans le noir quand il me demande la permission de dormir à poil. Je réagis quand ses doigts frôlent mon flanc, me maudissant d’être sensible aux chatouilles. Mais il ne l’a pas fait exprès, Alex cherche simplement à se lover contre moi. Je le serre dans mes bras avec un certain contentement. Dormir à deux est encore si nouveau que je peine à trouver le sommeil. Je pense à nous, ce couple en formation. L’arrivée d’un enfant peut tout chambouler, tout foutre en l’air ou au contraire être un ciment solide, un but commun. Alex s’agite, je bouge un peu pour trouver une meilleure position.
- C’est l’heure de ma prochaine séance de remise en forme ? - Si tu veux.
J’aime l’attention qu’il me porte, ses caresses et ses baisers. La semi-abstinence que j’ai observée depuis que tout a fichu le camp dans le monde fait que je n’ai pas de mal à écarter mes inquiétudes pour demain. Cela ne semble pas le cas de mon compagnon. La joute est laborieuse, mécanique. Je concentre mes efforts sur des câlins que sur du sexe pur et dur comme tout à l’heure. C’est toujours compliqué de sonner la fin d’ébats moyennement satisfaisants. Je mime donc la fatigue. Je n’ai guère à me forcer. Je suis vraiment à plat. Alex se réfugie sur son coin de matelas, laissant un vide entre nous que je n’ose combler en avançant une main. Je me colle donc dans ma position favorite pour dormir : en chien de fusil, les mains coincées entre les cuisses.
(…)
Le début de matinée est morose. Alex affiche une mine soucieuse. Je comprends qu’il aurait aimé pouvoir replanter le framboisier la veille. Aujourd’hui, je suis censé être de garde à l’une des portes de la première barricade. On alterne ainsi la pénibilité du métier. Sur la première palissade, il n’y a qu’un garde par porte. Les factions sont plus courtes, car le trajet est moindre. Le pire étant les portes Est et Ouest de la troisième palissade à plus d’une heure de cheval. Avec les dégâts commis par la horde, mes ordres seront peut-être différents.
- Tu leur inviteras à discuter avec moi. Qu’on me dise les choses en pleine face. Ou bien, tu leur diras que je jette des malédictions sur les mauvaises langues. - Personne ne médira de mon mec ! Tu sais jeter des malédictions ? demandé-je en souriant.
Je taquine Alex de baisers, seulement je sens bien que le cœur n’y est pas, il reste préoccupé. Le déjeuner se passe dans un silence relatif, Alex m’expose son plan d’action concernant les plantations. Je lui ressors la boîte à chaussures qui contient encore des graines. Celle-là même que je lui avais montrée, il y a des années pour renouer le contact plus que pour essayer de les faire germer. J’avais vite laissé tomber après des essais infructueux. Seuls une variété de haricot et du maïs avaient réussi à prospérer sous mes soins.
(…)
Je m’attendais à être envoyé à la palissade pour aider à reconstruire ce qui doit l’être, mais on m’envoie à l’annexe de l’hôpital. Pourquoi Jézabel ne m’a-t-elle pas averti ? Débordés par l’afflux de blessés, les soignants n'ont pas vu certaines des victimes agoniser, mourir et se relever. Je comprends d’où vient l’augmentation du nombre d’orphelins. Car généralement, on n’envoie pas les deux parents au casse-pipe quand la cellule familiale comporte de jeunes enfants. Des mères et des pères ont été attaqués par leur propre conjoint qu’ils veillaient. Je suspecte aussi nombre de blessés avoir caché une morsure. L’histoire de Dick est encore très présente. On est encore loin de l’émeute, mais la colère gronde, d’aucuns réclament pour leurs proches le traitement que mon ami a bénéficié avec Derek et Mafdet. Seulement, l’Atlante n’est pas là, et je doute Derek d’accord pour mordre tous ceux qui l’ont été par les marcheurs. La survie de Dick a ouvert une brèche dans la résignation des gens.
Mon travail est pénible : forcer les vivants à dire adieu à leur mourant et veiller que chaque mort reçoive le coup ultime qui l’empêchera de se relever. Tuer des morts… J’ai beau expliquer aux proches que les médecins ne savent pas pourquoi Dick a survécu. Qu’ils ont déjà testé la morsure d’un alpha et que cela n’avait jamais rien donné ! Que Mafdet n’est pas là, et quand bien même elle le serait, elle ne pourrait pas offrir son sang à chaque blessé. Qu’on ne sait rien du processus qui a sauvé Dick ni s’il était reproductible. Je pense à l’ancienne profession d’Alex. Peut-être qu’ils le feront bosser sur ce sujet. Je lui souhaite bien du courage pour récupérer du sang de la féline. La première fois, elle avait accepté pour qu'elle et Dick ne se fassent pas virer de Beacon Hills.
Les enfants orphelins ont été réunis pour certains dans la chapelle de l’hôpital sous la garde de quelques mamans bénévoles. Je connais chacun des mômes, au moins par leur prénom. Ils sont une dizaine, c’est énorme pour notre communauté et les moyens du bord. Une bouche de plus à nourrir n’est pas un fait anodin.
(…)
Lorsque je rentre à la maison, je constate avec ravissement qu’Alex n’a pas chômé. Je l’embrasse furtivement : je pue la mort.
- Vais me laver et me changer.
En quelques mots, j’explique quel a été mon travail de la journée avant de filer à l’intérieur, laissant Bidule aux soins d’Alex. C’est une chose de tuer les marcheurs qui parfois s’infiltrent, c’en est une autre quand on le connaissait de son vivant, qu’il était un collègue apprécié, un fermier avec qui je troquais souvent. Je comprends les familles éplorées qui ont l’impression que leur proche meurt deux fois. Ma décision est prise pour les enfants. J’ai une idée de la fourchette d’âge qu’il est raisonnable de privilégier. Seulement, la décision doit se prendre à deux. Je redescends propre et changé.
- On mange un peu plus tôt ? Ça nous donnera du temps pour aller à la réunion sans nous presser. J’ai pas très faim de toute façon.
On s’active à préparer le repas. Nos gestes s’accordent avec une tendresse muette. Comme prédit, je mange peu.
- J’ai envie qu’on adopte un enfant. J’ai posé ma fourchette et regarde Alex. J’aurais aimé avoir du temps avec toi avant. L’avantage dans ce drame : on a le choix. Mais je ne veux pas que cela devienne un marché. Mais…
Les circonstances font que tout cela se passe brutalement, pour les enfants et les adoptants potentiels.
- Je te propose les conditions suivantes : faut que le courant passe dans les deux sens, faut aussi que le gamin accepte d’avoir deux papas…
Nous restons une minorité et l’effondrement n’a pas aidé la cause LGBT : pour certains nous allons contre la survie de l’espèce humaine. Pierre Argent veille à ce que la religion n’empiète pas sur sa gouvernance. Mais cela n’empêche pas l’obscurantisme de grincer des dents çà et là.
- On se donne le droit de refuser si on le sent pas.
Malgré son humeur maussade, Alex laissa Brian l’embrasser et le câliner. Il devait bien admettre que ça lui faisait du bien. Savoir que Brian le défendrait bec et ongles, et surtout qu’il était son mec lui réchauffait également le coeur après une nuit plus que moyenne. Il se contenta d’un regard en coin dans la direction du taquin et de quatre mots qui tombèrent plus sèchement qu’ils n’auraient probablement dû.
- Tu doutes de moi?
De son aptitude à ensorceler ses ennemis, s’il fallait être précis, mais cela ne revenait-il pas au même?
Après le départ de Brian, Alex était remonté à la chambre en se traînant les pieds, et avait observé par la fenêtre l’étendu de ce qui l’attendait. Une tâche qui lui apparaissait incommensurable maintenant qu’il se retrouvait seul pour l’abattre. Il resta un long moment à regarder à l’extérieur, comme paralysé par les gestes qu’il connaissait et savait devoir poser. Comme si sa nouvelle sédentarisation se signait ainsi, sans possibilité de faire volte-face. C’est le vieux matou qui tira le druide de son désarroi en se frottant contre ses mollets, un miaulement aigü en guise de salutation. Alex cligna des yeux à deux reprises et se pencha pour caresser le minet.
- T’as bien raison, répondit-il à Truc. Ça n’était pas en restant planté là que la liste de choses à faire allait s’amenuiser.
Pour éviter de se priver des ronronnements de la bête, il la prit dans ses bras et lui gratta la base des oreilles en redescendant au rez-de-chaussée. Malgré une protestation, le petit moteur ne s’arrêta pas. Truc se volatilisa simplement ailleurs alors que le jardinier était à quelques mètres de la cabane de jardinage. Le chat passa les heures suivantes à observer Alex bêcher, sarcler, creuser, transplanter, remblayer, aplanir et arroser le sol et les plantes qui donnaient tranquillement une forme au jardin, alors qu’il se transformait en potager et carré d’herbes. Sans oublier d’épandre un peu de fumier autour des tiges à la fois pour tuer les mauvaises herbes et enrichir doucement le sol. Ce n’était pas la tache la plus agréable, mais Bidule et Chose Première étaient heureusement en bonne santé. La base récupérée d’un carré de simples encore incomplet, mais Alex pourrait facilement trouver ce qu’il leur manquera auprès de voisins (distants), amis et autres camarades de fin du monde. Échanger des graines ou des boutures contre des conseils et des recettes de l’époque d’une aïeule oubliée serait certainement aisé.
Les mains pleines de terre et de mycobactérium vaccae, Alex se commençait à se sentir mieux. Truc l’épiait, assis et immobile comme une faïence, ou le suivait, la queue droite et les yeux grands ouverts. Le laborantin planta finalement le framboisier près de la terrasse, lui ajoutant un brise-vent naturel et une source de friandises aisément accessibles pour Brian. La charrette était majoritairement vide, et les végétaux y restant possédaient une vivacité hors-pair. Le druide savait qu’il avait encore le temps de trouver un endroit optimal pour ces plantes, sans qu’elles ne risquent d’envahir les autres cultures. Il restait également la boîte à chaussure de Brian, avec laquelle il comptait faire un jardin expérimental. Et ces planches de bois qu’il désirait abattre, mais refusait de faire seul. Il avait beau avoir eue la carte blanche de Brian, il ne désirait pas immédiatement démolir la clôture. D’une part, c’était plus prudent de le faire à deux, et plus aisé de récupérer les morceaux de bois pour les transformer en cadres et faire des carrés surélevés. Certes, ils auraient dû le faire d’abord, mais Alex n’en aurait pas eu le temps seul. Ensuite, ça leur donnerait un prétexte pour passer un moment ensemble, marmot ou non.
Alex grimpa sur la structure de bois, et sauta par-dessus pour explorer ce qui les attendait de l’autre côté. S’ils désiraient réellement avoir un poulailler, ils devraient songer à un endroit où l’installer, ainsi qu’à ajouter une porte pour un accès rapide. Au moins, les cours arrières attenantes du pâté de maison offraient de nombreuses possibilités aux amoureux, à ce niveau. Alex passa un moment à explorer ces carrés plus ou moins réguliers et redevenus sauvages, pour en saisir le potentiel, avant de tomber sur une découverte étonnante. Des framboisiers! Il éclata de rire en observant une sente où l’herbe semblait avoir été plus foulée qu’ailleurs. Il n’était donc pas le premier à les avoir trouvés. Un sourire malicieux aux lèvres, le druide essuya l’excédent de terre sur ses pantalons et cueillit quelques baies pour consommation immédiate. La croûte terreuse sur les mains et les avant-bras d’Alex avait bien séché, et en les frottant vigoureusement, il parvint à se débarrasser de la plus grande partie de la poussière de planète ainsi accumulée. Pour le reste, il rentra chez Brian, et alla remplir un vieil arrosoir d’eau, qu’il fit couler sur ses mains, au-dessus des plants récemment transplantés. Il en profita pour aller également abreuver les rosiers, dont les corolles se tournèrent timidement en sa direction. Il ne savait trop combien d’allers-retours il avait effectué, et commençait à craindre de n’avoir vider la cuve de réserve. Cette source d’eau n’allait pas être viable très longtemps pour le jardin entier. Alex trouverait une solution, sinon il pourrait demander à Brian.
***
Bien qu’Alex eut plissé le nez au baiser rapide de Brian, il tenta d’en glaner un second dès qu’il en eut l’occasion. Le garde abandonna le druide avec la monture, dont il gratta vigoureusement le cou avant de voir à ses autres besoins. Il était à peine rentré pour se diriger à la cuisine que Brian redescendait, frais et beau. Ils cuisinèrent à quatre mains un repas simple et relativement léger et Alex profita de chaque occasion qui se présentait pour embrasser Brian sur la joue, l’angle de la mâchoire, l’épaule… Son humeur était définitivement améliorée, et si la discussion qui se présenta l’entama, elle ne la fit pas basculer pour autant. Le druide se contenta dans un premier temps d’écouter son partenaire en hochant de la tête, pour ne pas lui couper la parole et ainsi risquer de lui faire perdre son idée ou de l’influencer. Il n’en savait pas moins pour autant ce qu’il répondrait. Du moins, c’était jusqu’à ce que Brian sous-entende une horreur qui lui valut un haussement de sourcil.
- Ça peut vraiment poser problème? demanda-t-il à mi-chemin entre la naïveté et l’acte révolutionnaire. C’est contre-intuitif : on va tout de même récupérer un môme qui aurait peut-être pas eu de place dans un autre foyer, sinon. C’était toujours mieux que de vivre une huitaine d’année en célibataire endurci sans bouquiner de gauche et de droite. Avec l’abandon des moyens de contraceptions, les couples stériles avaient une chance de laisser un répit à ceux qui seraient trop prolifiques. C’était froid et mathématique, mais ça n’était pas faux pour autant.
- J’aimerais aussi qu’on en adopte un. Puis, j’ai pensé à ce que tu as dit hier. Vaut peut-être mieux qu’on favorise les surnaturels : au moins on saura qu’on en abusera pas et les traitera comme ils sont : des personnes humaines.
Alex se tordit les mains sous la table, l’air sérieux mais toujours serein.
- Et si il manque de famille d’accueil, ça me fendrait le coeur de voir un enfant laissé pour compte. Je veux pas en prendre deux d’un coup, mais… Si la nécessité l’impose, on saura s’arranger. Tu ne crois pas?
Alex n’avait toujours pas mis les pieds à son nouveau boulot, mais il ne pourrait croire que le dispensaire était aussi bondé que les hôpitaux jadis : les gens ne pouvaient plus se permettre d’abuser du système de la santé en y allant pour des petits riens. Puis, la population s’était bien réduite. N’est-ce pas?
:copyright:Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
Merci Matrim & Chuck!
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses
Toi, Moi, le Chien, le Chat, les Chevaux et les Roses